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Six
Par Toucanbulle
Originales  -  Surnaturel/Général  -  fr
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Chapitre 5.3 : Shane - Sweet dreams

Chapitre 5.3 : Shane – Sweet Dreams

    Réveil en sursaut, une image rouge de douleur collée à la rétine. Encore. Il n'est que 2h45 du matin. Encore. Il n'en faut pas plus pour que je comprenne que j'ai fait un cauchemar. Encore. Pas que ça me surprenne, hein, faut pas rêver. Pour tout dire, j'étais sûr que je dormirais mal cette nuit, avec ce qui s'est passé cet après-midi, c'était prévisible.

    Je me redresse donc, en repoussant mes cheveux trempés de mon visage. Je frémis encore de ce rêve dont je ne me souviens pas, encore une fois, et quelque part, j'en suis heureux. Je ne veux pas savoir ce qui m'effraie. J'ai bien assez de ma phobie du sang pour ne pas en rajouter d'autres.

    Oui, je suis phobique. Et ce depuis un peu plus de huit ans maintenant. Et j'aurais vraiment aimé que cette faiblesse reste bien cachée dans ma muraille, pas que la première nana venue vienne à le savoir. Franchement, j'avais rien de mieux à faire que de piquer ma crise en plein milieu de la rue, avec le monde qu'il y avait autour ? Je pouvais pas, juste, rentrer et subir ça chez moi, tranquillement ? Non, il a fallut que je me paye une exhibition publique. Et bruyante avec ça. On a pas idée de faire des nanas aussi chiantes, bordel ! Parce qu'elles ont pas arrêté de piailler sur tout le chemin du retour, pendant que l'autre type m'aidait à marcher à peu près droit sur mes guibolles. Car oui, bien sûr, notre joyeuse bande de bras cassés vit dans le même immeuble. Tous les quatre, oui. Si c'est pas ce qu'on appelle un mauvais karma, ça ?

    J'en ai marre. Je suis complètement sur les rotules et réfléchir ne m'aide pas. Je me suis enfermé chez moi dès qu'on a atteint l'immeuble, mais ma chère voisine du dessous n'a pas arrêté de frapper pour voir si j'allais bien et continuer notre conversation, sous les remarques de l'autre nana, franchement hargneuse pour pas grand chose. Quant à l'autre type, celui qui m'a aidé et le seul qui ait eu l'air passablement raisonnable et censé, je crois qu'il s'est fait la malle dès qu'elles n'ont plus fait attention à lui. Chose remarquablement intelligente de sa part, je crois que je l'apprécie pas mal. Ou plutôt, il se démarque positivement de cette masse humaine que j'ignore délibérément. Je connais même pas son nom, et peu m'importe.

    J'ouvre la fenêtre microscopique de l'appart' et jette un coup d'oeil au ciel, sombre, sans lune. Trop de nuages. L'air est lourd, moite, d'une grisaille épaisse, ou bien ce sont les restes de mon rêve qui me harcèlent, qui me collent comme des sangsues maléfiques. Pas de lumières, ou très peu. Pas d'espoirs. Mes doigts me démangent.

    Pas le temps de réaliser, j'ai déjà une feuille et un crayon sous le nez. Bon, il faut dire qu'il y en a un peut partout ici, au milieu des débris de tout et n'importe quoi. J'suis bordélique, oui, et je l'assume. Au moins, je sais où je mets mes affaires, où qu'elles soient, pas comme tout le monde.

    Il y a déjà des traits de couleurs sur le papier, un ancien croquis sûrement, mais j'passe outre. Déjà le feutre noir, large et épais, imbibe les petites montagnes et autres collines de cette terre blanche et silencieuse, terre de neige et de cendre. Il trace bientôt des cours d'eau, des clôtures, des chaînes de matière impalpables mais bien plus puissantes que toutes les autres. Ce feutre dessine lentement les limite de mon univers, des formes et ses couleurs, ses pics immenses comme autant de douleurs insurmontables, aux arrêtes acérées comme le venin qui coule des lèvres d'une femme, ses cours d'eau tranquille où je trouve quelque repos, dans la chaleur d'une mère et la fraîcheur d'une source. Paradoxe et complémentarité s'il en est, je vis de ces contrastes. Mais il n'est pas d'issue sur cette terre blanche, il n'est pas de lieu de paix véritable, et le bout du monde n'est que le bord d'un précipice sans fin qui me conduira à ma perte...

    Je reprends conscience, lentement, avec une envie de vomir qui me taillade l'estomac. Je suis complètement crevé. La feuille est recouverte de traits noirs à peine secs et de traces grisâtres. J'ai pas fait gaffe, encore une fois, à ne pas toucher le dessin de la main. Tant que c'est pas en cours, ça va. Mais cet univers terne que je viens de créer du bout de mon feutre ne me conviens pas. Il n'a pas vraiment prit forme, loin de là, il n'est que lignes sur du papier, surface plane et déserte que je dois habiter pour me libérer.

    Je sais pas encore ce que va devenir ce dessin de nuit, s'il va évoluer en bien ou en mal, en réconfort ou en souffrance. Son destin ne sera pas décidé cette nuit.

    J'ai sommeil. Ma nausée est partie.

 
 
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