J'en ai marre. Mais alors vraiment, comme j'en ai jamais eu marre de toute ma courte et pénible existence. Ça faisait quoi, un quart d'heure que j'étais parti, hein, vous êtes d'accord ?
Et vous savez aussi que je suis un grand garçon responsable et à peu près sain d'esprit. Oui, bon, sauf quand j'ai bu et que je commence à parler à d'étranges voix dans ma tête, mais ça, c'est autre chose.
Alors pouvez-vous m'expliquez le besoin constant qu'ont certaines personnes à me suivre partout pour s'assurer que je ne fasse pas de bêtises et que je mange bien mes cinq légumes par jour ? Hein, vous pouvez me dire pourquoi un abruti fini à la sensibilité aussi développée qu'un sac poubelle passe son temps à me coller aux fesses dès que je fais mine d'aller boire un verre pour décompresser parce que ce même abruti passe son temps à me mettre les nerfs en pelotes par ses blagues débiles ? Oh que ça m'énerve de me faire baby-sitter comme ça...
Et cette nana n'est pas mieux. D'où elle l'appelle par son prénom alors qu'ils viennent de se rencontrer, enfin ? C'est à en devenir dingue !
- Tu pourras lui dire que je suis là, que je vais bien, et qu'il peut rentrer à l'appart' sans problème, j'suis pas sa mère.
- Euh... Ça va, tu sais, il est juste là, vous pourrez rentrer ensemble, me répond-elle comme si je venais de l'agresser... ah, zut, c'est le cas.
Mais pas le temps de s'occuper de la demoiselle. Je viens de sauver la vie de quelqu'un pour la première fois de ma vie, et ce quelqu'un a l'air de reprendre connaissance. La brune qui l'accompagnait (enfin, plus châtain que brune) a l'air de pas mal s'agiter. Ah, c'est vrai qu'il est resté sur ses cuisses.
Le type se passe très lentement la main sur le visage avant de commencer à se relever tout doucement. Apparemment, il est encore pas mal secoué. Je me doute bien qu'il doit pas être encore tout à fait opérationnel après cette magnifique crise, mais j'aimerais quand même plutôt qu'il ne recommence pas tout de suite. Nan, c'est vrai quoi, je veux bien aider une fois, mais faut pas trop m'en demander...
Oh, on dirait qu'il va...
Ah, rectification, son estomac s'est bel et bien répandu le long de la clôture du parc avec un magnifique fond sonore. C'est encore pire que ce que je pensais, sa crise.
- Tu ferais mieux de le raccompagner chez lui, dis-je à la fille qui reste plantée là, indécise. Il faut qu'il se repose.
- Foutez-moi la paix tous autant que vous êtes...
Oui, c'est bien mon sauvetage express qui vient de nous parler comme ça, et là, tout de suite, j'ai juste envie de lui éclater la tête contre le bitume pour être aussi entêté et d'avoir un caractère aussi... Bref, d'être un peu trop comme moi pendant ma crise d'ado. Oui, j'étais aussi insupportable à l'époque.
Je le regarde se redresser et s'appuyer faiblement à la clôture comme il s'efforce de quitter cet endroit où il s'est plus ou moins donné en spectacle malgré lui, malgré ses jambes qui flageolent et son teint fantomatique. Nan, il est pire qu'un geek qui en serait pas sorti depuis six mois de son antre, là. Mais...
Il a un regard de bête blessée.
- Hey, tu pourrais quand même remercier Major de s'être remué les miches pour sauver ta peau, connard.
Merci Ilinsar pour cette remarquable intervention pleine de poésie et de grâce. Mais elle...
- Tu peux pas t'mêler de c'qui t'regarde, la pute ?!
Oh, mais c'est qu'elle a du répondant l'autre, aussi. Quoique... C'est moi ou elles se connaissent... plutôt bien ? Manquerait plus que cette fille soit aussi dans notre immeuble et...
- Mais attends voir, c'est le sale type de l'autre jour, nan ? Celui qui s'est permis de nous engueuler de l'étage du dessus soit-disant parce que TU criais trop fort pour ses petites oreilles...
Euh... faites que ce ne soit pas ce que je pense, pitié...
- Tout ça parce que TU t'amuse à mettre TA musique de pouf à fond à 3 HEURES DU MATIN quand les aut's bossent le lendemain !
Oh. My. God. |