Chapitre de Natalea.

Bonne lecture !

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Harry se surprend lui-même à retrouver sans peine le repaire d'Ethan. Lorsqu'il franchit la porte, l'apparence de Lewison s'est presque entièrement dissipée, et il a dû rabattre son capuchon sur son visage. Ethan n'est pas là, comme cela lui arrive souvent. Harry a trouvé refuge chez lui depuis une semaine maintenant, et il s'est fait à ses allées et venues incessantes. Ethan peut disparaître pendant plusieurs heures sans explication, de nuit comme de jour, et il rentre alors recouvert de poussière, dans des effluves de mauvais tabac et d'alcool, ses vêtements tachés d'un sang qui n'est pas le sien. Harry ne pose aucune question. Il respecte les mystères de celui qui l'a accueilli et aidé sans condition. Il sait très bien qu'Ethan est un homme sorti de nulle part, comme un récif qui surgit de la brume. Il vit au cœur du quartier le plus mal famé de Londres, entouré de magie noire, et il ne fait aucun doute qu'il la pratique lui-même. Harry ignore comment il subvient à ses besoins, mais il se doute bien que cela ne peut pas être honnête. Ethan est aussi sombre que dangereux. Et Harry s'en moque. Pour une raison qu'il n'arrive pas à expliquer, il a le sentiment qu'Ethan est exactement la personne qu'il fallait qu'il rencontre, pour se sortir de tout ça. Si quelqu'un peut l'aider, c'est bien lui. Si quelqu'un peut le comprendre, c'est bien lui. Ethan est sombre et dangereux. Comme lui.

XXX

La nuit est tombée depuis plusieurs heures lorsque la porte de la masure grince sur ses gonds. Ethan referme le battant, ombre clandestine se faufilant dans son repère, et il ne retire sa cape qu'après avoir condamné toutes les fenêtres. Harry est assis devant une montagne de notes, si concentré qu'il ne l'a pas entendu entrer :

- Déjà rentré de Lewisham ? demande-t-il. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?

- Et plus encore.

Harry repousse une chaise du pied et Ethan comprend le message : il s'assoit en attendant qu'il parle.

- Le livreur, celui qui m'a donné le lait empoisonné ce jour-là. Ce n'était pas lui.

- Comment ça ?

- Je me suis renseigné à son sujet, il a été retrouvé mort chez lui le lendemain de la mo...

Il déglutit :

- Le lendemain de mon arrestation.

- Tu crois que les Mangemorts ont utilisé du Polynectar pour lui voler son apparence et qu'ils l'ont liquidé ensuite ?

- Non, pas du Polynectar. Le sortilège de l'Imperium. J'ai retrouvé la femme du livreur, une Moldue, elle a tout vu. La nuit avant que ça arrive... Deux hommes se sont introduits chez elle et ils ont forcé son mari à nous livrer le lait empoisonné. La nuit d'après, ils sont revenus et ils l'ont tué pour effacer leurs traces.

- Elle a pu voir leurs visages ?

- Travers, et l'autre, c'était Dolohov.

- Dolohov...

Ethan se recule sur sa chaise. Harry garde le silence quelques instants, puis il se penche pour porter son regard à hauteur du sien. Il se sent froid à l'intérieur, glacé. Il a l'impression de n'avoir jamais été aussi grave de toute sa vie :

- Ethan, j'ai réfléchi à ce que tu m'as dit, déclare-t-il. Est-ce que tu sais où est Dolohov ?

Ethan le dévisage en prenant la pleine mesure de ses paroles :

- Non..., murmure-t-il.

- Mais tu connais des gens qui peuvent le savoir, n'est-ce pas ?

Il ne sourit pas, mais Harry voit une lueur de victoire s'allumer au fond, tout au fond de ses yeux bleus :

- C'est pas impossible.

Ils ne parlent pas, laissent le silence planer entre eux, comme pour sceller leur pacte. Puis Harry déclare :

- Tu te rends compte que si on s'engage là-dedans, on ne pourra plus reculer, n'est-ce pas ? Tu en es conscient ? Tu es sûr de vouloir m'accompagner dans... dans cet Enfer ?

Cette fois, Ethan sourit :

- Regarde autour de toi, Harry. L'Enfer on y est déjà. C'est pour en sortir qu'on va enfin faire bouger les choses.

Harry accroche ce regard rusé, sournois, terrifiant, et il n'y lit que son propre reflet. Quelque part, il se sent rassuré. Il a au moins trouvé une âme aussi perdue que la sienne sur cette Terre.

