Le brun alla dans la cuisine pour se lancer dans la préparation du petit-déjeuner, il était mort de faim. Il attrapa du thé et du café, ne sachant pour lequel se décider. Il allait demander son avis à Drago qui arrivait derrière lui, mais avant qu'il ait pu ouvrir la bouche le blond avait saisi nonchalamment le paquet de café, en laissant sa main glisser sur la sienne, sans vraiment réfléchir. Ils frissonnèrent à ce contact inattendu, troublés. Le Serpentard entama la préparation de la boisson à renfort de sorts, puis mit le couvert de la même manière, pendant que le Gryffondor se lançait dans la préparation de pancakes. Une fois que tout fût servi, les deux hommes s'installèrent l'un en face de l'autre à la table de la cuisine et commencèrent à manger silencieusement, profitant de la clarté du soleil qui inondait la pièce.
Il régnait une curieuse atmosphère ce matin-là, comme s'ils étaient liés naturellement, sans nécessairement avoir besoin de parler. Ils ne se souriaient pas non plus, car ils sentaient qu'il était inutile de rassurer l'autre, ils étaient bien et profitaient simplement de la sérénité partagée.
Malgré un sommeil très inconfortable, les deux hommes s'étaient réveillé de très bonne humeur après leur soirée de discussion. Cette dernière s'était déroulée lentement, tranquillement, dans la tiédeur du feu de cheminée. L'un comme l'autre avait tout fait pour étirer ce doux moment et retarder l'heure du coucher. Ils avaient donc relancés de nombreux sujets de conversation ainsi que plusieurs tournées de Biéraubeurre. Ils n'étaient guère pressés de se séparer et d'aller rejoindre seul un lit froid, accompagnés uniquement par leurs angoisses pour l'avenir.
Ce soir là, un nouveau type de lien, ténu, s'était noué et ils craignaient qu'en se quittant quelque chose ne risque de se briser, de changer. C'est en réalisant cela qu'ils prirent conscience qu'ils tenaient sincèrement à l'autre et qu'ils s'étaient attachés bien plus qu'ils ne l'auraient cru. Tout ce qu'ils avaient vécu ensemble durant ce dernier mois et demi les avait considérablement changés, mais pour rien au monde ils ne seraient revenus en arrière, malgré tous les coups durs.
Aucun des deux n'aurait osé se formuler ce qu'il ressentait profondément, bien évidemment. Néanmoins, le fait qu'aucun des deux n'ait pu clore la soirée – qu'ils avaient à nouveau terminée assoupis dans le canapé – en avait dit bien plus que tous les mots qu'ils auraient pu prononcer...
Le petit-déjeuner se poursuivait dans cette même quiétude qui les enveloppait depuis la veille. Drago, assis dos à la fenêtre, profitait de la tiédeur du soleil dans son dos. Il semblait littéralement irradier dans la lumière qui illuminait ses traits encore endormis. Son visage portait encore de petits plis, laissés par les coussins sur lesquels il avait dormi. Ce détail attendrit Harry car, pour une fois, le Serpentard perdait un peu de son élégance sophistiquée et semblait davantage accessible. Pour un peu, il aurait tendu la main pour parcourir du bout des doigts ces minuscules sillons. Il du se contenter de les explorer de ses iris verts. Avec la luminosité, ces derniers semblaient littéralement dévorer ses pupilles rétrécies et lui donnait un regard intense que Drago avait du mal à soutenir sans s'y perdre.
Ils se sentaient bien dans cette espèce de bulle, dans ce cocon protecteur qui se créait lorsqu'ils étaient ensemble. Le monde extérieur semblait disparaitre et leurs soucis se dissoudre. C'était tellement différent de la coquille de solitude dans laquelle ils vivaient au quotidien, protectrice elle aussi, confortable d'une certaine manière, mais terriblement vide et froide.
Ils auraient pu rester comme ça indéfiniment, dans cette paix partagée, dans ce moment suspendu. Les mots qu'ils ne prononçaient pas s'exprimaient différemment, par leurs gestes, leurs regards denses, et, curieusement, ils ne ressentaient aucune gêne, l'un comme l'autre, dans cet échange intense, singulier et intime. Tout cela semblait étrangement normal et aisé.
Ils finirent leur repas, puis Drago s'installa alors dans « son » canapé, son pc sur les genoux, tandis qu'Harry prenait une douche. Le blond faisait à nouveau le tour de l'actualité musicale et procéda à quelques écoutes de groupes. Une fois Harry sorti de la salle de bain, ils inversèrent les rôles et le brun prit possession du salon à son tour. Il ressortit les manuels d'astronomie qu'il avait mis de côté lors de son rangement du premier étage et entreprit de parcourir le premier tome. Rapidement lassé par l'entrée en matière relativement longue et académique de l'ouvrage, il abdiqua et alluma la télévision. Quand Drago le rejoint, il avait zappé sur la chaîne sorcière qui diffusait un dessin animé pour enfant un peu niais et d'un intérêt relatif. Le blond leva un sourcil en découvrant son hôte ainsi affairé et saisit le livre ouvert qui trônait toujours sur ses genoux.
« – Astronomie ? Tu ferais mieux de lire celui que je t'ai prêté, il est plus intéressant. déclara le blond posément en s'asseyant à côté de lui.
Il fit défiler rapidement les pages du manuel et s'arrêta sur une image mouvante d'une vue particulièrement belle de la Voie lactée qu'il détailla un moment. Ses yeux reflétaient son intérêt profond. Harry éteignit la télévision et se tourna vers Drago. Le blond s'arrêta à nouveau sur une double page qu'il lui montra :
« – Tiens, regarde, c'est la constellation du Scorpion dont je te parlais l'autre soir. » lui dit le Sang-Pur.
Le brun regarda attentivement la représentation des étoiles, reliées par des traits blancs et reconnut effectivement la forme très caractéristique de Scorpius.
« – Et ta mère, Narcissa, elle n'a pas d'étoile ou de constellation du même nom ? demanda Harry curieux.
