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au 31 Mai 21 :
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Par Lykeios
Harry Potter  -  Romance/Amitié  -  fr
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    Chapitre 8     Les chapitres     6 Reviews    
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Le lendemain, Drago avait – pour une fois – quartier libre le matin. Il en profita pour passer chez son disquaire préféré. Au-delà d'être une personne adorable et passionnée, Stan avait eu la bonne idée d'établir sa boutique suffisamment proche de chez Drago pour qu'il puisse faire le trajet à pied. Ce qui était parfait lorsqu'il avait besoin de satisfaire une fringale musicale inopinée.

Malgré les quelques clients présents dans le magasin, Stan prit le temps de discuter avec Malefoy. Ce dernier lui donna notamment son avis sur le dernier disque qu'il lui avait pris, il l'avait aimé, mais pas adoré. Stan lui conseilla alors de nouvelles choses. N'arrivant pas à se décider sur ce qu'il souhaitait choisir (son emploi du temps ne lui avait pas permis de suivre les sorties ou d'écouter de nouveaux groupes), il finit par se fier aux conseils du disquaire et lui prit un vinyle d'Explosions in the Sky et un autre de This Will Destroy You – « des valeurs sûres » dixit Stan.

Puis, au moment de régler, il se ravisa et s'arrêta devant un bac pour en sortir le premier album de Portishead, « pour Potter et son inculture crasse », pensa-t-il alors que l'ombre d'un sourire effleurait ses lèvres.

Il paya ses acquisitions et rentra tranquillement chez lui. Sur le chemin, il en profita pour repasser dans son restaurant asiatique favori, à l'angle de la rue où il demeurait, pour prendre un plat de tofu et nouilles sautés aux légumes. Il prévoyait d'agrémenter son repas de midi d'une petite séance d'écoute. Le pied.

Et effectivement, il savoura tout autant la nourriture que la musique, remerciant mentalement tous les dieux moldus d'avoir donné à l'homme ces magnifiques inventions. Il jeta les boîtes de son repas, changea le vinyle sur la platine – mit This Will Destroy You – et alla s'allonger sur le canapé, vite rejoint par son chat qui se blottit contre sa jambe. Il ferma les yeux et écouta pleinement, se laissant porter par les atmosphères oniriques et envoûtantes. Il aimait percevoir le grain imparfait du vinyle qui trahissait toujours son support. Sans qu'il ne sache pourquoi, ça l'émouvait à chaque fois.

Il fut sorti de sa somnolence par le bruit caractéristique de la butée du bras de la platine sur la fin du disque. Il se leva brusquement, réalisant que l'heure du rendez-vous avec Potter était déjà bien dépassée.

Moon émit un ronron de mécontentement et se remit en boule sur un coussin, une patte devant la truffe.

Drago l'envia en allant chercher les documents de travail.

Il retourna le souvenir plusieurs fois dans sa tête, mais ils s'étaient bien donné rendez-vous à 14h30, il en était sûr. Plus de quarante minutes de retard et pas de Potter. Lui qui était très souvent fâché avec les horaires à Poudlard avait pourtant été très ponctuel depuis les débuts de leur collaboration. Drago ne savait pas s'il devait s'en inquiéter. Il préféra attendre encore un peu avant de démarrer le travail – il n'était pas tellement pressé de retrouver le problème qu'ils avaient laissé en plan la veille – et alla préparer du thé.

Harry apparut finalement dans la cheminée, alors qu'il terminait de disposer les tasses sur la table. Quand le brun fit son apparition, l'air sombre, Drago se souvint de son départ précipité de la veille et se sentit un peu coupable.

« – Dure nuit ? lui demanda-t-il.

– On peut dire ça, j'imagine. »

Harry se laissa tomber sur une chaise.

« – Je suis désolé pour hier soir, c'est moi qui t'ai entraîné dans cette histoire. Je n'ai pas pensé que ça pourrait poser un problème. fit Drago contrit.

– Ne le sois pas, c'était une sortie agréable. Ça n'aurait pas dû être un problème. Ce… c'est un peu compliqué. À vrai dire, c'est plutôt moi qui m'excuse, je t'ai laissé en plan hier et je suis en retard aujourd'hui. dit Harry d'un ton las.

– Ce n'est rien, je comprends. Thé ?

– Oh que oui ! Sinon je ne sais pas si j'aurai un seul neurone en éveil. »

Drago le servit tout en lui jetant un regard inquiet. Il s'en voulait beaucoup d'avoir dénigré mentalement le couple la veille. Leur relation ne le regardait pas et il n'avait aucun jugement à émettre dessus. Il se sentait d'autant plus mal à l'aise qu'il avait la sensation que le brun ne lui disait pas tout. Il ne voyait cependant pas comment l'inviter à parler de ça sans que cela ne soit déplacé.

Ils se mirent au travail peu après. Mais ils ne parvinrent pas plus que la veille à résoudre ou à contourner l'écueil sur lequel ils butaient : apporter la preuve formelle des ordres donnés par Voldemort à Drago, afin de prouver que malgré l'absence de Marque des Ténèbres, ce dernier avait agit sous la contrainte. Par ailleurs, Harry avait du mal à rester concentré, il n'était pas très efficace. Drago proposa autre chose :

« – Bon, je crois qu'il ne sert vraiment à rien de s'acharner sur ça. Nous devrions peut être essayer de fonctionner dans l'autre sens, prendre le travail par l'autre bout et quand nous retomberons sur cet élément peut être qu'on aura alors des moyens de solutionner cette question.

– Je doute qu'on arrive à faire magiquement apparaître des preuves ou des témoins pour étayer les faits avancés, mais pourquoi pas. » répondit Harry, maussade.

