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au 31 Mai 21 :
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L'Héritier
Par Natalea , Torajio
Harry Potter  -  Drame/Action/Aventure  -  fr
33 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 32     Les chapitres     47 Reviews    
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Père et Fils

Quelques heures auparavant, Harry tourne en rond dans l’un des couloirs souterrains du Département des Mystères. Il y a tant de prisonniers qu’il a fallu convertir certains espaces en cachots. De temps à autre, un cri, un râle, remonte des profondeurs de la terre. Difficile de savoir s’il est humain ou non.

Joanna a pris la tête de l’équipe des bourreaux, et Harry sait qu’à l’heure qu’il est, les membres de l’ancien ministère n’ont plus aucun secret pour elle.

Harry sent un frisson lui agiter l’âme. Il reste donc encore quelque chose à agiter… Il s’est promené à travers les salles, jusqu’à rejoindre la grande arche où Sirius est mort. Il revoit sa course effrénée à travers les rangées de prophéties qui se brisent… Il revoit Ginny, combattant à ses côtés. Tout ceci lui procure un sentiment étrange.

Harry tourne une nouvelle fois sur lui-même, s’arrête, repart. Derrière la grille qui transforme le couloir en cellule, le visage de Drago Malefoy le contemple comme un loup à l’affut, impassible. Harry s’immobilise enfin, seulement pour marmonner :

- J’aurais déjà dû te tuer, tu sais…

Malefoy ne répond rien. Il saisit la précarité de sa situation. Il l’a anticipée, et acceptée. Il est lui-même étonné d’être toujours en vie. Mais en un sens, il comprend pourquoi Harry a hésité. Pourquoi, en découvrant qu’un hibou manquait à l’appel, il s’est immédiatement tourné vers lui pour l’accuser. Et pourquoi il a cédé au doute. Pourquoi il l’a enfermé dans cette cellule qui n’en est même pas une.

Tous les éléments avaient beau désigner Malefoy comme traître, Harry n’avait aucune preuve. Et Harry s’était déjà trompé. Harry avait tué Shacklebolt.

Aujourd’hui, avec l’esprit fin que son cynisme lui a légué, Malefoy comprend qu’Harry a été traumatisé par son crime. Il ne revivra pas la même erreur, la même horreur, une deuxième fois. Le meurtre de Shacklebolt a sauvé la vie de Drago.

- Tu devrais le tuer sur le champ, intervient Ethan.

Immense et l’air sombre, drapé dans son manteau noir, Ethan rend à Malefoy son regard de prédateur. L’inimitié entre les deux hommes est palpable. Harry sait qu’Ethan n’a jamais digéré qu’il intègre Malefoy à son cercle restreint. Quoi qu’il en soit, il ne répond pas. Ethan le prend à partie :

- J’ai besoin de te parler.

- Tu peux parler ici.

- Pas devant le traître.

Harry a un soupir d’agacement. Il ne peut lâcher Malefoy des yeux. Que cherche-t-il, au fond de ces yeux gris ? Une preuve d’innocence ? Malefoy n’essaye même pas de se défendre. Alors que cherche-t-il ?

Malefoy lui rend son regard, et c’est comme s’ils n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. Malefoy sent les choses, cette hésitation qui palpite au fond du cœur d’Harry. Il sait qu’il est le dernier lien qui relie l’Elu à son passé. Le seul vestige de son humanité perdue. C’est cela qu’Harry recherche, au fond de ses yeux gris. Même s’il n’en a pas conscience. Malefoy le sait, et il encourage Harry à s’y raccrocher par ce simple regard. Harry se détourne. Il ne peut pas le détruire.

- Tu peux parler ici, répète-t-il à Ethan.

Ce dernier considère Malefoy d’un œil sombre, puis il se penche pour murmurer à l’oreille d’Harry :

- Tous nos hommes sont prêts. S’il faut partir, c’est maintenant ou jamais. Je ne peux peut-être pas te convaincre que c’est lui la taupe, mais tu ne peux pas nier qu’il y a une taupe dans nos rangs. Dieu seul sait ce que nos ennemis ont appris. Si nous voulons encore avoir une chance de les surprendre, il faut partir tout de suite.