– Non, fit le blond plus faiblement, son visage s'assombrissant légèrement au souvenir de sa dernière visite. Son prénom fait uniquement référence au personnage mythologique Narcisse. »
Le Gryffondor n'ajouta rien, il sentait que le sujet de la mère de Drago était sensible, particulièrement depuis la veille où il l'avait trouvée affaiblie. Il invita le Serpentard à lui montrer les quelques corps stellaires qu'il avait mentionnés la dernière fois, à la fin de leur séance d'observation.
Ce dernier parcourut les pages et consulta le sommaire pour essayer de trouver plus facilement. Après une minute de recherche, il s'arrêta et se rapprocha d'Harry, venant pratiquement se coller à lui, et il plaça le manuel entre leurs deux cuisses. Il lui parla de Régulus, le frère de son parrain, mais aussi d'un lointain ancêtre, nommés d'après une étoile de la constellation du lion et qui, avec notamment la rouge Arcturus – prénom qui figurait lui trois fois dans son arbre généalogique –, faisaient partie du triangle du Printemps et étaient donc visibles particulièrement à cette période de l'année.
Harry l'écoutait avec plaisir en suivant attentivement ses mains qui couraient sur les illustrations du livre. Ravi de constater l'intérêt de son interlocuteur – qu'il tenait à ne pas oublier cette fois –, Drago continua et parcourut à nouveau les pages pour lui montrer Andromeda, une constellation composée d'une courbe, rejointe en son milieu par une autre plus petite et perpendiculaire. Il lui parla également de la sœur de sa mère, du même nom, reniée depuis son mariage avec un sorcier d'ascendance moldue, Ted Tonks. Harry la connaissait quelque peu puisque cette dernière avait la garde de Ted Lupin, depuis la mort de ses deux parents. Il ne put empêcher son cœur de se pincer à nouveau de tristesse et de culpabilité. Vraiment, il fallait qu'il rende visite au garçon.
Le blond feuilleta encore le manuel et il s'arrêta à un dernier endroit pour lui dévoiler Cassiopea, une constellation en forme de W contenant cinq étoiles, nom également donné à son arrière-grand-tante. Puis, ayant terminé son exposé, il referma d'une main le manuel sur sa cuisse.
« – Voilà, tu sais tout ce qu'i savoir sur les liens entre ma famille et l'astronomie. » dit-il avec un sourire doux, tout en regardant Harry dans les yeux, le fixant longuement de ses iris gris.
« – Je te remercie, c'est vraiment passionnant. répondit ce dernier tout bas.
Il se sentait véritablement bien, la présence agréable et bienveillante de Drago le réchauffait. S'il avait pu plonger davantage dans son regard, il n'aurait pas hésité. Il se sentait comblé avec le blond et il avait la sensation qu'il ne faisait encore qu'effleurer le potentiel de plénitude de cette relation. Il avait envie de savoir où tout ça pourrait le mener, de découvrir la suite du chemin sur lequel ils avançaient ensemble avec naturel. Pour la première fois depuis longtemps, il souhaitait simplement de se laisser porter.
Un cri strident interrompit sèchement ce moment de grâce, faisant sursauter les deux hommes qui s'écartèrent brusquement, le cœur battant. Moon arriva en galopant dans le salon, le poil complètement hérissé, prêt à bondir sur la potentielle menace. Un hibou grand-duc brun sortit en trombe de la cheminée et pénétra dans la pièce, précédé par ses hululements aigus. Il s'engagea dans une courbe serrée et se posa avec élégance sur le bras du canapé proche de Drago. Il lui tendit promptement sa patte pour que ce dernier le déleste de sa missive. Le chat, posté non loin derrière le sofa, scrutait l'oiseau avec un regard réprobateur et méfiant, les pupilles comme deux lames acérées. Il se retenait de fondre sur le rapace.
Harry n'était pas tranquille, depuis qu'il travaillait avec le blond, les hiboux n'avaient été que des oiseaux de mauvais augure. Le Sepentard aussi semblait tendu, il détacha et déroula le petit rouleau de parchemin avec des doigts tremblants et empressés. Il étira le message devant lui et le parcourut rapidement. Ses yeux s'agrandirent et il blêmit, il serra les poings et se précipita vers l'escalier. Harry courut à sa suite, arrivant au premier tandis que le blond disparaissait dans la petite pièce du fond.
Harry le rejoint dans sa chambre, il s'adossa au chambranle, n'osant s'approcher et le suivit des yeux tandis qu'il fouillait dans ses bagages et jetait des éléments sur le lit.
« – Que se passe-t-il Drago ? demanda le Gryffondor, anxieux.
– Mon père me demande de le rejoindre, il est à Sainte Mangouste avec ma mère, elle a fait une rechute. lui expliqua le Sang-Pur en le regardant à peine. Je n'ai pas plus d'explications, il faut que j'y aille tout de suite. »
Harry réfléchit rapidement, il comprenait l'angoisse du blond, il aurait aimé pouvoir l'en alléger.
« – Tu veux que je vienne avec toi ? proposa-t-il. »
Drago s'arrêta une seconde pour considérer la question. Bien que l'envie d'être accompagné par son ami soit séduisante, il avait la sensation que ce n'était pas la place de ce dernier, qu'il ne fallait pas mélanger ces deux mondes, que le bonheur que lui apportait Harry serait obscène à côté de la gravité de la situation de sa mère. Il pressentait qu'il ne pourrait se concentrer pleinement sur Narcissa si le brun était là or elle méritait toute son attention.
« – Non, il ne vaut mieux pas. Je te tiendrai au courant de toute façon. » dit le Serpentard en rassemblant sur le lit ce qu'il avait mis de côté : un peu d'argent, sa baguette, des papiers, une robe noire.
