Chapitre signé Torajio !
Bonne lecture, dites-nous ce que vous en avez pensé ;D
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Deux ans plus tôt...
Samedi matin, au 97 Wellmeadow Road à Lewisham, proche banlieue de Londres, dans une petite demeure chaleureuse, perdue au milieu d'un quartier moldu.
Il est sept heures trente, et comme tous les samedis à sept heures trente, Harry Potter sort du royaume des songes, ramené à la réalité par le cri strident de son réveil. Son premier geste est pour sa femme, Ginny Potter, qu'il réveille d'un doux effleurement de ses lèvres sur sa joue. Puis, passant dans la chambre voisine, il décide une nouvelle fois de laisser ses enfants, James et Lily Potter, un peu plus longtemps dans leurs rêves, ne pouvant se résoudre à les en tirer en voyant leurs visages sereins. Un petit pincement au cœur le retient sur le pas de la porte. Son fils, Albus, dont le lit vide lui rappelle qu'il ne rentrera que dans une semaine. Il passe les vacances chez son ami Sean. Il était si enthousiaste en parlant de lui, il y a quelques jours à peine, qu'Harry n'avait simplement pas pu le lui refuser. Lui-même se souvenait très bien de ses premières vacances chez Ron, au Terrier. Harry referme la porte de la chambre derrière lui et descend l'escalier.
Personne dans la famille Potter ne s'est jamais encombré d'un emploi du temps précis pour ce jour de la semaine, mais tout se déroule toujours selon un schéma précis. Ainsi, les parents, depuis peu éveillés, se préparent pour ce premier jour du week-end : vêtements amples de rigueur pour Ginny qui imagine déjà de nouveaux projets à faire découvrir aux enfants ; tenue de sport pour Harry qui se réserve la matinée pour faire un peu de jogging. Peu avant huit heures, Harry et Ginny sont descendus dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner, ce qui leur permet de profiter encore de quelques instants d'intimité avant que les enfants ne se lèvent. À huit heures piles, Harry sort récupérer les bouteilles de lait que le livreur doit avoir déposées pendant que Ginny prépare le café.
Cependant, ce matin-là, pas la moindre trace du lait qu'Harry met dans son café, comme tous les samedis matins. Il est pourtant huit heures, il devrait être passé à l'instant. Le livreur est en retard ce jour-ci, ce n'était encore jamais arrivé depuis dix ans que la famille s'est installée ici. Quelques minutes plus tard, la petite fourgonnette arrive paresseusement, s'arrêtant à chaque numéro pour déposer à chacun son lot de bouteilles.
- Bonjour, m'sieur Potter, le salue le livreur une fois arrivé à son niveau. Je vous vois dehors depuis que j'suis arrivé dans vot' rue. Vous avez deux minutes d'avance, aujourd'hui !
— Et bien, moi qui allais vous accuser de faire la conversation aux voisins, voilà qu'il va falloir que je vérifie ma montre. Merci pour le lait.
— C'est mon métier.
Harry ne peut s'empêcher de relever l'étrange sourire du vieil homme ; mais l'idée de son café chaud qui n'attend plus que son lait pour être dégusté le soustrait vite à ses considérations. Retournant à l'abri de la brise fraîche des matins d'automne, il s'assied à la table où Ginny a déposé une tasse blanche qu'il s'empresse de compléter avec un peu du lait fraîchement acquis, et savoure sa boisson en remerciant sa femme d'un large sourire. Peu après avoir fini son petit-déjeuner, Harry franchit le perron de sa porte d'entrée. Un coup d'œil à sa montre lui apprend qu'une demi-heure se serait écoulée depuis que le laitier est passé.
« Cette montre a vraiment un problème, conclue-t-il. À tout à l'heure, Ginny ! »
Pas de réponse. Elle est certainement occupée, il n'y prête pas plus d'attention et part sur le champ pour sa séance de jogging. Le parcours lui prend en général une bonne heure, et consiste en un large tour des quartiers voisins. À cette heure-ci, il n'y a pas grand monde dans la rue, les habitants de ce coin sont soit déjà partis au travail depuis longtemps, soit préfèrent rester chez eux. Il croise une première passante environ trois quarts d'heure après le début de sa course, une jeune femme qui promène son molosse. Alors qu'il s'apprête à la saluer poliment, comme à l'accoutumée, elle se fige, son teint devient plus livide que le lait qu'Harry a mis dans son café avant de partir. Il n'a pas même le temps de s'approcher pour essayer de comprendre ce qui se passe : elle se met à crier à pleins poumons tandis que son compagnon à quatre pattes aboie en le fixant hostilement. Paniqué, Harry tend les bras pour essayer de calmer la jeune femme, et c'est alors qu'il les voit. Ses mains. Elles sont rouges. Couvertes d'une sorte de liquide visqueux qui s'effrite et s'envole une fois séché. Comme... du sang.
