Chapitre 3.6 : Major・Parle-moi
Mais d'où qu'elle sort, celle-là? Qu'est-ce qu'elle a à venir me poser des questions à la con quand je suis pas d'humeur?! Alors déjà que j'ai pas le droit de boire à l'appart', faut qu'en plus cette... vienne m'en empêcher? Mais j'hallucine! C'est quoi ce complot contre moi, là?!
-Major!
Je lève la tête et je dévisage Dreid'. Il a l'air soulagé de me voir ici, une fois de plus. Comme si j'allais aller ailleurs... Quoique, avec ce qui se passe en ce moment, ce serait sans doute mieux si je veux avoir la paix. Je vois son regard passer de moi à la serveuse, pardon, Ilinsar Veldrin, avec un intérêt grandissant. Et voilà, une fois de plus, monsieur ne peut pas se contenir et passe en mode « drague de p'tit cul appétissant ». Et juste sous mon nez, en plus, bien que ça ne l'ait jamais gêné.
Lui, non, mais moi, si.
-J'me casse.
Et je joins le geste à la parole pour planter là le con et la succube qui n'est pas fichue de s'occuper de ses affaires. Je n'ai pas envie de voir Dreiden. Plus maintenant. Je n'ai pas envie d'écouter ses excuses minables. J'ai juste besoin d'avoir la paix une heure ou deux, pour oublier notre affaire.
On se dispute de plus en plus souvent, dernièrement. Et ça me fait peur. Ça me fait peur de voir Neill et Cap' se lasser de nos embrouilles continuelles. Enfin, Neill ne dit trop rien, toujours plongé comme il est dans sa conception de bombes artisanales. En revanche, Cap' en a plus qu'assez de devoir nous calmer lui-même, et il le fait savoir. Dreiden a peut-être une sacrée voix, Cap' aussi a du coffre quand il s'agit d'engueuler son prochain.
Je soupire et lève les yeux vers le ciel. Il fait gris depuis trois jours. Ce temps m'énerve et me mets sur les nerfs. J'attends que la pluie tombe, histoire de relâcher la pression. Que l'orage éclate d'un coup et qu'il m'apaise. J'en ai assez de ne pouvoir me défaire de mon addiction, les autres aussi. J'en ai assez de me faire marcher dessus et engueuler en continu. Je voudrais juste pourvoir vivre en paix, comme je le souhaite, sans toutes les merdes qui me tombent dessus. J'ai trouvé ma place, alors pourquoi essaye-t-on de m'en chasser comme ça? Je suis pas assez bon pour ce nouveau foyer? Je n'ai pas le droit d'être comme je suis?
Dreiden et la serveuse sont en pleine discussion. Ça ne me surprend même pas, elle est tout à fait son genre. J'admet qu'elle est plutôt belle : grande, la taille fine, les gestes gracieux. Pour l'avoir vue de très près, je peux dire que ses yeux gris sont assez aiguisés pour trancher de l'acier, de même que son caractère bien trempé. Dreiden les aime comme ça, les filles, insoumises et presque violentes. Et elle, elle se distingue vaguement des autres par ses cheveux. Sans doute était-elle brune, avant. Maintenant, sa tignasse est un mélange de coloris, entre de larges bandes blanches et de fins cheveux rouges, sur un fond ébène. Oui, elle est mignonne. Mais bien trop imposante pour moi.
A ce rythme, je vais finir seul avec ma basse et ma bouteille! Pas comme si ça change de d'habitude, hein. Mais bon, plus je vois Dreid' fricoter avec un peu n'importe qui, plus je me dis qu'il y a quelque chose de pas normal chez moi. Non, vraiment, je n'ai aucune affinité avec la gent féminine, et ce depuis des années. Je ne les regarde pas vraiment. Pas très logique, hein?
Je commence à me faire peur tout seul, là.
Maudis Dreid'. Un jour, j'aurais ta peau. |