Les deux hommes se remirent donc à la tâche. Réexaminant l'ensemble pour en dégager leur nouvel axe de travail. Drago prit de nouveau les devants pour le découpage des tâches. Le blond soupira, ils allaient se pencher sur son implication concrète durant la Guerre, notamment sur ses agissements pour porter atteinte à Dumbledore et pour faire entrer les Mangemorts dans Poudlard. Il fallait qu'ils mettent en place une défense contre les accusations de tentative de meurtre et d'intrusion de personnes non autorisées dans une enceinte protégée. Il sortit les documents correspondants à ces accusations.

Harry le laissa faire, il était en train de réaliser qu'il avait pris connaissance d'énormément d'éléments de la vie de Malefoy et de sa famille durant ces quelques derniers jours. Éléments qu'il n'avait pas forcément pris la peine d'intégrer, enfin de réellement intégrer dans la vision qu'il avait de Drago. Il n'avait pas pleinement réalisé l'importance du fait qu'il n'ait pas été intronisé Mangemort, ce que les deux manches retroussées des pulls du blond lui avaient pourtant démontré pratiquement tous les jours où ils s'étaient vus.

Il n'arrivait pas à croire qu'il soit passé à côté de ça.

Il avait lu l'appellation « ex futur-Mangemort » régulièrement dans la presse, mais il ne savait pas pourquoi, il n'avait jamais pris conscience que jamais Drago n'avait été un Mangemort. Et il ne comprenait pas pourquoi cette information n'avait pas été traitée dans son cerveau.

Probablement parce que, plus jeune, il lui semblait que l'avenir de l'aristocrate était tout tracé, délimité par le chemin de son père. Que leurs dernières rencontres avant la Guerre avaient corroboré ce constat. Que, quand ils s'étaient perdus de vue, Harry n'avait pas eu de raisons de réviser son jugement. Et enfin, parce qu'aujourd'hui encore, il y avait beaucoup de Lucius chez Drago : la prestance, les traits, la queue de cheval basse et serrée…

Le tableau d'ensemble lui sembla d'un coup avoir changé de couleur, il se sentit soudain plus léger, comme s'il était soudain délesté d'un point mort et il put considérer le Serpentard avec un œil neuf.

Il attrapa les parchemins que Drago avait placés devant lui pour les lire, mais repensa soudain à complètement autre chose :

« – Au fait Malefoy, il va falloir que tu m'expliques comment je me suis retrouvé entraîné par toi dans le concert d'un groupe moldu. Sur quelle pente glissante t'es-tu donc aventuré pour en arriver là ? Toi, le Sang-Pur de haut rang, anciennement fier jusqu'à la moelle de ton statut. »

Drago leva le nez de sa lecture et eut un petit sourire.

« – Ha, ha ! C'est une longue histoire. »

Il se réjouit du revirement d'humeur du brun, l'après-midi ne serait peut-être pas complètement morose finalement.

« – Il y a beaucoup de choses sur lesquelles je suis revenu et pas que les idées de mon père. Vois-tu, depuis la Guerre, j'ai eu l'occasion de découvrir le monde sous un autre jour. Et je me suis notamment intéressé aux moldus et à leur mode de vie. expliqua le blond.

– Mon dieu, qui aurait cru que Drago Malefoy deviendrait aussi fan de moldus qu'Arthur Weasley. fit Harry d'un ton narquois.

– Hé ! Ne me compare pas avec ce vieux cinglé ! se défendit le Serpentard en le menaçant de son index.

– Désolé, mais c'était trop tentant. Ainsi donc, plus de délire sur la nécessité d'être issu d'une lignée pure sur cinquante génération pour être un bon sorcier ? fit le brun en le regardant plus sérieusement.

– J'ai abandonné il y a un moment ces vieilles théories rances. À vrai dire, ce qui me plaisait principalement là-dedans, c'était le côté élitiste. Mais ne nous étalons pas sur moi, car pour en revenir à ce concert, il y a quand même un autre mystère à éclaircir : tu ne connais pas Portishead ! Comment c'est possible, Monsieur-j'ai-grandi-chez-les-moldus ?! »

Harry se cala contre le dossier de sa chaise en étudiant la question.

« – Bof, tu sais, ma famille d'accueil n'était pas ce qu'on peut appeler un modèle de culture. Mon entrée à Poudlard aura eu le bénéfice de me faire découvrir le monde. Donc au final, je suis presque plus ignare en culture moldue qu'en culture sorcière. fit Harry en haussant les épaules.

– Rien à faire, tu es donc un cas désespéré… Ah tiens, ça me fait repenser à quelque chose ! »

Drago se leva et revint avec un petit sac en plastique qu'il tendit à Potter.

« – Pour essayer de rattraper les dégâts, dit-il dans un petit sourire. C'est aussi un tout petit remerciement pour ton aide. »

Harry rosit en saisissant le sac et y plongea directement son nez pour essayer de dissimuler sa gêne. Il en sortit un disque.

« – Oh, c'est le groupe qu'on a vu hier. Et bien… merci beaucoup. Il ne fallait pas.

– Ça va, ne fais pas ton timide, ce n'est qu'un petit truc. On peut l'écouter si tu veux.

– Oh… ok. » fit Harry sans trop réfléchir, parfaitement décontenancé par l'attitude du Serpendard.

Drago prit le disque et se dirigea dans le salon, avant que le Gryffondor ait vraiment eu le temps de réaliser.

« – Attends, quoi ?! Tu as de quoi écouter ça ici ?! »

Le blond venait d'ouvrir les battants du meuble du salon qui révéla tout un équipement hi-fi sophistiqué ainsi que de nombreux disques et vinyles.

