Chapitre 33: Un nouveau départ. Assit sur les créneaux des remparts de la ville, le jeune homme contemplait la mer qui s'étendait à perte de vue. Il allait bientôt devoir rejoindre les Vardens qui s’apprêtaient à démarrer le siège de Dras-Leona. Son regard se posa sur ses mains, ces mains qui devenaient des instruments porteurs de mort. Malgré tout ce qu'Arya et Saphira avaient pu lui dire, il ne se sentait pas mieux. Il n'était pas obligé de tuer le groupe de soldat, ils auraient pu fuir. "- Et être poursuivis puis capturés." Eragon cligna des yeux à plusieurs reprises, reprenant ainsi pied dans la réalité, Saphira n'avait pas tort. "- Bien entendu que je n'aie pas tort, je suis la sagesse même." Le dragonnier sourit à la remarque de la dragonne saphir. "- Et si nous apprenions à Arya et Orchard à voler? Avant que tu ne reviennes à tes noires pensées." Eragon vit une série d'image défiler dans son esprit. Il n'avait pas vraiment le choix. Avec un léger sourire, il quitta les remparts de la ville pour se diriger vers la plage. Assise en tailleur, face aux deux dragons, Arya semblait attendre avec impatience et... anxiété sa prochaine leçon. - Prête pour ton premier vol ? - Oui, enfin, je crois. Le sourire du dragonnier s'élargit, il tendit la main à la jeune femme qui lui lança un regard étrange avant de se lever -sans saisir sa main tendue- et de se diriger vers Orchard. Là, elle s'emparât de la selle qu'ils avaient conçues quelques jours plus tôt lorsque Saphira avait appris les figures de vol basique à Orchard. Eragon la regarda seller le jeune dragon. "- Même là, elle est gracieuse." "-Tu me donnes un cour de vol ou tu préfères que je t'aide à devenir plus gracieux ?" Il rougit. Les deux dragons se mirent à trembler de manière étrange alors que leurs rires semblable à un éboulement de rocher se faisait entendre. Le rire parfait de la princesse des elfes parvint bientôt aux oreilles du jeune homme, il se joignit alors à elle. Quelques minutes plus tard, ils retrouvèrent leurs calmes et c'est en souriant, que les deux elfes se hissèrent sur le dos de leurs dragons. Ils passèrent une heure à voler de manière paisible avant qu'Orchard et Saphira ne se lancent dans un concours de figure aérienne. trés vite, Arya devint pâle avant de prendre une couleur verte soutenue. Le jeune dragon sentant le malaise de sa dragonnière reprit un vol stable, calme et lent. "- Respire profondément, calmement. Un peu comme si tu méditais..." (Il laissa quelques minutes s'écouler) "Ça va mieux ?" "- Je ne sais pas, je crois que oui." A l'horizon, le soleil se couchait. La mer prenait une teinte rouge sang presque surnaturelle. La mer et le ciel semblaient fusionner. Souriant face au paysage qui leur faisait face, il reporta son attention sur la jeune femme qui l'accompagnait. "- Regarde l'horizon au lieu des écailles d'Orchard." "- Ça mériterait un fairth." Le dragonnier chercha un moment dans ses sacs de selle avant de trouver le support dont il avait besoin. Il fermât les yeux et se concentra, ne gardant à l'esprit que l'image qu'il voulait voir apparaître sur le fairth. Il récitât la formule dans un murmure et poussa un cri de joie en découvrant le résultat. Les deux dragons ne tardèrent pas à se poser et Arya l'interrogea du regard. Pour toute réponse, il lui tendit le fairth. On pouvait y voir l'immense étendue d'eau et le soleil ne faire qu'un, sur la moitié du soleil encore visible, se détachait un jeune dragon vert. Le jeu de soleil couchant sur ses écailles brillantes renvoyait les couleurs de l'arc en ciel. Sur son dos, une jeune elfe se tenait droite et fière. La lumière illuminait ses traits de telle sorte qu'une moitié de son visage était presque totalement obscurcit, ne laissant percer qu'un œil brillant d'une couleur impossible à déterminer. L'autre moitié de son visage prenait une teinte rouge soutenue, contrastant avec l'œil émeraude de la dragonnière. Un sourire apparut sur le visage de la jeune femme. - Tu