Harry n'osa pas lui dire qu'il ne saurait pas quoi faire sans sa présence, qu'il risquait de toute manière de penser à lui tout au long de cet après-midi, de s'inquiéter pour sa mère et qu'il n'avait pas envie de le voir partir à nouveau. À la place, il hocha doucement la tête et le laissa filer comme un coup de vent, ses affaires réduites glissées dans une de ses poches. Harry se laissa tomber sur le lit, au milieu des objets laissé en plan et il sentit la solitude de la veille venir s'assoir tout contre lui. En son for intérieur, il priait pour que Narcissa aille bien, qu'elle récupère vite et qu'elle lui renvoie rapidement son fils. Il se trouva terriblement égoïste. L'arrivée de la chouette avait fait brusquement voler en éclat sa sensation de bien-être et il se sentait désormais orphelin et seul dans le manoir.
Drago sortit en trombe de la cheminée de son appartement et se rua en bas de l'immeuble. Il ne connaissait pas bien le quartier autour du Square Grimmaurd et il avait donc préféré repasser par chez lui pour ne pas perdre de temps inutilement, même si c'était risqué. En effet, à peine eut-il mis un pied dans sa rue qu'il aperçut plusieurs sorciers piètrement déguisés sursauter d'intérêt. Il ne s'en soucia guère et continua sa course en direction de la station de transplanage la plus proche, les journalistes sur ses talons.
Il en sema quelques-uns sur sa route, les moins sportifs et les moins acharnés, mais il en avait toujours un ou deux à sa poursuite lorsqu'il pénétra dans la vieille boutique poussiéreuse d'électroménager d'occasion qui servait de station. Il entra dans l'un des frigidaires miteux et disparut. Il se matérialisa dans une autre partie du centre de Londres, non loin de l'hôpital et sortit du sauna privé où il avait atterri. Il reprit une bonne allure, mais sans courir cette fois, car il était dans une avenue commerçante achalandée. Il s'arrêta devant l'ancien bâtiment aux briques rouges de Purge & Pionce Ltd et traversa la vitrine après avoir exposé la raison de sa venue à l'un des mannequins présents. Il atterrit dans le hall principal de l'hôpital. Drago ne fit attention ni aux regards insistants des quelques curieux l'ayant reconnu ni au brouhaha ambiant, son cœur, excité par l'effort et le stress, battait frénétiquement dans ses oreilles.
Connaissant le chemin, il se dirigea directement vers le quatrième étage et se faufila dans l'ascenseur. Ce qu'il pouvait détester l'emprunter, c'était possiblement le seul endroit au monde qui le rendait claustrophobe.
Il vit défiler les étages avec une lenteur qui le rendit fou. Les corridors se ressemblaient tous, seul un liseré coloré permettait de savoir dans quel service on se trouvait : bordeaux désignait le Service des accidents matériels au rez-de-chaussée, le violet celui des blessures par créatures magiques situé au premier étage, le Service des virus et microbes magiques, au second, était en bleu, et celui des empoisonnements par potions et plantes, au troisième étage, était en rose. Il n'y avait pas de couleur spécifique pour le cinquième et dernier étage puisqu'on y trouvait simplement un salon de thé et la boutique de l'hôpital.
Orange, enfin ! Il se sentit légèrement mieux lorsque les portes de l'appareil s'ouvrirent et pénétra dans le Service des pathologies liées à des sortilèges où sa mère était déjà venue plusieurs fois.
Drago s'adressa à une Médicomage qui passait là et qui lui indiqua en soupirant la chambre qui avait été assignée à Narcissa. Il avança dans le long couloir qui y menait, il passa devant la salle 49, celles des prises en charge de longue durée. Après un coude, il arriva près de la petite pièce numérotée 43 qu'il recherchait. Son père était adossé contre le mur, juste à côté de la porte. Il avait l'air épuisé et hagard. Quand il aperçut son fils, il sembla soulagé et fit un petit signe de menton dans sa direction.
« – Comment est la situation ? » demanda Drago de but en blanc.
Lucius soupira lourdement et lui fit un résumé rapide en se redressant.
« – Narcissa était particulièrement faible ce matin au réveil et ça n'a fait qu'empirer tout au long de la matinée. Elle a perdu connaissance il y près d'une heure, je l'ai amenée d'urgence ici. Ils sont en train de lui faire passer des examens. détailla-t-il d'un ton las. Et je viens seulement de réussir à me débarrasser des derniers paparazzis. Ces gens sont pires que de la vermine. » finit-il rageusement.
Drago acquiesça gravement. Il fallait donc attendre le verdict des Médicomages.
« – Oui, j'ai dû en semer plusieurs en venant ici. » Il marqua une pause pour dévisager son père. « Et vous, comment allez-vous ? »
« – Je n'en sais rien, j'ai l'impression d'être entouré par une bande d'incapables. Ils n'ont toujours pas vraiment de protocole de soin à nous proposer. Dire qu'on est dans le plus grand hôpital sorcier d'Angleterre, si ce n'est d'Europe ! S'il ne tenait qu'à moi, je les aurais déjà poursuivi pour incompétence, tous autant qu'ils sont. s'emporta le chef de famille.
– Vous savez bien que cela ne résoudra pas le problème. » dit doucement le jeune homme.
Il vint se placer à côté de son père, adossé sur le mur, non loin de la porte de la chambre. Il lui était toujours étrange de voir la métamorphose de Lucius, d'ordinaire calme et distingué en toutes circonstances, capable de perdre son sang-froid et son sens rationnel en quelques secondes seulement lorsqu'il s'agissait de Narcissa. S'il pouvait être un mauvais père sur un certain nombre de points et un chef de famille aux choix questionnables, l'amour qu'il portait aux siens, et tout particulièrement à sa femme, ne pouvait en revanche pas être mis en cause. Le simple fait qu'il ne l'ait jamais forcée à devenir Mangemort, malgré la grande importance que cela pouvait avoir à ses yeux, suffisait d'ailleurs à en témoigner.
