Alors qu'ils rangeaient leurs gamelles, un grognement d'Anita les avertit de l'approche d'un mordeur. Emmanuelle proposa à Svein d'essayer de l'achever à ses côtés. Pendant qu'Inès retenait la chienne, son aîné restait près d'elle. La tante et le benjamin atteignirent le mort assez rapidement. De plus, celui-ci était assez lent et handicapé et c'est pourquoi elle avait saisi cette occasion pour commencer à former un des plus jeunes. Svein tremblait quelque peu ce qui la rassurait, elle préférait qu'il craigne ces saloperies afin qu'il reste sur ses gardes sans cesse. Elle le vit saisir son katana et trouva qu'il avait raison car il était encore trop petit pour atteindre les crânes avec un couteau. Le mordeur l'évita, sûrement parce que les quelques mordeurs qu'elle avait achevés à Gratôt avaient giclé sur elle. Svein leva le sabre au-dessus de sa tête et l'abattit simplement et puissamment sur le crâne du mordeur qui s'écroula au sol.
Emmanuelle rangea sa dague en rigolant et complimentant son neveu. Les aînés applaudirent leur frère, très fiers.
"Allez, en voiture, on repart, et on tente un dernier château pour la journée !"
A la sortie du champ, la jeune femme bouscula un autre mordeur. Les enfants gloussèrent car les roues lui avaient écrasé le crâne. Elle leur dit : "Eh ouais, c'est une autre méthode !". Ils hurlèrent de rire. Tout en reprenant la route, un sourire étira ses lèvres. C'était une bonne chose qu'ils puissent encore rire malgré les événements des derniers jours.
Évidemment, en une heure et demie, et comme dans la matinée, le trajet n'avait pas été sans surprises. Ils durent rouler dans les bas côtés, et cogner ou éviter quelques mordeurs.
A nouveau, ils arrivèrent dans la campagne profonde du Cotentin. Heureusement qu'elle avait un guide de la route plutôt récent car elle ne pensait pas que les GPS fonctionnaient encore. Ce nouveau château-fort apparut alors sur la droite. La voiture stoppa devant une magnifique poterne, la porte avait l'air solide et était bien fermée. Une tête se montra au sommet d'une des tours. Emmanuelle descendit dûment armée de sa dague.
"Bonjour Monsieur,
- Bonjour à vous,
- Dîtes-moi, votre chef accepterait-il de nouveaux habitants ?
- Attendez ici, je l'appelle !"
Tapant un peu du pied, la jeune femme entendit un geignement et se retourna à temps pour achever un mordeur de passage. Elle secoua la tête. On la héla de la tour.
"Bon, il veut bien vous rencontrer mais vous laissez votre voiture à l'extérieur, vous pourrez entrer avec les enfants et le chien !
- Vous aviez vu tout le monde ?
- Bien sûr, je suis de garde, je dois tout observer ! Alors vous entrez ?"
Elle fit descendre ses neveux et Anita. Un peu, elle toqua à la grosse porte. Celle-ci fut à peine entrouverte, elle poussa ses protégés et se retourna à nouveau pour être sûre de ne pas être "suivie".
Un grand homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux poivre et sel s'avança vers elle.
"Bonjour, je suis Georges de St Tosy, propriétaire du château et chef de la communauté.
- Bonjour, je suis Emmanuelle Dufay, et voici mes neveux Rodolphe, Inès et Svein Dufay.
- D'où venez-vous ?
- Je viens de la région de Saint-Lô.
- Que voulez-vous ?
- Je suis à la recherche d'un lieu sécurisé et je sais que seuls des châteaux-forts en pleine campagne peuvent réellement nous sanctuariser mes neveux et moi.
- Et vous avez pensé à Chanteloup ?
- J'avais pensé à Bricquebec et St Sauveur le Vicomte mais les remparts sont en partie ouverts, sans oublier que ce sont de petites villes pouvant être remplies de mordeurs !
- Mordeurs ? C'est comme cela que vous appelez les marcheurs ?
- Oui ! Donc, j'ai un peu pensé à Falaise, mais s'il est impeccable, il me paraissait trop grand, sans aucun meuble de vie et trop dans la ville ! J'ai fait Gratôt qui est parti en fumée et à Pirou on a tenté de nous tuer si nous restions !
- Vous avez pensé à tout, hein ?
- Oui, vous avez raison, et la vie à la dure ne me gêne pas !
- Mais vos neveux ?
- Ils sont forts et intelligents, ils sauront s'adapter.
- Quelles sont vos compétences ?
- J'ai été militaire, je sais tirer avec des armes à feu, tirer à l'arc, utiliser un poignard, mes neveux savent utiliser un sabre et un arc, ils ont déjà tué des mordeurs, je sais jardiner, bricoler, faire du feu sans briquet et sans allumettes, et tout un tas d'autres choses... et j'apprends TRES vite !
