La neige tombait à gros flocons sur ma fourrure déjà trempée. La chaleur précoce du printemps, suffisante pour la transformer en eau une fois posée à terre, ne l'était guère pourtant pour me réchauffer. Je reprenais quelques forces auprès du corps de mon défunt compagnon, entourée de ce qui restait de ma défunte meute. J'en aurais grandement de besoin, ma survie en dépendrait.
Seule, dans ce décor bien triste et amer, je me posais diverses questions, qui me semblait-il, ne pourraient trouver réponse qu'en la voix des dieux si inaccessibles. On m'avait épargnée ! J'avais reçu mon lot de coups et d'insultes, si on pouvait appeler ça de cette manière. Ces bestioles n'avaient pas un langage que j'aurais pu qualifier d'articulé. Mais j'avais saisi l'essentiel, ce dont j'aurais bien pu me passer. Pourquoi étais-je toujours en vie ? Là, était la vraie question. Je détachai enfin le regard de ce corps qui allait bientôt commencer à se décomposer à cette chaleur et servirait sûrement de repas aux charognards passants. Une petite flamme s'alluma alors en moi : j'avais tout de même réussi une chose, celle à laquelle je tenais le plus. Ces immondices n'avaient pas eu le loisir de le dévorer. Je puisai alors dans ce tout petit réconfort pour me relever. Il était temps que j'entreprenne le voyage qui déciderait de mon sort. Je croyais déjà les dieux avec moi, puisque l'on m'avait laissée en vie. Mais à quel prix ? Une louve solitaire n'était à l'abri de rien.
Du moins, je réussissais à tenir bien droite sur mes quatre pattes, voilà déjà un bon départ. Je regardai, pour la dernière fois, celui qui à jamais resterait dans mon cœur. Et comme cela était coutume chez nous, je levai le museau au ciel et chantai pendant un quart de ciel l'hymne qui servait à conduire les âmes de nos valeureux vers le paradis. Là où les créateurs les attendaient à bras ouverts. Mon compagnon gagnerait des terres lointaines qui m'étaient encore interdites, là où je ne pouvais le rejoindre. Là où il n'aurait plus à se soucier de quoi que ce soit, y comprit moi ! |