Bonjour à tous =)

A partir de maintenant tous les chapitres seront de moi, Natalea ^^. J'espère que ça continuera quand même à vous plaire malgré le départ de Torajio.

Bonne lecture !

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Harry a attendu une semaine avant de mettre son plan à exécution. Ce n'est pas comme prendre d'assaut le vieux père Rowle tremblant sur ses jambes d'octogénaire. Cette fois, c'est différent. Le projet a nécessité de la préparation et de la méthode. La piste est trop prometteuse pour qu'il puisse se permettre de foncer tête baissée.

Harry n'a pas remis les pieds au manoir Malefoy depuis que Ron et lui en ont visité les sous-sols, pendant qu'Hermione se faisait torturer par Bellatrix Lestrange. Y penser lui procure une sensation étrange. A cet instant, alors que cela fait des mois qu'il ne les a pas vus, son esprit se tourne vers ses amis et attend d'eux qu'ils redeviennent ses alliés. Les réflexes ne disparaissent jamais totalement... Aujourd'hui, c'est Ethan qu'il trouve à ses côtés :

- Dès qu'on sera rentrés, il faudra qu'on maitrise Malefoy, énonce l'Auror. On ne peut pas prendre le risque qu'il transplane. A priori, ils ne seront que trois dans la maison.

Ethan s'adresse au petit groupe qu'ils ont réuni pour mener l'attaque. Kitty, Russell, deux hommes d'une trentaine d'années qui étaient là lors de l'assaut en Irlande, et un nouveau, Nate, qui brille par son enthousiasme. Plus Joanna, évidemment. Il y a quelque chose dans l'assurance froide qu'elle place dans ses gestes qui pousse Harry à ne pas se passer d'elle.

Leur plan est plutôt simple en fait, mais il nécessite de la rapidité, et donc un minutage parfait. Vers trois heures du matin, Harry et ses disciples transplanent dans le Wiltshire, dans la campagne majestueuse où les Malefoy ont établi leur domaine. Le manoir est là, comme tout droit sorti d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, immense, sinistre et noir. Une grille en fer forgé nargue le ciel obscur de ses piques, les ifs concentrent leur aura mortelle, et la brume tourmentée fait naitre des monstres dans ses voiles déchirés. La pleine lune, orange, surnaturelle, jette sur ce tableau de cauchemar un œil d'apocalypse.

Sans un mot, Harry conjure le sort qui maintient la grille et la porte d'entrée fermées. Une alarme se déclenche qu'il fait taire aussitôt. Intéressant. Malefoy se tient sur ses gardes. Malheureusement pour lui, son passif d'Auror a légué à Harry toutes les connaissances nécessaires pour s'introduire chez lui sans qu'il ne s'en aperçoive, du moins pas avant le moment fatidique.

Joanna est la première à entrer dans le grand hall en mezzanine. Tout de suite en face d'eux, un grand escalier de marbre blanc part à la conquête des étages. La lumière sanglante de cette nuit étrange se déverse à flot par une rosace cristalline, juste au-dessus de la porte. La soie moirée d'un tapis persan étouffe le bruit de leurs pas, tout en gardant l'empreinte de leur passage. En jetant un coup d'œil sur les motifs entrelacés à ses pieds, Harry voit la marque plus claire qu'a laissé sa semelle, et il ne peut retenir un frisson en songeant aux autres pas qui ont foulé ce sol avant lui. Voldemort et son armée de Mangemorts. Comment Malefoy peut-il encore vivre ici ?

Rien que l'odeur lui donne envie de vomir. Cette froideur de pierre, le goût d'une poussière étrangement minérale, comme une terre de cimetière. S'il prend à droite, Harry sait qu'il tombera sur la longue salle à manger où le Seigneur des Ténèbres tenait conseil, dans la peur de ses disciples. Son passé d'Auror, et plus loin encore, son passé d'adolescent, lui revient brusquement en mémoire. Il se souvient de ce qu'il éprouvait à cette époque. La terreur et la haine, envers une abomination qui le révulsait. La fureur lui donnait envie de hurler. Voldemort avait massacré tellement d'innocents au nom de son idéal de pureté. Et aujourd'hui, plus de vingt après sa mort, les relents de ce qu'il avait laissé continuaient d'empoisonner la vie de Harry, et du monde sorcier.

