Eh oui, encore une fois, j'étais la proie de ces maudites bestioles putrides. Combien de fois allais-je devoir les affronter avant d'en avoir la paix ? Après m'avoir tout bonnement sauvée de leurs griffes quelques temps auparavant, voilà que mon infâme compagnon les avait envoyés sur nos traces. Que de joie dans mon pauvre cœur déjà lasse de tous les combats passés. Sulous et Karkotus se recroquevillèrent derrière moi, tremblants comme des feuilles au vent d'automne.
Ce fût à ce moment que je me rappelai Voima et ce que j'étais vraiment : la chef louve de l'ancienne tribut des Torahammas et s'il en était ainsi, j'avais tous les droits de pourparler avec les envahisseurs. -« Commmmme nous nous rrrretrrr...vons petite louvvve ! » roucoula celui qui était le chef et qui avait finalement survécu à la bataille. -« Effectivement, nos chemins se croisent de nouveau » répondis-je à mon homologue immonde. -« Tu ne cherrrrches pas à fuirrrr cette fois ? Quel courrrrage bien qu'il soit inutile ! » Son ton railleur me laissa de glace, je venais d'échafauder un plan qui nous sortirait de ce pétrin et pour cela, je me devais de ne démontrer aucune crainte face à eux. Avec un sang froid exemplaire : je m'adressai alors au chef comme à un égal. -« Chef du clan des illustres Törkys, puisque nous sommes tous les deux en haute position, j'ose espérer que nous pouvons, peut-être, conclure un marché qui épargnerait la vie de chacun d'entre nous. » Je rajoutai pour moi-même « bien que cela ne vous importe bien peu ». Je me tus, attendant patiemment sa réponse. La bête réfléchit un bon moment, le visage contracté par l'effort : il m'apparaissait clairement que l'exercice lui était peu familier.
Et puis, après un long moment de silence tendu : -« Qu'as-tu à m'offrirrrr louve ? » Contente de voir qu'il était intéressé, je me relaxai quelque peu, sentant mes deux compagnons de route en faire de même. -« Le territoire que tu as revendiqué la dernière fois que nous nous sommes rencontré rien de moins ! Mes terres, celles de Torahammas ! » -« Hummmmm, c'est que... » Je me sentis redevenir nerveuse sous le coup. -« Qu'y a-t-il donc ? Ce n'est pas ce que vous vouliez ! » -« Mais ma petite, ton compagnnnon... » -« Qu'est-ce qui ne va pas avec mon compagnon ? S'il est le chef ce n'est que grâce à moi. Je suis la seule descendante encore vivante de mon clan et il n'est rien si, je le décide. Le territoire m'appartient et ce en entier » m'imposai-je un tantinet paniquée, mais toujours en contrôle. -« Ce qu'elle dit est vrai : si vous la tuez, le territoire sera entre les mains de Tummuus, puisqu'il est son compagnon légitime, mais si elle vous passe le flambeau de plein gré, alors le grand loup gris ne pourra rien contre vous. Vous serez les maîtres incontestés de la place. Nous quitterons au plus vite ! » Sulous tremblait de la tête aux pieds, mais son intervention sembla agréablement prendre le chef par surprise. -« Je dois avouer que c'est tentant, mais... Qui nous dit, que vous ne changerrrai pas d'idée et rrretourrrnerrrai auprès de Tummuus ? » -« Parce que je ne suis pas sotte. Je sais très bien que c'est lui qui vous a envoyé afin de se débarrasser de moi et atteindre le titre d'unique chef de mes terres. Il vous donne quoi en échange de mon meurtre. Ne vous a-t-il peut-être rien donné en espérant que ma peau soit un prix raisonnable. Pourquoi voudrais-je l'aider ! Je n'ai aucune sympathie à son égard. » Je pris une courte pause, laissant le poids de mes paroles tomber sur leurs épaules. Et pour donner encore plus de punch à mes dires, j'ajoutai : -« Je ne crois pas que vous soyez assez dupe pour m'éliminer et lui laisser ainsi tous les droits. Je vous pense assez intelligent, chef Törky, pour vous rendre compte qu'il vous utilise à bon escient. Vous un chef alors que lui n'est rien. »
Cette fois, je ne doutais plus de mes paroles et je voyais que lui non plus. Il lisait la vérité dans mes yeux et ça le contrariait de s'être laissé avoir ainsi par son ennemis. -« Je rrrremarrrque, qu'effectivement, tu vois clairrr. Ton cœurrr est empli de haine face à ce loup, je prrrendrrrai donc ta parrrole. Les Torrrrahammaaaas sont un peuple fier, qui ont toujours respecté leur traité. » Je soupirai de soulagement : mon territoire contre nos vies saines et sauves, m'apparaissait comme un bon échange. -« Je dois t'averrrtirrr que ton compagnon rrrisque de ne plus êtrrre de ce monde dès le lever du jour ! » S'il voulait me faire de la peine, il n'avait pas bien choisi son angle d'attaque. Je lui signifiai que peu m'importait de sa pauvre carcasse et qu'ils pouvaient en disposer comme bon lui semblait, à même titre que les deux loups qui nous filaient depuis le début du voyage.
À mon grand étonnement, le chef des Törky s'inclina devant moi et ajouta : -« Je me ferrrai un plaisirrr de m'en débarrrasser, grrrande chef déchue ! On ne se moque pas des Törkys s'en en payer le prrrix. Sache que je n'ai qu'une parole et je te la donne. Que la voix de ton peuple continu de sillonner le ciiiel encorrre longtemps. Tes efforrrts semblent enfin rrrécompensés. »
Puis, il nous tourna le dos, suivi de près par ses condisciples. Je me retournai vivement vers les miens lorsqu'ils firent hors de vu. Karkotus semblait se remettre rapidement de sa crainte alors que Sulous était au bord de l'attaque. Nous nous en étions sortis indemnes. Cette fois, je prenais la tête de mon propre clan : Les Torahammas vivaient toujours, et c'est sur moi que le clan reposait pour maintenant et toujours. Par ma survie et mon courage, j'étais le cœur même de cette troupe. |