La papeterie que Rodolphe et Manue étaient en train de visiter disposait de chariots plastiques. Ils savaient pour l'avoir fait au cours de l'hiver que ceux-ci faisaient moins de bruits que les métalliques. Ainsi, pendant qu'ils remplissaient leurs sacs à dos des projets que la jeune femme avait envie de soumettre au groupe, ils mirent les mêmes produits dans les chariots. S'il advenait que des mordeurs soient attirés malgré tout, ils pouvaient abandonner ceux-ci mais auraient la même chose dans leurs sacs.
Pendant que son neveu était du côté de la papeterie, avec deux chariots, avec l'obligation de regarder derrière lui à chaque minute, elle était partie du côté librairie. Elle chercha d'abord des ouvrages assez profanes sur les soins par les plantes qu'elle choisit avec un maximum de photos ou de reproductions graphiques. Ensuite, elle se dirigea vers la partie consacrée aux ouvrages techniques et scientifiques. Elle eut la veine incroyable de trouver quelques livres développant le sujet mais aussi comment se faisait la fabrication de produits essentiels comme la pénicilline et la digitaline. Et comble de chance, prise d'une idée obsédante, elle trouva des manuels survivalistes.
Son grand sac à dos était plein à ras bord. Elle en estimait le poids à trente cinq-quarante kilos soit deux tiers de son propre poids. Certes, elle savait qu'un sac à dos normal ne devait pas peser plus de six-huit kilos. D'un autre côté, elle ne prévoyait pas de faire de grande randonnée et devait rejoindre les autres seulement à quelques rues d'ici.
Elle rejoignit Rodolphe qu'elle trouva en train de compléter son premier chariot. A eux deux, le deuxième fut rempli en quelques minutes. Elle savait qu'Henri et Mireille seraient enchantés de son idée et sûrement Catherine aussi.
« Tu es prêt, mon chéri ?
- Oui !
- On reste côte à côte en poussant les chariots, si un de nous a du mal, l'autre l'attend, si les mordeurs arrivent, en petite quantité on les dégomme et on repart, en grosse quantité, on lâche les chariots et on court ! Ok ?
- Compris ! »
Ils sortirent dans la rue et durent affronter le premier mordeur de leur équipée. Au bout de dix minutes, Emmanuelle estima qu'ils avaient parcouru la moitié de leur trajet quand une mini-horde leur tomba dessus. Le duo se tint dos à dos et trancha, creva, explosa les têtes de sept « marcheurs ». Avec énergie et se souriant l'un l'autre, ils repartirent vers le centre hospitalier. Une fois sur place, le Land Cruiser était là. Son hayon était plein d'un tiers de carton de médicaments. La jeune femme et l'ado vidèrent leurs chariots à leur tour dans le véhicule. Alors qu'elle rangeait le matériel qu'elle avait ramené, Rodolphe alla placer les chariots sur le trottoir.
Soudain, un cri alerta la jeune femme. En se retournant, elle vit le garçon assailli par trois mordeurs qui sortaient de l'hôpital. Elle courut aussi vite qu'elle le put mais il était déjà à terre avec l'un d'entre cherchant sa gorge. Le problème était qu'elle était plus proche des deux autres que de celui qui attaquait son neveu. Si elle voulait qu'il ne soit pas attaqué par les deux autres, il fallait qu'elle s'en occupe avant. Alors que le temps avait l'air de se distordre et de ne pas lui permettre de le rejoindre, elle criait à Rodolphe de prendre son poignard et priait qu'il en ait le réflexe et l'écoute. Après avoir abattu le premier mordeur, l'affolement la possédait tant qu'elle ne fit que couper un bras au deuxième. Le garçon ne faisait qu'essayer de repousser le mordeur sans prendre son poignard. Son cœur se serra alors qu'elle venait d'exploser le crâne de son deuxième adversaire car elle vit que l'assaillant de Rodolphe était au plus près de sa gorge.
Ce fut une flèche venue de l'hôpital qui transperça le crane. Rodolphe, épuisé, laissa le cadavre tomber sur lui. Manue se jeta auprès de son neveu, repoussa le corps et prit l'enfant dans ses bras.