Harry acquiesce :

- Dis-leur que j’arrive.

- Mon fils est là-bas !

A l’annonce d’une bataille imminente, Malefoy n’a pu se retenir. Harry fait quelques pas jusqu’à la grille :

- Je sais, dit-il, en contenant toutes les émotions confuses qui s’agitent en lui. Et la façon dont il réagira face à moi m’éclairera sans doute sur ton sort.

Ethan se retire avec un sourire narquois, satisfait par ces paroles. Mais Harry, lui, s’attarde quelques instants. Il n’ose plus regarder Malefoy. Perturbé par ce qu’il a lu dans son regard, et par ce que cela évoque en lui. Lorsqu’enfin il se détourne, le désespoir permet à Drago de trouver les mots justes :

- Souviens-toi que tu m’as sauvé la vie, Potter !

Ce qu’il dit signifie tellement… Ce qu’il essaye de lui transmettre…

- Dans les flammes ce jour-là, dans la Salle sur Demande…, poursuit-il. Tu es revenu pour moi. Souviens-toi de ce que tu as fait pour moi.

Harry ne répond rien. Il s’en va. Drago ne peut qu’espérer qu’il l’a touché au cœur.

« Tu m’as sauvé, espèce de crétin… », songe-t-il en lui-même. « Et aujourd’hui, c’est moi qui veut te sauver. Même si le seul moyen est de te stopper. »

XXX

Harry rejoint Ethan dans son bureau pour activer les Gallions. Lorsque cela est fait, lorsque sa baguette donne le signal du départ, Harry peut presque sentir les rouages du monde qui se mettent en mouvement, qui s’entrechoquent. Quelle que soit l’issu finale, la machine est lancée. Harry échange un bref regard avec Ethan et transplane.

XXX

C’est le début de l’automne à Pré-au-Lard. Un crépuscule sanglant sonne le glas du jour. Le soleil découpe les silhouettes, sublime les ombres comme pour renforcer les ténèbres qui s’annoncent.

En se retrouvant dans la rue principale où il a tant flâné avec Ron et Hermione, Harry doit retenir cette chose qui palpite en lui. Son cœur, depuis si longtemps en sommeil. Il se débat comme un animal en furie aujourd’hui. Machinalement, Harry se masse la poitrine, et il attend que le reste de ses hommes se montre.

Ethan est arrivé en même temps que lui. Puis c’est au tour de Joanna, qui n’aurait manqué cela pour rien au monde. Puis les autres, d’abord des proches, des visages familiers, des compagnons de bataille, tacticiens, hommes et femmes de confiance. Et puis ce sont des inconnus. Des inconnus, de plus en plus d’inconnus. Tous animés par cette même lueur dans leur regard. Cette lueur qui brille de dévotion lorsqu’elle se pose sur lui, l’aperçoit, le reconnait. Harry a un peu peur de cette lueur qu’il provoque.

Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi tout a-t-il un goût différent, aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi voit-il ces gens avec la sensation que c’est la première fois qu’il les observe vraiment ? Et pourquoi n’aime-t-il pas ce qu’il voit ?

Le visage de Kingsley s’impose à lui, en surimpression, et Harry le chasse. Les yeux de Malefoy continuent de fouiller au fond de lui, par-delà leur prison de pierre et de métal…

Ethan lui presse le bras.

Une foule monstrueuse se tient à présent devant lui à Pré-au-Lard. Toute la masse de ses disciples rassemblée comme il ne l’a encore jamais vue. Le village n’a plus rien à voir avec ce qu’il a connu, il résonne de l’appréhension de la bataille. Tous les regards sont tournés vers lui, mais avec l’habitude, cela ne le gêne plus. Il a simplement cette sensation vague, impalpable, que la situation lui échappe.

