27) Tensions.

Dès son réveil, Eragon s'inquiéta de l'état de la princesse. Il voulut quitter immédiatement le flanc de sa dragonne mais celle-ci l'en empêcha et, tenta de le calmer.

« - Du calme petit homme, les elfes l'ont transportée dans sa tente. Elle n'a plus de fièvre mais n'a pas encore reprit conscience. »

Il soupira de soulagement et se détendit un peu, il savait qu'il ne devait pas changer son comportement envers elle, sinon, les elfes comprendraient et tout se compliquerait. Il inspira profondément.

« - Bon, je vais harceler Nasuada pour savoir si je peux la voir et surtout, comment elle va. »

« - Et elle te répondra que c'est à elle de décider et qu'elle va bien. »

Il sourit, redevenu calme, il décida de se lever tout en se demandant pour quelle raison Angela lui avait donné ce drôle de breuvage. Il rejoignit Nasuada sous la tente de commandement et la salua.

-         Bonjour Eragon, tu préfères l'aile de Saphira aux tentes maintenant ?

Un sourire apparu sur son visage, ses yeux pétillaient. Le jeune homme mit un certain temps à comprendre ce dont elle parlait. Il lui rendit alors son sourire.

-         Je crains que ce qu'Angela m'a fait boire hier soir m'ai quelque peu assommé… Au fait, tu as des nouvelles d'Arya ?

La reine des Vardens l'observa longuement, son sourire devenu rictus et, ses yeux brillant de manière très étrange.

-         C'est moi qui ai demandé à Angela de te donner quelque chose qui te détendrait, Trianna m'ayant dit que tu étais sur les nerfs. Pour ce qui est d'Arya, Lupusanghren m'a annoncé son réveil récemment. Elle n'est pas au mieux de sa forme mais, tu connais Arya…

Le sourire du dragonnier s'élargit, c'était une bonne nouvelle. Bien qu'il craigne qu'elle ne se repose pas suffisamment, il était heureux de la savoir consciente.

-         J'ai eu du mal à supporter certains gestes de Trianna envers moi hier, c'est sans doute pour cette raison que je lui ai semblé inquiet.

Elle ne répondit pas, se contentant d'arborer son étrange rictus.

-         Bien entendu… Reposes toi aujourd'hui, demain nous aurons besoin de ton rapport et de ta présence…

Le dragonnier comprit à cet instant que Nasuada ne croyait pas à son explication concernant Trianna. Il parvint pourtant à se réjouir de la journée loin de tout problème qui l'attendait.

« - Nous allons pouvoir voler ensemble ! »

« - Oui ma belle, de toute manière on ne me laissera pas voir Arya. »

« - Elle viendra d'elle-même. »

« - Je sais. »

Il quitta la tente, Saphira l'attendait déjà. Il remarqua alors la selle, toujours sur le dos de sa compagne de cœur et d'esprit –Il ne la lui avait pas enlevé la veille et, n'y avait pas porté la moindre attention le matin. Il s'énerva contre lui-même et la dragonne ne tarda pas à vouloir savoir ce qui lui arrivait.

« - Je ne t'ai même pas enlevé ta selle hier, et je n'y ai pas prêté attention ce matin. En plus, tu dois avoir besoin de chasser. »

« - Ne t'en fais pas petit homme, je ne vais pas en mourir, tu sais. »

« - Va chasser, je vais en profiter pour me laver un peu. Je viendrai voler avec toi cet après-midi. »

« - D'accord mais seulement si tu ne passes pas ton temps à penser à une certaine elfe… »

Il ne répondit pas et dessella sa dragonne. Deux elfes s'approchèrent et l'aidèrent à amener la selle et les sacs dans sa tente. Une fois qu'ils furent parvenus à la tente, il leur demanda des nouvelles de la princesse. Les elfes lui répondirent qu'elle viendrait le voir lorsqu'elle le désirerait. Songeant inutile de préciser que ce n'était pas réellement ce qu'il ce qu'il avait demandé, il les remercia et pénétra dans sa tente. Il se rafraîchit rapidement et se retourna lorsqu'il entendit la toile bouger.

….