as enfin réussi ! Il est magnifique. - Garde le si tu veux. Après tout, c'est toi qui me l’as inspiré. Pour toute réponse, elle l'embrassa tendrement. Il sourit et la serra doucement contre lui. Ils restèrent longuement là, assis sur le sable fin, le dos d'Arya collé au torse du jeune homme. Ils regardaient les étoiles s'allumer une à une dans le ciel; le rythme lent des vagues venues mourir à leurs pieds les apaisaient. Une toux légère fit éclater leur bulle. Se retournant rapidement, ils découvrirent un messager qui les saluât rapidement. Il leur dit alors que la reine des elfes souhaitait les voir - sans pour autant préciser pour quelle raison. Ils se dirigèrent donc sans se presser en direction du château. La voix profonde et grave d'Orchard résonna dans l'esprit des jeunes gens: "- Nous ne devrions pas nous dépêcher ?" Eragon éclata de rire et Arya lui lança un regard à la fois sévère et interrogateur. - Elle est habituée à ce que je sois en retard et puis, nous ne sommes pas à ses ordres non plus. - Même si ça me fait bizarre, je dois admettre que tu as raison. Ils continuèrent leur route aussi lentement qu'avant. Avant d'arriver dans la salle où les attendaient Islanzadi et sa suite. Ils saluèrent et elle prit la parole. -Merci d'être venu aussi vite. Je souhaite vous entretenir d'une affaire de la plus haute importance. - Quelle affaire? Eragon qui s'était autorisé à sourire en entendant l'ironie présente dans la voix de la reine, retrouve rapidement son sérieux en entendant la suite. - Votre départ? - Dites tout de suite que nous vous gênons. - Non, pas du tout. Mais Nasuada na va pas tarder à assiéger Dras-Leona, il est donc important que tu l'appuies. Le jeune homme nota rapidement la soudaine apparition du "tu" à la place du "vous" dans la phrase de l'elfe. Fronçant les sourcils, il fit mine de réfléchir intensément. - Donc, vous proposez que Saphira et moi allions aider les Vardens alors qu'Arya et Orchard resteraient ici? - Oui, c'est bien cela. Ainsi, chaque "front" aura un dragonnier à ses côtés. Contre toute attente, le jeune dragonnier éclata de rire. Un rire bref, glacial, féroce et forcé. - Vous souhaitez donc nous séparer à tous prix, même si cela signifie sacrifier la vie de votre fille et de son dragon. Islanzadi écarquilla les yeux et dévisagea longuement l'homme qui lui faisait face. Arya tentait de garder un visage neutre. - Pourquoi dis-tu cela? - Arya est peut-être une très bonne guerrière et une magicienne hors pair, ni Orchard, ni elle ne sont prêt à se battre seuls. Alors que la reine des elfes allait parler, une voix profonde résonna dans l'esprit des trois elfes et des dragons. « - Orchard n’est pas encore prêt et Arya doit encore apprendre à se battre à dos de dragon. » Le jeune homme sentait la tension présente dans l’air. Mais surtout, une irritation se transformer en colère chez la princesse. Il prit alors congé alors que la Reine semblait admettre sa défaite. Sur le chemin, il s’entretint avec Saphira. « - Combien de temps nous faudra-t-il pour atteindre les Vardens ? » « - Nous irons assez vite malgré le jeune âge d’Orchard, il est endurant, quatre ou cinq jours si tout se déroule pour le mieux. » « - Pourquoi Arya s’est-elle énervée ? » « - Tu viens de dire qu’elle ne pouvait pas se débrouiller toute seule… » « - Une fois de plus, j’ai parlé trop vite. » « - Ça devient une habitude chez toi… Elle va t’étriper. » Eragon blêmit, se demandant si sa dragonne la laisserait faire ou même, si Arya en serait capable. Très vite, il songea que la princesse ne se gênerait pas. « - Où est passée ma mère ? » « - Elle est déjà partie chez les Vardens. » Eragon fronça les sourcils, il avait déjà oublié le départ de sa mère. Perdu dans ses pensées et trop occupé à se morfondre, il ne vit pas l’elfe qui arrivait face à lui et la percuta de plein fouet. Il se retrouva donc sur les fesses, face à une Arya plus énervée que jamais. - Tu ne peux pas regarder où tu vas ? Il se releva