Le réveil sonne, tombe sur le sol dans un fracas assourdissant. Je retiens un juron coloré. Trop coloré pour une heure si matinale. Pas envie de me lever, pour aller à ce petit boulot minable, avec ces vieux qui se feront un plaisir de me peloter parce qu'au moindre faux pas, je me ferais virer. Ça m'apprendra à laisser parler mon sang plus que ma tête. Tu dois réfléchir plus souvent. C'est pas c'que me disait ma mère, ça? Juste avant que je ne fasse mes valises à dix-sept ans, direction l'aventure, à peine mon BAC empoché ? Ça lui ressemblerait bien, en tout cas, de me faire la morale pour rien.
Je sais que j'ai merdé, ce jour-là. Je le sais, et je ne le regrette pas. Pas tout à fait. J'en pouvais plus, là-bas. Me fallait de l'air, respirer. Apprendre à me battre moi-même plutôt que de me reposer sur des parents dont je n'ai plus aucune nouvelle depuis six ans. Ils doivent me croire morte depuis. Et oui, ma fille, le temps passe et tu vieillis avec. Remercie les dieux de t'avoir doté de ta plastique et va, retourne dans l'arène, trémousser du popotin pour obtenir plus de pourboires, et, qui sait, tenir un jour, un mois, une année de plus. Tu sais si bien comment faire, maintenant.
Assez d'auto-flagellation. Le vieux va encore râler si j'arrive en retard au bar. Ça et le bras cassé du poivrot l'autre jour, il ne pardonnera pas longtemps, tu le sais ma fille. Alors active et sors de sous cette couette, comme le gentil petit chien que tu es devenue.
Grandir, c'est moche. A vingt-trois ans, c'est pire. Bientôt le tiers de ma vie de franchi, et j'aurais rien foutu de concret. Va falloir remédier vite fait à ce menu détail. |