Chapitre de Natalea ;D
J'espère que ça vous plaira. Bonne lecture !
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Deux mois plus tard...
— Bonjour à tous. Comme vous le voyez, aujourd'hui, nous accueillons un nouvel arrivant : Harry.
Une dizaine de voix monocordes s'élèvent simultanément :
— Bonjour, Harry...
— Harry, vous voulez bien vous présenter ?
Assis sur sa chaise en plastique bancale, Harry fait la grimace. Bon sang, cette psy le prend vraiment pour un idiot.
— Toi, là, dit-il en désignant un homme assis en face de lui.
Rachitique, mal rasé, les tempes grisonnantes, il porte sur le monde un regard troublé et fuyant. Se voyant interpellé, il sursaute brutalement et se recroqueville sur sa chaise. Ses yeux arrondis au maximum semblent tournoyer tous seuls dans leurs orbites. Ses mains se mettent à trembler et il fixe tant bien que mal Harry, comme une proie face à son prédateur.
— Qui je suis ? lance Harry.
L'homme gémit pitoyablement, puis sa bouche se fend sur une rangée de dents gâtées et il articule :
— Harry...Harry Potter !
Harry hausse les épaules :
— Vous voyez ? Inutile de faire tout ce cirque. Tout le monde me connaît, tout le monde sait pourquoi je suis ici.
— Il paraît que tu as assassiné toute ta famille..., lance une voix rêveuse.
Harry se retourne brusquement. C'est une jeune femme aux cheveux bruns, longs et ternes. Blafarde, les joues creuses, elle ressemble vaguement à un squelette. Elle regarde droit devant elle, dans le vide, sans rien fixer de particulier. Perdue dans les méandres de son esprit, nul ne sait ce que ses yeux contemplent...
— Je ne les ai pas tués, articule Harry lentement pour que le message pénètre son crâne.
Il est las de prononcer cette phrase... Chaque jour c'est la même chose.
À sa droite, sa « psychologue », une certaine Marie Chesnay, replace une mèche de cheveux blonds derrière son oreille :
— Harry, pouvez-vous expliquer à Suzanne pourquoi vous êtes ici ?
Harry enfouit son visage entre ses mains et expire longuement. Lorsqu'il relève la tête, il détaille la jeune patiente qui a d'ores et déjà oublié son existence :
— À quoi ça pourrait bien servir ?
— Harry, c'est une thérapie de groupe. Vous êtes ici pour parler. Pour l'instant, Suzanne ne vous connaît pas, par politesse, vous pouvez lui en apprendre un minimum sur vous, vous ne croyez pas ?
Harry soupire.
— Il y a deux mois, quelqu'un est entré chez moi, pendant que je n'étais pas là. Il a assassiné ma femme, et deux de mes enfants.
Son cœur se serre. Il a appris à réprimer ses larmes. Il a enfoui ses sentiments au plus profond de lui, pour ne plus souffrir. Pour qu'ils ne puissent plus l'atteindre. Mais quelque fois... la douleur lui saute à la gorge. Dans ces instants-là, il se sent comme un animal blessé. Il se réfugie dans un coin de sa chambre, comme un enfant qui a peur des monstres dans le placard. Lui, ce sont les monstres de son esprit qu'il fuit.
— Quand je suis rentré chez moi ce jour-là, j'ai n'ai retrouvé que leurs corps sanguinolents...
La psychologue se racle la gorge :
— C'est bon, Harry, c'était très bien.
— Non. Maintenant que j'ai commencé, je suis obligé de poursuivre.
La jeune femme croise son regard mais n'ose pas le contredire. Harry croit déceler, au creux de ses prunelles, une étincelle de peur.
— Au début, je n'ai pas réalisé. Ce n'est que lorsque les Aurors sont arrivés que j'ai compris. Je crois que j'aurais aimé ne jamais comprendre... On m'avait pris ma femme ! Ma fille, et mon fils ! On me les avait arrachés ! Et jamais, jamais plus je ne les reverrai. Comment reprendre une vie normale, quand on a perdu tout ce qui comptait pour nous ? La réponse est simple. On ne peut pas.
