Tous engoncés dans un duvet, l'ensemble de la famille Dufay fut réveillé par le soleil qui filtrait à travers la fenêtre du petit appentis "d'accueil" où ils avaient passé la nuit. La montre d'Emmanuelle indiquait huit heures et demi. Cela faisait des semaines qu'ils n'avaient pas dormi aussi tard. Ils entendaient aussi les bruits des habitants s'activant dans leurs diverses activités.
Sur la petite table, ils trouvèrent de quoi petit déjeuner, et à côté, un broc, une cuvette et des serviettes. Ils mangèrent tranquillement sans parler, l'espoir et l'inquiétude se bousculant en eux d'être acceptés au sein de cette nouvelle communauté. Ils avaient envie de se poser, de recommencer la vie sympathique qu'ils avaient eue à Chanteloup. Enfin, ils voulaient avoir de nouveaux rapports humains normaux, et ne plus chercher à fuir autant les vivants que les morts.
Toujours en silence, ils se lavèrent puis rangèrent l'appentis comme ils l'avaient trouvé. Anita avait apparemment eut droit dans une gamelle à des restes de viande et d'os. La chienne, elle aussi, avait été ravie d'entrer dans le château. Les enfants comme les adultes n'en avaient qu'après elle et la submergeaient de caresses.
La veille, toute la famille avait eut droit à un bilan de santé aussi poussé que le permettait les moyens matériels du médecin. Catherine leur avait fait des injections de vitamines et avait été étonnée de leur bonne santé générale.
C'est par elle qu'Emmanuelle apprit que le château comptait trente-deux habitants. Qu'ils avaient passé l'hiver uniquement sur du stock alimentaire trouvé dans les maisons et restaurants avoisinants, n'osant pas se ravitailler dans les villes et villages. Ils avaient un petit élevage de lapins et avaient planté quelques patates, poireaux et autres choux en fin d'été. Elle apprit aussi qu'ils ne savaient pas trop comment s'organiser pour la production alimentaire et que le ravitaillement leur posait souvent un problème car ils manquaient de "guerriers". Manue lui expliqua alors comme fonctionnaient Chanteloup sur deux ou trois petits détails.
Au bout du compte, la jeune femme s'était dit que ces gens avaient eue de la chance d'avoir "pris" le château car ils seraient tous morts vu leur manque de confiance en eux et leur manque de guerriers. Quand la nuit arriva, la fameuse cuisinière Mireille après les avoir nourris, les emmena dans l'appentis aux "candidats".
Et voilà, la nuit était passée, elle savait que le Conseil était déjà en train de délibérer sur leur cas. Elle dit alors aux trois enfants de se promener et découvrir le château pendant qu'elle irait attendre près du logis la décision.
Une heure après s'être levée, et une demi-heure à attendre la décision, la jeune femme ne tenait plus, elle allait et venait devant le logis en souriant très nerveusement aux personnes qui la croisaient. Comme sa chienne restait collée à ses basques, beaucoup s'arrêtaient pour la caresser en posant des questions sur son nom et sa race. C'était une croisée beauceron-doberman qui lui donnait une superbe allure. Ses yeux respiraient l'intelligence et la gentillesse. Au cours de leurs périples, elle avait apprit à combattre les mordeurs, pour protéger les vivants, sans qu'ils arrivent à l'atteindre.
Occupée à parler de sa chienne, Emmanuelle ne vit pas la porte du logis s'ouvrir et laisser passer les membresayant participé à la réunion. Henri s'approcha d'elle en souriant alors qu'elle était accroupie, le bras autour du cou d'Anita caressée par une toute petite fille qui s'appelait Rose.
"Bonjour Emmanuelle !
- Oh, bonjour Henri !
- Vous allez bien ce matin, bien dormi ?
- Oui, pas de problèmes, le printemps n'est plus très loin, le temps se réchauffe.
