Tummuus fût de retour beaucoup trop vite à mon goût, bien que je ne fus pas mécontente de pouvoir remplir mon estomac à en craquer. Comme à mon habitude, je m'approchai de la viande de cerf sans même lever les yeux sur mon compagnon qui fit pareillement. Je me couchai à plat ventre pour mieux déguster en compagnie de Karkotus qui grâce à moi ne manquait plus jamais de rien. Tummuus le regardait en reniflant bruyamment, mais le regard que je lui lançai le fit tenir sa langue. -« Orja, viens ici ! » Je fus alors obligée d'abandonner mon morceau de cuisse appétissante pour rejoindre mon ingrat de compagnon qui choisissait toujours aussi bien ses moments pour me parler. -« Qui a-t-il ? » Je m'efforçais de garder un ton neutre et de ne pas trop laisser ma contrariété s'y glisser. -« Je veux que tu aille jusqu'au rocher de la Vanhuus ! » -« Et que dois-je y faire plus exactement ? » Un sourire mauvais se dessina lentement sur son visage. -« Amène le jeune avec toi et tu verras rendue là-bas. » Sa manière de me répondre me signifia qu'il ne m'en dirait pas plus. Était-ce un piège pour se débarrasser de moi et Karkotus sans que personne n'en sache rien comme il l'avait laissé entendre quelques temps auparavant.
Je lançai un regard affolé vers mon protégé qui grignotait insouciamment, mais ce fût les yeux de Sulous qui vinrent à mon secours. Elle se leva alors et alla directement à mon compagnon. Elle s'inclina bien bas et discuta un moment avec lui. Le grand loup l'a quitta avec un air d'indifférence. Je retournai alors à la carcasse déjà presque toute dépouillée. Je me demandais bien ce qu'elle pouvait manigancer. Peut-être était-elle de mise avec lui et convoitait ma place à ses côtés si je venais à disparaitre.
Ce ne fût que lorsque le repas fut terminé et que je nettoyais affectueusement Karkotus que je compris enfin. Sulous vint s'allonger près de nous et, tout bas, elle m'avoua : -« J'ai demandé au chef si je pouvais t'accompagner ! » Ma surprise fût telle que j'en mordis l'oreille du louveteau qui se retira soudainement. -« Lumiii ! » se plaignit-il. Il était le seul à m'appel par mon ancien nom, mais il avait vite comprit qu'il devait le faire loin de mon compagnon qui n'aurait jamais accepté qu'on le défi ainsi. -« Je suis désolée ! Peux-tu aller jouer un peu plus loin ? » Le petit ne demanda pas son reste et alla immédiatement se battre contre une grosse racine d'arbre qui dépassait de la terre à quelques pas de nous. -« Et pourquoi tiens-tu à nous accompagner ? » -« Que ferais-je seule ici ? » Je ne répondis rien, préférant la laisser continuer. -« De toute façon, vous ne serez pas en sécurité seuls là-bas, que tu le veuilles ou non, Karkotus représente une lourde tâche si tu dois le protéger en cas d'attaque. Il n'est pas encore assez vieux pour assurer lui-même sa protection et tu seras obligée de sauver sa peau en plus de la tienne. » J'ouvris la bouche pour répliquer, mais elle avait déjà prévu le coup. -« Je sais qu'il t'a déjà sauvée, mais nous étions tout de même toute la troupe pour se défendre." Elle baissa le ton d'un cran de plus, après avoir regardé autour d'elle et s'être assurée qu'il n'y avait personne qui nous épiait, tous reprenaient un peu de sommeil, le ventre bien rempli : -« Je crois vraiment de Tummuus cherche à ce qu'il vous arrive quelque chose en vous envoyant là-bas et il serait mieux que vous soyer le plus grand nombre possible d'individus afin de mieux être en possibilité de réagir en cas d'attaque. » -« Et pourquoi aurait-il accepté que tu viennes avec nous, s'il désir que nous mourions ? » -« Je crois que c'est tout simplement parce que je ne compte pas plus à ses yeux que vous deux. Ma disparition en reviendrait à dire : une bouche de moins à nourrir. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Depuis que mon compagnon est mort, il n'a plus aucune raison de me garder en vie. Regarde-moi, je suis chétive et faible. Je n'ai plus la moitié de la force qui m'habitait il y a à peine un an de cela. Il a déjà eu peur que moi et Pikainen voulions prendre sa place de chef de meute. Donc, depuis ce temps, il me tient en régime bas et je ne peux apporter de l'aide à la chasse, je ne suis bonne en rien au combat. Je suis devenue un poids pour lui. » Je fus saisie de l'entendre prononcer ces paroles sans démontrer la moindre peur ou amertume. Elle avait accepté son sort, un peu comme moi. Mais, en y repensant bien, je voyais cette expédition d'un tout autre angle et il n'était pas à douter que je n'étais pas la seule à la voir ainsi. Peut-être était-ce enfin le moment que nous attendions ! |