Il fait une pause, avale sa salive avec difficulté. La jeune femme rêveuse a maintenant le regard braqué sur lui. Ses yeux grands ouverts le dévisagent avec un mélange de compassion et d'horreur.
— Ensuite, deux hommes sont venus ici, dans ma chambre d'hôpital. Ils m'ont dit que j'étais accusé du meurtre de ma famille. Ils m'ont enfermé, comme un criminel.
Son visage se barre d'un sourire amer :
— Comme si j'avais pu tuer Lily et James... Autant me demander de m'arracher le cœur ! Ç'aurait sans doute été moins douloureux...
Il relève sur la dizaine de patients qui l'entourent un regard brûlant :
— Mais le pire, c'est qu'on m'a condamné ! On m'a reconnu coupable du meurtre de ma famille ! Harry Potter, assassin de Ginny, James et Lily Potter ! Mais je ne les ai pas tués !
Une minuscule larme, traîtresse, roule le long de sa joue.
— Harry, fait la voix de la psy. On en a déjà parlé. Ce n'est pas bon pour vous de vous voiler la face. Il est inutile de nier l'évidence, l'important à présent, c'est de reconnaître ce que vous avez fait. Il n'y a que comme ça que vous pourrez avancer.
— Vous ne comprenez pas ! Je n'ai rien à accepter ! Pourquoi est-ce que je devrais reconnaître un crime que je n'ai pas commis ?!
— Harry, les preuves ne mentent pas !
— Mais qu'est-ce que vous en savez ? Vous étiez là, peut-être ?
— Bien sûr que non, je...
— Vous avez vu la gorge tranchée de ma femme ? Ma fille si affreusement poignardée que son lit n'était plus qu'un bain de sang ? Vous aussi, vous avez trébuché sur le corps lacéré de mon fils en entrant dans sa chambre ?
— Harry...
— Ma femme a été battue si sauvagement qu'elle avait des ecchymoses sur tout le corps ! Ensuite, son meurtrier lui a tranché la carotide ! En tombant, elle s'est brisée la nuque sur le mur de notre cuisine ! Et comme si ça ne suffisait pas, cette ordure a massacré son visage ! Il l'a frappée avec une bouteille en verre brisée, encore et encore ! Vous croyez vraiment que j'aurais pu faire ça ? Je l'aimais ! Ginny, James et Lily, ils étaient tout pour moi !
Chesnay tend les mains devant elle, apaisante :
— Harry, je sais que ce n'est pas facile. Mais après toutes les épreuves que vous avez traversées, il est normal que vous ayez... dérapé. C'est humain. Vous avez vécu tellement d'horreurs. Cela devait arriver, un jour ou l'autre. Et si vous êtes ici, c'est justement pour qu'une telle tragédie ne se reproduise plus jamais.
— Je vous dis que je ne les ai pas tués ! Ils étaient en vie quand je suis parti !
— Vous étiez couvert de leur sang...
— Ils allaient bien ! Les enfants dormaient, Ginny était dans la cuisine ! Ils vivaient encore !
La psychologue prend un air désolé :
— Ce n'est pas ce que disent les Aurors...
Harry sent la haine affluer dans ses veines. Son cœur s'accélère, il peut percevoir les pulsations de son pouls contre son cou.
— Les Aurors ont été manipulés ! Les preuves ont été manipulées, tout n'est que mensonge ! C'est un piège ! UN PIÈGE !
— Monté par qui, Harry ? Réfléchissez. Qui aurait voulu s'en prendre à vous, pourquoi maintenant ?
