Six mois, cela faisait six mois qu'ils erraient à travers la Normandie.

Les enfants avaient voulu retenter Pirou. On leur avait offert le gîte pour la nuit pour les obliger à repartir dès le lendemain. Ils avaient finalement testé St Sauveur et Bricquebec mais comme Emmanuelle l'avait dit ils étaient inutilisables. Même si le premier avait vu des tentatives de survivants pour s'y installer. Ils y avaient trouvé de nombreux cadavres mangés ou aux crânes transpercés qui en parsemaient la cour.

Ensuite, ils ont explorés tout le Nord Cotentin, en vain. Malgré les demandes de ses neveux, la jeune femme préféra éviter Caen. Ils allèrent à Falaise et tentèrent d'entrer dans le château. Hélas la porte blindée était bloquée même la petite porte du bas était impossible à ouvrir. La ville était remplie de mordeurs et repartir du château avait été chaud.

C'est ainsi que tout l'hiver, ils errèrent de maisons en maisons. La jeune femme décida même de revenir vers Chanteloup pour vérifier si les mordeurs étaient partis et si un nouveau groupe l'avait reprit en main. Il était quasi vide de mordeurs. Ils fermèrent les portes, massacrèrent les derniers et consommèrent les derniers vivres de la communauté aussi longtemps qu'ils le purent.

Un mois avant le printemps, ils en repartirent pour se diriger vers le sud du département puis vers l'ouest, vers la Bretagne en passant par Avranches. Ils s'arrêtèrent dans un moulin transformé en maison sur la route touristique entre Le Mont et Cancale. Par chance, les anciens propriétaires avaient fait un grand stock de bocaux et de conserves. Ils purent ainsi se "reposer" quelque temps dans cette "tour" aux murs épais sans trop s'inquiéter des mordeurs.

Ils avaient une chance incroyable qu'il ne soit pas tombé de neige cette année-là. Car leur périple aurait été compliqué d'autant. Une chose notable s'était passé au cours de leur périple, leurs caractères s'étaient transformés et adaptés aux événements. Ainsi, Rodolphe avait perdu sa morgue autoritaire et son goût de la solitude et "donnait" plus aux siens et acceptait leurs avis. De même, Inès avait arrêté de jouer à la petite maman et s'était émancipée du rôle traditionnel de la femme et avait plus participé aux ravitaillements et à l'abattage de mordeurs. Le plus jeune, Svein, avait atténué ses peurs extrêmes suivies de phases casse-cou et était devenu plus sage. Il donnait aussi plus souvent son avis et des idées pour survivre. Quant à Emmanuelle, elle s'était découverte plus tigresse et mère qu'elle ne l'aurait cru. Tout en poussant ses neveux à être des combattants, les câlins et bisous lui venaient de plus en plus facilement.

Un soir, devant le feu, ils jouaient à un jeu de société qu'ils avaient trouvé dès leur installation, quand la jeune femme leur parla de son nouveau projet d'avenir.

"Dîtes-moi, êtes-vous toujours d'accord avec mon idée qu'il faut vivre dans un château-fort ?"

Ils opinèrent vigoureusement.

"Bien, il existent à une ou deux heures de route d'ici, peut être plus, un château-fort qui a n'a aucune porte arrière, qui a un ou deux pont levis avant d'atteindre le lieu d'habitation. D'ailleurs, vous le connaissez puisqu'on l'a visité tous ensemble avec mamet."

Elle les vit réfléchir consciencieusement puis la tête du malicieux Svein se releva avec un sourire moqueur sur les lèvres.

"Oui, tata, mais y'a un problème !

- Lequel ?

- Tu as le vertige !

- Ah c'est malin ! En attendant, il est assez haut perché pour que les mordeurs s'écrabouillent sur les roches, non ?

- Et à chaque fois que tu devras sortir, je devrais te prendre la main comme cette fois-là ? Demanda le garçon qui avait clairement compris où sa tante souhaitait les emmener.