Elle avait perdu connaissance dans les bras de son compagnon. Le réveil la dérouta. Seule, allongée dans un lit de camp, elle ne savait pas comment elle était arrivée là. Un elfe entra dans la pièce –la tente aurait été plus convenable. Il lui fallut quelques minutes pour comprendre qu'il s'agissait de Lupusanghren et qu'elle était très certainement au camp Vardens. Elle attendit que l'elfe débute le salut rituel, une fois que celui-ci fut achevé, elle lui demanda ce qui s'était passé pendant qu'elle était inconsciente.

-         Vous étiez avec le dragonnier auprès de l'expédition de Roran, vous aviez mal à la tête et de la fièvre. Il vous a amené ici, nous vous avons soigné et, il doit toujours dormir sous l'aile de sa dragonne.

Penser au jeune homme la fit sourire, mais créa aussi une étrange sensation au creux de son estomac. Elle aurait tant aimé être près de lui. Elle se força à se concentrer sur l'elfe et ses maux de têtes –qui par miracle avaient disparus.

-         D'où provenaient la fièvre et les migraines ?

Lupusanghren sembla hésiter, il semblait gêner de devoir parler de cela. Sachant parfaitement que certaines des « causes plausibles » pouvant être embarrassantes à expliquer était totalement impossible. La princesse ne s'inquiéta pas et attendit que l'elfe se décide à parler.

-         Vous devriez vous reposer. Vous êtes trop tendue, ce qui entraîne les migraines. Et elles-mêmes entraînent la fièvre à force de fatigue.

Elle ne répondit pas, partagée entre le rire et la colère. Comme toujours, elle resta totalement impassible, ne laissant paraître que l'impassibilité qui lui était coutumière.

- Et quel est votre conseil ?

- Prévenez Dame Nasuada et reposez-vous quelques jours.

Elle le remercia, il quitta la tente et elle put se rafraîchir. Elle se rendit auprès de Nasuada et –après lui avoir transmis les renseignements dont lui avait parlé Islanzadi- l'informa qu'elle prenait sa journée.

-         Voilà une chose tellement rare que nous devrions faire la fête.

Arya ne put s'empêcher de sourire, même il était vrai que même lorsque Eragon et Murthag l'avaient ramenée de Gil'ead, elle ne s'était jamais octroyée une seule journée de repos.

-         Je ne sais si nous pouvons prendre ce risque.

La reine des Vardens lui sourit et l'informa qu'elle avait laissé sa journée au dragonnier. Le cœur de la princesse accéléra en entendant cela et, son sourire s'élargit. Elle était sur le point de prendre congé lorsque Nasuada reprit la parole.

-         Je ne sais pas ce qui s'est produit et, peux attendre qu'Eragon et toi m'en fassiez le récit ensemble. Cependant, je suis heureuse que vous soyez de retour parmi nous, sain et sauf.

La princesse sourit à nouveau, remercia Nasuada et quitta la tente. Une fois à l'extérieur, elle retrouva son masque d'impassibilité. Elle leva les yeux vers le ciel bleu, uniquement troublé par quelques fins nuages blanc et duveteux. Elle croisa quelques Vardens et se souvint –au vu de leurs réactions- du temps où elle transportait encore l'œuf de Saphira.

[i] Ses amis montaient la garde, la pleine lune éclairait la paroi de ses reflets argentés. Tout était calme, rien n'avait changé en dix ans. Elle prit une pierre et frappa la paroi. Elle prononça le mot de passe, le passage s'ouvrit et elle pénétra à l'intérieur flanquée de ses compagnons. La main de Fäolin se saisit de la sienne, elle frissonna à ce contact, elle ne parvenait pas à s'y habituer, tout comme elle ne parvenait pas à cerner la nature –mais surtout l'intensité- de ses sentiments envers lui. Ils furent conduits sous Isidar Mithrin. Là, les Vardens semblaient les avoirs attendus, tous s'exclamèrent à leur arrivée. Quelques enfants –qui avaient dû faire preuve de trésors d'imagination pour échapper à la surveillance de leurs parents- coururent vers les trois elfes qui ne purent s'empêcher de sourire. Les Vardens les encerclaient, les accueillants un large sourire aux lèvres.[/i]