tant bien que mal pour affronter le regard noir de la jeune femme. Il déglutit et inspira profondément. - Je suis désolé, pour tout. Elle le jaugea longuement, les sourcils froncés. Au bout d’une éternité, elle tourna les talons et disparut à l’angle du couloir. De nombreuses émotions assaillirent le jeune homme, trop nombreuses pour qu’il puisse en connaitre la nature, elles disparurent pourtant aussi vite qu’elles étaient apparues. Il sentit soudain que l’accès à l’esprit de la princesse lui était interdit. « - Elle ne m’étripe pas, elle m’ignore et c’est bien pire… » « - Laisse lui un peu de temps, elle comprendra. » Il ne répondit pas, il aurait tant aimé en être persuadé. Il se dirigea lentement vers sa chambre. ………………………………………………………………………………... Assise en tailleur sur l’étendue de sable fin, elle respirait lentement, profondément. Le doux son des vagues ajouté à la douce lumière argentée de la lune l’apaisait. Dans son dos, Orchard dormait. Elle se sentait en paix. Elle laissa lentement son passé remonter à la surface. Elle revit ses amis, ses compagnons de voyage, son père, des morts. Très vite, lui revint en mémoire les paroles du jeune homme prononcées près de deux jours plus tôt. Une fois de plus, il voulait l’éloigner du combat. Mais pourquoi s’était-elle sentie blessée ainsi alors qu’elle savait qu’il avait –pour une fois au moins- raison ? Sa colère était désormais tombée, elle pouvait à nouveau réfléchir de manière logique. Elle se souvint des excuses du jeune homme dans le couloir. Il s’était dit désolé, désolé de tout. Elle n’avait pas compris sur le moment mais maintenant, sur cette plage, elle comprit qu’il s’excusait d’avoir été une fois de plus maladroit –avec autant de maladresse mais bon, c’était Eragon, elle avait l’habitude. Soulagée, elle profita encore un moment de la plage déserte, s’emplissant de calme et de paix avant de rentrer au château. Elle le trouva assit sur le lit, le dos tourné à la porte. Il était assis là, immobile, la tête basse, les épaules baissées, le dos vouté. Elle lui avait fait mal. Un pincement au cœur vint lui rappeler qu’elle pouvait s’emporter un peu trop facilement pour son bien. Lentement, la princesse rétablit le lien qui existait entre eux. Elle put alors le voir se redresser légèrement, imperceptiblement. Elle pouvait sentir sa peine et sa douleur ainsi qu’une pointe de ce qui semblait être de la colère. Elle décida de s’approcher lentement, avec calme. La jeune femme fit le vide dans son esprit, ne laissant qu’un calme souverain et des regrets. De nouveau, il sembla se reprendre un peu. Pouvait-il sentir à quel point elle était proche ? Alors qu’elle posait sa main sur l’épaule du dragonnier, il tourna la tête. Leurs regards se croisèrent. Il se reprit totalement pour le plus grand bonheur de l’elfe. Pourtant, elle ne laissa rien paraitre –sur son visage, son esprit étant directement lié à celui du jeune homme. ………………………………………………………………………………... Cela faisait plus de deux semaines qu’elle avait quitté les elfes. Bien qu’elle apprécie la compagnie de ces derniers, leur manque de confiance et leur raffinement l’avait lassée. Devant elle se dressait Dras-Leona plus loin, on pouvait apercevoir –avec une vue elfique- le camp des Vardens. Selena accéléra sa course, impatiente de pouvoir enfin prendre un peu de repos. Mais surtout de faire la connaissance avec la chef Vardens. Elle voulait aussi revoir Angela et Solembum. Tant de chose manquait pourtant, autrefois se rapprocher du camp des Vardens aurait signifié retrouver Brom. Aujourd’hui elle savait qu’elle ne le reverrait plus jamais. Seul ses rêves et ses cauchemars éveillés lui permettait encore de voir les deux dragonniers qui avaient tour à tour prit son cœur. La nuit lui donnait un certain avantage, la nuit avait toujours été une alliée. La nuit ne l’avait jamais trahie et ne la trahirait jamais. Invisible parmi les ombres, elle se fondait sans difficulté dans la masse dès lors que le monde revêtait