Il plaça le CD dans le lecteur.

Harry était stupéfait. Il n'aurait jamais pensé que la lubie du blond pour la culture moldue aille aussi loin. Il avait vraiment sous-estimé le chemin qu'il avait parcouru depuis Poudlard.

Il reconnut immédiatement l'ambiance du concert de la veille alors que la musique se diffusait dans tout l'appartement. Cela acheva de mettre ses tensions dans un coin de sa tête.

« – Vous êtes vraiment un être étrange, Monsieur Malefoy, dit-il amusé.

– Tu peux parler, Potter.

– Je n'ai pas viré ma cuti en moins de dix ans moi.

– Hey ! » pesta le blond en le poussant d'une main, comme un gamin vexé, faisant rire franchement Harry.

Ils s'assirent dans le canapé et écoutèrent le disque en silence pendant quelques minutes. Avant que Drago ne se lève à nouveau.

« – Tant qu'à être plongés dans de la musique moldue, autant faire les choses bien. Tu veux un verre Potter ?

– Pourquoi pas, tu proposes quoi ?

– Alcool moldu, pour rester cohérent, j'ai un whiskey new-yorkais tout à fait sympathique, aussi doux et délicat qu'il est traître.

– Ça, c'est original. Allons-y, tu m'as rendu curieux ! »

Dans l'armoire, Drago attrapa une courte bouteille arrondie aux lignes élégantes et arborant une étiquette beige dans le style années trente, il la brandit vers Harry, la présentant façon présentateur de télé-achat :

« – Monsieur Potter, je vous présente le Hudson. À consommer avec modération, bien sûr.

– Bien sûr. consentit le brun sur le même ton badin.

– Donc a priori pas à 16h30. précisa Drago, avec un grand sourire.

– Bien sûr.

– Bien sûr. »

Ils se regardèrent et hochèrent la tête de concert, l'air faussement sérieux.

Drago revint s'assoir et retira le bouchon de cire noire et de liège qui retenait le précieux liquide ambré. Il servit deux verres et la dégustation put commencer.

« – C'est vrai qu'il n'est pas dégueu ! constata Harry sans tact, en faisant claquer sa langue.

– Un peu de respect pour ce cru de qualité, on ne parle pas d'une vulgaire piquette quand même. maugréa le blond, qui sirotait classieusement le nectar alcoolisé.

– Roh, ça va, ne me ressort pas tes manières d'aristocrate pour un whisky moldu. le taquina le Gryffondor en levant les yeux au ciel.

– Un whisKEY ! le reprit Drago, stoïque.

– Pardon. fit Harry, pas vraiment désolé pour son erreur de prononciation.

– Pardon Monsieur ! »

Harry ne répondit rien, trop interloqué et amusé par cette facette nouvelle de Drago, visiblement beaucoup plus détendu qu'il ne l'avait jamais connu. La fugace bouffée de bonheur qui envahit le brun lui fit réaliser à quel point il s'était éloigné de la chaleur amicale de ses proches. Mais refusant la nostalgie à ce moment, il laissa le doux flottement de l'alcool le reconduire vers des pensées plus légères.

En continuant la dégustation, Drago lui expliqua la différence entre whisky et whiskey, qui reposait sur la provenance géographique et le mode de production, le premier étant produit en Ecosse (comme le scotch), alors que le second plutôt aux Etats-Unis ou Irlande (comme le bourbon). Le blond appréciait également ce moment, ce n'était pas si souvent qu'il avait l'occasion de partager ses passions avec d'autres personnes. Avec Harry, il avait la sensation de pouvoir naturellement être lui-même. Malgré l'étonnement qu'il pouvait susciter chez le Gryffondor, il avait l'impression que ce dernier était capable de l'accepter et cela lui procurait une bouffée d'oxygène plus que bienvenue. Il n'aurait jamais cru ça. Il se prit à penser que peut-être le brun ne l'avait jamais vraiment détesté, le Gryffondor avait simplement haï l'image de Lucius à laquelle il avait si longtemps tenté de ressembler.

Ils finirent leur verre avant la fin de l'album et se resservirent donc « pour ne pas être à sec ». Puis Drago mit un autre disque sur la platine pour accompagner le débat qu'ils venaient d'entreprendre sur l'épineux sujet de la comparaison qualitative entre la musique moldue et celle sorcière. Harry n'en menait pas large, mais il appréciait de voir avec quelle ferveur le blond défendait ses arguments, à grand renfort de références variées. Il dû d'ailleurs l'empêcher de toutes les lui faire écouter. Deux ou trois verres supplémentaires furent consommés pour soulager (délier ?) leurs langues fortement sollicitées.

Ce ne fut qu'en entendant son estomac grogner bruyamment, que Drago réalisa qu'il était largement l'heure du diner.

« – Oh ! On a encore trainé et été peu productifs. Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. » fit-il en se redressant sur le canapé, reprenant une position plus convenable que celle affalée qu'il occupait jusqu'à présent et qui laissait s'exprimer son corps légèrement ramolli par l'alcool. Un second grondement beaucoup plus fort se fit entendre. Drago rougit :

« – Hum, je propose qu'on mange un morceau avant que mon estomac ne s'attaque à mes autres organes. Je peux aller nous chercher des plats au coin de la rue, ça t'irait ? »

Harry, les pommettes colorées et peu pressé de retrouver le manoir, acquiesça :

« – Bonne idée, mais je viens avec toi cette fois, je suis curieux de voir comment Drago Malefoy se comporte avec le commun des moldus.

– Tu risques d'être sacrément déçu, je ne suis pas plus incroyablement brillant que le reste du temps. répliqua le blond avec emphase, le torse bombé de façon risible.