Harry porte la main à son front. Il est en sueur, la colère et la peine exhalent par tous les pores de sa peau. Il sent monter en lui un besoin viscéral : celui de prouver son innocence. Il ne supporterait pas d'être l'assassin de sa famille une seule seconde de plus. Il faut les convaincre ! Convaincre Chesnay, et mêmes les patients ! Que quelqu'un le croit, enfin... Qu'ils arrêtent de dire qu'il les a tués...
— Lewison ! s'exclame-t-il. Ce maudit serpent a très bien pu monter ce complot contre moi ! Il en a eu mille fois l'occasion ! Cela fait des années qu'il lorgne sur mon poste, en attendant son heure !
— Harry, toutes les preuves sont contre vous...
— Mais puisque je vous dis que les preuves ont été falsifiées ! Ce n'est pas possible autrement, c'est forcément ça !
Pris par l'émotion, Harry se lève brusquement de sa chaise.
— Je vous en prie, gardez votre calme, dit Marie Chesnay. Asseyez-vous et discutons-en, vous voulez bien ?
Harry fixe la psychologue de toute sa hauteur, dressé au milieu de ce cercle de suicidaires, paranoïaques et autres schizophrènes. La jeune femme blonde semble si posée, si... distante. Comment peut-elle rester calme dans une telle situation ? Comment peut-elle l'accuser du meurtre de sa famille avec ce petit sourire tranquille au coin des lèvres ?
— Discuter ? répète-t-il dans un souffle. Comment voulez-vous que je reste là, assis à discuter avec une femme qui n'attend que la fin de la journée pour toucher sa paye ? Vous n'en avez rien à foutre de ce qui s'est vraiment passé, n'est-ce pas ? On vous a dit : « Harry Potter a tué sa famille, faites-le avouer et vous arrondirez vos fins de mois » ! Mais pendant que je reste ici à cause de vous et de votre putain de hiérarchie corrompue, le vrai meurtrier court toujours dans la nature ! L'assassin de ma famille est dehors, libre de se délecter de sa victoire, pendant qu'on m'enferme à sa place ! Vous devez me relâcher !
— Harry, expliquez-moi comment le sang de votre famille a pu se retrouver sur vos vêtements sans que vous ne vous en rendiez compte ? Comment votre baguette a pu jeter le sort qui a tué James sans que vous ne la braquiez sur lui ? Comment seules vos empreintes ont été retrouvées sur la bouteille qui a dévisagé Ginny ?
Harry se rapproche dangereusement et se met à hurler :
— Je vous interdis de parler de Ginny ! Je suis l'Élu ! Je vous ai sauvée de Voldemort, vous et tous les autres ! Et vous, qu'est-ce que vous faites ? Vous m'enfermez ici comme un malade mental, un criminel ! Et pendant ce temps, le vrai meurtrier est LIBRE ! Où est la justice ? Il n'y a aucune justice ! Les Aurors sont incapables de regarder plus loin que le bout de leur nez !
— Ils n'ont pas eu à le faire, Harry. Vous êtes coupable.
La jeune femme se penche en avant et plonge ses yeux bleus dans les siens :
— Regardez-moi bien. Rappelez-vous. Votre mémoire occulte vos souvenirs parce que vous refusez d'admettre votre crime. Vous avez tué Ginny.
Les traits d'Harry se crispent :
— Non...
— Vous avez tué James.
— Non !
— Vous avez tué Lily.
— NON !
Sans prévenir, Harry se jète sur la jeune femme, renversant sa chaise, les envoyant tous les deux rouler sur le sol.
— Arrêtez de dire ça ! Vous n'avez pas le droit ! Vous n'avez pas le droit !
Fou de rage, il enserre le visage de la jeune femme entre ses mains pour la faire taire et martèle son crâne contre le carrelage du sol au rythme de ses hurlements :
— JE NE LES AI PAS TUÉS ! VOUS MENTEZ ! VOUS ET TOUS LES AUTRES ! VOUS MENTEZ ! TRAÎTRES ! TRAÎTRES !