Horrifié, Harry baisse les yeux sur sa tenue. Maculée de sang. Ce n'était pas la sueur qui la collait à sa peau depuis tout à l'heure, mais bien le sang froid d'un mort ou d'un mourant ! Du sang qui coulait de son front jusque dans sa bouche, et qui, maintenant coagulé, tire sur la peau de ses joues au moindre mouvement de mâchoire. Mais d'où vient tout ce sang ? Ce n'est pas le sien, en perdre autant l'aurait déjà tué. À qui appartient-il ? Quand et comment a-t-il pu se retrouver là, sans qu'il ne s'en rende compte ? Sans se poser davantage de questions, Harry s'élance comme un dératé pour rejoindre sa maison, et se débarrasser de tout ce sang. De près ou de loin, les gens hurlent en voyant passer cet homme échevelé, ensanglanté, qui court comme si le Diable lui-même était à ses trousses.
Arrivé devant sa porte, il s'arrête net, essoufflé et cette fois, couvert de sueur. Ici aussi, il y a du sang, sur la poignée, là où il a posé sa main pour fermer la porte ; sur le perron, là où il a commencé son parcours en saluant Ginny ; sur le sol dans son allée, là où il a fait ses premiers pas de course. Ce sang... il était déjà présent à son départ ? Sans savoir à quoi s'attendre, Harry entre. Il rejoint la cuisine, et là, s'étend devant lui un spectacle qu'il n'aurait jamais aimé voir.
Ginny est affalée sur le sol, contre le mur en face de lui. La tapisserie d'ordinaire blanche est maintenant barrée d'une large traînée de sang, son sang, lequel s'est peu à peu écoulé de sa carotide tranchée nette. La nuque brisée, sa tête pend sur le côté comme celle d'un pantin désarticulé. Son visage est absent, cruellement lacéré encore et encore jusqu'à le faire disparaître avec le tranchant d'une bouteille brisée. La bouteille de lait, qui git à ses pieds. Chaque parcelle de son corps épargnée par la lame ou le verre est meurtrie de coup portés avec une violence bestiale. Harry écarquille les yeux. Devant l'horreur de la scène, il tombe à genoux dans le sang de sa femme. Elle ne peut pas être morte ! Mais très vite, l'instinct reprend le dessus. Ce n'est ni la douleur, ni l'incompréhension, ni les larmes. C'est un instinct viscéral, qui hurle au creux de son être : « Les enfants ! »
Montant les escaliers quatre à quatre, Harry rejoint la chambre de ses enfants aussi vite que ses jambes tremblantes le permettent. Dans sa précipitation, il trébuche sur un objet lourd laissé sur le sol et tombe dans une flaque de sang. D'un geste frénétique, il balaye l'hémoglobine encore chaude de ses yeux et reconnaît l'objet. James. Couvert de larges et multiples entailles dans tout le dos. Il a laissé derrière lui en rampant vers la porte une longue traînée rougeâtre ; les traces de ses mains ensanglantées sur le sol de bois lisse attestent de ses efforts désespérés pour échapper à son destin, en vain. Mais le sang dans lequel Harry est tombé n'est pas celui de son fils. Avec l'énergie du désespoir, Harry rampe jusqu'au lit à droite de la porte. Tout ce sang, c'est celui de sa fille. Lily. Elle est restée sous sa chaude couverture blanche, parsemée d'innombrables taches écarlates comme autant de coups de couteau dans son petit corps frêle. Son sang coule encore goutte par goutte de son lit, rompant à intervalle régulier le sinistre chant du silence de la Mort.
Et c'est là, allongé dans le sang de sa fille, couvert de celui de sa femme et de son fils, que Harry hurle son horreur, son désespoir, sa solitude, son impuissance. |