Aujourd'hui, l'inverse se produisait, les Vardens lui lançaient des regards suspicieux ou encore apeurés. Les enfants ne venaient pas vers elle mais la fuyaient comme si elle avait une maladie grave et très contagieuse. Partout sur sa route, elle voyait les autres lui lancer des regards à la dérobée mais surtout murmurer sur son passage –et elle doutait fort que ces propos la fassent sourire. Sans vraiment s'en rendre compte, elle s'était dirigée vers la tente du dragonnier. Une fois qu'elle fut arrivée devant celle-ci, elle le remarqua et songea qu'il aurait été stupide de sa part de faire demi-tour. Tout en ignorant superbement le regard des magiciens de la reine des elfes qui la fixait, elle pénétra dans la tente. Elle s'arrêta net –les battants de toile soigneusement refermés dans son dos. Elle observa longuement le torse –nu et humide- du jeune homme qui semblait l'attirer tel un aimant. Elle releva lentement les yeux avant de plonger son regard émeraude dans celui noisette du garçon, elle arborait toujours son masque d'impassibilité, envoyant son esprit faire pression sur les barrières mentales de son compagnon, elle attendit qu'il les abaisse.

« - Tu es déjà rétablie ? »

Elle sourit et s'approcha de deux pas. Là, en cet instant, elle comprit que les elfes devaient attendre dehors, l'oreille aux aguets.

-         Navrée de te déranger Shur’tugal, je voulais te remercier pour ce que tu as fait pour moi.

« - Je crois que nous sommes sous écoute… »

-         Tu ne me déranges pas, mais ne dis pas que tu es seulement venue me remercier.

Elle fronça les sourcils, il lui donnait l'impression d'insinuer qu'elle venait de mentir –ce qui lui était impossible puisqu'ils parlaient en ancien langage. Puis, elle comprit.

-         Tu as raison, il faut que je m'entretienne de certains sujets sensibles avec toi.

Un léger sourire sur les lèvres, il murmura un sort pour que leur conversation ne puisse pas être entendue. Par sécurité, elle doubla le sort en utilisant une autre formule –ainsi qu'un sort pour que les elfes, ou quiconque, ne puissent pénétrer dans la tente sans autorisation.

-         Tu es déjà rétablie ?

Elle regarda son visage étonné et ne put s'empêcher de sourire.

-         Oui et Lupusanghren a été assez clair sur le fait de… travailler aujourd'hui.

Il haussa les sourcils, l'interrogeant du regard. Elle conserva son sourire tout en s'approchant lentement de lui. Elle cessa d'avancer lorsqu'elle fut à un pas de lui.

-         Mes maux de têtes sont dus, selon lui, au fait que je suis tendue et fatiguée, ce qui entraînerait la fièvre.

Il franchit le minuscule pas qui les séparait et la prit dans ses bras. Elle se détendit presque instantanément et se serra contre lui, enfouissant son visage ans son torse. Leurs esprits se fondirent un peu plus. Soudain, ce fut comme si une tempête se déchaînait sous leurs crânes.

« - Eragon ! Je croyais que tu ne devais pas passer ton temps à penser à Arya ! Je rentre ! »

« - S'il ne peut pas penser à moi alors qu'il me serre dans ses bras, il risque d'avoir des problèmes… »

La dragonne était étonnée, Eragon avait dû lui cacher la présence de la princesse dans son esprit. Ce qui les troublaient toutes les deux.

« - Tu devrais finir de chasser. Je viendrais voler avec toi cet après-midi. »

Arya sourit, le visage contre le torse de son compagnon. Elle aurait tant aimé rester près de lui toute la journée, mais sa place était auprès de Saphira et, les elfes se seraient posé des questions, trop de questions. Elle aurait tout de même le droit de passer le reste de la matinée en sa compagnie. Elle ne parvenait pourtant pas à se détendre, imaginant sans cesse qu'un elfe allait entrer dans la tente –malgré les sorts qu'ils avaient tous deux lancés.

- Qu'est ce qui ne va pas ?

- Ils pourraient entrer et… Ce serait une véritable catastrophe.

Alors qu'elle s'attendait à ce qu'il proteste, il l'entraîna vers le lit et s'assit. Elle suivit son instinct, s'asseyant à son tour, elle se blottit à nouveau contre lui.