Quelque chose de lourd se jette sur lui et le propulse en arrière. Harry se redresse aussitôt et relève ses mains en position de défense. Elles sont rouges. Couvertes de sang... Une succession de flash assaille son esprit. James, étendu sur le sol. Lily, blottie dans ses couvertures écorchées. Ginny, la nuque brisée. Et du sang, du sang, partout du sang. Harry se prend la tête à deux mains. Ses pupilles se dilatent, sa vision se teinte de cette omniprésence de rouge. Il suffit d'une fraction de seconde. L'abyme en profite. L'ombre se glisse en lui, et Harry sombre.
L'aide-soignant qui l'a percuté lui fait face, prêt à intervenir. Déjà, des renforts arrivent. Harry ne réfléchit pas. Il est Auror, il sait se battre. Il doit sortir d'ici. Retrouver l'assassin de sa famille. Il avance d'un pas vers le mastodonte d'un mètre quatre-vingt-quinze et lui décoche un crochet du gauche. Il frappe si vite que l'homme n'a même pas le temps de se protéger. Harry sent les os de la mâchoire se briser sous l'impact. L'aide-soignant tombe à terre en hurlant. Mais déjà, Harry passe à un nouvel assaillant. Des quatre coins de la salle, de tous les corridors de l'hôpital, des aides-soignants affluent. Des gardiens, des infirmières, des médecins... Même les patients amorphes se sont levés de leur chaise. Désemparés, ils se tiennent plaqués contre les murs, le plus loin possible d'Harry. L'homme aux yeux exorbités se tient à genoux auprès de Marie Chesnay, emmêlant ses cheveux trempés de sang en hurlant à la mort.
Mais Harry ne voit rien de tout cela. Ses poings frappent à nouveau, les os se brisent, le sang jaillit de ses phalanges blanchies à l'extrême. Le Sauveur du monde sorcier s'engage dans un véritable ballet mortel. Harry est aveugle. Il ne voit plus rien, ne ressent plus rien à part cette mer de sang et toute cette haine qui s'échappe de son âme à travers ses poings. Il frappe, encore et encore, hurle jusqu'à ce que sa voix flanche. Dix-sept personnes se sont portées au secours de Marie Chesnay. Moins de cinq minutes plus tard, dix-sept personnes gisent sur le sol de carrelage souillé. Assommées, ou tordues de douleur, les os disloqués. Les patients se tiennent toujours immobiles le long des murs. Un lourd silence tombe sur la salle d'hôpital, entrecoupé de gémissements. Harry est en nage. Il halète, ses mains lui font mal, ses phalanges sont à nu. Hébété, comme s'il revenait brusquement à la réalité, il fait un tour sur lui-même, contemplant le massacre autour de lui. C'est alors que son regard tombe sur Marie. L'homme squelettique se tient toujours auprès d'elle et il caresse ses mèches blondes imbibées de sang. Il sanglote, ses gémissements râpeux ressemblent aux jappements d'un chien blessé. Instinctivement, Harry plaque une main contre sa bouche, étalant du sang sur son visage.
— Seigneur, qu'est-ce que j'ai fait ? souffle-t-il.
Il se tourne vers la jeune femme aux cheveux ternes. Elle le dévisage de son air absent, comme si rien, pas même la violence de la scène, ne pouvait l'atteindre.
— Qu'est-ce que j'ai fait ? hurle Harry, ancrant son regard au sien comme à une bouée de sauvetage.
Le visage de la patiente n'exprime rien, mais sa voix doucereuse s'élève dans les airs, comme une sentence :
— Tu es un meurtrier à présent, Harry Potter...
— Non !
Harry porte les mains à sa tête, agrippe ses cheveux, comme pour éloigner de son esprit une vérité qui lui crache au visage. Il contemple le corps inerte de la psychologue, et l'homme squelettique qui le fixe avec mépris :
— Meurtrier ! jappe-t-il de sa voix rauque.
