Chapitre 34 : Un pas de plus vers le dénouement.

Le vaste ciel bleu était dégagé, nul nuage ne semblait vouloir faire son apparition. Pour le plus grand plaisir des deux dragonniers qui pouvaient rester au sec. Leurs quatre esprits liés leur permettaient de communiquer malgré la distance qui les séparaient –et les figures aériennes que réalisaient les deux dragons. Ils atterrirent dans le camp Vardens cinq jours après avoir quitté Teirm et les elfes comme l’avait estimé Saphira. Ils étaient attendu par les elfes qui semblaient quelques peu… énervé. Dras-Leona était tombée deux jours avant l’arrivée des deux jeunes gens, leur évitant d’avoir à prendre des vies supplémentaires. Ils n’étaient installés au camp que depuis quelques minutes et un messager était déjà venu les chercher pour qu’ils se rendent auprès de Nasuada. Ils se retrouvaient donc à présent face à la suzeraine du jeune homme qui leur présentait mille et un nobles. Bien vite, le jeune homme déconnecta son esprit, feignant de s’intéresser aux dires de Nasuada et les nobles. Au bout d’un moment, il fut à bout de patience, il n’avait jamais vraiment très bien supporté ces interminables présentations.

« - Le grand dragonnier des Vardens serait-il à bout de patience ? »

Il la repoussa d’une pichenette mentale avant de lui laisser à nouveau accès à son esprit. Elle lui souriait mentalement, elle avait vu juste il ne pouvait plus supporter le défilé des nobles.

« - Comment fais-tu ? »

« - Je me plonge dans mes souvenirs, je me récite mon vocabulaire en ancien langage… bref, je m’occupe. »

Il lutta pour qu’aucun sourire ne s’affiche sur son visage. Eragon était épuisé, il ne rêvait que d’une chose s’allonger et dormir. Il avait de plus en plus de difficultés à se concentrer. Sa vue se faisait floue, des images sortaient de nulle part pour se fondre à la réalité. Arya s’en rendit compte tout comme Saphira qui laissa échapper un grognement de mécontentement. Aussitôt, les chefs de la rébellion et autres notables se tournèrent dans sa direction. Nasuada avait compris le message. De quelques mots, elle renvoya toute les personnes présentent sous la tente à l’exception des deux dragonniers et leurs dragons. Elle fit appeler un messager qui repartit presque aussitôt.

-         Je vois que tu es toujours aussi impatient.

-         Navré, je suis épuisé… Je ne parviens plus à me concentrer de manière correcte.

Nasuada ne répondit pas immédiatement, elle semblait s’interroger sur ce qu’il venait de déclarer. Alors que la chef des Vardens allait parler, les faucons de la nuit annoncèrent l’arrivée de trois personnes et le retour du messager. Une fois la permission de les laisser entrer donnée, Eragon et Arya virent sans –trop de- surprise Selena en compagnie d’Angela et de Lupusanghren qui les fusillaient du regard. A peine entrée, la mère du dragonnier s’inclina respectueusement devant la jeune chef rebelle. Le jeune homme fronça les sourcils et oublia un instant sa fatigue. Sa mère ne s’était jamais inclinée devant quiconque –ou du moins, pas devant son fils. Mais sa surprise atteint un nouveau sommet lorsque Nasuada s’inclina à son tour. La situation devenait totalement incompréhensible. Mais il oublia bien vite sa surprise, le chef des magiciens elfes semblait ne pas porter attention à la présence de sa princesse. Décidément la situation avait vraiment quelque chose d’étrange et d’incompréhensible. Les elfes étaient parmi les personnes les plus raffinées et polies –enfin, dans une certaine mesure. Lupusanghren semblait obnubilé par les deux femmes qui étaient arrivées en sa compagnie –ou plutôt extrêmement en colère contre elles. Eragon fronça davantage les sourcils et s’interrogea sur la raison de cette colère. Arya semblait proche d’exploser, elle n’était pas habituée à ce qu’on l’ignore et encore moins par un membre de son propre peuple. Elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait l’accepter, le magicien elfe risquait de se voir engagé dans un duel contre la princesse pour lui avoir manqué de respect de la sorte. Arya serait dans son droit et personne ne pourrait contester son choix. Pourtant, elle risquait d’avoir besoin de son appui en cas de combat contre le Roi ou contre Murtagh  -mais là, les chances étaient plus faibles. Nasuada observait la scène avec un intérêt grandissant de seconde en seconde. Eragon qui se doutait que la jeune femme ne réussirait pas à rester calme encore bien longtemps, lui envoya une vague de calme avant de se tourner vers sa suzeraine.