Au bout de quelques minutes, trois Guérisseurs sortirent de la pièce, l'un d'eux griffonnait quelques notes sur un parchemin. Les deux hommes blonds se remirent debout et les regardèrent passer. Une autre femme, une petite ronde d'une quarantaine d'années au visage jovial encadré par des frisettes châtain clair, sortit quelques secondes après et vint se placer en face d'eux. C'était Glwadys Lanckerter, la Guérisseuse en chef du Service des pathologies des sortilèges. Elle les salua d'un bref hochement de tête et leur fit le point :
« – Bonjour Messieurs Malefoy. Nous avons procédé aux examens habituels, la forme de Narcissa est pour le moment au plus bas. Nous l'avons mise sous sommeil magique pour quelques heures, afin qu'elle puisse récupérer. Nous procéderons à d'autres analyses plus poussées pour comprendre ce qui a pu causer cette nouvelle rechute et comment nous pouvons la contrecarrer. Prend-t-elle bien son traitement régulièrement ? A-t-elle été soumise à du stress dernièrement ? s'enquit-elle en regardant les deux Sang-Purs en croisant les bras dans le dos.
– Bien sûr qu'elle suit son traitement ! s'énerva Lucius. Nous ne nous amusons pas à jouer avec sa médication. » siffla-t-il entre ses dents.
Lanckerter, connaissant le personnage, ne se laissa pas démonter le moins du monde et continua à faire naviguer son regard de l'un à l'autre des deux blonds imposants en face d'elle. Drago posa une main sur l'avant-bras de son père pour lui intimer plus de retenue et prit le relais.
« – Vous avez dû constater que notre situation familiale intéresse particulièrement les médias ces dernières semaines vu que nos procès approchent et tout cela la préoccupe beaucoup. Nous faisons le maximum pour la tenir à l'écart, mais elle est tout de même touchée. Il est possible que cela ait causé cette nouvelle crise. expliqua Drago calmement, en affichant un visage impassible pour masquer son accablement.
– Bien, je vois. répondit la Médicomage compréhensive. Vous pouvez aller à son chevet, mais elle ne se réveillera pas avant plusieurs heures et vous devrez de toute façon quitter la pièce pour les examens prévus d'ici deux heures. Je vais vous faire porter un siège supplémentaire. » les informa-t-elle.
Ils la remercièrent, elle tourna les talons et disparut dans le couloir tandis qu'ils pénétraient dans la chambre 43. La pièce, de petite dimension, était éclairée par une fenêtre surplombée de fins voilages transparents, eux-mêmes encadrés de rideaux verts. Un petit tableau représentant une jeune sorcière assise dans un champ de fleurs était suspendu sur le mur faisant face à la fenêtre, proche de la porte d'entrée.
Narcissa se trouvait dans le seul petit lit de la pièce aux draps verts citron, assortis aux robes des guérisseurs. Un bien malheureux choix colorimétrique selon l'avis de Drago tant parce que cela témoignait du manque de goût le plus complet que parce que cela faisait ressortir la pâleur maladive de sa mère.
Il fit signe à Lucius de prendre l'unique siège disponible et s'agenouilla près d'elle. Même sans le contraste avec la couleur des draps, le teint livide de Narcissa était inquiétant. Les cernes de la veille s'étaient agrandis et dévoraient ses joues creusées, ses cheveux épars, désorganisés et sans éclat, gisaient autour de son visage. Drago serra les dents pour se retenir de hurler d'impuissance et de tristesse. Lucius se rapprocha à son tour et saisit l'une des mains froide de sa femme, pour la réchauffer. Si ses traits n'exprimaient rien, le jeune homme savait néanmoins qu'il souffrait énormément.
Un jeune stagiaire entra et leur remit un second siège. Drago le remercia et le garçon ressortit sans demander son reste. Le Sang-Pur avait oublié l'effet que sa famille pouvait parfois faire sur le commun des sorciers. Il approcha le fauteuil du lit, à côté de son père, et s'y installa.
Au bout d'une vingtaine de minutes, passées dans le silence et le recueillement, Drago se leva pour tirer les voilages et aérer un peu la pièce. Les rayons vinrent lécher un des côtés du lit et baignèrent Lucius dans leur clarté. Le jeune homme resta quelques secondes dans l'encadrement de la fenêtre, entre les battants ouverts, son ombre étirée semblant veiller sur les deux silhouettes diaphanes de ses parents.
Il ferma ses paupières un instant et se laissa bercer par la brise fraiche provenant de l'extérieur puis referma avant que la pièce ne devienne trop froide. Il laissa son regard parcourir la chambre et s'arrêter sur la petite fleur beige en forme de pompon qui se trouvait sur la table de chevet. Il avait appris lors de ses précédentes visites que c'était une Vitalys, une plante qui avait pour propriété de refléter l'état physique des personnes proches d'elle. Elles pouvaient être enchantées, comme ici, pour se concentrer sur un seul individu ou sur une zone restreinte, ce qui était très pratique. Il y en avait donc dans toutes les chambres de l'hôpital.
Celle de Narcissa n'avait pas fière allure, ses feuilles vertes étaient avachies et ses pétales, au lieu de former une belle corolle rebondie et chatoyante, retombaient mollement sur les côtés, sans relief. Elle donnait l'impression d'être presque fanée. Ce constat augmenta le pincement dans la poitrine de Drago. Il se rassit près de sa mère en silence. Son père avait les yeux fermés et le visage penché, la bouche reposant sur la main de sa femme. On aurait presque pu croire qu'il était en pleine prière, mais cela aurait été mal le connaitre, car la seule chose en laquelle il avait jamais cru était Voldemort.
Les minutes s'égrenèrent lentement, jusqu'au moment où l'équipe de Guérisseurs refit son apparition pour compléter la batterie d'examens. Les deux Sang-Purs furent donc invités à sortir. Étant donné que l'heure du déjeuner était déjà bien avancée, Lucius proposa d'aller se restaurer dans le salon de thé du cinquième étage, le temps que la chambre soit à nouveau accessible. Drago accepta volontiers, il avait faim.