-         On pourrait leur jurer de tenir leurs langues.

Elle ne dit rien, ce qui avait réussi dans l'autre monde risquait fort de ne pas fonctionner dans celui-ci. Son cerveau commença à tourner plus vite, cherchant une solution.

-         Ils ne voudront jamais. Il faut trouver une excuse si nous voulons passer du temps seuls.

Il la regarda dans les yeux, son regard pétillait de malice.

-         On fait un petit tour à Ilirea, on vole le dernier œuf, tu deviens dragonnière et nous pourrons passer tout le temps que nous voudrons ensembles.

Elle rit, sachant que la proposition du jeune homme était tout sauf sérieuse. Le dragonnier la suivit, elle aimait ce son, ce son merveilleux qu'était le rire de son compagnon. Ce son grave, léger, mélodieux –bien qu'il le soit moins que celui des elfes- cessa soudain. Elle s'arrêta aussitôt de rire, le regardant dans les yeux, plus sérieuse que jamais.

- Des recherches ? Secrètes bien entendues… Auxquelles je serais seule à pouvoir participer.

- Oui mais quel genre de recherche ? En matière de magie, mieux vaudrait qu'ils soient présents. Sans mettre en doute tes compétences dans ce domaine.

Elle ne broncha pas, serrée contre lui, les yeux clos. Elle était plus calme que jamais. Peut-être même était-elle un peu trop calme et détendue. Son esprit cherchant toujours une solution alors que son corps se faisait de plus en plus lourd, l'entraînant peu à peu dans le sommeil. Une idée lui traversa soudain l'esprit.

-         Pourquoi pas des recherches sur le rocher de Kuithan ?

Il grimaça, il n'était de toute évidence pas prêt à reparler de son rêve ni même à y penser.

-         Ce n'est pas une mauvaise idée mais ils souhaiteraient sans doute se joindre à nous.

Elle fronça les sourcils, il n'avait pas tout à fait tort, il leur fallait pourtant trouver une idée. Arya observa le jeune homme réfléchir un moment puis le poussa doucement, le forçant à s'allonger. IL l'entraîna avec lui, elle posa la tête contre son épaule et ferma les yeux, s'endormant peu à peu dans les bras de l'homme qu'elle aimait.

- Ton vrai nom ?

- Ca sous-entend une confiance absolue en toi de ma part.

- Ou un nombre incalculable de serment me forçant à tenir ma langue…

Il se tourna vers elle et l'embrassa tendrement, la serrant un peu plus fort contre lui. La princesse lui rendit son baiser, laissant transparaître tout ce qu'elle éprouvait pour lui dans ce simple baiser. Il s'écarta d'elle au bout d'un momet, il arborait un large sourire.

-         Je préfère ma version.

Elle sourit à son tour, c'était aussi la raison qu'elle préférait.

- Oui mais si je venais à être capturée…

- Durza n'a pas eu raison de toi, et puis, je m'arrangerais pour que le Roi soit trop occupé pour qu'il puisse essayer de te faire parler.

Le sourire de l'elfe s'était évanoui tout comme celui du dragonnier. Le cœur de l'elfe s'était serré, autant à cause de ses souvenirs qu'à cause des risques que le jeune homme songeait à prendre. Elle darda sur lui son regard le plus sévère.

-         Je ne veux pas que tu prennes des risques inutiles pour moi.

« - Il le fera même si tu lui fais jurer de ne pas le faire… Il n'a pas tout à fait la même version des risques inutiles que nous. »

Un léger sourire apparu sur le visage de la princesse, elle savait que la dragonne saphir avait raison et cela l'inquiétait –presque autant que ce que ça la rassurait. Un murmure à son oreille vint la libérer de ses pensées.

- Tu n'as pas dit que Lupusanghren t'avait conseillé du repos et du calme ?

- Si mais rien ne me repose plus qu'être près de toi.

Il sourit et elle se blottit contre lui. Elle commençait à s'endormir. Il se leva, la laissant seule sur le lit de camp. Il vint déposer un rapide baiser sur les lèvres de la princesse avant de s'installer à son bureau et d'attraper un parchemin qu'il commença à étudier. Elle sombra dans le sommeil, un léger sourire figé sur ses lèvres.