-         Peux-tu nous expliquer ce qui se passe ?

-         Rien de très grave, juste un petit litige entre Selena et les elfes envoyés par Islanzadi. Mais, il faudrait le régler rapidement…

Arya observait toujours Lupusanghren, les sourcils froncés, elle posa la main sur la garde de sa lame Tout dans son attitude rendait sa colère perceptible. Nasuada l’observait, vaguement inquiète de ce qui pourrait arriver sous la tente de commandement. Selena et Angela semblaient fascinées par la scène qui se déroulait devant leurs yeux. Le messager quant à lui se tenait prêt à sortir au moindre signe de dispute entre les deux membres du Beau Peuple. Le dragonnier était partagé entre l’inquiétude de voir les deux elfes s’affronter –et Arya être blessée- et sa fascination face à l’étrange beauté de la scène.

« - Calme-toi Arya, on pourrait avoir besoin de lui… »

« - Il me manque volontairement de respect ! Je devrais le tuer sur le champ ! »

« - Je ne te savais pas aussi sanguinaire… Humilie-le devant tous les Vardens, la leçon sera bien meilleure. »

La jeune femme lui lança un regard rapide, remplit d’incompréhension. Elle ne semblait pas comprendre à quoi une humiliation publique la conduirait. Nasuada semblait se demander ce qui se passait entre les deux dragonniers. Arya inspira profondément, elle cherchait à se calmer avant de poser sa question.

-         J’aimerai bien savoir depuis quand un membre de mon peuple ne me salut plus lorsqu’il me voit ! Et depuis quand il ne respecte plus les dragonniers et leurs dragons !

« - Pour ce qui est du respect pour les dragonniers et leurs dragons… Vanir ne me montrait pas plus de respect que ça tu sais ? Et par extension, il manquait de respect à ma sublime dragonne. »

« - Qu’est-ce que tu as à me demander ? »

La princesse des elfes ne put retenir un sourire qui s’effaça dans l’instant de son visage. Lupusanghren avait blêmit en entendant la colère dans la voix de la jeune femme. Elle ne portait pas le Yawë pour rien. De toute évidence, le magicien redoutait de devoir l’affronter. Il s’empressa de la saluer ainsi que le jeune homme à ses côtés mais le mal était déjà fait.

« - Au fait, en quoi une humiliation publique serait une meilleure solution ? »

« - Ne le prends pas mal mais… les membres de ton peuples sont assez orgueilleux. »

Arya sembla un instant à court de répartit pourtant, elle poussa un profond soupir et tout en ignorant les excuses de l’elfe, se tourna vers Nasuada.

-         Quel est ce « litige » dont nous devons nous occuper rapidement et qui oppose-t-il ?

-         Selena et Lupusanghren… mais je vais les laisser t’expliquer.

La mère du dragonnier arborait un petit sourire supérieur. Elle devait être fière d’elle. Angela semblait trouver la situation de plus en plus comique. Le messager avait disparu de la tente. Eragon fronça les sourcils, il ne l’avait pas vu partir. Ce jeune messager avait disparu avant même que Nasuada n lui en ai donné la permission. Aucun Vardens –à la connaissance du dragonnier- ne se serait permit un tel écart de conduite. Le jeune homme prit note mentalement de le retrouver et de vérifier qu’il était bel et bien dans le « bon » camp. Alors que Lupusanghren allait prendre la parole, Arya l’interrompit et s’adressa calmement à la Main Noire :

-         Que s’est-il passé ?

Le sourire de la femme s’élargit, il y avait plus que de la fierté dans ce sourire. Elle leur raconta le « différent » qui l’avait opposée aux elfes lors de son arrivée au camp. La princesse elfe arqua un sourcil et se tourna vers Lupusanghren pour entendre sa version de l’histoire. L’elfe insista sur leur supériorité numérique et magique. Il força le trait sur l’attaque traître de la Main Noire. Le reste de l’histoire restait en accord avec les dires de Selena. Le magicien se permit seulement de dire avec une véhémence peu commune qu’elle n’aurait très certainement jamais osé agir ainsi en leur présence. L’ancien assassin de Morzan avait alors lancé un regard glacial à l’elfe tout en tentant de garder le contrôle.