- Écoutez, nous avons encore de la place et quelques postes à pourvoir, je veux bien de vous tous !
- Je vous remercie infiniment, c'est super, je peux rentrer ma voiture ?
- Pas de problèmes.
Elle ressortit vers sa voiture et plusieurs personnes dont Rodolphe étaient prêtes à défendre le château des intrusions. Pour une fois, il n'y eut aucun mordeur et la jeune femme entra son Land Cruiser qu'elle gara auprès des quatre autres véhicules dans la cour.
Le chef s'approcha d'elle : « Je vais vous faire visiter les lieux avec les enfants ! Ah oui, j'espère que votre chien n'aboie pas trop ?
- Non elle est plus portée sur les grognements et les gémissements !
- Bien, venez ! »
Le propriétaire leur montra la grande tour carrée, seul le rez-de-chaussée et l'étage était habitable, il prévoyait à long terme de remettre en état le toit en allant se servir sur les toitures des maisons abandonnées du voisinage.
A la suite de cette tour, il y avait un petit logis déjà entièrement habité par une famille de réfugiés. Puis venait un petit rempart percé et fermé d'une solide porte en bois. Puis venait le grand logis en L flanqué d'une petite tour carrée dans l'angle. De magnifiques sculptures en ornaient la façade. Le chef lui indiqua qu'il y restait beaucoup de place.
Ils finirent par le rempart bas puis par la poterne. Emmanuelle demanda à voir les tours rondes de cette dernière. La tour la plus proche de la grande tour carrée était vide, avait plusieurs étages et surtout avait une barre de fermeture. La deuxième était utilisée pour la garde de l'entrée. La jeune femme demanda s'ils pouvaient habiter dans celle qui était vide. On le lui accorda sans soucis.
Elle apprit à ses neveux qu'ils allaient rester ici quelques semaines et peut-être même toujours. Ils verraient comment évolueraient les choses. Elle leur dit de ne descendre que les sacs de vêtements, les sacs à dos de secours devaient rester dans la voiture au cas où.
Ils confièrent l'ensemble de leur stock alimentaire à la cuisinière pour montrer leur bonne volonté envers la communauté. Elle leur fit un grand sourire. Leur repas avec la communauté fut chaleureux. Elle sut ainsi qu'ils avaient ensemencés et jardinés les champs à l'arrière par le petit chemin. Il fut décidé que leurs activités seraient décidées le lendemain après-midi.
Le lendemain matin, Emmanuelle et Rodolphe partirent faire le tour des maisons du voisinage, pour récupérer draps et matelas, ainsi que diverses choses pour agrémenter leur tour. Pendant ce temps, Inès avait proposé d'aider à la cuisine car elle aidait toujours son papa à cuisiner. Svein, lui, fut invité à apprendre le maniement des armes avec les gardes.
A midi, la tante et son neveu était revenus avec tout ce dont ils avaient eu besoin. La jeune femme décida de laisser la voiture face au pont de l'autre côté de la route, toujours au cas où. Et ils déménagèrent tout dans leur tour.
Il fut décidé que le rez-de-chaussée servirait à se réunir, à travailler, lire ou même à manger quand ils auraient envie d'un peu d'intimité loin de la communauté. Ils dormiraient à l'étage. Évidemment, Rodolphe voulut dormir au deuxième étage mais elle le laissa faire car il l'avait bien soutenue jusque là. Les plus jeunes étaient ravis de rester avec elle. Ils avaient même demandé à coller leurs trois matelas.
Au cours du repas du midi, elle était encore une fois avec le chef. Ils discutèrent avec animation, leurs idées sur la façon d'aborder la situation se rejoignaient sur de nombreux détails. La cuisinière lui resservit du plat, du lapin avec les haricots verts de ses parents. Elle lui dit : "Votre nièce a été bien gentille et courageuse elle m'a beaucoup aidée en cuisine.
- Je vous remercie ! "Répondit elle.
Elle se retourna vers le chef : "Néanmoins, j'aimerais assez bien que ma nièce ne soit pas cantonnée à la cuisine et au ménage, je tiens à ce qu'elle apprenne à se défendre.
- Ne vous inquiétez pas c'est prévu ! Tout le monde a l'obligation de tourner dans chaque atelier, chacun doit savoir tout faire. Les garçons passent aussi en cuisine et au ménage. En cas de carence, il faut que tous sachent pallier au manque de personnes dans une activité.
- Ah, je préfère, la réunion d'attribution des missions aura lieu vers quelle heure ?
- Vers quinze heures, cela suffira ! Et cela vous permettra de finir de vous installer.
- Merci. À tout à l'heure."
C'est ainsi que commença leurs premiers débuts dans la communauté de Chanteloup. |