Alors qu’il n’aurait jamais dû être plus résolu qu’aujourd’hui, Harry contemple la foule amassée à ses pieds et il ne demande qu’une seule chose : un peu de temps pour réfléchir. Mais la foule gronde, se condense, rassemble sa fureur pour mieux la déchaîner contre le château au loin. La foule ne lui laisse pas le temps de réfléchir. Ethan lui presse le bras, et il est temps pour Harry de parler :

- Aujourd’hui, nous sommes au seuil de notre dernière bataille ! crie-t-il.

Les mots s’écoulent de lui, des mots qu’il s’est vu proclamer des centaines de fois, qu’il connait par cœur :

- Pour nombre d’entre vous, justice a été faite. Le Ministère est rentré dans l’ordre et notre monde, petit à petit, va se remettre sur le droit chemin. Mais Poudlard…

Il désigne le château du doigt :

- Poudlard est le dernier bastion qu’il nous faut prendre ! Il s’agit de notre cœur, cette fois, mes amis ! De nos enfants ! Ils sont retenus par ceux qui soutenaient le gouvernement corrompu !

Harry s’interrompt brusquement. Il a le souffle coupé. La montée rapide de ses émotions le paralyse, le poignarde, sans qu’il en comprenne la raison. De toutes les situations tendues qu’il a pu vivre, jamais il ne s’est senti aussi déchiré qu’en cet instant. Comme si le combat se déroulait aussi en lui-même.

Ethan, encore une fois, le ramène à la réalité en lui imposant son regard limpide :

- Allons chercher Albus, Harry.

Albus…

Harry renonce à comprendre. Tout se perd dans ce simple mot. C’est l’ancre à laquelle il a désespérément besoin de se raccrocher. Harry se met en mouvement, et la foule avec lui.

XXX

Les antennes de la révolution ont bien fait leur travail. Elles ont nettoyé le pays, placé aux postes stratégiques des sorciers qui leur sont fidèles. Aucune alarme, aucun Auror ne vient ralentir l’avancée de l’armée d’Harry ce jour-là. Le cortège s’avance sous la nuit tombante. Jusqu’à ce que se profile le pont.

La vision de ce pont, le dernier obstacle avant Poudlard, éveille chez Harry un profond sentiment de malaise. Même la pensée d’Albus ne peut chasser les souvenirs qui percent sa mémoire. Le pont que Neville et Seamus ont fait sauter devant l’avancée des Mangemorts…

Harry jette un coup d’œil à ses pieds : l’herbe est tendre et abondante, ignorante des horreurs qui l’ont foulée. Voldemort s’est tenu ici. Son armée a observé le château, du même point de vue qu’Harry aujourd’hui. Les pensionnaires de Poudlard ont regardé les Mangemorts prendre d’assaut leur maison, leur forteresse. Aujourd’hui, c’est lui l’envahisseur.

Soudain, sans qu’il l’ait voulu, la question se forme sur ses lèvres :

- Comment en est-on arrivés là… ?

Comment la situation a-t-t-elle pu dégénérer au point qu’il doive prendre Poudlard de force ? Son foyer. Le premier endroit qui lui a apporté du bonheur en ce monde.

Aux dernières lueurs du jour, le château semble triste et mort. Il n’y a personne aux fenêtres, pas de lumières à l’horizon. Et Harry se tient là, en équilibre sur la pointe de l’indécision. Rattrapé par son passé qu’il croyait avoir enterré. Pourquoi le regrette-t-il, aujourd’hui ?

Ethan exerce une pression douce au bas de son dos et le fait avancer sur le pont de pierres. Harry est tenté de se raccrocher à lui. Son pilier, l’homme qui a toujours été là pour lui depuis le début de ce cauchemar. Mais il y a Malefoy qu’il a laissé croupir derrière lui dans une cellule. Il y a Kingsley qu’il a abandonné aux charognes sur le Chemin de Traverse. Et il y a Albus, petit visage invisible peut-être, quelque part derrière les vitraux aveugles.