….

La femme avait passé deux jours à conseiller l'aîné de ses fils, à écouter tout ce qu'il avait à lui raconter. Il lui avait ensuite donné toutes sortes de renseignement pouvant aider les Vardens à vaincre l'Empire. Mais surtout des informations décisives pour la bataille à venir. Elle voyageait depuis plus d'une semaine, courant de l'aube jusqu'à une heure avancée de la nuit. Elle n'avait cessé de courir que durant de très courtes périodes, le temps de manger et de dormir un peu. Bien que cela fasse bien des années qu'un tel rythme ne lui avait pas été imposé, elle parvenait à le maintenir sans la moindre difficulté. Elle entra discrètement – ou du moins aussi discrètement que possible- dans le camp des Vardens. Elle passa une bonne partie de la journée à repérer les lieux et à chercher la tente de son amie. Elle se glissa dans une tente et se retrouva face à un gros chat qui lui barrait la route. Elle sourit en reconnaissant le chat-garou. Selena regarda autour d'elle, elle cherchait Angela du regard mais le spectacle qui s'offrait à elle ne l'étonna qu'à moitié, détournant son attention. Même dans un camp en perpétuel mouvement, l'herboriste et Solembum restaient entourés de plantes. Le chat-garou s'écarta de sa route, l'autorisant à pénétrer plus profondément dans cette tente mystérieuse.

« - Installe-toi dans ce fauteuil. Angela ne devrait plus tarder à arriver. »

Elle s'installa sur le fauteuil dont l'image lui avait été envoyée par le chat-garou. Solembum s'installa sur l'accoudoir et alors que l'ancienne Main Noire caressait le doux pelage du chat-garou tout en le remerciant, l'herboriste entra. Elle semblait pressée, écartant telle ou telle plante pour prendre cette autre et la mettre en contact avec celle-ci et non celle-là. Angela commença à réduire certaines plantes en poudre tout en mélangeant énergiquement le contenu d'un chaudron. Selena ne bougea pas, elle se contentait d'observer l'herboriste calmement – sans cesser de caresser Solembum. Au bout d'une bonne demi-heure, Angela cessa de s'activer et se tourna vers le chat-garou, le regardant avec des yeux ronds comme des soucoupes. Selena laissa alors retomber son capuchon, elle savait pertinemment que la femme qui se tenait face à elle la reconnaîtrait instantanément. Effectivement, elle était livide et semblait ne pas en croire ses yeux.

- Selena ? Mais tu devrais être morte.

- Mais je suis morte très chère. Enfin, la compagne de Morzan, celle qui aimait cet homme est morte.

- Et l'amour que je t'ai prédit ?

Un sourire triste apparut sur le visage de l'espionne, elle prit plusieurs minutes –et une grande inspiration- avant de répondre.

-         Je l'ai connu, c'était merveilleux, pur et si différent de ce que Morzan m'avait appris. Hélas, il est mort pour protéger notre fils…

Elle contenait à grand peine ses larmes et l'une d'elle échappa à son contrôle, roulant sur sa joue. Angela se leva alors et posa une main sur son épaule.

-         Je sais, j'ai prédit à ton fils qu'il perdrait un être qui lui était proche sous peu… Ce n'est que plus tard que j'ai appris qu'il s'agissait de lui… Je me suis montrée tellement maladroite…

Selena essuya doucement la larme qui coulait le long de sa joue. Elle sourit, se demandant de quelle manière Angela pouvait savoir que Brom était le père d'Eragon.

- Comment le sais-tu ?

- Eragon parle beaucoup… Je l'ai entendu le dire à Nasuada, Roran et Arya.

- Nasuada ? Roran et Arya me sont familier… Il s'agit du fils de mon frère, le cousin d'Eragon et d'une elfe qui l'accompagne à peu près partout, je me trompe ?

- Non, Nasuada, fille d'Ajihad et chef actuel des Vardens. Arya est bien une elfe, elle plaît beaucoup à ton fils d'ailleurs… C'est la fille d'Evandar et d'Islanzadi cette dernière est devenue reine depuis la disparition de son compagnon.