– Ben voyons !» dit Harry en roulant des yeux, amusé.

Légèrement éméchés, ils se mirent en route en continuant à plaisanter, surfant sur l'atmosphère légère de la soirée. Pendant qu'ils revenaient avec leur butin, Harry eu l'impression floue de voir une silhouette connue sur le trottoir d'en face qu'il scruta une seconde de trop. Il percuta Drago qui s'était arrêté pour prendre ses clés dans sa poche. Les deux hommes furent réceptionnés par le mur de l'immeuble, l'un affalé sur l'autre, leurs visages séparés par quelques centimètres. Ils se dévisagèrent, surpris, avant d'éclater de rire. Puis, entre deux ricanements, le blond tenta de redresser un Harry empêtré et lui tout aussi agité d'un rire idiot – mais qui avait réussi le petit miracle de ne rien renverser – avant d'enfin pouvoir ouvrir la porte et s'engouffrer dans l'immeuble.

Drago alluma la cheminée, ajoutant une lumière tamisée dans la pièce. Harry nota à nouveau qu'il avait une méthode singulière de procéder : il produisait d'abord une petite étincelle de sa baguette pour allumer un morceau de papier qu'il disposait ensuite sous les fagots. Il trouva cela inutilement compliqué mais n'eu pas le temps d'y faire mention car il fut interrompu par une question du blond :

« – C'est moi ou on a tendance à boire de plus en plus… et de plus en plus tôt ? »

Drago pénétra dans le salon et posa son chargement sur la table basse, suivi par son homologue.

« – Meuh non ! Enfin personnellement, vu que j'ai un peu tendance à ne pas avoir de rythme "standard", ça ne me traumatise pas de commencer l'apéritif à une heure aléatoire. répondit Harry franchement.

– Mon dieu Potter, mais y a-t-il un domaine dans lequel tu n'es pas irrécupérable ? » questionna le blond d'un air faussement atterré.

Le brun fit mine de réfléchir, tandis qu'il ouvrait une boîte de son repas, au hasard.

« – Le Quidditch ! Je suis sûr que je peux encore te mettre la pâtée quand je veux.

– Malheureusement, nous n'allons pas pouvoir vérifier ça ce soir. Je doute que de voler pompettes en plein centre-ville de Londres, soit très bien vu. Déjà que tout le monde me prend pour un playboy décérébré, je ne vais pas y ajouter des frasques de vol en état d'ébriété.

– Je vois déjà les gros titres : « Du Playboy au badboy, l'héritier Malefoy touche le fond ».

– J'essaye d'imaginer la tête de mon père en lisant ça. Un grand moment. »

Le blond entreprit également de déballer ses victuailles en humant les appétissants fumets.

« – Cela dit, reprit-il, ça aurait au moins l'avantage de me différencier de lui dans l'opinion publique.

– C'est sûr que les gens ne voient pas plus loin que la plume de Skeeter. » Harry réfléchit une seconde. « Maiiis, en même temps … c'est vrai que vous vous ressemblez.

– Absolument pas ! Mon père est vieux jeu et dans le style Sang-pur vieille école le plus classique qui soit. Je ne lui ressemble pas du tout. répliqua le Sang-pur, piqué au vif.

– Oui, non, mais ça d'accord. Mais admets qu'en termes « visuels » il y a quand même pas mal de points communs. essaya de tempérer Harry.

– Nos habitudes vestimentaires n'ont RIEN à voir. Vous êtes tous aveugles ou quoi ?

– Il n'y a pas que les vêtements. C'est plus un ressenti général. Je veux dire, vous partagez un certain nombre de traits en commun, une manière d'être assez unique, de la noblesse dans les gestes et la stature et puis surtout… vous êtes possiblement les derniers êtres humains à trouver la queue de cheval convenable pour un homme. finit-Harry, en se retenant de rire. Non, mais sérieusement, tu devrais abandonner ce truc, ça fait tellement guindé. Je suis convaincu que déjà sans ça, cinquante pour cent des gens arrêteront de te prendre pour lui dans la rue.

– Ça n'est presque jamais arrivé ! » se défendit Drago, vexé.

Harry ricana puis repris un petit peu plus sérieusement :

« – D'ailleurs, pour le procès de légères modifications vestimentaires ne feraient peut-être pas de mal. »

Drago plongea ses baguettes dans une des boîtes devant lui pour en mélanger le contenu.

« – Je suis certainement dans un cauchemar, je ne vais tout de même pas recevoir une leçon de style par un binoclard sans goût. fit-il en s'adressant au plafond.

– Pense ce que tu veux, n'empêche que je crois sincèrement qu'adopter des tenues plus « jeunes » pourrait jouer en ta faveur. répondit le Gryffondor.

– Je vais me réveiller. continua le blond en plongeant le nez plongé dans son repas.

– Allez, ne fais pas ton timide, singea Harry. Je suis sûr que sans cette queue de cheval et avec des fringues décontractées, tu aurais l'air presque sympathique. »

Le malaise du blond l'amusait. Il en rajouta :

« – Je serais curieux de voir ça d'ailleurs. »

Le regard noir de Drago lui indiqua qu'il frôlait les limites, il lui opposa une œillade goguenarde avant de poursuivre :

« – Il n'y a que moi ici, tu n'as rien à perdre à essayer.

– Je nierai tout en bloc demain matin. »

Le blond allait craquer, il ne manquait pas grand-chose. Harry enfonça le clou encore un tout petit peu :

« – Allez ! Fais donc honneur au classement de Sorcière Hebdo et révèle le mannequin qui est en toi. acheva le Gryffondor sournois.