Harry est déchiré par ses aspirations contradictoires, sa violence, ses regrets, ses craintes, sa peine, ses espoirs, toutes ces choses pour lesquelles il pensait se battre et qui se sont vidées de leur sens lorsqu’il a assassiné Kingsley. Jusqu’alors, il était convaincu de défendre une cause juste. De sauver les innocents et de punir les traitres. Le bien et le mal. Mais tout s’est noyé.

Harry n’a plus conscience de rien désormais, si ce n’est qu’il est perdu, au pied du mur. Il ne veut pas de ce pouvoir qu’on lui a mis dans les mains, il ne veut pas de cette foule derrière son dos, et surtout, il ne veut pas voir la mort, les cris et le sang, la pierre éclatée, les sortilèges, les éclairs verts, encore.

Il ne veut pas s’avancer vers ces vitraux, ces armures, les regards des assiégés apeurés, et y voir son reflet, le reflet de ce qu’il est devenu, à la place où s’est tenu Voldemort vingt-trois ans plus tôt.

Seulement, quelque chose en lui comprend qu’il a été trop loin. Il est trop tard. S’il a un jour eu le choix, il ne l’a plus aujourd’hui. La foule décide pour lui. La foule est un monstre abreuvé de rêves de sang depuis trop longtemps. Aujourd’hui, elle réclame son dû.

Voyant Harry s’avancer sur le pont, la cohorte de ses disciples s’avance à son tour, frappant le sol de son pas de géant, murmurant dans ses rangs une clameur sourde qui se change en fureur, en cri de guerre, et la folie s’élève à l’assaut du château.

Harry se perd. Il le sait et pour la première fois, il réalise vraiment ce que cela signifie. Il renonce à se retrouver. Il est trop tard.

Emporté par l’hystérie du nombre, Harry devient un pion dans son propre plan : plus rien ne dépend de sa volonté car il est porté, la foule vit d’un même cœur, d’une même âme, d’un même sang, elle éclate les défenses du château et elle force les portes de l’école des sorciers.     

On les accueille dès le hall d’entrée. Les tirs viennent des profondeurs. Harry ne met pas longtemps à comprendre : tous les habitants se sont réfugiés en sous-sol pour mieux tenir la défense, pour les contraindre à un entrelacs de boyaux, de corridors où ils ne pourront pas se battre à plus de deux de front.

Harry se jette dans la bataille avec la fureur d’un lion, l’assurance d’un chef, ce leader prédestiné qu’il avait toujours été, quel que soit le camp qu’il s’était choisi. Il a l’avantage du nombre et il connait le terrain : il envoie ses hommes se répandre dans les racines de la forteresse par tous les chemins, tous les recoins secrets. La bataille devient vite un chassé-croisé infernal où leurs ennemis sans visages s’enveloppent de ténèbres pour mieux les surprendre, où un homme en combat un autre, un à la fois, sans que quiconque ne puisse déceler à qui tourne l’avantage.

Harry n’a jamais vu Poudlard de cette façon. Il ne voit pas Poudlard : il voit des défenses, des embuscades, des morts, des points névralgiques, des avantages, un point de vue dégagé, un espace à découvert, un enfant mort contre l’embrasure d’une porte. Un enfant mort…

Harry croit reconnaitre Albus et pendant un bref instant, sa vision se brouille. Sa sueur lui coule dans les yeux, ses cheveux collent à son front, il a chaud, soif, il meurt de peur et d’adrénaline. Ce n’est pas Albus. Le soulagement le laisse tremblant, saturé d’émotions. Il ne s’est pas senti comme ça depuis tellement longtemps… Depuis le jour où Voldemort est mort. Ce sont les mêmes émotions, et qui est l’ennemi aujourd’hui ?