son manteau couleur de nuit. Un léger sourire passa sur ses lèvres, le camp était bien organisé et bien défendu. Passer sans être repérer serait un défi, mais elle se voyait mal expliquer au garde qui elle était. Et puis, qui aurait fait confiance à la Main Noire ? Certes, elle n’était plus cette femme maudite qu’un homme avait enchainée à lui par de nombreux serments, à cause de la faiblesse de son cœur. La Main Noire ne connaissait pas la pitié, Selena la connaissait. L’amour n’était qu’une faiblesse pour la Main Noire, pour Selena c’était une chance. Comment avait-elle pu s’égarer à ce point ? Elle ne le savait pas et pourtant, elle avait essayé de comprendre. Certes, son amour pour Morzan l’avait aveuglée mais de là à la rendre aveugle à ce point… Elle était désormais bien plus proche du camp de ses alliés. Elle aperçut alors un elfe, ainsi en l’absence de celui qu’ils devaient protéger, ils aidaient les Vardens. Passer allait être encore plus compliqué. Son sourire s’élargit, elle aimait les défis, mais ce qu’elle aimait le plus c’était les relever. Ce défi en particulier serait personnel puisqu’ayant acquis des capacités elfiques, elle devait pouvoir berner les membres de cette races. Elle cessa de courir, marchant calmement. Un simple regard en direction du ciel l’informât que les nuages masquaient la lune et les étoiles. L’astre de nuit devait être loin de sa phase pleine si les calculs de la jeune femme étaient corrects. Alors, elle se fondit dans l’ombre, plus silencieuse qu’un papillon, elle s’approchait lentement du camp. Légèrement accroupie pour passer plus aisément inaperçue. Elle fut bientôt contre la porte, son sourire s’élargit, c’est maintenant que débutait le véritable défi. Sauter la porte et s’en éloigner sans être repérée des nains, elfes, humains et urgals présents. Utiliser son esprit pour connaitre la position et le nombre des gardes était hors de question. Affronter une centaine de magiciens humains ne lui faisait pas peur. Mais affronter un elfe, un dragon ou encore un dragonnier par l’esprit ou en combat magique était hors de question. Selena n’était pas suicidaire. Elle se redressa, se tenant debout un bref instant pour jeter un regard prudent par-dessus la porte. Un sourire supérieur passa sur ses lèvres un bref instant, la voie était libre. La jeune femme prit son élan avant de sauter par-dessus les défenses. A l’instant même où elle fut de l’autre côté, elle sentit une lame se poser sur sa gorge. - Peut-on vous aider ? Selena se maudit intérieurement de son manque évident de précaution. Elle avait été trop sûre d’elle. Le visage de l’elfe était étrangement dur. Elle avait appris peu de temps avant son départ que les douze elfes de la garde du dragonnier attendraient son retour chez les Vardens. - Oui, je cherche une herboriste du nom d’Angela. Pour que l’elfe lui pose la question, c’est qu’il l’avait reconnu. Il voulait très certainement s’assurer que la Main Noire était bel et bien dans leur camp. Il n’écarta pas sa lame et demanda à un elfe non loin de là d’aller chercher l’herboriste. La jeune femme s’attendait à devoir attendre encore longtemps le retour de l’elfe avec Angela lorsque dans l’ombre, un chat s’approcha. Il n’était pas comme les autres animaux de son espèce, c’était un chat-garou. Solembum sauta sur l’elfe qui ainsi immobilisé sous la belle créature semblait attendre qu’il parle. « - Veuillez pardonner notre amie mais les mauvaises habitudes restent ancrées au plus profond de l’être. » L’elfe ne répondit pas. Le chat-garou descendit de son torse pour aller se frotter aux jambes de la Main Noire. L’homme qui lui faisait face rangea son épée au fourreau et entreprit de l’escorter sans un mot jusqu’à la tente de l’herboriste. Selena souriait, elle ne tarderait pas à retrouver son amie. En apercevant Angela, elle se souvint que celle-ci lui avait un jour confié aimer par-dessus tout être au bon endroit au bon moment. C’est-à-dire à l’endroit où les événements historiques se déroulaient. