Nous allions bientôt être arrivés à destination, selon les dires de mon compagnon, lorsque je sentis quelque chose d'étrange. Cependant, je n'osai pas ralentir ni en faire par à Tummuus qui aurait pu prendre cet avertissement pour une tentative de retarder le groupe. Je continuai donc d'avancer le nez en l'air, les oreilles bien droites sur la tête, tentant d'analyser se qui s'insinuait dans mon nez. Ma mémoire olfactive ne fut pas longue à se souvenir ce qu'elle sentait. Les immondices que mon hideux de compagnon appelait Törkys. Plus le temps passait et plus j'étais bien certaine qu'il s'agissait d'eux. Ils approchaient rapidement, et bientôt, si mon odorat ne me trompait pas, ils nous rejoindraient et seraient sur nous telle une volée de vautours affamés.
Je me rapprochai alors de Tummuus en maintenant bien le rythme. Je ne pouvais pas lui cacher cette information plus longtemps, notre survie en dépendait. -« Heum, Tummuus...» -« Qu'y a-t-il encore ! » Son ton froid me fit frissonner, mais je repris tout de même, me faisant pressante par le son de ma voix. -« N'as-tu donc rien senti ? » -« Senti quoi au juste ! » Je ne pouvais pas comprendre qu'il n'en sache rien. Comment pouvait-il ignorer cette menace, s'il ne faisait rien nous serions bientôt mal. -« Les Törkys !! » m'exclamais-je. Mon compagnon s'arrêta alors une seconde. Peut-être mon ton avait été suffisamment convaincant puisqu'il sembla en alerte. Il somma à l'un de ses fidèles de venir à son côté. Il lui chuchota quelque chose que je ne pus saisir, mais qui semblait urgent. Le grand loup brun leva le nez au ciel, puis il acquiesça. Tummuus se tourna alors vers le reste de la troupe en état d'alerte la plus totale. Il comprenait enfin que je n'avais pas menti : le temps pressait. -« Préparez-vous, ils arrivent ! » La meute se tourna dans la même direction que celui-ci et, les poils redressés, ils attendirent. Je sus alors qu'ils n'essaieraient pas de fuir, mais de les prendre de front. Moi, je fis de même, mais au dernier moment, je changeai d'avis. Je me dirigeai vers l'avant de la meute et alla me poster devant le petit. Je n'avais pu protéger mon compagnon de ces horribles créatures, hé bien, il en serait autrement pour Karkotus. Je m'en faisais la promesse tandis que la puanteur de la mort augmentait progressivement.
Pour une fois, mon crasseux compagnon ne s'occupa pas de moi, il regardait droit devant dans le même état d'attente qui nous prenait tous.
Les deux femelles du groupe restaient cachées derrière ceux qui semblaient être leur compagnon, reposant entièrement sur leur protection. Presque couchées à terre, elles glapissaient comme de jeunes louveteaux. Elles m'écœuraient par leur manque de courage flagrant. Leur couardise me puait au nez presque autant que l'odeur putrides des bêtes qui nous avaient pris en chasse. Comment pouvaient-elles être aussi lâches.
Je détournai mon regard d'elles pour mieux fixer le point d'où me semblait venir l'odeur. Une crainte, la même qui s'était emparée de moi le soir où Tummuus avait fait de moi sa compagne, reprit possession de mon être. Allais-je en réchapper une seconde fois ? Pour l'instant tout ce qui comptait à mes yeux, c'était le jeune loup à la fourrure aussi noire que la nuit qui restait planqué derrière moi. Je savais que personne ne prendrait la peine de penser à lui, personne sauf moi. |