La bête ouvrit grande la gueule comme si elle voulait m'avaler toute entière. J'en profitai alors pour le donner un bon coup de griffes sur le museau. L'animal me lâcha qu'une fraction de seconde, mais ce fût assez pour me permettre de glisser mon 4ème membre prisonnier hors de son emprise. Je n'attendis pas de savoir si je l'avais blessé que légèrement, je m'élançais de toute la vitesse que je pouvais vers l'endroit où le combat faisait toujours rage.
Malheureusement, mon maximum ne fût pas assez. La bête m'avait déjà rattrapée et d'un coup d'épaule m'envoya au tapis. Cette fois, il ne prit pas tout son temps à me dévorer des yeux. Il se jeta directement sur moi, m'écrasant sous son poids surprenant : intensément lourd pour une carrure qui semblait si frêle. Un large filet de bave coulait sur ma poitrine déjà tâchée de sang. J'étirais le cou le plus loin possible du visage de l'affreux et repoussais une vague nauséeuse.
Soudain, sa patte qui m'écrasait la cage thoracique s'enleva, me laissant reprendre enfin mon souffle. La bête se mit alors à gémir de douleur sans que j'en sache la cause. Néanmoins, je ne restai pas pour voir, je me retirai de sous mon agresseur et m'éloignai de quelques pas, curieuse de ses agissements plutôt étranges.
En fait, il n'y avait rien de mystérieux là-dedans. Karkotus était accroché, à l'aide de sa puissante mâchoire, à la peau du cou de l'animal. Il avait beau se secouer dans tous les sens, le petit tenait bon. Je ne fus que sidérée de voir à quel point il était courageux. Je regardai en direction de mon compagnon qui se battait encore. Il ne faisait aucun doute que l'issue du combat s'en venait et elle nous semblait favorable. J'optai donc pour une autre solution, j'allais m'occuper moi-même de ce chef Törky malgré son horrible puanteur.
Mon petit protégé était encore accroché à mon assaillant que je m'élançai pour l'aider. Je m'attaquai premièrement à son mollet gauche pour le faire plier du genoux, pour ensuite mordre à pleine dent dans la patte avant qui lui servait d'équilibre alors que l'autre essayait vainement d'attraper Karkotus sur son dos. Et je continuai ainsi pendant plusieurs minutes, mordant, griffant chaque partie du monstre et au moment où il semblait le moins s'y en attendre. Bientôt, il ne sut plus où donner de la tête. Et, épuisé, affaibli, il s'affala par terre, haletant comme un vieux buffle. Mon petit compagnon sauta à terre et me rejoignit, un grand sourire au visage. Je ne savais pourtant pas si je devais tuer cette bête qui m'apparaissait soudainement faible et effroyablement maigre. Il me faisait presque pitié à voir empêtré dans ses longs membres. J'approchai le petit de moi et continuai encore un instant à regarder ce sinistre spectacle jusqu'au moment où Tummuus nous surprit de sa grosse voix rauque. -« Mais qu'est-ce que vous attendez !?! Abattez-le pendant qu'il en est encore temps. » Mais voyant que je ne bougeais pas, le chef s'avança et égorgea la bête, sans aucune pitié. Une fois mort, tout ses sujets, de beaucoup moindre importance en nombre, abandonnèrent le combat et quittèrent au plus vite. |