Ethan et Joanna ramènent Harry à la réalité : ils gravissent les escaliers et l'Elu leur emboite le pas, leurs quatre alliés à sa suite. Les derniers cancrelats de Voldemort sont encore en vie. Et en ce moment même, Harry se charge de les éradiquer.

Un immense lustre les reçoit au premier étage. Chaque branche étire ses cristaux comme sur la corolle d'un grand paon, chaque cristal traversé de cette lueur rousse qui enflamme la nuit. Le labyrinthe de corridors qui s'ouvre devant eux baigne dans cette même atmosphère lourde, fossilisée par des années de pratiques obscures et de traditions obsolètes.

A partir de là, Harry ne connait pas les lieux. Il sait qu'Arthur Weasley a eu l'occasion de perquisitionner le manoir Malefoy, une fois, mais il ne lui a jamais fait un plan détaillé. Aussi les sept silhouettes encapuchonnées se séparent-elles en trois groupes pour sonder les salles immémoriales de la demeure. Harry s'est adjoint Joanna et Nate. Lentement, ils remontent un couloir bordé d'une galerie de portraits dans la plus pure tradition aristocratique. Fort heureusement pour eux, ils n'ont pas allumé de lumière, et les ancêtres de la famille Malefoy demeurent plongés dans un sommeil solennel.

Harry se surprend à redécouvrir au détour de ces visages les cheveux platine, le nez pointu, les lèvres fines de son vieil ennemi. Malefoy se présente devant lui comme un souvenir éthéré, et chaque pas l'appelle un peu plus vers ce qu'il sait être la bonne direction.

Harry n'a aucun mal à se diriger dans le noir. Il se coule dans les eaux profondes d'un océan sans chaleur, sans couleur, qu'aucune lumière n'a jamais effleuré, et qui reflète le calme profond de son âme.

Lorsqu'il pousse une porte en merisier massif, il sait immédiatement qu'il a vu juste. Un grand lit à baldaquin déploie sa splendeur du haut de ses piliers chantournés. Un édredon d'argent brodé de vert dessine le corps de Drago Malefoy, endormi, une femme gracile auprès de lui.

Harry reste là un instant à le contempler, lui son ennemi de toujours, qu'il a pris l'habitude de voir deux fois l'an à la gare de King's Cross. Avec le temps, leur querelle s'est apaisée. Harry n'aurait su dire comment, mais il s'est passé quelque chose lorsqu'ils avaient dix-sept ans, dans cette Salle sur Demande en flammes. Avec l'âge et la maturité, Harry a réalisé qu'il avait toujours ressenti davantage de pitié que de haine pour Malefoy. Parce que c'était un être pitoyable, né dans une famille pitoyable, sans la moindre chance d'échapper à cette vie pitoyable. Quel choix Malefoy avait-il eu, dès le départ ? Avec des parents comme les siens, son destin avait été scellé aussi sûrement que celui d'Harry le jour où Voldemort l'avait gratifié de sa marque.

Telles étaient les réflexions qui animaient Harry encore un an plus tôt, lorsqu'il croisait Malefoy à la gare, avec sa femme et son fils aussi dignement semblables, et qu'ils échangeaient un bref signe de tête. Mais aujourd'hui, alors qu'il lève sa baguette pour le réveiller, Harry ne ressent plus que l'impatience folle devant la piste qui le mènera au meurtrier de sa famille :

- Incarcerem.

Malefoy se réveille en sursaut tandis que les liens l'entravent. A la seconde même, Joanna lance le même sort pour maîtriser Astoria. Harry n'attend pas : il se jette sur Malefoy qui tente de se redresser, malgré les cordes, et il pointe sa baguette contre son cou pour le forcer à le regarder :

- Arrête de bouger, ou je te tue.

- Potter ?!

Harry voit la surprise et l'adrénaline dilater les prunelles de Malefoy. Sa voix traînante, ses yeux trop pâles, les souvenirs se pressent à nouveau à la barrière de son esprit. Il ne faut pas qu'il oublie pourquoi il est là :

- Salut, Malefoy, dit-il en s'autorisant un sourire. Pas trop surpris de me voir, j'espère ? Tu devais bien t'attendre à ce que ce soit ton tour.

