Me voilà donc dans la tanière du chef du clan le plus mal famé de nos contrés. Ce même chef qui s'est proclamé mon compagnon et dont j'ignore encore et toujours le nom. Son visage cicatrisé de toutes parts ne me dit rien qui vaille. Qu'allait-il donc faire de moi ? Une vague idée sur le sujet m'effrayait au plus haut point. Son haleine de chien mort, ses poils hirsutes et ternes m'écœuraient. Tout de cet être malsain me rebutait, comment réussirais-je à passer le restant de mes jours à ses côtés. Jamais, du temps où j'étais avec les Torahammas l'on n'aurait accepté parmi nous un tel individu. Nous étions quelque peu fiers, il ne sert à rien de le cacher.
Mes pensés s'égarèrent alors vers ses terres qui m'avaient vu naitre en leur sein. Je ressentais presque la douce brise qui caressait si souvent ma joue, faisait valser à son gré ma fourrure éclatante sous un soleil lumineux.
L'arrivé soudaine de mon indésirable compagnon me sortit abruptement de mes rêveries. L'immense loup se planta droit devant moi avec un regard insondable. Mon cœur se mit alors à palpiter. -« Ne crois pas que je ne sais pas qui tu es ! » Il me lança cette simple phrase qui me fit l'effet d'une gifle. J'aurais espéré qu'il ne soit pas au courant de cette information. -« Fille des Torahammas, compagne du chef qui fut tué par les Törkys. » À nouveau, un sourire mauvais apparut sur ses lèvres devant mon mutisme que je n'avais toujours pas quitté. -« Il n'y a plus de chef maintenant, ton clan n'existe que par toi. Tu en as très certainement conscience. » Comme si je ne le savais pas, pourquoi tournait-il le fer dans la plaie. J'en avais assez bavé comme ça non ? -« Maintenant, tu es à moi ! » Quel ingrat, je n'étais pas une chose. Je ne pouvais donc lui appartenir, où avait-il donc apprit à parler. -« Et de ce fait, sa voix reprenait un ton empreint de menaces, de satisfaction ainsi que de mépris, je deviens le seul et unique détenteur du titre du nouveau chef de ce disparate clan. » Mon être entier s'insurgeait, il ne pouvait pas, cela ne pouvait être. Notre clan était l'un des plus anciens, des plus respectés. Comment pouvait-il salir cette réputation qui fût si longtemps la nôtre. J'étais tellement hors de moi que je faillis briser le silence derrière lequel je me terrais. -« Content de voir que tu acceptes si bien la nouvelle. Rien de mieux qu'une femelle soumise » grogna-t-il de bonheur en ressortant de la tanière. Je soupirai de désespoir : tout allait de mal en pis. Je posai ma tête sur mes pattes étendues devant moi, laissant aller quelques gémissement de douleur. Que pouvais-je faire contre lui, contre toute sa bande ? Quel sentiment est plus désagréable que celui de l'impuissance. |