Ils s'installèrent sur une des petites tables en fer forgé, sous l'immense verrière de type art nouveau qui surplombait toute l'échoppe du cinquième étage. Les cuisines et l'accueil se trouvaient dans une petite maison tout en boiseries et la salle s'apparentait à une terrasse avec sa vue à ciel « ouvert ». Quelques tables étaient encore occupées autour d'eux, mais aucune à proximité immédiate. Des oliviers en pot étaient répartis un peu partout, créant un peu d'ombre et d'intimité. Les deux hommes avaient eu le temps de parcourir la petite ardoise récapitulant le menu quand une jeune sorcière blonde avec des taches de rousseur vint prendre leur commande. Une fois leurs souhaits énoncés, elle rangea sa plume à papote avec un dernier sourire et tourna les talons.
Lucius croisa une jambe et s'adressa à son fils :
« – Drago, je pense qu'il faut que l'on se prépare à l'éventualité où ta mère doive rester à l'hôpital. » commença-t-il gravement.
Le jeune homme le regarda en plissant légèrement les yeux, il avait une vague idée d'où il voulait en venir et il n'avait aucune envie d'avoir cette conversation, pas déjà.
« – J'en ai bien conscience, la crise d'aujourd'hui l'a épuisée, elle devra probablement rester à Sainte Mangouste un moment. répondit-il doucement en croisant, lui, les mains sur la table.
– Oui, ça certainement, j'irai lui faire chercher des affaires après le repas. Non je veux parler de l'éventualité qu'elle doive y rester de manière prolongée… voire peut-être même définitive. » ajouta-t-il précautionneusement et à regret.
Drago fut choqué et ouvrit de grands yeux.
« – Mais enfin Père ! Nous n'avons même pas encore eu les avis des Médicomages que vous la condamnez déjà ! Je refuse de céder au désespoir, reprenez-vous ! »
Lucius se pencha vers lui et déclara d'un ton calme et se voulant apaisant :
« – Drago… Je dis simplement que nous devons nous y préparer. Nous connaissons tous les deux les risques de sa maladie. Nous devons nous organiser, car il est possible qu'elle ne puisse assister aux procès. Je vais réitérer ma demande de remise pour raisons médicales, avec les derniers événements, il est possible que cela passe cette fois-ci.
– Les procès sont dans un mois, elle aura le temps de s'en remettre. » fit le jeune homme, dépité par le pragmatisme froid de son père.
Il avait du mal à comprendre pourquoi ce dernier ne s'accrochait pas davantage à des pensées positives. Lucius le détailla de son regard pâle puis ses yeux dérivèrent sur quelque chose derrière son fils, ses prunelles se durcirent alors que ce quelque chose semblait se rapprocher et se matérialisa en un sorcier trapu en robe bleu nuit s'approchant de la table, à droite de Drago. L'homme, sans-gêne, s'introduisit dans la conversation des deux Sang-Purs :
« – Messieurs Malefoy, quelques mots sur les révélations de Ginny Weasley ? Sur l'hospitalisation de Narcissa ? Y a-t-il un lien entre les deux événements ? attaqua-t-il à toute vitesse, prêt à noter le moindre mot prononcé avec la plume et le parchemin qu'il tenait en main.
Drago se demanda si le journaliste faisait partie de ceux qui l'avaient suivi. Le regard de Lucius se fit assassin, il se leva brusquement et pointa sa baguette juste devant le nez bossu et proéminent de l'intrus. Drago se leva lui aussi précipitamment et plaça son bras devant la poitrine de son père pour tenter de calmer la situation avant qu'elle ne dégénère. L'homme en joue, un petit brun aux cheveux filasse, commençait déjà à rougir et transpirer à grosses gouttes. Les clients autour regardaient la scène, interdits.
Le chef de famille siffla entre ses dents :
« – Si vous osez encore vous approcher de moi ou de ma famille, vous le regretterez très amèrement. Et je vous déconseille également de considérer, même de loin, l'idée d'écrire quoi que ce soit au sujet de ma femme, Monsieur le gratte-papier. » Le ton était acerbe et tranchant.
Le journaliste semblait à deux doigts de se liquéfier sur place, ce qui n'aurait pas déplu à l'aristocrate à l'autre bout de la baguette. Ce dernier s'approcha de sa proie et lui susurra à l'oreille, mielleux :
« – M'avez-vous bien compris ? »
L'homme, franchement en décomposition, hocha frénétiquement de la tête en serrant les dents. Lucius abaissa sa baguette.
« – Alors, allez-vous-en, » lâcha-t'il négligemment en retournant s'assoir, en parfait maître de la situation.
Discrètement, il avait laissé échapper un sort qui fit tomber en poussière la plume et le parchemin détrempé que l'autre tenait toujours en main. Le journaliste déguerpit rapidement, sans demander son reste.
Toute la scène s'était déroulée en à peine deux minutes et dans le plus grand calme. La serveuse sortit des cuisines, décontenancée, et demanda à la ronde si tout allait bien. Les clients, hébétés et peu sûrs de la nature exacte de ce à quoi ils venaient d'assister, hochèrent la tête sans conviction et reprirent progressivement leurs occupations en jetant de temps en temps des regards méfiants en direction de la table des deux blonds. Drago se rassit à son tour. Bien que familier de ce genre de coup d'éclat de la part de son père, il n'en restait pas moins impressionné par sa maîtrise d'expert en matière de menace et d'intimidation.
La serveuse leur apporta leurs plats et le repas se déroula sans nouvel accroc, mais dans un climat plutôt morose. Drago ressentait dur comme fer que sa mère allait s'en sortir, qu'ils allaient réussir tous les trois à traverser cette passe difficile et qu'elle serait toujours là quand Lucius ferait sa sortie d'Azkaban. Il en était convaincu, mais il ne savait pas comment transmettre cette certitude à son père. Encore quelques semaines à tenir bon et le plus dur devrait être derrière elle.