Sans même s'en rendre compte, Harry se rapproche et s'agenouille sur le sol. Il contemple les traits détendus de la jeune femme. Elle a l'air sereine. Pas de douleur, et plus de sourire tranquille au coin de ses lèvres. Au moins, Harry a réussi à le lui ôter... Une espèce de bouillie visqueuse et rosâtre suinte de l'arrière de son crâne fracassé. Et c'est seulement à cet instant qu'Harry comprend. La réalité le rattrape, l'engloutit, démolit les barrières de son esprit comme un raz-de-marée. Il a tué cette femme... Elle est morte. Il l'a tuée, de ses propres mains. Des sanglots secouent sa cage thoracique. Il aperçoit son reflet dans la vitre en face de lui. Agenouillé à même le sol, les muscles tendus à l'extrême, les mains et le visage rouges, comme un prédateur ayant reçu sa livrée de chair. De violents spasmes contractent brusquement son estomac et il vomit. Il vomit de dégoût, dégoût de lui-même, de ce qu'il a fait, de cette cervelle étalée sur le sol, des cadavres de sa famille à moitié éviscérés. Un seul mot martèle son esprit : Monstre ! Monstre ! Le front à même le carrelage écarlate, il gémit doucement. Il y a dix minutes encore, il pouvait prouver qu'il était innocent. À présent, cela n'a plus aucune importance. Il a tué de sang-froid. Il a franchi la ligne. Celle qui sépare les meurtriers du commun des mortels. Il ne peut plus revenir en arrière.
Le cri strident d'une alarme le fait sursauter. Son regard plonge dans les yeux aveugles de la jeune patiente :
— Pars à présent, Harry Potter. Le héros qui devint meurtrier. Pars, vite. Ils arrivent.
Sans qu'il ne sache vraiment comment ni pourquoi, l'instinct d'Harry prend aussitôt le dessus. Il se relève en tâchant de contrôler ses gestes frénétiques et se penche sur le corps assommé de l'un des gardiens. Il fouille quelques secondes dans ses poches, et brandit ce qu'il cherchait avec un sourire de victoire. Une baguette, et au cas où, un trousseau de clefs. Sans un regard en arrière, il laisse derrière lui le corps de Marie Chesnay. Il s'enfuit par le premier couloir devant lui et se met à courir, aussi vite que ses jambes le peuvent. Très vite, des membres de l'hôpital le prennent en chasse. Toutes les issues sont bloquées, la sirène hurle au-dessus de sa tête, mais il y a une chose que ses poursuivants n'ont pas prévue. Il s'appelle Harry Potter.
Un premier homme se jette sur lui dans l'espoir de stopper sa course folle. Harry dévie sa trajectoire d'un violent coup d'épaule qui l'envoie se briser sur le mur du corridor. Il ne s'arrête pas de courir. Il entend le bruit de dizaines d'autres pas soudés aux siens. Harry accélère. Il ne réfléchit plus, guidé par un seul et unique instinct : sortir de cet hôpital. S'enfuir, le plus loin possible. Et une fois dehors... retrouver l'assassin de sa famille. Pas pour le faire arrêter, par pour le traduire en justice, non. Il n'y a pas de justice. Non, Harry veut plus que cela. Il veut le frapper jusqu'à ce que ses poings le fassent souffrir, écorcher chaque millimètre de sa peau pour découvrir sa chair à vif, briser chacun de ses os un à un, pour lui donner un bref aperçu de la souffrance que son cœur endure, jour après jour, par SA faute.
Ces pensées meurtrières stimulent le mental vacillant de l'Élu. Il se met à courir plus vite, à frapper plus fort. Son esprit a enfin comblé le vide béant laissé par le meurtre de sa famille. Désormais, Harry n'aspire plus qu'à une chose. La Vengeance. Que personne n'ose se mettre en travers de son chemin. Quiconque tenterait de l'en empêcher deviendrait son ennemi. Et le paierait de sa vie.