– Ok ! fit Drago en se levant. Mais c'est juste pour satisfaire la fan-girl qui sommeille dans les tréfonds de ton subconscient Potter. Tu sais… celle qui avoue lire Sorcière Hebdo. » finit-il avec un clin d'œil.

Il sortit du salon. Le brun tiqua :

« – Hey ! Les collègues de Quidditch de Ginny peuvent être très bavardes, c'est tout. Je ne fais que répéter. »

Mais Drago était déjà loin, il rata donc l'air contrit d'Harry.

L'ancien Serpentard revint au bout de quelques minutes, il avait troqué son ensemble sombre – pantalon noir, chemise grise, pull cintré noir – contre quelque chose de plus clair : pantalon cintré gris, chemise blanche, cape grise.

Il avait, par ailleurs, conservé ses chaussures noires en cuir.

Harry hallucina. Il portait très bien l'ensemble, et le gris faisait ressortir ses yeux et sa chevelure claire. Mais bon dieu, il ressemblait toujours beaucoup trop à son père.

« – C'est ça que tu appelles une tenue décontractée et plus jeune ? questionna Harry sincèrement.

– Tu m'agaces Potter. Qu'est-ce qui ne te convient pas ?

– Pour commencer : les cheveux, les chaussures, le manque de couleurs. Et aussi les coupes, tu n'as rien de moins strict ? » demanda Harry en détaillant du regard chacun des vêtements posant problème.

Drago soupira et repartit se changer, il regrettait déjà d'avoir cédé. Il revint à nouveau avec de nouvelles propositions. Harry ne se prononça pas tout de suite, essayant de jauger les bons et les mauvais points. Le blond fit un tour sur lui-même avec un regard de défi, puis se planta devant lui, un sourcil relevé. Il portait désormais un pantalon beige, des chaussures en cuir marron et une chemise de lin crème.

Voyant que le brun semblait toujours en pleine analyse, il en rajouta en effectuant un gracieux mouvement de tête pour faire danser ses cheveux lâchés façon starlette de cinéma. Ce qui provoqua des émotions contradictoires chez son interlocuteur, le geste étant aussi ridicule qu'il était hypnotisant.

« – Alors, verdict ? » finit par demander Drago, agacé de ne pas susciter de réaction.

Harry déglutit et rassembla ses pensées. Il n'était pas une fan-girl.

« – C'est… bien mieux. C'est plus doux. Les cheveux lâchés ça te rajeunit un peu. Tu devrais retrousser tes manches aussi. C'est quelque chose que tu sembles faire assez souvent et ça à l'avantage de mettre en valeur tes avant-bras… il se reprit. Enfin, je veux dire, l'absence de marque, quoi. Du coup, c'est à la fois révélateur de ta personnalité et de ton passé. »

Le sourcil de Drago monta encore de quelques millimètres. Ainsi, malgré ses bafouillages et ses fringues sans style, il semblait qu'Harry soit capable de conseils pertinents et qu'il ait l'œil pour des détails. Cela le fit sourire, il n'était décidément pas au bout de ses surprises.

« – Ok. admit-il. Mais c'est un procès, pas une soirée chez des amis. Il ne faut pas que j'aie l'air débraillé non plus.

– Tout le monde s'attend à voir un connard suffisant, au contraire, un peu de relâchement ça te donnera juste l'air humain. répondit Harry, gentiment moqueur.

– Je vais faire comme si ce n'était pas insultant, répliqua Drago en relevant ses manches. Et là, c'est bon comme ça ? »

Harry n'y jeta qu'un coup d'œil rapide avant de s'intéresser aux pieds du blond :

« – Tu n'as rien de plus « relax » question chaussures ?

– Elles sont très bien celles-ci. se défendit Drago mollement, il commençait à être las de ce petit exercice.

– Non tiens, essaye les miennes, ça devrait être pas mal. »

Harry retirait déjà les baskets qu'il avait aux pieds, un modèle montant en cuir marron foncé. Bien que la ferveur du Gryffondor le toucha, le blond poussa un petit cri horrifié :

« – Il est hors de question que mes pieds partagent un espace occupé par les tiens. Et surtout, SURTOUT, je ne vais pas porter des baskets ! Des BASKETS !

– Mais si ! Elles font tout de même habillé et ça sera la touche finale parfaite.

– Non !

– Si !

– Non !

– Si, Monsieur ! » conclut Harry plus fort.

Drago soupira, sourit et abdiqua. Il attrapa les chaussures qu'on lui tendait et les enfila à contrecœur. Il se redressa pour montrer le résultat.

« – Bon, j'avoue que c'est peut-être un peu trop décontracté pour un procès. admit le brun. Mais tu les portes super bien sinon.

– Aha ! triompha le blond. Tiens, ça me fait penser que j'ai peut-être une cape pour aller avec ça. »

Il disparut quelques instants.

Harry eu du mal à savoir que penser quand il refit son apparition, enroulé dans une cape crème qui oscillait vers le gris selon la lumière, le tout maintenu par une broche en argent ouvragée. Le jeune homme semblait irradier littéralement, un peu à la manière des elfes dans les films de moldus, ou comme une Vélane. Harry ne parvenait à se décider si c'était vraiment trop ou au contraire parfait.

Drago ne semblait pas en mener large dans le vêtement chatoyant.

« – Je ne l'ai jamais portée en fait, c'est un cadeau d'une grande tante. Je ne vois pas bien quand on peut mettre une couleur pareille. Tu en penses quoi ? s'enquit-il d'une voix mal assurée.