Lucius, de son côté, ne savait pas comment raisonner son fils, il ne souhaitait pas que ce dernier s'accroche à des espoirs irréels dont il ressortirait déçu et malheureux. Il comprenait qu'il ait besoin de ça pour continuer à se battre, mais il fallait qu'il regarde la réalité en face. Ils devaient envisager concrètement les démarches à mettre en place si jamais Narcissa ne pouvait assister aux procès ainsi que si elle devait séjourner à l'hôpital pour une longue durée.
Ils finirent leurs plats en silence. Leurs assiettes, une fois vides, disparurent de la table et la serveuse leur apporta la suite quelques minutes plus tard. Les desserts adoucirent quelque peu l'humeur des deux hommes qui les savourèrent tranquillement. Autant la cuisine était plutôt quelconque dans le restaurant, autant les pâtisseries étaient vraiment leur point fort. Ils réglèrent ensuite la note et redescendirent au quatrième étage pour retrouver Narcissa et enfin connaitre le verdict des Guérisseurs. Ces derniers sortaient tout juste quand ils arrivèrent aux abords de la chambre 43.
Gwladys Lanckerter s'adressa à nouveau à eux pour leur faire le part du diagnostic établit : Narcissa avait eu une rupture magique, probablement due au stress, ce qui avait causé l'échappée brutale d'une grande quantité de magie et provoqué son évanouissement.
Elle devait rester en observation durant au moins deux semaines, avec un suivi constant, le temps qu'un nouveau protocole de soin adapté soit élaboré. La complexité de ce dernier ainsi que de son système de contrôle de la progression de l'état de la malade détermineraient ensuite si l'aristocrate pourrait ou non retourner au Manoir. La possibilité que la Macula Fuscium ait progressé n'était pas non plus à exclure, mais il était encore trop tôt pour pouvoir se prononcer avec certitude sur ce point. Ils étaient désormais autorisés à retourner au chevet de Narcissa.
Lucius encaissa ce flot d'information sans broncher, Drago eut lui plus de mal à cacher son abattement. La Guérisseuse en chef les laissa pénétrer dans la chambre et les quitta avec un regard compatissant. Elle détestait apporter ce genre de nouvelles, quelle que soit la famille, car personne ne méritait d'avoir un proche si malade. Le cancer magique était vraiment sa bête noire. Dans son service, elle n'en croisait pratiquement jamais, mais celui de Narcissa était particulier. S'il n'avait pas été possible de le prouver jusque-là, il était fort probable que son mal provienne du sortilège de compte à rebours qui lui avait été lancé par Celui-Dont-On-Ne-Prononce-Plus-Le-Nom, c'est pourquoi elle avait été finalement affectée au quatrième étage et non gardée au second, au Service des virus et microbes magiques.
Jusqu'à présent, son état lui avait toujours permis de rentrer chez elle et d'avoir la plupart de ses soins à domicile. Cependant, les analyses du jour n'étaient pas bonnes, Glwadys craignait qu'elle ne finisse par rejoindre les patients de la salle 49. Celle dédiée aux hospitalisations de longues durées et aux affections incurables. Néanmoins, la Médicomage, fidèle à sa nature optimiste et joviale, préférait garder bon espoir pour la frêle malade. Une fois le protocole de soin élaboré, nul ne pouvait présager de son rétablissement. Surtout qu'elle avait lu, il y a peu, un article rédigé par un chercheur américain sur un nouveau procédé prometteur dans le domaine des cancers magiques. Elle se résolut à retrouver le parchemin et à approfondir ses recherches sur le sujet pour déterminer si cela pourrait aider Madame Malefoy.
Les deux blonds reprirent leur place dans les sièges de la petite chambre. Lucius fit apparaitre de quoi écrire et commença à noter une liste sur le petit morceau de parchemin en prenant appui sur le meuble de chevet. Il se redressa quand il eut terminé.
« – Carby ! » prononça-t-il fortement en claquant des doigts.
Un craquement sonore retentit et un elfe de maison apparut près de lui, il exécuta immédiatement une référence démesurée qui fit frôler le sol à son énorme nez tout rond.
« – Maître ? s'enquit la créature.
– Apporte-moi tout ce qui figure sur cette liste dans la petite valise de voyage de Narcissa. ordonna sobrement le chef de famille.
– Bien Maître, » répondit Carby affectation, dans une nouvelle révérence.
Il se volatilisa dans un nouveau craquement.
Lucius dirigea sa baguette vers son fauteuil et prononça un Sella Aperio qui eut pour effet de déplier ce dernier en une version inclinable selon les besoins, pouvant même aller jusqu'à l'horizontale pour devenir un couchage d'appoint relativement confortable. Il se réinstalla, prêt à rester longuement au chevet de sa femme. Un certain nombre de chambres étaient équipées de sièges inclinables de ce type, notamment dans les services où les patients séjournaient longtemps. Drago s'apprêtait à faire de même, mais son père l'arrêta d'un geste.
« – Narcissa va dormir encore un long moment. Il est inutile que tu restes ici avec moi, je t'informerai dès qu'elle sera réveillée. J'ai besoin que tu gères le Manoir en mon absence et que tu gardes bien en vue la préparation de ton procès et de ta défense. fit Lucius gravement.
– Mais… » commença Drago.
Son père le coupa avant qu'il n'ait pu continuer :
« – Passes ici tous les jours, mais ne laisse pas tout cela te déstabiliser. Ta mère aura besoin de toi après les jugements, ne l'oublie pas, il faut donc que tu puisses être à ses côtés à ce moment-là. En attendant, laisse-moi rester à son chevet et concentre-toi sur ta situation. reprit le patriarche, pragmatique et raisonnable.
Le jeune homme le regarda, blessé, il ne pouvait se résoudre à ne pas rester davantage auprès de sa mère, mais il savait que son père avait raison. Il ne pouvait pas se relâcher maintenant, il devait prendre sur lui. Il acquiesça finalement, la mâchoire serrée, et rangea sa baguette dans sa poche.
