Je m'attendais à chaque instant que leur odeur de mort ne s'empare de moi, que leur sourire cruel m'apparaisse. Ma pauvre carcasse frissonnait non pas de froid, mais d'une peur effroyable. Je n'arrivais plus à respirer malgré le rythme affairant de mon cœur. Je grognais, sans doute cela ne m'aiderait pas en quoi que ce soit, mais ça me redonnait un peu de courage. Leur silhouette se changea alors en image très floue, mais assez distincte tout de même pour que je puisse retrousser les oreilles et abandonner ma position de combat.
Enfin, un signe d'espoir parmi ce monde désertique et mauvais. Leur corps allongé, semblable en tout point avec le mien, s'élançait vers moi avec toute la grâce de notre espèce. Ils étaient une dizaine peut-être même un peu plus, je n'aurais pu être plus précise : mon excitation me faisait complètement perdre la tête. J'étais peut-être sauvée. Mon chemin solitaire, qui s'annonçait sans fin, se terminerait-il prématurément ? Que de joie élevant mon âme meurtrie !
Mais elle fût de bien courte durée. Le clan de loup, qui était maintenant plus qu'à une vingtaine de mètres de l'endroit où je me trouvais, n'était nulle autre que le clan Pimeys, cette même troupe qui avait fait des ravages parmi la nôtre deux étés auparavant. Comme si je n'avais pas assez souffert, je me retrouvais nez à nez, et sous les sourires vicieux de nos ennemis de toujours. Le chef, un immense loup aux couleurs plutôt bâtardes et à la fourrure parsemée de cicatrices de toutes tailles, me regardait avec avidité. Sa bouche entrouverte laissait presque échapper un filet de bave d'envie. Mon corps se remit alors en alerte, que ce soit eux ou les immondices qui avaient assassiné mon compagnon, il n'y avait pas de grande différence. Je risquais de finir en charpie dans un cas comme dans l'autre. -« Que fais une si jolie femelle toute seule dans ce merdier de coin de la forêt ? » Si jolie !!! J'étais encore couverte d'une bonne couche de sang bien collant. Par prudence, j'omis de répondre. Le silence est souvent reconnu pour ses bonnes vertus. -« Chers frères, nous n'allons quand même la laissée comme ça. Si seule, si faible au beau milieu de bêtes sauvages qui n'attendent qu'à lui mettre la patte dessus. » Parmi la petite troupe qui s'était rassemblée autour de moi, j'entendais s'esclaffer grassement quelques membres. -« Emmenez-la ! » Deux bêtes, et c'était le cas de le dire, se fichèrent de chaque côté de moi et m'incitèrent brusquement à suivre le chef qui repartait en chemin inverse.
Après avoir eu trente secondes de joie intense, je me trouvais entre deux mâles au regard mauvais, au beau milieu d'une meute des plus meurtrières. Qu'allait-il donc encore m'arriver. Il m'apparaissait clairement que je n'étais pas au bout de mes peines. |