Soudain, Ethan se lève, exhume une bouteille de Whisky Pur Feu d'un recoin obscur et pose d'autorité deux verres sur la table. Il les remplit avec soin, fait teinter le verre et avale le sien cul-sec. Ses yeux brûlent d'un éclat polaire, plus clairs que jamais. Harry fait tourner son verre entre ses doigts. Lorsqu'il boit, il ne quitte pas ce regard d'intelligence et de glace. Ethan l'attrape par le bras :

- Allez maintenant, viens. J'ai quelque chose à te montrer.

Harry a tout juste le temps de s'engloutir sous sa cape. Ils se retrouvent dans la morsure glaciale d'un premier jour de décembre. Le monde de la magie se glisse lentement dans l'atmosphère de Noël. Mais pas l'Allée des Embrumes.

Ethan l'entraîne en rasant les murs, personne ne les regarde et ils ne regardent personne. Ils évoluent dans un lieu où le Mal prospère en toute impunité. Harry a la désagréable impression d'être une anguille, déroulant ses anneaux en eaux troubles.

Au bout d'un moment, il perd toute notion du temps. Ils évoluent dans un labyrinthe inextricable, si resserré que la ville semble devenir souterraine. Harry découvre une autre facette de son monde. Jamais il n'aurait imaginé que le Mal ait planté si loin ses racines. Il y a des choses qu'il aurait préféré ne jamais découvrir... Il pense à Ginny, à ses enfants qui sont morts étendus dans leur sang. L'espace d'une seconde, il ferme les yeux. Le Mal l'a finalement rattrapé, et l'a forcé à regarder. A contempler l'horreur qui grouille sous la surface. Il fera tout pour le détruire.

Ils débouchent sur une rue étonnamment large, proprette et lumineuse. Après ce dédale infernal, Harry a l'impression de pénétrer dans un autre monde, un univers qui lui est désormais étranger. Ce genre de maisons, ce genre de vie paisible, jamais plus il ne les retrouvera.

Ethan vérifie que la rue est déserte, puis ils traversent, deux hautes silhouettes encapuchonnées de noir. Un Moldu y aurait peut-être vu les messagers de la Mort.

Ils s'arrêtent devant une maison comme les autres, aux lignes carrées, simple, accueillante. Harry est définitivement perplexe. Ethan frappe six fois, quatre coups longs, deux rapprochés. Une femme ouvre la porte. Joanna.

Dès qu'elle les voit sur le perron, elle comprend que la situation a changé. Sans échanger un mot, elle les fait entrer et dévisage l'Elu pendant de longues secondes, comme si elle doutait encore de sa présence. Ethan pose doucement sa main sur son épaule :

- Joanna, nous allons avoir besoin de toi. Et de tous les autres. Harry a découvert que Dolohov était derrière le meurtre de sa famille.

Si elle est surprise par cette formule abrupte, elle ne le montre pas. Harry sent qu'elle dissimule ses émotions loin, très loin au fond d'elle-même.

- Et ? demande-t-elle sans les lâcher des yeux. Dolohov est introuvable, tu le sais très bien.

Elle fixe son regard froid sur Harry :

- De tous les Mangemorts que le ministère a relâchés, Dolohov est le seul dont nous ignorons les faits et gestes. Il s'est évaporé dans la nature, disparu.

Harry prend le temps de réfléchir, et Ethan garde le silence. C'est le bon moment, il le sait. Le moment où l'Elu va se rendre pleinement compte de ce qu'il va devoir faire.

- Peut-être qu'aucun d'entre nous ne sait où se trouve Dolohov, mais ses anciens camarades, ça m'étonnerait qu'ils l'ignorent.

Il se tourne soudain vers Ethan :

- C'est pour ça que tu m'as amené ici, n'est-ce pas ? Tu crois que je ne pourrai pas retrouver sa piste par moi-même ?

- C'est la vérité, Harry. Tu ne pourras pas.

Joanna le contemple fixement. Ses yeux brillent d'un éclat incertain. De l'espoir.

- Si tu savais ce que l'on peut ressentir..., dit-elle. Quand on sait que ces assassins marchent et respirent à quelques rues de nous... Moi et les autres, nous étions avec toi la nuit dernière. Depuis, je n'arrive plus à fermer les yeux. Pas parce que j'ai des remords, mais parce que... on a enfin fait quelque chose ! On a agi ! On a supprimé quelques-unes de ces pourritures ! Et on ne peut pas s'arrêter, pas maintenant ! Pas alors que les gens commencent enfin à se demander ce que ces Mangemorts faisaient là en liberté, en plein cœur de Londres ! Nous avons réveillé quelque chose cette nuit-là. Et si tu veux retrouver Dolohov, il va falloir continuer. Parce que l'injustice ne peut plus rester impunie. Tu comprends ? Ce n'est pas seulement pour ta famille. C'est aussi pour la mienne, pour celle de Kitty, Russell, Noah, pour Ethan !