Ron surgit soudain au détour d’un couloir et manque de lui rentrer dedans. Abasourdis tous les deux, ils n’ont pas le temps de lever leurs baguettes : une explosion fait s’effondrer le mur à côté d’eux. De l’ouverture béante, une adolescente sort, sa baguette à la main, mais Harry n’a pas le temps de la reconnaitre : elle disparait dans les tourbillons de poussière. Au-dessus d’eux, le château tremble, feule, craque. Il se débat lui aussi contre cette guerre intestine. L’air chargé de particules devient irrespirable. Harry n’entend plus qu’un long sifflement, du sang coule de son oreille droite, et il peut voir Ron escalader les gravats, articulant des ordres, rougi par l’effort.

Harry se fait la stupide réflexion qu’il a l’air d’aller bien. Pour un peu, il lui aurait tendu la main pour l’aider à se dégager des pierres. Alors, ils auraient repris le combat côte à côte, contre cet ennemi invisible qui mettait leur château à feu et à sang.

Ethan doit lui rappeler qu’ils ne sont pas dans le même camp. Il lance un éclair vert sur Ron, et Ron l’évite au dernier instant. Tapi derrière les pierres, il réplique en hurlant. Harry n’entend pas ses cris. Il voit sa fureur silencieuse, son désespoir, il voit ce que chaque geste lui coûte. La bataille semble s’immobiliser pendant ces quelques secondes, et Harry veut lui dire d’arrêter. Ce n’est pas vrai tout ça. Ils ne sont pas en train de le vivre.

Et puis un nouveau tremblement les secoue. Le plafond s’effondre, les séparant définitivement. Harry recouvre l’audition et entend :

- Faites-le tour ! Il est près de la salle de Potions ! Faites-le tour !

Des bruits de pas, des craquements résonnent partout autour d’eux. Harry ne voit pas où est son armée. Des milliers d’hommes éparpillés dans ce réseau de couloirs, comme dans une fourmilière… Il ne peut pas connaître l’avancement de la bataille, il est désorienté et désorganisé, il ne sait pas où aller.

Il jette un regard derrière son épaule pour qu’Ethan le guide. Mais Ethan ne le guidera plus désormais. Un éclat de pierre lui a défoncé le crâne.

Harry perd tout, la panique l’envahit.

Il n’a plus aucune raison de se battre, il n’a plus d’amis, plus de passé, plus d’avenir : il n’est qu’un pion prisonnier au cœur de ce piège, et il a mal dans toutes les fibres de son cœur. Il se rue en avant à la recherche de l’air, de la lumière. L’atmosphère irrespirable le force à remonter vers la surface, où le terrain sera plus calme mais plus exposé.

En titubant, Harry remonte des profondeurs du château, abandonne ses entrailles de pierre, et ouvre grand les portes de la Grande Salle.

- Où est Albus ? crie-t-il.

Dans le vacarme, personne ne lui répond. La bataille s’est transportée des cachots jusqu’au rez-de-chaussée, jusqu’à envahir le hall, la Grande Salle et les étages. Les combattants couverts de poussière s’affrontent sans se reconnaitre, avisant au jugé s’ils font face à un homme ou à un enfant.

Pris dans la tourmente, Harry revient vingt-trois ans en arrière. Il cherche Voldemort des yeux mais il ne trouve que lui-même. Qui doit-il affronter ?

Dans un sursaut, Harry reconnait Hermione qui se bat avec Joanna. Les deux jeunes femmes ont abandonné leurs baguettes : désarmées l’une et l’autre, elles se disputent un éclat de verre que Joanna arrache pour trancher le visage d’Hermione. Harry veut la retenir, lui dire d’arrêter, mais il ne sait pas laquelle des deux défendre. En désespoir de cause, il se jette sur elles, et Hermione, hurlant, récupère le bout de verre qu’elle lui plante dans la jambe.

