Le lendemain matin, Harry entendit vaguement Ginny se lever pour aller à la fac mais ne se réveilla que bien plus tard, la mine et l'humeur quelque peu chiffonnées. Il avait dormi par intermittence, pas que son sommeil soit d'une grande qualité habituellement, mais il était au moins à peu près constant. Cette histoire avec Malefoy le tracassait bien plus que ce que sa conscience voulait bien admettre et ça le contrariait d'autant plus. Il préféra mettre tout cela de côté encore un peu, de toute façon, il avait rendez-vous avec sa psychomage en début d'après-midi et elle le ferait alors largement assez gamberger pour la semaine.
Harry aimait bien Mme Dameena, il avait été consulter un peu à contrecœur au début, et puis il s'était décrispé peu à peu, pour finalement apprécier la thérapeute, même s'il aurait préféré qu'elle privilégie l'efficacité sur le traitement de faveur. Il avait en effet l'impression qu'elle faisait tout pour ne pas le brusquer, et il aurait parfois aimé qu'elle ne le laisse pas autant se complaire dans un suivi aussi confortable que monotone. Pas qu'elle soit incompétente, loin de là, c'était juste qu'elle ne semblait pas trop insister sur les problèmes où justement il aurait été nécessaire d'appuyer, au risque que cela soit douloureux ou désagréable.
Elle était entre deux âges, fine, avec de longs cheveux ondulés d'un roux sombre où apparaissaient des cheveux blancs, çà et là.
Vu l'heure tardive de la matinée, il renonça à prendre un petit déjeuner et entama plutôt la préparation d'un repas de midi qui aurait fait peur à un étudiant fauché : pâtes au sel et reste de pommes de terre. Il s'installa sur le divan du salon et alluma la télévision, désormais dotée d'une chaîne sorcière grâce à Arthur Weasley, quand une pluie diluvienne se mit à tomber. Fasciné, il déposa son bol de spaghettis trop cuits sur la table basse et se dirigea vers la serre. Il avait magiquement transformé un bureau en immense pièce vitrée, elle était remplie de plantes étranges, mais non magiques pour la plupart, car il avait gardé de trop mauvais souvenirs du saule cogneur.
Dobby venait les arroser régulièrement. Il payait l'elfe de maison pour faire ce travail, ce dernier ayant monté une entreprise de jardinage à domicile avec l'aide d'Hermione qui lui avait apporté son soutien pour tout ce qui touchait à la comptabilité et à l'administration. Il gagnait apparemment bien sa vie… pour un elfe de maison. Dobby avait gardé une grande affection pour Harry et venait donc s'occuper de ses plantes avec une attention toute particulière, attention que ce dernier appréciait à juste titre il aurait été incapable de s'occuper de toute cette végétation seul. Il avait déjà du mal à s'occuper correctement de lui-même.
La pluie continuait de tomber et l'eau dégoulinait le long des parois de verre, donnant un aspect étrange au lieu. L'atmosphère tiède de la pièce avait pour propriété de calmer Harry, mais le temps orageux changeait complètement l'ambiance de cette dernière et ça le captivait. Il pouvait ressentir la force des éléments, plus forts que n'importe quel homme et n'importe quel sorcier ne le serait jamais. Il se sentait tout petit et à la merci du hasard dans sa cage de verre. Si la tempête détruisait la barrière magique de la serre, il mourrait probablement et, paradoxalement, cette pensée le rassurait. À vrai dire, il y avait longtemps qu'il n'était pas venu dans cette pièce. Il n'était pas très bien quand il avait emménagé dans le manoir et Hermione avait suggéré qu'il s'occupe de la bâtisse. Il avait décidé d'y placer une serre pour avoir un espace de respiration dans la vieille habitation.
Quand il l'eut finie, son amie lui avait offert une fontaine à mettre dedans pour sa pendaison de crémaillère. Malheureusement, ladite fontaine n'avait pas résisté à une des colères d'Harry et trônait désormais au milieu de la serre, sèche et brisée. Harry n'avait jamais eu le courage de trouver une solution pour la réparer et il avait même fini par oublier la raison de sa colère ce jour-là.
Après un long moment passé à ressasser des pensées de la même couleur que le ciel qui le surplombait, la tempête se calma et il se décida à se préparer pour son rendez-vous.
oOo
Madame Dameena ouvrit calmement la porte de son cabinet tapissé de tentures orientales. Harry y retrouva l'odeur caractéristique de poussière, de vieux livres et d'encens.