- Non mais, tu as fini de te moquer ?

- Mais c'est où à la fin ? S'interrogea Inès qui n'avait pas comprit ce que son petit frère avait voulu dire.

- Oui, c'est où ? Grogna Rodolphe

- Le Fort la Latte !

- Ah ouiiiii ! S'exclamèrent les deux grands.

- Il est éloigné des grandes villes, il y a des champs tout autour pour les cultures et l'élevage, il a deux pont levis, ce qui nous donne deux fois plus de chances contre les mordeurs mais aussi contre les humains qui nous attaqueraient. En plus, je suis persuadée qu'il est habité par un groupe d'humains. Autrefois, il pouvait accueillir plusieurs dizaines de soldats et il y a de quoi loger pas mal de monde. Alors qu'en pensez-vous ?

- C'est ok pour moi ! Dit Rodolphe

- Pareil ! Répondirent en chœur les deux plus jeunes.

- Bien, nous allons devoir faire deux ou trois trucs. Nous trouver une remorque et aller dans les jardineries pour récupérer des arbres fruitiers s'ils ne sont pas crevés, et tous les stocks de graines, on va faire cela à Cancale, à St Malo, et passer aussi par Dinan et Dinard. Et dans les zones où se trouvent ces jardineries si on trouve de la nourriture, on remplira le Land Cruiser. Cela vous va ?

- Mais pourquoi s'embêter à faire tout cela ? L'interrogea Rodolphe.

- S'il y a déjà un groupe, nous devons leur amener un minimum de choses pour les aider, non ?

- Dis tata, on pourrait dans les jardineries prendre des sacs de croquettes pour Anita ?

- Oui pas de problèmes. Bon, vu que l'on va avoir beaucoup de travail à faire tout cela., on se couche tôt. Allez, au lit mauvaise troupe et bonne nuit mes chéris.

- Bonne nuit, tata !"

Chacun leur retour, ils vinrent embrasser leur tante et montèrent au dernier étage du moulin pour dormir. Elle restait toujours au rez de chaussée avec Anita.

Le lendemain commença leur nouveau périple mais celui avait l'avantage d'avoir un but et leur donna beaucoup plus de motivation. La première ville, Cancale, leur permit surtout de se faire du stock de nourriture. Il y avait un gros problème avec des côtes aussi touristiques c'est que les populations de mordeurs avaient été gonflées par des centaines de touristes. D'ailleurs, ils étaient pour beaucoup en shorts ou en maillot de bain.

La ville de Saint-Malo, elle, était très envahie. La famille explora toutes les zones d'activités et récupèrent aussi des graines et plantes dans les magasins de bricolage, et autant de nourriture qu'ils purent.

Quand ils décidèrent d'aller à Dinard, ils avaient à peine roulés qu'un gros embouteillage bouchait la route. Elle prit la direction du domaine de la Briantais sur le bord du parc, elle gara sa voiture et en descendit. Évidemment, il fallut qu'un mordeur arrive à ce moment là mais Rodolphe le transperça et lui fit un clin d'oeil. Monté sur le toit du Land Cruiser, elle observa le barrage de la Rance avec ses jumelles. Tout était bouché de voitures pare-choc contre pare-choc. Elle suivit le tracé de la route et elle vit qu'un bateau avait défoncé le pont. Ce passage n'était plus praticable.

"Bon, on ne pourra pas passer par là... et faire le tour risque d'être long. On va voir si on peut passer la nuit dans cette propriété."

La porte du château de la Briantais était grande ouverte, ils pouvaient espérer que les mordeurs en soient sortis à la recherche de vivants. Néanmoins, ils durent faire un peu de nettoyage et abattre une huitaine de marcheurs comme disait Georges. Ils trouvèrent de quoi manger et dormir. Des vivants étaient venus mais avaient du êtres surpris car ils trouvèrent un cadavre complètement dévoré. Ils s'enfermèrent dans une des pièces avec Anita.