- Bon, Catherine et Mireille nous ont convaincus de vous garder avec nous. Vous les avez impressionnées par vos connaissances et vos idées pour améliorer nos conditions de vie.
- Ah bon, j'en ai tant dit que cela ?
- Oh, oui ! Et puis, nous avons constaté que vous avez réussi à rester en bonne santé. Nos gardes ont témoigné de vos capacités à tous les quatre de vous battre contre les "rôdeurs", vous nous avez amené aussi à manger et de quoi cultiver. Tout ceci réuni nous a décidés.
- Ok ! Je fais quoi de ma voiture et où devons-nous nous installer ?
- Votre voiture est trop grande pour avoir sa place dans l'enceinte, vous la laisserez sur le côté droit en sortant, mais tout le monde va vous aider à la vider ainsi que la remorque. Quant à votre installation, il reste le premier et le deuxième étage du donjon, si vous voulez. Il n'y a pas de fenêtres partout mais Gwen qui est notre artisan-bricoleur va arranger cela.
- Je peux visiter la tour avant de choisir ?
- Pas de problèmes. Bienvenue "à bord" ! Lui répondit-il.
Alors chaque membre lui serra la main même le fameux Landry qui gardait son quant à soi. Pire, il lui jetait un regard noir. Bah, elle s'en fichait du moment qu'ils aient trouvé un nouveau lieu sûr, le reste n'était que peccadilles.
Elle vit ses neveux perchés sur les remparts, au nord du château, d'un geste de la main, elle leur indiqua de la rejoindre. Elle les vit courir à toute allure, fière de leur forme et qu'ils aient gardé goût à la vie malgré la perte de l'ensemble de leur famille.
"Alors ? S'exclama Rodolphe
- On reste ! Ria Inès quand elle vit le grand sourire de sa tante.
- Génial !" Cria Svein en sautillant.
Presque tous les habitants se dirigèrent vers le premier pont-levis pour les aider. Les gardes rendirent leurs katanas à la petite famille qui se présenta en avant du pont. Il n'y avait qu'un mordeur qu'Inès éborgna et acheva. Tout le monde se dirigea vers le véhicule. En deux ou trois voyages, les plantes furent stockées dans la première enceinte alors que les aliments, dont les croquettes d'Anita, furent emmenés en cuisine. Les affaires des Dufay furent déposées au pied du Donjon. Emmanuelle veilla à ce que les sacs de secours et d'évacuation restent dans la voiture.
Avec les trois enfants et le bricoleur, ils visitèrent les deux étages, le rez-de-chaussée étant déjà occupé par une famille, les Marie. Quand Emmanuelle vit la fenêtre à bancs... de l'ancien logis du seigneur, c'était clair, elle voulait cet étage. Il y aurait du nettoyage à faire, brosser les pierres, isoler les fenêtres, et surtout, surtout un feu de cheminée à l'instant.
Elle envoya Rodolphe et Svein aller chercher du bois de chauffage, pendant qu'elle pressa Inès de demander balais, chiffons et serpillières à Mireille, "l'économe". Elle commença à déballer leurs affaires et préparer les lits de camp pour sa nièce et elle d'un côté de la cheminée et pour les garçons de l'autre côté. D'un de ses sacs, elle sortit son calepin et un crayon et elle lista ce dont elle aurait besoin en ravitaillement pour les jours suivants. Il leur faudrait des tables et des chaises, de vrais lits avec matelas pour remettre les lits de camps dans le Land Cruiser.
Sur le papier, les projets fusaient à une vitesse faramineuse, elle notait ce qu'elle voulait pour elle et sa famille mais aussi, les idées qu'elle voulait proposer au reste de la Communauté. Elle avait cru comprendre que chaque samedi matin, il y avait une réunion de l'ensemble de la communauté pour faire le bilan des événements et du travail mais aussi pour que chaque membre puisse faire des propositions. Cela l'arrangeait bien, elle avait des tonnes de propositions à leur faire, des tonnes. |