La douleur court-circuite ce qui reste de l’esprit d’Harry, cette chose qui tentait de trouver un sens à tout ceci. Harry ne songe plus qu’à se défendre : il lève sa baguette mais Neville se jette sur lui. Du fond de sa mémoire, une voix douce retentit à ses oreilles :

« Il faut beaucoup de courage pour affronter ses ennemis, mais il en faut encore plus pour affronter ses amis ».

Harry n’écoute pas, il ne sait plus à qui appartient cette voix, il l’a oubliée : il pointe sa baguette sur le cœur de l’homme en face de lui et articule :

- Avada Kedavra !

Il ne voit pas la surprise sur le visage de Neville, la dernière trahison. Il ne le reconnait plus. Une voix féminine hurle, mais il y a tant de hurlements. A quelques mètres de lui, Hermione, le visage en sang, a immobilisé Joanna sur le sol et frappe sa tempe avec une pierre, de toutes ses forces. Elle se redresse quand elle voit qu’il l’observe. Elle balaye le sang qui lui coule dans les yeux et crie d’une voix cassée :

- Il est là ! L’Héritier est là !

Sa voix sonne comme un cri de ralliement, un choc électrique pour la foule grouillante qui s’engouffre dans la Grande Salle sans discontinuer. Un cercle se forme autour d’Harry. Ses disciples affluent aussitôt pour le défendre, et la bataille émerge enfin à la lueur des torches, sous la Lune funeste auréolée de rouge. Il faut renverser les tables, enjamber les corps, impossible de se déplacer.

Dans la folie des coups qui le visent, Harry ne réfléchit plus, il n’est plus qu’une masse de chair et de sang, qui a cru avoir des idéaux un jour, et qui réalise leur futilité aujourd’hui. Il n’est rien dans tout ceci, tous ne sont rien, rien que des pions prompts à s’entretuer sans le moindre sens, incapable de stopper ce qu’ils ont enclenché.

Harry tombe soudain sur un visage au milieu de la foule, et de nouveau, le temps s’arrête.

Il a grandi. Lui aussi, ses cheveux sombres lui tombent dans les yeux, mais il ne s’en préoccupe pas. Il n’a pas encore la carrure d’un homme. Son uniforme noir est couvert de poussière, déchiré par endroits. Il relève son visage, encore un peu, juste là sur la droite, et leurs regards se croisent.

Albus.

Percevant son trouble, les disciples d’Harry redoublent la défense et ne permettent à personne de l’approcher. Harry n’en a rien à faire. Il voit son fils, pour la première fois depuis plus de deux ans. Il le voit comme un fantôme sorti tout droit du passé. De son cœur qu’il a enterré. Harry a enterré Albus. Seigneur, pourquoi l’a-t-il fait ? Albus est en vie, il est là devant lui, aujourd’hui ! Quand l’a-t-il oublié ? Quand y a-t-il renoncé, sans même se l’avouer, sans même s’en rendre compte ?

Pourquoi est-il venu ici aujourd’hui ?

Harry n’a pas le temps de réaliser ce qui se passe : Albus se jette sur les lignes ennemies. Conscient d’être intouchable, il enfonce la barrière des disciples, qui se referme sur lui.

Les hommes demeurent interdits. Il y a un instant de flottement, pendant lequel partisans de l’Héritier et membres de l’Ordre réalisent qu’Harry et Albus se font face. Harry ouvre la bouche, à la recherche des mots justes, bouleversé par cette vision, cette réunion, incapable de croire au bonheur qui s’offre à lui. Albus fait simplement un pas en avant, lève sa baguette et dit d’une voix blanche :

- Avada Kedavra !

Harry pare le coup par réflexe. Il réplique d’un trait rouge, sans réfléchir à ce qu’il fait, et Albus s’écrase contre le mur au fond de la salle, le souffle coupé, le bras droit inversé dans un angle étrange.

Le silence tombe brusquement. Plus personne ne semble capable de bouger, de prononcer le moindre son. On entend de temps à autre le gémissement des blessés. Albus, cramponné à sa baguette, serre les dents sur le sang qui dégouline de ses lèvres. Toute l’absurdité de cette bataille semble résumée dans cette seule image.  