« - Je doute que ma mère ai agi autrement en notre présence. »

« - Tu as sûrement raison… Lupusanghren me déçoit, il est grand temps qu’il apprenne l’humilité. »

-         Je doute que vous ayez raison Lupusanghren. Selena ne me semble pas le genre de femme à changer d’attitude en présence d’une autre personne quelle qu’elle soit. De plus, vous m’avez sciemment ignorée en entrant sous cette tente, mon compagnon et nos dragons aussi… Il est grand temps pour vous de retrouver votre place…

La jeune elfe se tourna vers la chef des Vardens qui observait la scène avec un intérêt grandissant. L’elfe avait blêmit, L’herboriste et la Main Noire échangeaient un regard perplexe.

-         Nasuada, serait-il possible de rassembler un grand nombre de Vardens assez rapidement ?

-         Oui, sans aucun doute pourquoi ?

-         J’affronterai Lupusanghren en duel demain à midi. Il est temps qu’il sache ce qu’est l’humilité.

« - Être battu en duel en affrontant la princesse est certes dégradant mais… »

« - Pas suffisamment. Je ne peux tout de même pas te laisse régler ce combat. »

« -Bien sûr que si. »

La jeune femme leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir. Conscient qu’elle ne céderait pas, il choisit de forcer la main à la jeune elfe. Il était tout à fait normal qu’elle veuille régler seule ses problèmes. Pourtant, il avait lui aussi été bafoué, il se devait donc de remettre l’elfe à sa place.

-         Je vous propose un duel magique Lupusanghren, après tout, vous m’avez moi aussi bafoué.

Arya manqua s’étouffer et dévisagea longuement le jeune dragonnier qui se tenait à côté d’elle. Le jeune homme était encore épuisé par le voyage. Il serait à peine remit le lendemain et Lupusanghren était le meilleur magicien elfe connu à ce jour.

-         Je t’affronterai au coucher du soleil Eragon Shur’tugal.

Le sourire qui s’afficha sur le visage de Lupusanghren montrait tout de sa certitude de remporter le duel magique. Eragon demeura de marbre, il connaissait ses capacités et ses limites. Ce qu’il ne connaissait pas était les limites de ses nouvelles capacités. Il était pourtant si serein face à la perspective d’affronter un elfe lors d’un duel magique que personne n’osa faire de commentaire. Alors qu’ils prenaient congés, Nasuada retint les deux dragonniers encore un moment.

-         Demain, après le duel d’Arya face à Lupusanghren, je voudrais que tu me rejoignes devant les Vardens.

-         Puis-je savoir pourquoi ?

-         Il est temps que tu cesses d’être mon vassal…

Le dragonnier ne répondit pas, il s’inclina bien bas face à sa suzeraine et quitta la tente de commandement en compagnie de la princesse des elfes. A peine eurent-ils atteint leur tente que la jeune femme se plantait face à lui, les poings sur les hanches et les sourcils froncés. Le jeune homme s’approcha d’elle, calme et serein. Il déposa un doigt sur les lèvres de l’elfe avant qu’elle n’ait pu dire le moindre mot. Il était trop fatigué pour se battre avec elle. Il ne voulait plus qu’une chose, dormir. Il s’allongea, sans même prendre la peine de se déshabiller. Quelques secondes plus tard, il sentit la présence de la princesse dans ses bras et s’endormit, un sourire flottant sur ses lèvres.

Elle se leva avec le soleil. Elle se demandait encore si elle avait fait le bon choix. Certes, Lupusanghren l’avait ignorée et avait ignoré le dragonnier. Mais elle s’était aussi emportée facilement. Arya observa le jeune homme qui dormait encore profondément. Elle était partagée entre l’envie de le réveiller et celle de le laisser sa reposer encore un peu. Le choix du jeune dragonnier lui revint alors en mémoire, il avait choisi d’affronter un des meilleurs magiciens elfe dans un duel de magie. Sa folie terrorisait la jeune femme. Bien sûr, jamais un elfe ne conduirait volontairement un allié aussi unique qu’Eragon à sa perte. Mais seul le jeune homme connaissait ses limites en matière de magie et il était seul à pouvoir s’éviter la mort. La magie était particulièrement dangereuse, surtout pour le dragonnier. Sa mort entrainerait forcément celle de la sublime dragonne saphir qui l’avait choisi. La princesse décida qu’il était temps que le dragonnier sache ce que signifiait sa stupidité et elle entreprit de le réveiller. Face au sommeil plus lourd que d’habitude du jeune homme, elle choisit la méthode de réveil la plus simple et la plus efficace. Le camp des dragonniers –comme celui des elfes- avait été installé au bord du lac Leona c’est pourquoi la jeune femme transporta le dragonnier jusqu’au bord de l’eau en évitant de le réveiller. La dragonne saphir, heureuse de pouvoir aider la princesse plongea dans l’eau et aspergea copieusement les deux elfes présents sur la rive. Eragon s’éveilla en sursaut, il chercha son arme pendant quelques instants avant de se rendre compte que les deux dragons et l’elfe riaient à gorge déployée. Il lutta un long moment contre sa propre hilarité avant de se laisser aller.