- Arrête tes conneries ! proteste Malefoy en se débattant vainement. Si tu pensais que je méritais de mourir, tu m'aurais fait enfermer à Azkaban depuis des années !

Cette logique prive Harry de la moindre répartie, et cela le rend fou de rage. Dix secondes que Malefoy a ouvert la bouche, et il a déjà envie de l'éclater.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Agressif, tremblant de colère et de stress, Malefoy attend sa réponse. A travers ses liens, il a saisi la main d'Astoria qu'il presse dans la sienne pour la dissuader de parler. Et Harry est médusé par sa réaction.

- Tu veux Dolohov ? reprend-il, hargneux. C'est ça ?

A cet instant, Ethan franchit le seuil de la chambre en poussant devant lui un Scorpius ligoté. Malefoy se crispe encore plus si c'est possible, les cordes craquent sur sa peau dénudée, mais il braque de nouveau son regard de glace sur Harry :

- Ecoute-moi bien, Potter, crache-t-il. Je me fous de Dolohov. Après ce que tu viens de me faire, tu auras de la chance si je ne t'étripe pas vivant. Mais si tu touches à un cheveu de mon fils...

Harry lui enfonce sa baguette dans les chairs jusqu'à lui faire ravaler son venin :

- Tu n'es pas en position de proférer des menaces.

- Scorpius..., glapit Astoria.

Joanna la gifle, vite et fort. Elle saisit la jeune femme par les cheveux et tire sa tête en arrière :

- Tu la fermes !

Malefoy lutte pour retrouver son souffle, mais Harry le voit serrer la main d'Astoria qui refoule ses larmes et se tait. Le regard de Malefoy cherche le sien. Ce qu'il dit ensuite lui fait l'effet d'un coup de poing en pleine figure :

- Alors c'est vrai... Tu es vraiment devenu taré.

Ethan lève déjà sa baguette, mais Harry le retient :

- Tu sais pourquoi je suis là, déclare-t-il calmement. Où est Dolohov ?

- Il est venu ici il y a deux mois de ça, répond Malefoy sur le même ton. Je l'ai foutu à la porte.

Harry ne sait plus quoi penser. Stupéfait par la coopération de Malefoy, par ses réactions...

- Qu'est-ce que tu crois, Potter ? renchérit celui-ci avec cette inflexion insupportable. Tu crois que je les apprécie, ces gens ? Que je me soucie d'eux ? Que ce sont mes amis ?

A mesure qu'ils s'échappent de lui, les mots de Malefoy corrodent tout ce à quoi Harry s'attendait :

- J'ai toujours trouvé que tu n'étais qu'un faible, poursuit-il. Un sale petit pleurnichard balafré qui ne savait rien faire à part envoyer ses amis se faire tuer à sa place.

Harry est sur le point de lui sauter dessus, mais la suite le retient :

- Je te préfère largement maintenant.

Harry se recule :

- Tu délires complètement...

- Non... Regarde-toi. Tu as pris les choses en main. Tu es de nouveau l'Elu. Le grand homme.

Tout ceci dit avec un tel dédain...

- Mais tu massacres les connards qui ont bousillé ma vie, alors ce n'est pas moi qui vais te retenir. Tu t'es enfin décidé à agir, Potter. Depuis le temps que tout le monde se paie ta tête.

Ethan s'avance jusqu'au pied du lit. Il ne connait pas Malefoy. Il peut le juger en toute objectivité. Aussi, ses yeux pâles rencontrent les siens, et il pose la question :

- Tu essayes de nous faire croire que tu es du côté d'Harry ?

Malefoy plisse les yeux de dédain :

- C'est qui, celui-là ?

- Réponds.

Malefoy le terrasse de son air le plus arrogant :

- Ne m'insulte pas. Je ne serai jamais du côté du Saint Bernard.

Il a un regard pour Harry, et pour la main déterminée qui braque la baguette sur lui :

- Mais aujourd'hui, le Saint Bernard a enfin trouvé ses crocs, on dirait, complète-t-il. Et ça ne me dérangerait pas de l'aider à traquer ses proies.

Harry s'assoit sur le rebord du lit. Il force Malefoy à se redresser à sa hauteur, et il lui demande :

- Où est Dolohov ?

