Au cours de l'après-midi, de nombreux civils vinrent rejoindre les lieux du champ de bataille. Le Commandant avait envoyé un messager au fort, pour que Catherine et plusieurs infirmiers arrivent avec des véhicules pour récupérer leurs blessés. En attendant leur venue, ils tinrent les lieux contre les mordeurs qui venaient de l'extérieur et perçaient le crâne des morts avant qu'ils ne se "relèvent".

Bientôt deux grands tas de corps s'amoncelèrent dans la cour d'un côté les rôdeurs de l'autre les renégats. Pour ce qui concernait les morts de l'alliance des sanctuaires, il n'était pas question de les maltraiter en dehors du crâne percé. Les chefs commencèrent à recenser les grands blessés des moins blessés pour faciliter le travail de Catherine.

Les blessés légers furent remontés sur leurs chevaux et repartaient en petit contingent vers le Fort. Pendant ce temps-là, le médecin et ses aides, dont Inès, stabilisaient les grands blessés. Landry n'avait pas encore osé s'approcher du tank et des hommes restés au sol contrairement aux autres chefs. Il vit Rodolphe marcher en boitillant vers lui.

"Où est ta tante ?

- Elle aide les soignants. Dis Landry, as-tu vu Svein ?

- Il n'est pas parmi les morts et je ne l'ai pas vu repartir au Fort.

- Il est donc parmi les grands blessés ?"

Landry ne répondait pas, il ignorait où se trouvait le plus jeune de la fratrie Dufay. Il rejoignit les soignants et vit sa femme penchée sur un blessé. C'était Svein. Beaucoup de sang coulait de ses blessures et le jeune homme s'inquiéta pour l'adolescent. Quand il s'agenouilla auprès de la civière, sa femme releva la tête, les joues ruisselantes de larmes.

"Il est inconscient depuis plusieurs minutes et je m'inquiète !

- Que t'a dit Cat ?

- Qu'il était stabilisé !

- C'est bien alors ?

- Non... il est toujours en danger, il a une artère de touchée, il a perdu beaucoup de sang !

- Pas par les marcheurs ?

- Non, non, un éclat de roquette. Tu peux t'occuper de mes hommes ?

- Pourquoi ?

- Je reste auprès de lui au cas où Cat ait besoin de mon sang.

- Vous avez le même ?

- Non mais je suis O négatif, donneuse universelle !

- Cela ira ?

- Oui pas de soucis ! Tu t'occupes de mes hommes ?

- Ok ! A ce soir, ma chérie !"

Après un baiser affectueux, il prit soin de ramener les quatre hommes au Fort afin entre autres de procéder au débriefing. Un tiers des forces restèrent sur place afin de vérifier les bâtiments, d'abattre les derniers ennemis et de protéger les soignants des rôdeurs.

Quand l'ensemble des blessés fut stabilisé, Cat fit procéder à leur retour vers le Fort, il se trouvait loin et les cahots risquaient de fragiliser les blessés mais là-bas elle avait plus de matériel pour les sauver.

Emmanuelle resta sur le hayon de son Land-cruiser aux côtés de Svein. Il était toujours inconscient et la jeune femme lui avait donné son sang. A peine arrivés au Fort, Cat, avec énergie, dirigea et ordonna la mise en place des grands blessés. Le père Antoine avait libéré la chapelle de ses chaises afin d'y installer des lits. Ainsi, l'infirmerie comme la chapelle étaient pleines de blessés.

Un caporal vint chercher Manue et les soldats valides afin de participer au débriefing du Commandant. Arrivée à la cantine, la jeune femme rejoignit Landry encadré par Romain, Rodolphe et Alexis. Il la prit contre lui puis cala le dos de son épouse contre sa poitrine. Leur Chef allait parler.

"Bien, Mesdames, Messieurs, vous avez été particulièrement efficaces aujourd'hui. Je suis très fier de vous. Nous avons travaillé comme une seule entité et sans reculer. Nous avons vaincu l'ennemi. Contrairement à l'estimation, ils étaient finalement plus nombreux, soit soixante-sept. Nous avons découvert dans la cave des femmes et des enfants, et deux-trois vieillards. Les femmes étaient leurs esclaves sexuelles. Quant aux vieillards, ils leur servaient "d'appâts" à mordeurs. Dans cette cave, il y avait quelques soldats blessés et trois-quatre valides armés qui croyaient que nous allions tuer leurs civils. Ils ont été désarmés et laissés enfermer dans la cave, avec leurs soldats blessés. Je pense qu'il faut conserver ces survivants sous la tutelle des habitants de la Hunaudaye... nous en discuterons plus tard avec les chefs des autres sanctuaires.