Harry dévale quatre à quatre les marches de marbre qui le ramènent dans le hall d'entrée de l'hôpital. Un dernier obstacle lui barre la route. Les trois médecins qui l'attendent de pied ferme, devant les portes du monde libre. Sans compter ses poursuivants qui martèlent déjà les marches derrière lui. Harry réfléchit à toute allure, des gouttelettes de sueur ruisselant dans son dos. La colère et l'adrénaline reprennent le dessus. L'ombre susurre la solution à son cœur lacéré. Le temps n'est plus à tergiverser. Alors, Harry brandit sa baguette devant lui. Cela ne dure qu'une fraction de seconde, mais il a le temps d'apercevoir cette lueur de compréhension et d'horreur dans les yeux de sa victime. Et pour la première fois de sa vie, il hurle :
— Avada Kedavra !
La lumière verte qui hante encore ses cauchemars presque toutes les nuits surgit devant lui. Elle frappe le médecin à la poitrine, capture sa vie, et le projette misérablement sur le sol. Les deux autres médecins lèvent immédiatement leur baguette, mais l'Élu est plus rapide :
— Stupefix ! Stupefix !
Un premier assaillant jaillit dans son dos :
— Avada Kedavra !
Il ne voit pas le deuxième corps s'écrouler. Il se retourne, fait face à l'entrée, et sans même prononcer un seul mot, les vitres des grandes portes de l'hôpital se brisent. Une bouffée d'air frais lui mord le visage. Suivant la conscience obscure qui s'est emparée de lui, Harry n'hésite pas plus longtemps et franchit le seuil. Des morceaux de verre crissent sous ses pas. Il se perd dans le froid, et les ténèbres d'un soir d'automne.
XXX
— Mesdames et messieurs s'il vous plaît, gardez votre calme ! Tout le monde aura le droit de poser ses questions, en attendant asseyez-vous et laissez-moi parler.
— Mr. Lewison, est-il vrai que Harry Potter a tué une psychologue, deux médecins et deux aides-soignants durant son évasion de Sainte Mangouste hier soir ?
— Malheureusement, ces informations sont tout à fait exactes, confirme Charles Lewison, en réprimant un rictus nerveux au coin de ses lèvres.
— Alors c'est vrai, l'Élu aurait vraiment assassiné sa famille ?
— Est-ce qu'il a perdu l'esprit ?
— Qu'en disent ses médecins ?
— Permettez-moi de vous rappeler que sa psychologue est morte, interrompt Lewison sèchement.
Il contemple la horde de journalistes qui s'active autour de lui comme un essaim de mouche sur une carcasse. En même temps, il ne va pas se plaindre... Depuis les années qu'il rêve d'être à cette place, juste là, au centre du podium, et de l'attention générale...
— Quelles mesures le bureau des Aurors compte-t-il prendre ? Les Aurors ont-ils un permis de tuer au nom de l'Élu ?
— Non, il va de soi que les Aurors n'abattront jamais Harry Potter, répond Lewison, et l'on sent que cette nouvelle lui déplait. Nous allons simplement tout mettre en œuvre pour l'arrêter avant que son esprit torturé ne fasse d'autres ravages.
— Donc vous reconnaissez que Harry Potter est devenu fou à lier ?
— Je ne peux pas me prononcer pour l'instant, mais si je devais donner un avis personnel, ma foi... Je ne nourris pas beaucoup d'espoir quant à la santé mentale de l'Élu.
Ce mot sort avec un accent mielleux d'entre ses lèvres desséchées. Soudain, une agitation divise la foule. Un homme grand aux cheveux flamboyants fend la marée de journalistes et crie au visage de Lewison :
— Ça vous arrange bien de dire ça ! Pourriture ! Harry est accusé et vous héritez de son poste ! Sérieusement, il n'y a personne d'autre à part moi qui trouve les circonstances étranges, ici ?