– Heu… wow, c'est… lumineux effectivement. À vrai dire je n'en ai aucune idée. Tu as l'air d'un chevalier blanc, ça devrait plaire à Sorcière Hebdo, sans aucun doute. »

Harry se trouva lâche de fuir la question avec une telle pirouette, mais il semblait que ses pensées avaient cessé de s'organiser avec sens et logique. Tout comme un papillon de nuit, son cerveau avait gelé un instant, trop ébloui par la lumière, il avait juste eu cette sensation étrange. À l'arrivée du blond dans la pièce, il avait senti quelque chose se pincer en lui et il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Même la torpeur de l'alcool ne suffisait à la mettre en arrière-plan. Il avait donc préféré écourter le sujet.

« – Ok, bon je laisse tomber la cape alors. conclut Drago en repliant le vêtement sur un accoudoir du canapé.

Il se laissa tomber à côté d'Harry sur le confortable sofa clair, retira négligemment les chaussures, du bout des pieds et les laissa choir sur le parquet, avant de remplir à nouveau les deux verres. Il n'était pas fâché de clore le défilé de mode, il n'était pas très à l'aise à déambuler ainsi sous le regard du brun.

D'un coup de baguette, l'ancien Serpentard consulta l'heure et réalisa à nouveau à quel point le temps avait filé. C'était affolant de voir à quelle vitesse celui-ci semblait fuir quand il était en compagnie d'Harry. Leurs gamineries de la soirée lui avaient fait du bien. Avec le quotidien stressant qu'il menait depuis maintenant trop longtemps, il en avait grand besoin. C'est comme si sa présence ramenait à la surface le gosse de dix-sept ans qu'il n'avait pas eu suffisamment l'occasion d'être.

Les quelques soirées où Harry avait trainé un peu dans son appartement leur avaient permis de tisser doucement une amitié qui, pour l'instant, ne disait pas son nom. Drago commençait tout juste à admettre qu'il appréciait la compagnie du brun.

Avec stupeur, il réalisa qu'Harry n'avait pas envoyé de hibou pour prévenir sa moitié de son absence de la soirée. Il lui en fit la proposition, mais le Gryffondor se renfrogna d'un coup :

« – Ça n'est pas nécessaire ce soir… on a eu une grosse dispute hier et Ginny a décidé de faire une pause… Elle est repartie chez ses parents.

– Oh mince ! Pour longtemps ? »

Harry s'enfonça dans le canapé, le regard dans le vague. Il ne savait pas pourquoi il se confiait ainsi à Malefoy, il n'avait nullement besoin de se justifier.

« – Je n'en sais rien à vrai dire... Je ne sais pas.

– Ce… C'est à cause d'hier soir ?

– Oui et non. C'est un peu compliqué. Disons que c'était la goutte de trop.

– Merde, je suis vraiment désolé. »

Drago était sincère, il s'en voulait d'avoir entrainé le brun dans une telle situation. Il se sentait également coupable d'avoir jugé et critiqué le couple sans connaître leur histoire.

« – Tu es vraiment la dernière personne à blâmer pour ça. le rassura le brun. C'est entièrement de ma faute, Ginny est d'une immense patience et je ne la remercierai jamais assez pour tout ce qu'elle m'apporte. Mais des fois, vraiment, je ne la comprends pas. Et j'imagine qu'elle non plus. »

Harry ferma les yeux, l'air soudainement fatigué. Il n'avait jamais pris le temps de vraiment parler de tout cela à qui que ce soit, Hermione était trop moralisatrice, Ron trop proche de Ginny et ses autres amis trop éloignés de lui. Ses barrières étaient amoindries ce soir et il ne se sentait pas en danger avec Malefoy, il décida donc de continuer :

« – Je pensais qu'après la Guerre ça serait tellement plus simple. En fait, je pensais que ça serait juste simple, mais il s'avère que tout est un combat, de tous les instants. Au début, juste après la disparition de Voldemort, c'était horrible, mais bon, c'était comme ça pour tout le monde, c'était normal après toutes ces horreurs. Et puis, les autres ont commencé à s'en remettre petit à petit. Ginny a déjà essayé de revenir vers moi à ce moment-là, mais je ne trouvais pas ça bien, c'était trop tôt. Franchement, j'étais un déchet. »

Drago s'était lentement replié dans un coin du canapé et l'écoutait attentivement. Harry, les coudes sur les genoux et la tête baissée, continuait :

« – Je voulais y arriver tout seul, on avait toujours tout fait pour me ménager et ma vie n'était qu'une suite de sacrifice de mes proches pour me protéger. Je n'en pouvais plus de leur amour, de ce sentiment aveugle qui les poussait à prendre des risques, de ce lien empoisonné qui les menait à leur perte. Mais je me suis perdu. Je n'arrivais pas à trouver de raison de continuer à avancer. J'avais toujours rêvé d'une vie normale, banale et fondue dans le décor, mais maintenant que je l'avais, je ne savais pas quoi en faire. Comment font les gens ? Comment fait-on pour avoir envie de se lever tous les matins ? »

Il marqua une courte pause.

« – Au final, mes amis sont revenus à la charge et m'ont imposé quelques changements. J'ai aussi fini par accepter Ginny dans ma vie. Tout ça m'a bien aidé.

– Tu es heureux ? demanda posément Drago.

– … C'est une bonne question. Franchement je n'en sais rien. Si j'étais complètement honnête, je dirais que je survis plutôt que je ne vis.

– Après tout, tu es le Survivant. »

Ils eurent un reniflement amusé. Harry reprit :

« – Mais je sais que je suis ingrat, je suis vivant, j'ai des proches qui tiennent à moi et je peux faire pratiquement ce que je veux de ce qui me reste d'existence. Je ne sais pas ce qui cloche chez moi.