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de l’herboriste en la voyant sous la garde de trois elfes. Selena lui fit un petit clin d’œil avant de jeter un regard autour d’elle. Devant une des tentes, quelques tonneaux lui feraient la distraction rêvée. La jeune femme se concentra pendant quelques instants. Soudain, un des tonneaux tomba et une ombre s’éloigna des elfes Deux d’entre eux disparurent dans la nuit à la poursuite d’une illusion. Le troisième se retrouva avec une épée collée contre sa gorge. Angela ne broncha pas l’elfe qui l’accompagnait été tout aussi immobile, stupéfait de s’être fait avoir. - Tu peux me tuer si tu le souhaites mais tu ne sortiras jamais vivante de ce camp. La jeune femme laissa échapper un léger rire. Ce n’était pas le rire qui lui avait échappé face au groupe d’assassin qui s’appelait la Main Noire. Ce rire était bien plus léger, amusé même. Les deux elfes ne parvenaient pas à comprendre la raison de ce rire. Angela quant à elle observait la jeune femme avec une lueur d’amusement dans les yeux. - Je suis persuadée que vous pensez que j’ai un complice et que vos deux amis sont à leur poursuite. Mais laissez-moi vous rappeler une chose, Morzan m’a tout appris. Brom a amélioré ma technique à l’épée et à l’arc. Mais vous m’avez sciemment sous-estimée. Je vous ai seulement montré vos faiblesses. Vos amis poursuivent une illusion. En étant aussi sûrs de vous et de vos capacités, vous oubliez ce que les autres peuvent faire. Ouvrez les yeux et vous comprendrez que les elfes sont certes plus forts et rapide. Mais qu’ils ne sont pas les maîtres du monde loin s’en faut. Les deux hommes l’observaient stupéfait. Angela arborait un large sourire. Les deux elfes revinrent, ils semblaient légèrement énervés. Soudain, une voix claqua avec autorité dans leur dos. - Que se passe-t-il ici ? La Main Noire n’avait nul besoin de se retourner pour savoir qu’il s’agissait d’une femme, humaine. Elle devait être assez jeune, avec l’âge, le son de la voix se modifiait imperceptiblement pour une oreille humaine. Cette voix était encore assez grave pour indiquer qu’elle avait à faire à une adulte. Malgré son âge, elle dégageait une autorité impressionnante. Un sourire passa brièvement sur les lèvres de la jeune femme. Elle allait avoir à faire avec la chef Vardens plus tôt qu’elle ne pensait. La situation avait de quoi l’affoler et lui donner envie de partir aussi vite que ses jambes pouvaient le lui permettre. Pourtant, elle s’était annoncée, menaçante et sûre d’elle. C’était le genre de femme que Selena appréciait. Elle ôta lentement la lame bleue d’Undbitr de la gorge de l’elfe, suffisamment lentement pour que toute les personnes présentent puissent voir sa couleur. Elle se retourna ensuite avec une lenteur exagérée, ses yeux s’illuminèrent. Elle appréciait encore plus cette femme en cet instant. Sa peau noire lui donnait un léger avantage dans la nuit, elle était à peine visible et sa robe que Selena devinait pourpre n’aidait pas à la voir dans l’obscurité. Dans sa position, un chef censé –ou peureux selon le point de vue- aurait battu en retraite et serait allé chercher de l’aide. Au lieu de quoi cette jeune femme s’était avancée seule dans le cercle lumineux et avait annoncé sa présence. La jeune femme savait que tout chef digne de ce nom était menacé, et avait par conséquent des gardes du corps. Pourtant, la jeune chef ne semblait pas en avoir ce qui étonna quelque peu l’assassin. Elle ne laissa rien paraître et observa nonchalamment la jeune femme, la jaugeant, la jugeant. Cette dernière avança et d’un regard imposa aux elfes de s’expliquer. Aucun d’eux n’eut le courage de prendre la parole pour rapporter leur « échec » à la chef. Alors Selena avança de quelque pas et vit avec un mélange de surprise et de satisfaction qu’elle ne reculait pas. Il n’existait que deux solutions à cette façon d’agir, soit elle était folle, soit elle voulait imposer le