- A Little Hangleton.

- Dans la maison ?

- La maison des Jeux du Sort, oui.

L'espace d'une seconde, Harry se laisse absorber par le regard hypnotique et sans mensonge de Malefoy.

- Comment tu le sais ? s'entend-il demander.

- C'était la maison de Tu-Sais-Qui, Potter, répond Malefoy comme une évidence. Ce sont des choses qui se savent. Il y a beaucoup d'informations qui circulent, au département des Mystères. Des choses dont les Aurors ne sont pas informés.

Harry met quelques secondes à réaliser ce que ces paroles impliquent. Après la mort de Voldemort, les Malefoy s'étaient retirés de la vie publique. Leur influence, et leur comportement ambigu lors de la bataille de Poudlard, avaient permis à Lucius et Narcissa Malefoy d'éviter la prison. Ils n'avaient toutefois pas survécu longtemps au traumatisme. Lucius était mort quelques mois après la défaite de Voldemort. Déchu, détruit par un maître qui l'avait terrifié et méprisé, rejeté et haï par l'ensemble de la communauté sorcière, la folie avait finalement eu raison de lui. Narcissa l'avait rejoint dans la tombe l'année suivante. Drago s'était retrouvé seul à la tête d'un empire, toujours aussi indécemment riche. Revenir à Poudlard aurait été du suicide pour lui. Il avait fait sa dernière année d'études à Durmstrang, et s'était consacré à l'étude des potions. Harry n'y avait pas prêté plus d'attention lorsqu'il en avait entendu parler. Mais maintenant qu'il y réfléchissait, il se rappelait que Malefoy avait toujours excellé dans cette matière. Et que son attachement pour Severus Rogue, son parrain, avait toujours été sincère.

Rogue qui s'était avéré être un membre de l'Ordre, au final. Un Mangemort repenti, un partisan de la lumière...

Du fait de son passé, il était évident que Malefoy ne pourrait jamais entrer au Ministère de la Magie en tant que membre du gouvernement. Cependant, ses talents l'avaient amené à une place plus discrète. Il était devenu maître des potions pour le département des Mystères, à devoir travailler sur des projets obscurs dans des salles obscures, sans que personne ne lui dise jamais pour quoi ni pour qui il travaillait. Malefoy avait trouvé le moyen de refaire sa vie. En un sens, il avait trouvé son repentir. Sa manière d'échapper à la guerre qui s'était incrustée en lui quand il avait dix-sept ans. Le hasard avait fait qu'Harry et lui n'avaient jamais eu à se croiser. Mais aujourd'hui, assis au chevet de son ennemi ligoté, Harry comprend soudain deux choses.

Il comprend la haine de Malefoy envers Dolohov, cet homme qui a brusquement ramené l'enfer dans sa vie. Et il comprend que Malefoy, depuis les entrailles sinueuses du département des Mystères, a appris des choses qu'encore une fois, le Ministère lui a cachées. Aussi Harry inspire-t-il à fond. Et il demande :

- Je peux te faire confiance ?

Malefoy lui adresse ce sourire cynique qu'il déteste tellement :

- Enlève la couverture.

- Quoi ?

- Enlève la couverture.

Harry tire sur l'édredon. Malgré les liens qui entaillent son poignet à vif, de sa main droite, Malefoy tient fermement sa baguette directement pointée sur Harry :

- Je dors toujours avec ma baguette à portée de main, Potter.

Avant que qui que ce soit ait le temps de réagir, il desserre ses doigts et abandonne la baguette entre les draps. La Marque des Ténèbres s'enroule autour de son bras nu comme un serpent monstrueux. Une empreinte à jamais gravée en lui, pour lui rappeler que le cauchemar était réel.

Il passe à cet instant entre Harry et Malefoy une compréhension au-delà des mots, qui leur semble surnaturelle à tous les deux.

D'un geste bref, Harry libère Malefoy, Astoria et Scorpius. La jeune femme se précipite hors du lit pour serrer son fils dans ses bras. Harry se fait la réflexion vague qu'Albus et Scorpius doivent avoir à peu près le même âge. Puis Joanna fait le tour de la pièce, adresse un sourire froid à Malefoy, et déclare :

- C'est plutôt grand, ici. On a notre nouveau QG.