Chapitre 3.2 : Sirius・Parle-moi
Les joies de la cantine. Des fois, je me demande franchement ce qui me pousse à venir y manger tous les midis, en sachant que de toute façon, je risque de renverser mon plateau une fois sur deux. Sans mentir, c'est arrivé tellement de fois depuis le début de ma scolarité que les cuisiniers me surveillent littéralement jusqu'à ce que je sois assis sur ma chaise. Et il y a toujours une sorte de chien de garde qui me colle un balais dans les mains à peine la vaisselle a-t-elle fini d'exploser sur le sol.
Le plus drôle, dans tout ça, c'est sans doute que la CPE pensait, en début d'année, que casser de la vaisselle était un moyen pour moi de rejeter le monde, et donc, une raison de plus de me confier à un psy. Mais moi, j'aime pas les psy, alors je ne suis jamais allé aux rendez-vous prévus avec ce drôle de type à lunettes. Question de principe. Je ne suis pas malade pour un sou, je veux juste qu'on me laisse tranquille. J'ai la poisse et je suis maladroit. Y'a rien d'autre à dire.
Heureusement, il semblerait que mes camarades de classe l'aient bien mieux assimilé que tous les adultes qui nous encadrent.
« Sirius! Par ici! »
Ah, ce cher Samuel. Petit con pédant qui prétend être un chef de bande et qui, étrangement, a décidé que je deviendrais son ami en début d'année dernière. C'est vrai qu'avoir un bouche-trou qui récupère toutes les retenues et les interros surprises en cours à sa place, ça devait bien lui rendre service. Bah, au moins, les autres rassemblements de petites racailles me fichaient la paix, de peur d'avoir à rendre ensuite des comptes à ce groupe magistralement plus imposant. Une bonne vingtaine de garçons, plus quelques filles, qui faisaient régner leur loi sur le lycée. Ils avaient regroupé trois tables pour tenir tous ensemble, sous le regard désapprobateur du pion. Je pouvais le comprendre: à eux seuls, ils mettaient un bordel monstre dans la cantine, déjà pas bien grande.
Samuel me force à m'asseoir à côté de lui, place privilégiée s'il en était aux yeux de ses larbins: à la droite du boss, rien que ça. Oui, c'était génial, si l'on omettait toutes les boulettes de pain que je recevais à sa place, en bon malchanceux de service et bouclier involontaire. M'enfin, tant que ce n'était rien de trop salissant, je ne provoquais pas d'esclandre. Le dernier qui m'avait aspergé de sauce tomate l'avait senti passer.
Je soupire et les rejoins en silence. Je n'ai qu'une envie, c'est repartir d'où je viens, mais j'ai trop faim pour ça.
Vivement la fin de la journée. |