« – Bonjour Harry, tout va bien ? lui demanda-t-elle en le laissant s'installer sur le divan au velours rouge et patiné, sous l'unique fenêtre de la pièce.
– Oui ça peut aller… Je …A vrai dire, il m'est arrivé quelque chose d'étrange cette semaine. » Commença Harry en s'allongeant, suivi de peu par la thérapeute qui s'assit dans un fauteuil sombre, non loin derrière lui.
« – Je vous écoute, répondit la psychomage en déposant sa plume à papote sur une nouvelle page de son bloc de parchemins.
– Vous avez forcément entendu de parler de Drago Malefoy, le fils de Lucius et Narcissa Malefoy... amorça Harry.
– Le célèbre couple d'ex-Mangemorts ? En effet. Et puis vous m'avez déjà parlé de ce jeune homme, vous étiez ensemble à Poudlard, si je ne me trompe pas? demanda Mme Dameena en laissant courir son regard sur la tenture multicolore à sa droite.
– Oui, c'est exact, je l'ai rencontré cette semaine… »
Harry expliqua donc une nouvelle fois sa rencontre avec son ennemi de jeunesse et sa réponse à la demande de celui-ci. Mme Dameena resta songeuse un moment, puis lui demanda ce qu'il ressentait vis-à-vis de cette situation.
« – Je ne sais pas vraiment… commença le brun. C'est trop bizarre, c'est un peu comme si j'étais tombé dans une dimension parallèle où Malefoy et moi serions devenus amis, puis on se serait perdu de vue après Poudlard et où, suite à une fâcheuse situation, il reviendrait vers moi me demander un coup de main.
– Harry, vous savez, la guerre est finie depuis suffisamment longtemps pour que vous puissiez aller au-delà de tout ça. Quand devez-vous le rencontrer de nouveau? »
Une bourrasque secoua brièvement la fenêtre et la pluie se mit à tomber bruyamment, avant de s'arrêter à nouveau, tout aussi net.
« – … Demain. dit Harry pensivement.
– Oh. » La thérapeute marqua une pause, pour réfléchir à son tour. « Vous devriez lui laisser le bénéfice du doute, il a probablement bien changé depuis cette époque.
– Vous croyez ? demanda Harry, incertain.
– … Hé bien, il était jeune à l'époque, tout comme vous. Et il se peut que la thérapie qu'il suit ait porté ses fruits. continua-t-elle sur un ton mystérieux.
– Vous connaissez sa psychomage ? l'interrompit le survivant en la regardant avec surprise.
– Je vous vois venir Harry, je ne vous révèlerais rien qui violerait le secret professionnel. »
Le sourire d'Harry s'évanouit, mais il ne renonça pas immédiatement.
« – Vous savez qui est-son thérapeute ?
– Harry… le gronda Mme Dameena.
– Ok, je n'insiste pas, mais de façon purement subjective, vous pensez réellement qu'il a changé ? demanda le jeune homme en reprenant sa position allongée.
– C'est ce que j'ai cru entendre… dit-elle, d'un ton mutin. Mais revenons-en à nos moutons M. Potter, vous êtes-vous un peu aéré cette semaine ? Je parie que vous avez encore profité de tout ça pour rester chez vous à ruminer vos pensées, je me trompe ?
– …
– Qu'avez-vous donc fait ces derniers jours ? »
Harry soupira et énuméra le contenu de sa semaine avec un haussement d'épaules.
« – Comme d'habitude, j'ai lu un peu. J'ai trainé dans Londres, j'ai vu le ministre pour son nouveau projet, comme j'avais déjà pu vous le dire. J'ai été revoir un vieil ami que je n'avais pas vu depuis longtemps, Neville pour avoir des informations sur Malefoy. Rien de bien extravagant. Presque la routine habituelle.
– Comment vous sentez-vous en ce moment ?
– … Bien, j'imagine. Enfin pas mal quoi… En dehors de cette histoire avec Malefoy.
– Cette histoire semble vous tracasser vraiment beaucoup Harry. Que craignez-vous ?