- Et pour nos hommes ? Demanda Henri.

- Quant à nous, nous avons perdu huit hommes. Nous en avons vingt-quatre de blessés dont treize gravement blessés. Le doc a commencé les opérations sur les plus en danger. Pour le reste, ce ne sont que des petits bobos. Non seulement, nous avons détruit leur tank mais en plus nous avons récupéré de l'armement et des munitions. Et récupéré un bon stock alimentaire qui permettra à ceux dont le sanctuaire a été attaqué de survivre pour l'hiver. Henri, tu voulais dire quelque-chose ?

- Ce que nous avons accompli ces dernières semaines et en ce grand jour, nous a fait comprendre qu'il nous fallait nous allier pour notre bien commun à tous. Là, aujourd'hui, ce fut pour combattre des ennemis communs qui voulaient tous nous tuer et nous piller. Mais demain, cela peut être pour n'importe quoi d'autre. Tiens pour une chose toute bête, ici, nous avons élevé pas mal de moutons mais nous ne savions pas quoi faire des peaux et de la laine même si pour cette dernière, Emmanuelle nous a conseillé de la stocker. Or, en fréquentant la Hunaudaye, nous avons trouvé un tisserand manuel dont la femme est aussi fileuse de laine et à Bienassis, nous avons eu la veine de trouver quelqu'un qui sait tanner des peaux et des fourrures. Nous nous sommes unis dans le combat, nous devons nous unir pour mettre en place une nouvelle société. Le temps n'est plus à la survie, le temps est venu de vivre et d'échanger. Après aujourd'hui, cette union doit continuer et je propose que dans les semaines à venir l'ensemble des groupes de survivants aide les habitants de Bienassis à reconstruire leur château ! Qu'en dites-vous ?

- Ouais, ouais ! Hourra ! Fusèrent des cris de toute la pièce.

- Merci, mes amis. Maintenant Mireille et ses commis vont nous apporter notre repas."

A nouveau, la salle fut remplie d'applaudissements et de hourras.

Alors que Landry et Manue se dirigèrent vers la cheminée, la jeune femme se mit à osciller sur ses jambes. De toutes parts, on se précipita pour la retenir et l'asseoir sur une chaise. Ses mains étaient crispées sur la veste de son mari.

"Me sens pas bien.

- Que t'arrive-t-il ?

- Des vertiges et des sueurs froides !

- C'est quoi ce sang ? S'inquiéta-t-il.

- Où ?

- Sur ta jambe !"

A la vue de son sang dégoulinant de sa cuisse au sol, la jeune femme releva la tête rapidement vers Landry puis s'évanouit.

Emmanuelle se réveilla quelques heures plus tard avec une furieuse envie de manger. Et c'est d'ailleurs la première chose qu'elle dit en se réveillant : "J'ai faim !

- Ah oui ? Rigola Cat. Pas un "où suis-je ?" ou "que m'est-il arrivé ?" ?

- Allons, c'est simple Cat, j'ai donné mon sang à Svein et j'avais une blessure qui saignait doucement, cela a suffi pour avoir un petit évanouissement. Raison de plus que je mange, non ?

- Tout à fait ! D'ailleurs, j'avais envoyé Inès te chercher une assiette qui est sur le poêle tenue au chaud. Et puis, tu fréquentes si souvent mon infirmerie que je sais maintenant qu'il te faut manger rapidement pour guérir.

- Où sont Landry et Rodolphe ?

- Je les ai obligés à aller se coucher, ils sont là haut et Inès est avec Herulf au Donjon.

- Et comment va Svein ?

- Il est en bonne voie. Il ne devrait pas tarder à se réveiller. Ton sang lui a été profitable.

- Bien ! Tout va bien alors ? Pas eu d'autres morts parmi nos blessés ?

- Non, tout va bien et quand tu auras mangé, essaie de te reposer.

- Ok, Cat ! Merci."

La jeune femme avala son assiette en deux minutes, mangea une bonne compote de pomme de Mireille puis s'endormit. Elle savait qu'elle pourrait être sereine, que l'avenir semblait beaucoup plus clair et prometteur.