-         Il n’y avait pas d’autres moyens de me réveiller ?

-         Hélas non, tu dormais bien trop profondément pour ça.

Le jeune homme bougonna pendant quelques instants avant de regarder sa dragonne nager dans le lac. Son cerveau semblait être long à s’éveiller car ce ne fut qu’au bout d’une éternité qu’il se tourna vers l’elfe.

-         Pourquoi ne pas m’avoir laissé dormir ?

-         Parce que tu as été stupide hier soir.

Elle le vit froncer les sourcils et faire l’effort de se souvenir. Elle n’était plus en colère comme elle avait pu l’être la veille au soir. La nuit lui avait permis de prendre des forces et de se calmer. Ce n’est que lorsqu’il releva la tête avec un léger sourire qu’une pointe de colère s’insinua dans son cœur. De quel droit souriait-il alors qu’il risquait sa vie ? Il finirait par la faire mourir d’inquiétude s’il continuait sur cette voie. D’un geste rageur, elle s’empara d’un galet qu’elle lança dans l’étendue d’eau.

-         Je n’ai pas été stupide Arya, seulement logique. (elle manqua de s’étrangler à ces mots et songea à lui faire prendre un bon bain glacial pour lui remettre les idées en place) Si tu gagnes le duel contre Lupusanghren, il n’en sera pas plus bafoué que s’il s’agissait d’un autre elfe ou de moi-même… Alors que si je l’affronte dans son domaine et que je le bat…

-         Oui mais justement, c’est un elfe Eragon… Tu n’as pas la moindre chance de la vaincre dans un duel magique.

-         Dans ce cas, ça me fera un entrainement pour le jour où je serais face au Roi.

-         Ce jour-là, je serais là pour t’aider et tous les elfes aussi. Ce soir, tu seras seul face à lui. Tu pourrais mourir.

Son sourire se fanât, elle put le voir froncer les sourcils, c’était un mouvement imperceptible. Le front du jeune homme se plissa, créant des rides qui n’avaient pas leurs places sur un visage aussi jeune. Tout son visage se contractait, se plissait dans l’effort qu’il fournissait dans ce combat contre lui-même. Finalement, il soupira et regarda Saphira, son visage s’apaisa. Une discussion privée avait démarrée entre le dragonnier et sa dragonne.

« - Tu t’inquiètes trop pour lui. »

« - Je sais, mais je ne peux pas m’en empêcher. »

« - Dis-lui ce dont tu as réellement peur, il fera peut-être marche arrière… »

Elle poussa un léger soupir, un soupir impossible à entendre. Eragon se tourna pourtant vers elle et l’observa avec le plus grand sérieux du monde. Elle ne put s’empêcher de sourire. Il la connaissait bien, mieux qu’elle ne le pensait. Il avait très vite dû grandir, il était si jeune et pourtant, l’espoir de tant de monde pesait sur ses épaules. Il n’avait encore jamais plié ou faillit, il était toujours là quand on avait besoin de lui. Pourtant, la fin était imminente. L’elfe savait, elle avait compris depuis longtemps que si le Roi était neutralisé par le jeune homme, ce serait à elle de le tuer. Lui-même en serait incapable. Sa jeunesse le désavantageait sur ce point et le Roi tenterait de jouer sur ce point mais elle serait là. Il ne s’en tirerait pas si facilement. Eragon l’observait désormais soucieux. Un sourire se dessina lentement sur les lèvres de la jeune femme. Bien que le poids du monde semble reposer sur ses épaules, il s’inquiétait toujours pour ceux qu’il aimait. Elle ferma les yeux l’espace de quelques secondes, Orchard avait raison. Elle se tourna vers le jeune dragonnier, elle attendit longtemps qu’il cesse de s’inquiéter et qu’il se décide à parler.

-         Je ne perdrais pas ce soir. Je suis même sûr et certain de gagner.

Elle plongea ses yeux dans le regard noisette du dragonnier qui l’observait avec un sérieux frôlant le ridicule. Comment pouvait-il être sûr de vaincre face à un elfe et dans un domaine aussi vaste et complexe que la magie ? Elle frissonna, il ne faisait pourtant pas froid ce matin-là.

-         Eragon, il est plus fort, plus vieux et plus expérimenté que toi.

-         J’ai plus d’énergie, je vois le monde d’une façon assez… singulière et tu peux m’a énormément appris sur la magie.