– Je ne sais pas vraiment. Je n'ai pas envie que ça réveille de vieux démons, de la colère, de la rancœur. J'ai mis trop de temps à mettre ça derrière moi, à sortir la tête de l'eau. Le fait de vivre avec Ginny a contribué à remplir ma vie et à y mettre de la paix. Je crois que j'ai un peu peur de renverser la balance, de troubler l'équilibre dans lequel je vis actuellement. Ça n'a pas été facile de retrouver un semblant de vie sociale, mais Malefoy, c'est peut-être trop demander.
– Vous n'êtes pourtant plus l'animal sauvage et reclus d'il y a quelques mois. Vous vous sentez encore trop fragile pour endurer les remous potentiels qu'entrainerait le fait de le côtoyer ? demanda la femme, de son ton doux.
– J'ai déjà vécu suffisamment de remous pour remplir une vie entière, je n'ai pas besoin d'en rajouter. répondit Harry.
– Mais n'est-ce pas le propre de la vie, d'être continuellement faite de remous ?
– Peut-être pour certains, mais je n'ai plus envie de ça. J'ai une relation stable, une maison, une forme de routine, je vais peut être reprendre des études, c'est amplement suffisant.
– N'est-ce pas vous qui me disiez que Ginny se plaignait de votre manque de passion ? Au risque de vous décevoir Harry, le bonheur ne réside pas dans l'immobilisme, particulièrement dans le couple. Nous avons tous besoin d'évoluer, d'avancer d'une manière ou d'une autre.
– Mh, » répondit mollement le brun, voyant où voulait en venir la thérapeute.
Cette dernière bifurqua légèrement :
« – Vous parliez de votre maison, comment avance l'aménagement de l'étage ? Vous ne m'en avez pas parlé depuis longtemps. »
Harry se gratta l'arrête du nez.
« – … Ca n'a pas beaucoup bougé à vrai dire. Je n'ai pas trop pris le temps dernièrement pour m'y atteler. marmonna t'il.
– Vous ne semblez pas manquer de temps pourtant. Pourquoi toujours repousser ? insista la sorcière.
– Il y a trop de vieilleries là-haut dont je ne sais pas quoi faire. Entre mes anciennes affaires de Poudlard, celles héritées de mes parents, de Sirius, de sa famille et tout ce qui a été oublié par à peu près tout le monde après la guerre, c'est une véritable montagne de choses qui traîne dans les étages. Autant dire que cela va être un sacré chantier de les trier, organiser, rendre, donner ou jeter. Je ne suis pas spécialement pressé de m'y mettre. Et puis à l'heure actuelle, je ne suis pas à l'étroit au rez-de-chaussée, on n'est pas si mal installés. conclut le brun.
– Vous ne pouvez pas vivre indéfiniment dans un manoir à demi envahi par un tel capharnaüm. Cette situation était censée être très provisoire. Aussi désagréable que cela puisse être, mettre de l'ordre est nécessaire Harry.
– Je sais bien. C'est juste que je n'ai pas encore trouvé le bon moment pour le faire. s'agaça le jeune homme. »
Un court silence s'installa.
« – Bien. Ça sera tout pour aujourd'hui Harry. »
Ils fixèrent ensemble le prochain rendez-vous, le brun paya puis salua la thérapeute et quitta le cabinet. Il ressortit de la séance épuisé. Mme Dameena semblait avoir mangé du lion aujourd'hui, jamais elle ne l'avait « bousculé » de la sorte.
Il était également frustré car il n'avait pas réussi à comprendre son énervement pour une situation qui, finalement, n'avait pas encore commencée. Il pressentait que quelque chose s'amorçait, mais il n'aurai su dire quoi et se sentait les mains liées. Mme Dameena semblait amusée par ces rebondissements. En revanche, Harry avait senti qu'il l'avait quelque peu déçue en ne faisant pas plus d'efforts relationnels vis-à-vis de ses amis et de Ginny.
Il s'était résolu, encore une fois, à marcher pour rentrer et un superbe soleil illuminait désormais les rues. C'était à n'y rien comprendre, le temps semblait aussi indécis que lui.
Il finit par arriver Square Grimmaurd, pas plus satisfait, ni moins frustré qu'à son départ. Il avait définitivement la sensation qu'il s'aventurait dans un guet-apens. Il passa sa soirée avec Ginny à discuter, ou plutôt, à l'écouter discuter. Il ne se sentait plus d'humeur à parler et ne fit pas beaucoup d'efforts pour le cacher.