Carby réapparut bruyamment, les bras chargés par l'imposante valise quémandée par son maître. Il déposa son chargement à ses pieds, aussi précautionneusement que possible. Lucius ordonna ensuite à l'elfe de ramener Drago avec lui au Manoir. Le jeune homme posa un rapide baiser sur le front blafard de sa mère et fit un dernier signe de tête à son père avant de disparaitre avec la petite créature noueuse.
Lucius laissa un long soupir sortir de sa poitrine. Les prochaines semaines s'annonçaient éprouvantes. Il se félicita néanmoins d'avoir pu faire entendre raison à son fils pour qu'il reste à une saine distance de Sainte Mangouste. Il savait que ce dernier culpabilisait beaucoup à propos de la maladie de Narcissa et il refusait qu'il ne se laisse noyer par les remords et l'angoisse. Il avait donc profité du parfait prétexte des procès et de la gestion du Manoir et des affaires familiales pour le maintenir occupé et quelque peu à l'écart. Il fit léviter la valise à côté du petit meuble et l'ouvrit d'un coup de baguette, il en sortit un livre à la couverture rouge et usée, L'épopée du Dragon, un roman d'aventures, le préféré de Narcissa. Il n'avait jamais vraiment compris son amour inconditionnel pour cette histoire enfantine. Il ouvrit le volume à l'emplacement d'un petit marque-page en plume de paon et commença à lire à voix haute, comme il le faisait souvent quand cette dernière était au plus bas.
Drago ne s'attarda pas au Manoir Malefoy, il prit la Cheminette pour retourner directement chez Harry rassembler ses affaires. Il apparut dans l'âtre et vit le brun assoupi sur le canapé – décidément, c'était une manie – le téléviseur allumé. Il s'approcha et s'agenouilla à côté de lui. Il observa le Gryffondor quelques secondes, il découvrit deux petites cicatrices claires qu'il n'avait jamais vue, une sur la pointe de sa mâchoire, en bas de sa joue droite, et une seconde sur sa lèvre inférieure, puis il détailla son épaisse tignasse en bataille, pratiquement une signature potterienne. Il avait appris à apprécier le désordre organisé qui caractérisait le brun, tant dans son physique et sa façon d'être, que dans son environnement. Cela lui coûtait de l'admettre, mais les quelques jours passés chez lui avaient été vraiment très agréables et il craignait que tout cela ne lui manque beaucoup une fois réinstallé dans le Manoir du Wiltshire.
Il lui secoua doucement le bras du Gryffondor pour le réveiller. Le brun ouvrit les yeux, hébété, et le dévisagea. Il sembla ravi de retrouver le Serpentard, mais en observant son air grave, son début de sourire se fana. Drago n'avait aucune envie de lui annoncer son départ, il n'était pas pressé de quitter les lieux.
Harry se redressa sur un coude.
« – Comment ça s'est passé ? Comment va ta mère ? demanda-t-il au Sang-Pur.
Ce dernier soupira et rassembla son courage pour lui répondre.
« – Assez mal. Elle a été hospitalisée d'urgence et doit rester à Sainte Mangouste un moment. Elle a été mise sous sommeil magique. Ils lui ont fait toute une batterie d'examens et ils doivent mettre en place tout un nouveau protocole de soin. On ne sait pas du tout dans combien de temps elle pourra rentrer. En attendant, mon père reste à son chevet, je dois donc prendre le relais au Manoir. »
Le blond soupira à nouveau et regarda Harry avec tristesse.
« – Je ne peux plus rester ici. compléta-t-il à contrecœur.
Cette dernière phrase transperça Harry. Il s'attendait pourtant à une éventualité de ce type, mais il l'avait redoutée et éloignée de lui. Il se dit que sa réaction était démesurée, après tout, ils n'étaient amis que depuis très peu de temps.
Drago se pinça les lèvres et le brun détourna les yeux. Il posa la question fatidique :
« – Quand pars-tu ? prononça-t-il
– Dès que toutes mes affaires seront rassemblées. »
Harry se forgea un visage impassible et le regarda.
« – Ok, » fit il simplement.
Le brun s'assit. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il se sentait trahit et cela le mettait en colère.
Drago, désormais dans son dos, reprit la parole.
« – J'aurai un service à te demander… commença-t-il timidement. Je sais que j'exagère, mais… Crois-tu qu'il te serait possible de garder Moon quelque temps ? J'ai peur qu'avec la gestion du Manoir et des affaires familiales je n'ai que peu de temps à lui consacrer et comme il a l'air de se plaire ici… »
La dernière phrase mourut dans sa gorge. Harry jeta un coup d'œil par-dessus son épaule.
« – Oui, bien sûr. » accepta-t-il d'une voix monocorde.
Le Gryffondor se mit debout, éteignit la télévision d'un coup de baguette et alla dans la serre. Au moment de refermer la porte derrière lui, il lança à Drago :
« – Passe me voir quand tu auras terminé de rassembler tes affaires, que tu m'expliques comment m'occuper de Moon et qu'on voit pour l'organisation du travail sur le procès. »
Le blond hocha la tête, Harry referma la porte vitrée. Drago quitta à son tour le salon pour faire ses bagages, sans grande motivation.
Il ne lui prit que quelques minutes de tout ranger. Il referma sombrement sa valise et redescendit. Il prit de quoi écrire et rédigea quelques instructions sur les besoins de Moon sur un morceau de parchemin qu'il laissât ensuite en évidence sur la table de la cuisine. Après avoir fait des câlins à son chat en lui expliquant la situation, il rejoint Harry dans la serre. Ce dernier était allongé à même le sol, sur les pierres froides, un peu en retrait dans la pièce. Drago vint se mettre en tailleur non loin de lui et suivit son regard absent dirigé vers le plafond.
« – Hey. fit-il doucement.
– Hey, » répondit le brun sur le même ton, sans bouger.
Le Serpentard se tortilla un peu dans sa position et attrapa un morceau de sa robe de sorcier qu'il tritura.