— Mr. Weasley, il me semblait que votre présence était requise au Ministère...
Prenant à témoin la horde qui l'entoure, Ron Weasley, Auror de son état, répond à son supérieur sur un ton plein de morgue :
— J'y étais, figurez-vous. Pour recevoir les résultats des analyses de ce que contenait la bouteille brisée que personne d'autre à part moi n'a jugé utile d'étudier !
— Et elle contenait quelque chose de spécial, cette bouteille ? Du lait, peut-être ? raille Lewison.
Ron plisse les yeux :
— Du Furosensis. Un poison qui rend fou furieux celui qui le boit pendant un très court laps de temps. Il agit en une fraction de seconde, provoque un dysfonctionnement cérébral, et rend extrêmement agressif. Une seule goutte pourrait forcer n'importe quel homme ici présent à tous nous massacrer jusqu'au dernier.
Autour de Ron, la foule de journalistes frémit de dégoût.
— Je n'ose même pas imaginer la quantité que Harry a pu absorber...
Il plante son regard dans celui de Lewison :
— Mais le « lait » contenait aussi autre chose. Une potion d'Amnésie. Une drogue qui agit sur la mémoire. Aussi efficace qu'un sortilège d'Oubliettes. Selon le dosage, on peut oublier aussi bien dix minutes que quelques heures. Dans le lait qu'Harry a ingéré, il y avait de quoi effacer une demi-heure de sa vie. Largement le temps pour lui de s'en prendre à sa famille, sous l'emprise du Furosensis.
Un journaliste brandit sa plume à Papote sous le visage de Ron :
— Monsieur Weasley, vous venez d'apporter la preuve que l'Élu est bien l'assassin de sa famille ?!
— Harry Potter a tué votre sœur ?!
Perdu au milieu de cette cohue qui se resserre autour de lui, Ron hurle :
— Vous ne comprenez rien ! Harry a été empoisonné ! Quelqu'un a drogué le lait qu'il a bu ce matin-là ! Alors oui, il a bel et bien tué sa famille de ses mains, mais ce n'était pas sa faute ! Le Furosensis a littéralement anéanti toute humanité en lui, il ne pouvait plus rien ressentir ! Cette saloperie l'a rendu violent, sanguinaire, il a réveillé ses plus bas instincts meurtriers ! Vous tous, autant que vous êtes, vous auriez commis exactement le même charnier !
Il se tourne soudain vers l'estrade :
— Tout ça à cause de vous, Lewison ! Sale vipère !
— Mr. Weasley, je ne vous autorise pas à me parler sur ce...
— Vous avez personnellement ordonné que l'enquête soit menée dans un délai record ! Vous disiez ne pas vouloir faire traîner les choses, mais ce qui vous inquiétait, c'était que quelqu'un analyse les preuves de trop près ! Vous avez bâclé l'enquête, négligé les preuves les plus importantes, vous avez condamné Harry à la va-vite pour un crime qu'il n'avait pas commis, et maintenant, à cause de vous, il est véritablement devenu un meurtrier ! Baissez les yeux, monsieur Lewison ! Vous avez du sang sur les mains !
Une clameur s'élève parmi les journalistes. Des doigts se pointent vers Lewison, des flashs crépitent comme autant de condamnations sentencieuses.
— Harry était quelqu'un de bien... Le meurtre de sa famille l'a anéanti, et à cause de vous, il est en train de sombrer ! L'assassin de ma sœur court toujours dans la nature. Et au lieu de le rechercher, je suis obligé de traquer mon meilleur ami pour l'arrêter !
Ses yeux se remplissent de larmes et de haine :
— C'est vous que l'on devrait emprisonner ! Harry est perdu par votre faute ! Personne ne l'a cru, tout le monde s'est laissé abuser par votre langue de vipère, et le Ministère de la Magie a trahi son propre sauveur ! Vous l'avez tous condamné !
Sa voix se brise sur ces derniers mots :
— Il était innocent...
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