-         C’est différent, l’énergie ne fait pas tout, pas dans un duel magique.

Il ne voulait pas abdiquer, elle pouvait le lire dans son regard et c’est ce qui la fit frissonner une nouvelle fois. Il était tellement sûr de lui que ça en devenait totalement impensable. Les sourcils froncés, elle le gratifia du regard le plus sévère qu’elle avait à sa disposition. Il soupira avant de se lever et de se tourner une fois de plus vers le lac. Saphira s’envola et vint atterrir à côté de son petit homme.

-         Je sais que l’énergie ne fait pas tout. C’est une des premières choses que Brom m’a appris sur le sujet. La ruse et l’art de surprendre ses ennemis est un atout dans ce domaine. Et l’ingéniosité ne me fait pas défaut, tu le sais très bien. En bien des points, la magie peut se comparer à l’escrime. (Arya l’observa comme s’il était devenu complètement fou.) Ne me regarde pas comme ça. C’est vrai, en étant ingénieux, on peut prendre le dessus dans les deux cas. Dans ces deux arts, la force ne fait pas tout, elle peut même être un désavantage car on se croit supérieur. Pour ma part, je sais que Lupusanghren est sûr de me vaincre sans difficulté ce soir mais… je donnerai tout ce que j’ai. C’est pour ça que je remporterai ce duel.

Arya ne dit rien, il était plus fou que ce qu’elle pensait. Certes, le magicien elfe serait mis à rude épreuve lors de son combat contre elle, mais il aurait tout l’après-midi pour se ressourcer. Il allait passer l’après-midi à se concentrer et à méditer. De plus, Eragon n’aurait pas le droit à l’aide de sa dragonne. La jeune femme poussa un léger soupir avant de se lever à son tour et faire face au dragonnier. Elle ne le comprenait pas, il était si sûr de lui. Il avait tellement changé en si peu de temps. Comment lui était-il possible de s’adapter aussi vite ? De changer aussi vite ? Bien sûr, il s’était toujours accommodé de ce que l’on voulait lui donner que ce soit chez les Vardens ou chez les humains. Mais de là à donner l’impression d’avoir vieillit de plusieurs siècle en l’espace de quelques jours… Il sembla voir la lueur d’incertitude briller dans le regard de la jeune elfe car il se tourna avec un léger sourire en direction de la vaste étendue d’eau. Le jeune homme leva la main droite et ferma les yeux quelques secondes. Quand il les rouvrit, une étrange lueur sauvage brillait au fond de ses prunelles noisette. Contrairement à ce qu’elle pensait il ne se mit pas à psalmodier. Encore moins à chanter. Il semblait seulement chercher ce qu’il allait faire, la main toujours tendue, inconscient du regard inquiet de la princesse et de son dragon. Il finit par se pencher et laisser quelques gouttes d’eau glisser le long de ses doigts. Avec une lenteur exagérée, il attendit qu’il n’en reste plus qu’une seule qu’il guida au centre de la paume de sa main qui ne portait pas la Gedweÿ Ignasia. Il ferma les yeux un instant supplémentaire et alors qu’il venait de prononcer avec un calme absolu le mot « adurna ». Lentement, très lentement la minuscule goutte d’eau qu’il tenait dans sa main devint un diamant qui à son tour se teinta d’une couleur verte soutenu. Au fur et à mesure que la goutte d’eau devenait une minuscule émeraude, elle prenait la forme d’une larme. Le jeune homme n’était pas censé savoir faire ça. Il ne devait même pas en avoir la force. Il s’était coupé de la princesse et des deux dragons, il ne puisait pas son énergie d’eux. Et il suffit à la jeune femme d’étendre son esprit pour savoir qu’il ne la tirait pas non plus des êtres vivants qui les entouraient. L’énergie présente dans les joyaux du jeune homme loin de diminuer ne cessés d’augmenter. Aren se mit lentement à briller d’un éclat surnaturel. Jamais la jeune femme n’avait vu quiconque réussi à saturer un joyau d’énergie. Comment pouvait-il agir ainsi ? Il ne devait pas avoir la force nécessaire, c’était impossible. Elle constata finalement qu’il remplissait l’émeraude d’énergie. Il finit par la lui donner sans un mot. Elle était saturée d’énergie.

-         Comment ?

-         J’ai appris bien des choses au rocher de Kuithan…

-         Tu ne gagneras pas forcément même avec une telle puissance.

-         J’en suis conscient.

-         Si tu gagnes, tu risques de te mettre les elfes à dos…

-         Je sais et je suis prêt à prendre ce risque.