« – Je vais y aller… Pour le chat, c'est assez simple, je t'ai tout noté sur un parchemin dans la cuisine, tu auras les doses et la fréquence de ses repas, ainsi que les indications pour changer sa litière magique, même si tu ne devrais pas en avoir besoin, ça se fait une fois par mois seulement. »
Harry lui jeta un coup d'œil.
« – Ok, » répondit-il simplement.
Le blond croisa son regard un instant, puis préféra fixer le sol à ses pieds, il tournait toujours le coin de sa robe entre ses doigts.
« – Et sinon pour le travail, je te propose qu'on reste sur le même fonctionnement, si ça te va. Je passerai les après-midi, à partir de 14h30 comme on le faisait au début. » proposa Drago prudemment.
Le brun acquiesça, forçant son interlocuteur à le regarder pour connaitre sa réponse, puis il redevint immobile. Le Sang-Pur se sentait très mal que la situation prenne cette tournure inconfortable. Il se doutait que son départ brutal ne serait pas très agréable, mais il ne pensait pas que cela serait si tendu. Harry semblait véritablement vexé ce qui rendait ces espèces d'au revoirs particulièrement pénibles. Comme si retourner au manoir du Wiltshire ne l'était pas suffisamment…
Mal à l'aise, et, ne voyait pas bien ce qu'il pouvait ajouter, il conclut donc cet échange déplaisant.
« – Bien… Dans ce cas je vais te laisser Harry. On se voit demain. » fit-il en se levant. Il avait l'estomac serré. Il aurait aimé que le brun le retienne, même un tout petit peu.
– Ok, » répéta le Gryffondor en guise de point final.
Son regard retourna au plafond. Drago s'éloigna de lui et quitta la pièce silencieusement.
Harry se sentait terriblement égoïste d'être en colère contre le Serpentard qui le laissait seul, alors que ce dernier n'avait pas le choix et que sa mère était gravement malade. Le brun savait qu'il ne lui facilitait pas la tâche en se comportant comme un gamin capricieux, mais il ne pouvait s'en empêcher.
La solitude qu'il prisait tant dans les débuts de sa vie d'adulte, la même qu'il avait parfois regrettée quand il avait été en couple, le terrorisait désormais. Pour rien au monde il n'avait envie de retourner dans cet état végétatif et morose qu'il connaissait trop bien. Malgré les hauts et les bas de sa cohabitation avec Drago, il avait apprécié cette période, il s'était senti vivant. Il essaya de se consoler en se disant que la présence de Moon lui garantissait que le blond ne disparaîtrait pas dans la nature. Et mieux valait un compagnon, même à fourrure, que pas du tout.
Il passa un long moment dans la serre à méditer sur le point où en était actuellement sa vie et à laisser simplement courir ses pensées.
Il fit le triste bilan sur sa relation avec Ginny. Il se dit qu'il avait été un bien piètre petit-ami pour la rouquine. Il espérait que cette dernière trouverait chaussure à son pied à l'avenir, même si cela devait être quelqu'un d'autre que lui. Elle serait mieux sans lui, vraiment.
Il se demanda si un jour, lui aussi trouverait quelqu'un qui lui correspondait ou s'il était condamné à être malheureux et fermé. Peut-être qu'il n'était pas fait pour les relations, cela arrivait. Ou peut-être que Drago avait raison, il avait encore besoin de temps et il valait mieux qu'il mette cela de côté en attendant qu'il ait réglé ses problèmes. Il sourit faiblement en repensant au blond, ce dernier savait trouver les mots réconfortants. Il arrivait à le cerner avec justesse, parfois même trop lorsqu'il mettait le doigt pile dans ce qu'il ne voulait pas voir. Harry considéra leurs quelques jours de cohabitation. Quelle drôle d'évolution quand même. Même en analysant en détail les événements récents, il n'arrivait pas à s'expliquer son attachement nouveau pour Drago, cette amitié singulière qu'il ne parvenait pas à comprendre, mais qui lui semblait désormais indissociable de sa vie. C'était comme s'il n'y avait pas d'explication tangible et rationnelle. C'était là, tout simplement. Et il aurait aimé que le blond le soit aussi.
Sentant que ses raisonnements sinistres sur sa solitude actuelle allait commencer à tourner en boucle, il se leva et rejoint la cuisine. Il jeta un coup d'œil rapide au parchemin laissé à son intention et nourrit Moon en suivant les instructions de son maître. Il alla ensuite directement se coucher. Au moment de se glisser dans les draps, il reconnut l'odeur singulière et musquée du Sang-Pur qui lui rappela avec aigreur sa fraiche et complète solitude. Il réalisa alors qu'il n'avait pas refait le lit depuis que Drago avait changé de chambre. Il se sentit troublé et triste, trahi et orphelin pour la deuxième fois de la journée. Ça l'irrita qu'une seule personne, sans le vouloir et probablement sans le savoir, puisse le mettre dans cet état. C'était incompréhensible.
Il s'en voulut d'être si vulnérable dernièrement. Il sortit rageusement sa baguette, lança une série de sorts pour changer le couchage et envoya les anciens draps dans le bac de linge sale de la salle de bain. Puis il se glissa enfin dans son lit. Au fond de sa couche froide et bercé par les grincements lugubres du Manoir, il regretta un instant d'avoir agi si vite. Peut-être que l'angoisse qui lui serrait le ventre aurait été moins palpable s'il était resté enveloppé dans la douce fragrance du blond.
Il soupira, comme souvent avec Drago, il avait l'impression d'avoir dix-sept ans à nouveau et d'être obsédé par le Serpentard. Qu'était-il en train de devenir ?
Il batailla beaucoup pour trouver le sommeil qui ne venait que par intermittence. Vers le milieu de la nuit, fatigué de lutter pour s'empêcher de penser, il mit en application une idée saugrenue et fit entrer Moon dans la chambre, qui fut trop heureux de prendre possession des lieux.
Ils s'installèrent confortablement dans le lit, la petite bête roulée en boule entre ses pieds. Cela sembla très efficace car il s'assoupit enfin au bout de quelques minutes seulement. |