- On m'a déjà parlé de cette elfe, il me semble même l'avoir vu avec mon fils…

- Elle est mal en point, des maux de têtes suivis d'une forte fièvre jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse. Les douze meilleurs magiciens elfes n'ont rien trouvé, ils pensent à du surmenage. Je n'y crois pas.

- Tu penses donc tout naturellement à du poison.

- Oui mais Eragon n'est pas touché… Or, ils ont voyagés ensemble donc, en toute logique, il devrait être touché lui aussi.

- J'ai entendu parler d'un poison ne touchant que les elfes… Celui-ci serait délivré par des plantes encore vivantes. Il est impossible d'extraire ce poison de la plante. Ce qui est plutôt un point positif, il est également impossible de le délivrer à l'aide d'un morceau de plante découpé même très récemment. C'est une plante très rare, je la pensais d'ailleurs disparue de nos contrées depuis des siècles…

Selena se tut, plongée dans sa réflexion. Elle se passa une main dans les cheveux avant de lâcher un soupir à fendre l'âme. Toutes couleurs avaient déserté son visage, son front plissé laissait apparaître quelques rides sur son visage.

- Quoi ?

- L'antidote est très long et très complexe à préparer, il me faudrait au minimum deux semaines.

- Je dois avoir les ingrédients nécessaires, et je peux t'aider si tu souhaites le préparer.

- Oui, je le préparerai mais, j'en garderai deux doses, une pour Eragon et l'autre…

Elle ne termina pas sa phrase, elle voulait la deuxième dose pour Murthag, elle sentait qu'elle lui serait nécessaire sans pour autant pouvoir l'expliquer. Elle exposa alors le plan de préparation à Angela, lui dressant une liste de tout ce dont elle aurait besoin. Elle lui confia ensuite les informations que son fils lui avait données.

- Comment peux-tu en savoir aussi long sur les intentions du Roi et le mouvement de ses troupes au sein de l'Empire ?

- Tu sais depuis toujours que je suis très bien informée, et une fois n'est pas coutume, je ne trahirai pas ma source.

- En tout cas, cette personne en sait long sur l'Empire… Ce n'est pas le Roi quand même ?

Là, Selena était plus qu'étonnée certes, elle était la Main Noire, une des femmes les plus dangereuses de toute l'Alagaësia, la femme la plus puissante et la plus crainte de tout l'Empire. Mais de là à ce qu'Angela la pense capable d'arracher ce genre d'information au Roi, il y avait un précipice.

- Tu sais très bien que c'est impossible Angela…

- Un peu d'humour ne te ferait certainement pas de mal tu sais Selena…

Une blague, comment un tel sujet pouvait-il porter à rire ? Ne comprenant toujours pas, la Main Noire ne dit rien, elle avait encore un antidote à préparer, la nuit promettait d'être longue. Angela sortit et se dirigea vers la tente de commandement pour rapporter les informations qu'elle avait « découvert par hasard » aux dirigeants rebelles.

« - Je ne suis pas dupe contrairement à Angela, tu tentes d'aider ton fils à changer de vrai nom mais prends garde, c'est un jeu très dangereux. »

La femme frissonna et se remit au travail. Elle était consciente de la situation et des dangers qu'elle comportait, mais elle ne pouvait pas abandonner son fils alors qu'elle savait ce que l'on ressentait dans une telle situation.

« - Tu joues avec le feu et pourtant, tu sais que le feu brûle… »

Cette fois-ci, elle ne sursauta pas, si elle n'avait pas joué avec le feu par le passé, elle n'aurait jamais pu se libérer de ses serments. Si elle n'avait pas laissé Brom la séduire et si elle ne s'était pas abandonnée à lui, jamais un nouvel espoir ne serait né pour les Vardens. Tant de pensées se bousculés dans sa tête qu'elle avait du mal à voir ce qu'elle faisait, elle se força à arrêter quelques minutes de façon à y voir clair et se concentra sur sa tâche. Elle avait quinze jours pour préparer l'antidote, car d'après les symptômes décrits par l'herboriste, le poison était présent dans l'organisme de la jeune elfe depuis une moment déjà. Si elle attendait trop pour prendre l'antidote, elle mourrait. Et si elle venait à mourir, les Vardens perdraient leur plus grand espoir.