Après le repas, il traina dans le salon et laissa Ginny allez se coucher en premier. Cette dernière ne s'attarda pas, car elle avait une longue journée de cours le lendemain et Harry n'était, de toute façon, pas de très bonne compagnie ce soir-là.
Assis dans le canapé, le brun repensa à son entretien avec Mme Dameena qui lui avait conseillé de ne pas fuir son passé. Elle lui avait déjà fait cette remarque auparavant, mais jamais jusque-là, son passé ne s'était invité à sa table dans le Londres moldu. Ce n'était pas tellement Malefoy qui lui faisait peur, mais plutôt tout ce à quoi il était rattaché, tout ce qu'il représentait : une époque révolue et des erreurs qu'il avait encore du mal à se pardonner. Des choses qu'il avait fini par réussir à enfouir.
Il eut un reniflement amer.
Dire qu'il s'était cru sorti d'affaire une fois tout le foin de la guerre derrière lui, qu'il ne lui restait plus qu'à reprendre sa vie paisiblement, à être enfin heureux. Cependant, il avait alors réalisé qu'il n'avait aucune vie à reprendre, qu'il n'avait jamais vraiment vécu, ou si peu, en dehors de la prophétie, de Voldemort et de la guerre. Ses amis avançaient, Ginny avait joint sa vie à la sienne, elle réussissait. Le monde reprenait sa course, mais il semblait qu'il n'y avait plus de place pour lui, que celle qu'il avait occupée jusqu'à présent s'était évanouie en même temps que le mage noir. Et il n'avait plus la force de recommencer à se battre, de tout reprendre à zéro. Il n'y avait plus d'enjeu, ou du moins, plus vraiment. Pour la première fois de son existence, il n'y avait que sa vie en jeu et il avait réalisé qu'elle lui importait finalement assez peu.
Evidemment, il y avait Ginny dans sa vie désormais, alors il se forçait à être agréable pour elle. Au début, ça avait été facile, ses sourires lui réchauffaient le cœur et ses soupirs lui réchauffaient le corps, ça ne lui demandait pas trop d'efforts. Mais avec le temps, la chaleur avait diminué et c'était devenu plus difficile, il s'était renfermé quelque peu. Pour éviter de blesser ou d'inquiéter ses amis, il avait diminué ses sorties et visites. Le résultat avait été mitigé, puisque ces derniers avaient continué à le solliciter, mais ça lui coûtait moins comme ça. Et il évitait leurs regards attristés.
Il avait espéré que l'ouragan de vie qu'était Ginny pourrait lui apporter un nouveau souffle avec son énergie permanente, son caractère enjoué, son esprit volontaire et ses rires aussi francs que fréquents. Mais il avait seulement pris conscience que le couple est un travail d'équilibriste et qu'on ne peut se nourrir de l'énergie de quelqu'un d'autre.
Harry n'avait plus vraiment la force pour avancer, alors il faisait de son mieux pour assurer le quotidien, pour être auprès d'elle, pour lui apporter ce qu'elle lui demandait et il essuyait les critiques – justifiées – sur son manque de passion, de vie et sur son détachement.
Il regrettait l'époque de Poudlard, car même s'il avait vécu constamment avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, au moins, il s'était senti vivant. Il avait ressenti l'excitation courir dans ses veines lorsqu'il poursuivait le vif d'or, durant ses virées nocturnes sous sa cape d'invisibilité, quand il participait aux discussions animées de la tablée des Gryffondors, ou même quand il répondait avec hargne aux provocations de Malefoy.
Il sourit tristement au souvenir de leurs nombreuses querelles dans les couloirs de l'école, à toutes les insultes, coups et sortilèges échangés tout au long de leur scolarité. D'aussi loin qu'il se souvienne, Malefoy avait toujours été là dans sa vie de sorcier, à sa manière. C'était une manière désagréable et intrusive, mais incontestablement efficace. Qu'est-ce qu'il avait pu détester le blond et ses manières guindées, son intelligence acérée, mise au service de sa méchanceté et de sa lâcheté, ou encore, sa façon de se croire au-dessus de tous. Rien que d'y repenser, il sentait sa tension monter et sa mâchoire se serrer. Il n'y avait rien à faire, même sans être là, même en lointain souvenir, Malefoy arrivait à l'agacer. À ce niveau-là, c'était un véritable don.