Harry voit des larmes déborder de ses yeux et la prend par les épaules :

- Je sais tout ça. Je l'ai compris, et je l'ai accepté. Toi, Ethan et les autres, vous avez été là pour moi cette nuit-là, alors que tous les autres me condamnaient. Vous avez été là pendant l'un des moments les plus terribles de mon existence. Nous avons tué ces hommes ensemble. J'ai pris conscience que ce n'était plus seulement quelque chose de personnel. Si je veux obtenir ma vengeance, j'obtiendrai aussi la vôtre. Je suis rempli de haine aujourd'hui, parce que j'ai tout perdu. Parce qu'on m'a fait assassiner les êtres qui m'étaient le plus cher. Mais aussi parce que pendant des années, j'ai servi un ministère qui n'a fait que mentir et trahir son peuple. Je comprends ce que tu ressens. Moi non plus je ne tolèrerai pas que tout cela reste impuni plus longtemps.

Ethan sort une cigarette de nulle part, et Harry voit qu'il sourit. C'est la première fois qu'il le voit fumer :

- Tu vois, Joanna ? dit-il. Cette fois c'est pour de bon. Harry est sérieux. Nous avons enfin ce petit quelque chose qui nous empêchait de nous lancer, cette étincelle, un leader. Nous avons l'Elu. Il est temps d'aller chasser du Mangemort.

La fumée de la cigarette fait étinceler ses yeux pâles.

Alors Joanna s'autorise un sourire, elle aussi. Ethan lui fait un signe de tête :

- Tu peux appeler les autres.

Harry les contemple sans comprendre. Joanna sort une pièce de sa poche, un Galion, qu'elle touche du bout de sa baguette. Exactement comme Harry prévenait les membres de l'AD pendant sa cinquième année.

Ethan lui fait un clin d'œil :

- J'avoue, je me suis inspiré.

Il y a soudain une série de craquements sonores. C'est d'abord Kevin, puis Mona, David, Russell, Kitty et Noah. Les six premiers. Puis ce sont des gens qu'Harry ne connait pas. Des hommes, des femmes, jeunes et vieux, parfois adolescents. Tous répondent à l'appel de Joanna. Ils surgissent de nulle part, unis par cet espoir inébranlable qui brille dans leurs yeux. Tous contemplent l'Elu et n'affichent ni surprise, ni crainte. Comme s'ils ne voyaient là qu'un cadeau longuement attendu.

Harry regarde autour de lui. Le salon dans lequel il se tient est plein désormais, surchargé. Combien y a-t-il de personnes ? Quarante, cinquante ? Désorienté, il cherche Ethan des yeux :

- Je ne comprends pas, qui sont tous ces gens ?

Ethan exhale lentement. Puis il dit, comme une évidence :

- Tes cavaliers de l'Apocalypse, Harry. Toutes les personnes que les Mangemorts ont blessées, brisées, détruites, à un moment ou à un autre de leur vie. Ils sont tous là grâce à toi, pour toi. Tu leur as redonné espoir. Ils te suivront jusqu'aux portes de l'Enfer.

Il fait face à l'assemblée, s'arrête sur chaque visage :

- N'est-ce pas les gars ?

Nul ne dit rien, mais leur foi transperce leur regard. Sans qu'il ne le comprenne vraiment, Harry se sent à la fois effrayé, bouleversé, et porté par une vague violente, brûlante et gigantesque, capable d'anéantir toutes les barrières.

- Et ils ne sont pas seuls.

Joanna contemple la foule massée dans son salon avec une fierté non dissimulée.

Ethan pose la main sur l'épaule d'Harry et le regarde droit dans les yeux :

- C'est vrai. Nous sommes nombreux. Et nous le serons encore plus, quand les gens auront compris ce que nous sommes en train de faire. Tu es prêt à prendre la tête de tout ça, Harry.

Ce n'est pas une question.

- Les sorciers vivent dans une paix illusoire depuis trop longtemps. Nous allons leur ouvrir les yeux, purifier ce monde.

Il raffermit sa prise et plonge son regard dans le sien, presque front contre front :

- Et nous obtiendrons ta vengeance par la même occasion.