– Tu sais, il n'y a pas de recette magique, Potter. Et ce n'est pas du caprice de ne pas être heureux. Il me semble que tu as dû traîner longtemps des valises assez lourdes pour qu'il soit difficile de s'en défaire. Ça prend du temps. » lui intima Drago avec douceur.

Harry lui jeta un regard reconnaissant. Il passa une main dans ses cheveux, aggravant leur désordre naturel.

« – Dire que c'est moi qui suis là à me plaindre alors que de nous deux, c'est toi qui as le plus gros combat à mener aujourd'hui. fit le Gryffondor en secouant la tête.

– Je paye aussi pour des choix que j'ai faits et pour des décisions que je n'ai pas su prendre. répliqua le blond, en reprenant une gorgée de whiskey.

– Ça me semble cher payé pour avoir été un adolescent condescendant et arrogant, du mauvais côté de la balance. » lui répondit le Gryffondor avec sympathie avec un regard.

Drago soupira. Il ouvrit la bouche, se ravisa, puis se lança finalement.

« – Tu sais que des fois je me demande ce qui serait arrivé si seulement quelques événements avaient été différents. » Son regard était loin, un peu vitreux.

– Tu penses à quoi ? demanda Harry, tourné vers lui avec curiosité. »

Le blond haussa les épaules.

« – Je repense aux premières fois où on s'est vus par exemple. Chez le tailleur… ou lorsque je t'ai proposé mon amitié à Poudlard. » répondit-il doucement, sans bouger.

Harry eut un petit sourire, son regard se perdit lui aussi dans ces souvenirs lointains.

« – Ha… Oui, je me souviens. Tu avais été odieux. Je t'ai détesté presque instantanément.

– En vérité, j'étais terrifié… alors j'ai fait ce que je savais faire de mieux : du Malefoy. Avec le recul, ce n'était pas le plus malin, mais je ne savais rien de toi… J'imaginais que tu serais un type incroyable, aussi hors du commun que ton histoire et je ne savais pas comment t'aborder. J'avais tellement envie de te connaître, mais j'avais peur que tu me trouves insignifiant, alors j'ai essayé de me donner l'air important. »

Drago fixait la table basse et les flammes se reflétaient dans son regard gris, leurs mouvements désordonnés semblant faire écho à un combat intérieur.

« – Désolé de t'avoir déçu alors, dit Harry avec un pauvre sourire. Je n'étais qu'un gamin perdu, du coup tu m'as juste donné l'impression de quelqu'un de méprisant. Et j'avais suffisamment de personnes comme ça dans mon entourage.

« – Tu ne peux pas imaginer à quel point je t'ai détesté après ça… souffla Drago. J'avais imaginé cette rencontre dans ma tête des milliers de fois, j'avais même imaginé les aventures que nous pourrions vivre. confessa le blond en se frottant le front. Mon père ne semblait pas t'aimer beaucoup, mais j'avais quand même très envie de faire partie de ton entourage. »

Il ne savait pas s'il faisait bien de se dévoiler de la sorte, mais l'atmosphère de la soirée invitait aux confidences.

Harry le détailla avec surprise, il n'en revenait pas. Ainsi, Malefoy avait sincèrement souhaité devenir son ami. Il était à la fois surpris et flatté que le blond se confie autant à lui.

« – Mince, je ne savais pas tout ça Drago, je suis désolé qu'on se soit « raté ».

– Ce n'est pas ta faute, mon prisme de jugement et de comportement était complètement tordu à l'époque. J'ai tout fait de travers, ça n'aurait pas pu marcher. Mais, par Merlin, si tu savais comme je t'ai maudit quand tu m'as refusé cette saleté de poignée de main. Pour la toute première fois, j'avais failli notablement. J'avais échoué à obtenir l'amitié et le respect du grand Harry Potter. Je t'ai détesté pour ça. Je me suis promis de te haïr à jamais pour cet affront. » Il rit. « Alors j'ai fait en sorte de pouvoir rester ton égal malgré tout, et ainsi, j'ai obtenu une forme de respect de ta part. Je ne doute pas que tu me méprisais grandement, mais au moins, tu reconnaissais et mon existence, et mon importance. »

Harry le regardait toujours, les yeux ronds. Drago détourna les yeux.

« – Ah, ne me dévisage pas comme ça. Ça m'a pris des années pour réaliser et admettre ça. Tu remercieras ma psychomage. ajouta-t-il avec un sourire narquois, mais légèrement triste. C'est quand même pathétique de voir à quel point mon existence pouvait être vide. Ce petit jeu de haine mutuelle représentait un objectif fondamental dans ma vie à ce moment-là. Enfin, jusqu'à ce que… »

Sa voix s'éteint et il s'arrêta, hésitant à trop en dire, il s'était déjà beaucoup dévoilé. Harry reprit contenance :

« – Jusqu'à ce que quoi ? »

Drago déglutit et reprit :

« – Jusqu'à ce que… tout ça devienne sérieux. Jusqu'à ce que je réalise que je n'avais pas le monopole de la haine à ton encontre. Jusqu'à ce que je réalise que je n'étais qu'un gosse aveugle qui avait pris son ego blessé et son esprit de compétition pour de la haine, et que, au grand jamais, je ne souhaitais te blesser sérieusement. Mais… il était trop tard. J'avais regardé mon nombril pendant si longtemps que je n'avais pas vraiment prêté attention à ce qui se passait autour de moi. »

Il semblait ne plus pouvoir s'arrêter de parler à présent, comme emporté.