oOo
Durant les quelques jours précédant son rendez-vous avec le Sang-Pur, Harry prit quelques minutes pour parcourir rapidement le petit dossier que Neville lui avait fait parvenir et qui comprenait notamment les chefs d'accusations retenus contre Drago et les éléments incriminants résultants des rapports d'enquête des Aurors. Même sans avoir l'intégralité des données, ni même de diplôme de Droit sorcier, il était aisé de constater que le sort du jeune homme était des plus incertains. Et il ne voulait même pas imaginer ce qu'il devait en être pour ses deux parents. Il comprit alors ce qui avait poussé Drago à le contacter. Sans de sérieux arguments pour faire pencher la balance, ils avaient de fortes chances de se voir tous condamner à de plus ou moins longues peines. Jusqu'à présent, Harry n'avait suivi que de très loin le déroulement des procès des Mangemorts. Bien qu'il estimait important que justice soit faite, il ne comprenait pas que l'ancien – bien que pourtant faillible, l'histoire l'avait montré – système de détention de la prison d'Azkaban ait été conservé. Il considérait comme inhumain de faire cohabiter des êtres vivants avec des Détraqueurs. C'était les condamner à la folie et au désespoir. À côté, subir le Baiser semblait presque plus doux.
Il avait vu le mal que cela avait fait à Sirius, qui avait dû son salut au fait qu'il soit innocent. Quelqu'un de coupable, pour peu qu'il ait des remords, ne tiendrait pas longtemps. Et pour quelqu'un qui n'en avait pas, comme les quelques psychopathes qu'il avait pu croiser dans le cercle des favoris de Voldemort, il doutait que le fait de devoir ressasser sans fin leurs exploits ne les gêne plus que ça. Au final, ce système ne lui semblait ni juste ni efficace, puisque les pires semblaient moins punis que ceux capables de reconnaitre leurs erreurs. Être coupable, même d'actes ignobles, ne justifiait pas pour lui ces méthodes de torture dignes d'un autre temps. Sinon, cela n'était ni plus ni moins que de la vengeance et non de la justice.
La demande de Drago le mettait en face d'une question qu'il avait préféré éluder, restant volontairement à distance du débat concernant les procès. Tout le monde se félicitait de faire preuve de merci pour les anciens Mangemorts, en ne les condamnant que rarement au Baiser et il trouvait ça très hypocrite – tu parles d'une pitié : offrir une vie de malheur intégral plutôt qu'une clôture nette !
Ne pas aider le jeune homme et sa famille, c'était prendre le risque d'avoir sa condamnation sur la conscience. Et bien qu'il ne les aimait pas, l'idée que quelqu'un qu'il connaissait, qu'il avait côtoyé, subisse le sort affreux de la survie à Azkaban, le dérangeait. Après tout, Narcissa et Drago avaient fait des gestes dans sa direction, ils l'avaient aidé. Et puis merde, à l'époque Drago était juste un adolescent qu'on avait chargé d'une mission pesante et bien trop grande … tout comme lui-même. Un instant, il revit le regard abyssal du jeune garçon désespéré qu'il avait surpris dans les toilettes, des années plus tôt. Son estomac se tordit à cette pensée. Il avait presque oublié cet épisode et surtout ces yeux, et il aurait préféré que sa mémoire ne les imprime jamais. Tout comme ceux, pétrifiés de terreur, que Drago avait eu lorsque Rogue avait lancé l'impardonnable à sa place. Ce fut au tour de son cœur de se serrer et ses mains se mirent à trembler.
Harry se leva brusquement, il ne voulait plus repenser à tout ça. C'était du passé. C'était loin. Cela ne le concernait plus ! Il se rendit dans sa serre pour essayer de s'apaiser. Il ferma les yeux et respira profondément pendant plusieurs minutes en essayant de faire le vide dans son esprit, aidé par le doux parfum des plantes qui l'entouraient. Imaginer un paysage ouvert et verdoyant, le vent qui souffle doucement dans les arbres, la vie qui fourmille dans l'herbe autour de ses pieds nus, se laisser imprégner par l'harmonie du lieu.
Quand il rouvrit les yeux, il venait de prendre une décision : il aiderait Malefoy. Peut-être qu'ainsi, il parviendrait à clore ce chapitre de sa vie et à le mettre définitivement derrière lui. Et si possible, fermer aussi le livre.
Et le jeter. |