Harry regarde le sol autour de lui. Les pierres sont recouvertes du sang qui a été versé pour lui, à cause de lui. Où que se pose son regard, il voit ses amis mourir, dans les deux camps. Le cadavre de Neville embrasse celui de Joanna. Il ne se rappelle même plus s’il les a vus mourir.

De nouveaux combattants arrivent sans cesse dans son dos par la porte de la Grande Salle, mais tous se taisant et observent. Ron, échevelé, le torse tailladé, arrive parmi les derniers. En apercevant Albus, il veut crier et courir vers lui, mais ses forces l’abandonnent et il tombe sur le sol en ruines. Il tend la main. Il s’est battu, il veut se battre jusqu’au bout. Harry se détourne.

Il s’avance vers Albus, qui lève sa baguette et articule :

- Avada Kedavra…

Harry pare le coup.

- Avad…

La baguette d’Albus vole à l’autre bout de la salle.

Le garçon se redresse, le regard plein de haine. Il cherche autour de lui une arme pour se défendre et saisit une pierre à portée de sa main. Il ne dit pas un mot : il n’a rien à dire.

Harry s’arrête à deux pas de son fils. Sa chair et son sang, l’enfant qu’il a chéri, embrassé, rassuré. Albus se tient devant lui aujourd’hui, il ne le lâche pas des yeux, et il se crispe à chacun de ses gestes comme un animal blessé. Il n’a pas peur de lui. Il le hait.

Harry se perd dans les yeux verts de son fils et y lit cette vérité toute simple : son fils veut le tuer.

Quels que soient les actes qu’il a commis… Quels que soient les évènements qui se sont déroulés, et qui l’ont amené jusqu’ici… Ces évènements n’ont plus le moindre sens désormais. Plus rien n’a de sens. Harry ne voit plus Ginny et son visage massacré. Il ne voit plus James et Lily, le sang sur ses mains, le Furosensis. Ses meurtres, ceux des autres. Les responsables.

Harry voit uniquement ce qu’il a oublié de voir depuis plus de deux ans : Albus. Albus était le sens de sa vie, et il l’a perdu.

Alors soudain, Harry comprend tout. La longue route commencée il y a deux ans révèle enfin à quel point elle était vaine. Il ne connaitra jamais le coupable. Il n’a plus le désir de vivre pour cela. Il n’en a plus besoin. L’acceptation se fait en lui-même, avec une ironie douce. Harry prend sa décision. Il se cramponne au visage de son fils et il dit :

- Je suis désolé. J’aurais dû vivre pour toi. Je t’aime.

Puis il accroche la foule du regard, tous les yeux rivés sur lui. Tant de visages familiers… Ron et Hermione, ensemble, agenouillés. Hugo. Même Rose qui empoigne sa baguette à deux mains. Harry lève sa baguette lui aussi, droit sur Albus. Il le regarde dans les yeux et tente de lui transmettre tout l’amour, tous les regrets, toutes les choses qu’ils ne se sont pas dites et qu’il ne pourra jamais lui dire. La compréhension se fait jour sur le visage d’Albus. Pendant une seconde, père et fils sont enfin réunis. Puis Albus comprend, il comprend vraiment, mais il est trop tard. Harry fait mine d’ouvrir la bouche. Toutes les armes se dressent, et Albus crie :

- Non ! Attendez ! C’est un suicide, vous ne voyez donc pas ?!

- Avada…

Toutes les baguettes de l’Ordre s’illuminent d’un même éclair vert. Harry ne voit que le vert des yeux d’Albus.

« Je suis désolé, mon fils. Je te libère. Tu es libre de moi. »

Avant de sombrer dans l’abyme, Harry se demande vaguement quel trait atteindra sa cible en premier. Dans les premiers assauts du néant, il lui semble que c’est celui de Rose.

 
 
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