« Je n'avais pas prêté attention à l'importance des disparitions, des morts, à toutes ces choses graves qu'on lisait dans les journaux, aux réunions tardives que mon père et ses potes Mangemorts avaient de plus en plus souvent, aux remarques paternelles sur ma possible présentation au Lord… » Ses yeux étaient devenus troubles et il semblait perdu.

Harry posa doucement sa main sur l'avant-bras du blond qui frémit à ce contact. Gêné, Harry la retira aussitôt et essaya de cacher son malaise en lui répondant :

« – On était tous des gosses à l'époque. Et ça n'aurait pas dû être un problème. J'aurais un million de fois préféré que tu sois la chose la plus pénible qui me soit arrivée durant mon adolescence. Vraiment. Et j'aurais un million de fois préféré que personne n'ait à avoir ce genre de prise de conscience précoce. »

Ils fixèrent tous deux le feu un moment, des ombres dansaient sur leur visage. Ils burent encore un peu en silence.

Drago le brisa finalement :

« – Je … Je suis désolée Harry, tu sais, pour tout ça. J'aurais vraiment voulu que ça se passe différemment. Que je prenne conscience des enjeux bien plus tôt. Peut-être que j'aurai pu… » Sa voix se brisa légèrement. « Peut-être que j'aurai pu éviter la mort de Dumbledore. » Il ferma douloureusement les yeux.

« – Je ne t'en ai jamais voulu pour ça. Enfin, pas vraiment. Je suis même plutôt soulagé que tu ais… échoué dans cette mission. À vrai dire… il est fort possible que tu ne saches pas tout. »

Drago le regarda gravement.

« – Comment ça ? »

Harry prit une grande inspiration.

« – Dumbledore était déjà mourant depuis quelque temps quand c'est arrivé. Severus, ton parrain, travaillait pour lui, il faisait partie de l'Ordre du Phoenix.

– Non ! Il espionnait pour le Lord, c'était l'un des plus fidèles Mangemorts !

– Il était agent double pour Dumbledore, depuis très longtemps. » Il laissa au blond le temps de digérer la nouvelle avant de continuer. « Il avait pour ordre de lui lancer un Avada si la situation l'exigeait, afin, notamment, de lui éviter d'être torturé en cas de capture, pour t'éviter de devenir un meurtrier, ou que tu sois puni pour avoir failli dans ta mission. »

Le blond était abasourdi par ce qu'il entendait, toutes ces informations lui donnaient le tournis.

« – Pour l'Ordre ? Je n'en reviens pas… Mais pourquoi ? Je veux dire, pourquoi Severus aurait pris autant de risques, ce n'est pas comme s'il était un humaniste convaincu. »

Harry se tordit les mains.

« – Il a connu ma mère enfant et il était amoureux d'elle depuis cette époque, même si leurs chemins s'étaient séparés. Il s'est senti responsable de sa mort et s'est tourné vers Dumbledore qui l'a chargé d'œuvrer pour ma protection. J'imagine que c'est pour cela qu'il me détestait autant. J'étais à la fois un souvenir d'elle, de son amour pour un autre et de sa disparition. »

Un lourd silence s'installa.

« – C'est affreux. murmura Drago. Dire que Severus était mon parrain et je me rends compte que je le connaissais bien peu. Comment sais-tu tout ça ? demanda-t-il alors qu'il tentait d'assimiler toutes ces informations.

– C'est une très longue histoire, trop longue pour ce soir. Cet homme est sans aucun doute le plus grand héros de la guerre et personne ne le sait, à la place on encense un gamin dont le destin était tout tracé. Ce monde est mal fait. »

Harry laissa filer son regard dans le vague, perdu dans ses pensées. Drago le fixa avec un drôle d'air.

« – Je te remercie.

– De quoi ? demande le brun en sortant de sa torpeur momentanée.

– De m'avoir confié toutes ces données nouvelles. C'est vraiment important pour moi. Je vais peut-être enfin arrêter de rêver de tout ça, dit-il avec un rire amer.

– Veinard, dit Harry en l'accompagnant d'un rire similaire. J'aimerais que ça soit aussi simple pour moi. »

Il n'en dit pas plus. Il préféra garder pour lui tous ses cauchemars qui le réveillaient, en sueur, et ses nuits hantées notamment par les souvenirs du geste de Severus, du basculement du corps de Dumbledore dans le vide, mais surtout par l'horreur infinie qu'il lisait dans le regard du blond et qui faisait écho à la sienne… Ce qu'il pouvait détester cette nuit-là.

Sans en connaître la teneur exacte, le blond put discerner de la douleur dans les traits du brun.

« – Je suis vraiment désolé… Ce monde est mal fait. » souffla Drago. Son regard était sincère et Harry pouvait y distinguer à la fois de la gêne et de la peine, cette empathie lui fit du bien.

Ils sourirent tristement et finirent leur verre lentement, chacun plongé dans ses réflexions et ses souvenirs.

Drago proposa à Harry de dormir dans la chambre d'ami, afin d'éviter d'avoir à rentrer par les méthodes moldues – pas question de transplanage ou de Cheminette avec ce qu'ils avaient bu et le Magicobus semblait risqué pour quelqu'un n'ayant pas l'estomac bien accroché. Le brun rechigna juste assez pour honorer la politesse de circonstance, mais accepta ensuite avec soulagement. Il n'avait aucune envie de retrouver le manoir vide et l'appréhension de ce moment lui avait pesé toute la soirée. Vu qu'ils avaient de toute façon prévu de travailler le lendemain, c'était aussi simple comme ça. Ils se couchèrent avec la sensation d'avoir vécu quelque chose d'important ce soir-là. Comme si toute une partie de leur existence prenait sens sous un éclairage nouveau.

Ils dormirent tous deux d'un sommeil de plomb.

 
 
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