Mon cœur battait la chamade. C'était à se demander s'il n'allait pas me sortir par la bouche. Leur odeur semblait partout : parfois je me demandais s'ils ne me suivaient pas à la trace, ou peut-être je devenais simplement paranoïaque. L'effet d'avoir été attaquée une première fois par ces immondices et en être sortie vivante par on ne sait quel miracle, n'excluait pas la probabilité qu'ils réitèrent leurs méfaits. Mon corps entier était en alerte, mes oreilles ne cessaient de bouger, et ce indépendamment de ma volonté. À chaque petit craquement, mes pattes se mettaient à courir malgré leur état de faiblesse, dans une direction que je ne connaissais guère. De plus, mon ventre criait famine, comme si j'avais besoin de cela à ce moment de crainte. Et ce foutu oiseau de nuit qui n'en finissait plus avec son hululement des plus agaçants. Si je continuais à ce rythme, j'allais devenir tout simplement folle. Cette forêt démente semblait contre moi. Eh ben voilà, j'étais réellement atteinte de folie. Comment une forêt pouvait-elle avoir la possibilité ou même la plus modeste intelligence pour jouer contre moi ?
Quel était donc ce bruit ! Je me retournai vivement. Il me semblait bien avoir entendu quelque chose qui n'allait pas de paire avec ce fond de nuit plutôt clémente. Comme un bruit de pas, un pas de course même. Ça y était, mon cœur battait plus vite qu'il ne l'avait jamais fait de sa courte existence. Le bruit s'était tu, mais j'avais l'étrange impression de ne pas être seule. Ma tête se tourna vivement vers ma droite ; un autre bruit qui n'aurait jamais dû être perçu dans la nuit feutrée dans laquelle je me trouvais. Il m'apparaissait clairement qu'on m'encerclait. Les poils de ma nuque se dressèrent d'eux-mêmes. M'avaient-ils laissée vivante dans le seul but de m'épuiser, me traquer pour mieux savourer leur victoire. Pour eux, était-ce une manière de ridiculiser la dernière représentante de mon peuple que j'étais, une fois de plus.
Aucun de doute, des bruits de pattes s'enfonçant dans la neige molle me parvenaient distinctement. Et ils se rapprochaient à grande vitesse. Mon pouls, déjà augmenté par la peur, doubla d'intensité. Je commençai à relever légèrement les babines sachant pertinemment que cela ne me serait d'aucune utilité, mais comment aller à l'encontre de mes instincts à un moment aussi critique. Mes plaies commençaient à peine à se soigner, ma tête venait de retrouver toute sa capacité, mais tout cela n'aurait servi à rien puisque mon heure allait sonner sous peu. Un autre individu, encore plus grand que les précédents, d'après la pesanteur de ses pattes sur la neige, embarqua dans la course. La queue entre les jambes, je ne cessais de tourner la tête dans tous les sens : ils arrivaient de partout !! Je vis alors, et avec horreur, leur silhouette se détacher dans le lointain. Comment espérer fuir ? Je n'arrivais plus à respirer. Mon coeur menaçait de lâcher à tout moment. Et puis, les ombres grossirent encore et encore. Mon dos se courba, mes poils se dressèrent, mes babines se retroussèrent complètement. C'était décidé : je vendrais chèrement ma peau. -« Venez me prendre bande d'impures », sifflais-je entre mes dents. |