« Oh, Roro, j'ai eu si peur, je ne me serais jamais pardonné si tu étais mort ou mordu, je me suis promis de toujours vous protéger, toujours ! Ne me refais jamais cela, jamais ! Je ne veux plus voir mourir des êtres aimés.»
Étonné, l'ado regarda sa tante et vit des larmes s'écouler sur le visage éploré de la jeune femme. A son tour, il la prit dans ses bras. S'ils avaient pu pleurer tous les trois dans sa fratrie, jamais il n'avait vu sa tante lâcher une seule larme depuis neuf mois, pas une seule.
Ils se relevèrent et virent Romain avec son arc. Ils levèrent la main en signe de remerciement.
« Tu veux bien rester dans la voiture pendant que je les rejoins ?
- Oui, toujours la même consigne : je m'allonge au sol s'il y a des mordeurs et je cache les clés si ce sont des vivants !
- Bien, bon garçon, à tout de suite ! »
Elle courut vers Romain et avec lui partirent à la recherche du médecin et du soldat. Ils les trouvèrent dans le stock de matériel situé au sous-sol. La quantité était impressionnante. Landry en la voyant lui cria : « C'est maintenant que tu arrives ?
- Eh connard, je te rappelle que nous étions à pied et pas en voiture comme vous ! Alors Doc, vous prenez du matériel de chirurgie ?
- Oui, et aussi du matériel de transfusion et de réanimation mais tu sais, tu pourrais me tutoyer !
- Ok, Doc ! Eh cool, regardez, y'a des caisses plastiques, on va pouvoir en mettre un bon paquet ! »
Méthodiquement et sous les ordres du médecin, plusieurs caisses furent rapidement remplies ainsi que cinq sacs à dos. Les deux hommes prirent chacun deux sacs qu'ils mirent devant et derrière eux.
Catherine et Romain partirent devant en emmenant chacun une caisse en plus de leurs sacs et disparurent dans les escaliers. Manue était en train d'avancer tout en refermant son sac et se préparait à monter elle aussi les marches.
"Merde ! Saloperies !"
La jeune femme s'arrêta et revint sur ses pas. Landry était en mauvais posture. Apparemment, la morgue était aussi au sous-sol et des mordeurs avaient été attirés par leur tapage dans le stock. Elle posa son sac et la caisse.
"Alors, soldat, on a besoin d'aide ? Le nargua-t-elle.
- Grrrr, pétasse, tu vas venir m'aider ?
- Oui, oui, me voilà !"
Pour la première fois, ils se battirent côte à côte. Son expérience des mordeurs étant plus élevée et assurée que lui, elle en profita pour lui lancer de nombreuses moqueries et taquineries. Tout du long, il grogna après elle. Seulement, le bruit du combat attira d'autres morts.
Trop occupée à se débarrasser de ses propres attaquants, Manue ne vit pas que le soldat était dans une situation qui devenait préoccupante. Venant de finir son "lot", elle s'apprêtait à lui lancer une blague mais stoppa net.
"Landry !" Cria-t-elle en courant vers lui. Il était submergé par le nombre à tel point que deux d'entre eux étaient sur lui à claquer des dents. Elle se débattit contre les autres puis entendit le jeune homme gémir de douleur. "Oh, non !" S'écria-t-elle. D'un seul coup de katana, elle coupa les deux crânes des attaquants.
Elle repoussa les cadavres et s'agenouilla auprès du soldat à demi inconscient. Ses mains coururent sur le visage, les bras et finalement, une blessure sur le côté saignait sous ses yeux. Elle déchira la chemise et soupira de soulagement quand elle constata que ce n'était qu'une coupure.
"Imbécile incompétent ! Tu t'es coupé avec ton propre poignard !" Lui souffla-t-elle les larmes aux yeux.
"De quoi me traites-tu, voleuse ?
- Voleuse ! Voleuse ? S'indigna-t-elle
- Ben oui, quand tu fais du ravitaillement, tu voles maisons et magasins !
- Pffff, idiot ! Allez viens, on doit partir au plus vite ! Debout !
- Mpffff, j'arrive !"
Avec peine, il se releva, se réajusta, s'empara de sa caisse et marcha avec détermination vers la sortie. La jeune femme essuya le coin de ses yeux et suivit le deuxième être aimé qui avait faillit disparaître de sa vie ce jour-là. Elle en était sûre maintenant, elle était amoureuse. |