respect. Dans un cas comme dans l’autre, son courage forçait l’admiration. C’est avec un léger sourire qu’elle fit une révérence ironique à la jeune femme qui ne reposait pas sa question contrairement à ce qu’auraient fait d’autres chefs –comme Morzan ou Brom, mais ils auraient agrémentés cette « reformulation » d’une petite touche un peu plus… musclée. - Enchantée, je me présente, Selena ou, si vous préférez, la Main Noire… Elle avait laissé sa phrase en suspens dans le but de l’impressionner, de lui faire peur. Pourtant, c’est à peine si ce nom l’avait fait frémir. Cette femme avait une volonté de fer. Elle ne plierait pas aussi facilement face aux menaces que pouvait bien sous-entendre ce nom. En acceptant le poste de chef, elle savait ce qu’elle risquait et elle l’avait accepté. Dans un certain sens, elle ressemblait aux souverains des elfes. Ceux-ci ne gouvernaient que s’ils étaient prêts à tout pour leur peuple. Une bonne idée selon l’ancienne compagne de Morzan. Au bout d’un moment, la femme qui lui faisait face parla, avait-elle attendu tout ce temps dans le but de contrôler sa voix et ne pas laisser la peur y percer ? C’était une possibilité. - Enchantée, Nasuada, chef des Vardens. Que faîtes-vous ici ? Et pour quelle raison menacez-vous un elfe ? Un rictus au coin des lèvres, elle était amusée par cette femme qui ne tremblait pas face à elle. Cette femme, qui osait lui demander ce qu’elle faisait. Elle songea à son fils, il devait avoir du mal à obtenir ce qu’il voulait en convainquant cette femme. A moins qu’il n’en ait pas besoin. D’après e qu’elle avait compris, le rapport entre eux n’était pas celui d’un maître et d’un vassal, il était plus proche de celui d’égaux mais pas tout à fait non plus. Soudain satisfaite de s’être tenue en retrait durant son séjour chez les elfes, elle ne put que sourire franchement. Elle allait enfin avoir une égale face à elle –au moins sur le plan « tête brûlée ». D’un regard, les deux femmes se comprenaient, se jaugeaient et se mesuraient. Si Selena avait les capacités physique des elfes, cette femme avait de quoi rivaliser avec certains d’entre eux sur le plan intellectuel –ou du moins, elle le pourrait avec une durée de vie adéquate. Selena n’avait pas envie de se lancer dans une joute verbale avec cette femme. Inutile de faire trainer les présentations en longueur. - J’aide mes fils. Comme j’ai été aidée par le fondateur des Vardens. Pour ce qui est des elfes, (son sourire se fit quelque peu supérieur) je leur ai démontré qu’ils n’étaient pas aussi infaillibles que ce qui leur semblait. L’un des elfes trouva soudain très intéressant de parler. Il avait un petit air supérieur en la regardant. La Main Noire nota mentalement de lui faire ravaler son petit sourire. - Si Arya Dröttningu avait été là, vous ne vous seriez jamais permit d’agir ainsi. Et surtout, vous n’auriez pas dit cela. Ce fut plus fort qu’elle, elle laissa échapper un nouveau rire. Le plus drôle étant qu’il croyait vraiment à ce qu’il disait. Il oubliait juste un petit détail – pas si petit que ça d’ailleurs. Personne, personne en dehors de Morzan ne l’avait contrôlée ou empêchée de faire ce qu’elle voulait. La présence de deux dragonniers dont son fils et la princesse des elfes n’aurait absolument rien changé à la situation. Nasuada les observait tour à tour, Angela était désormais à ses côtés. Elle ne partirait pas, Selena an avait l’intime conviction, elle attendait de savoir ce qu’elle allait faire. Elle attendait pour mieux pouvoir la cerner, pour mieux la comprendre et la tester. Cette femme voulait connaitre ses limites, savoir si elle était vraiment son alliée ou plutôt, une ennemie déguisée. Elle cachait bien cet examen pourtant, elle ne parvenait pas à le cacher à l’expérience de l’assassin. D’un geste de la main, négligent, elle repoussa les propos de l’elfe. Lui si sûr, fronça soudain les sourcils. Elle savait que le bon moment était là. Elle adopta le ton le plus calme, le plus froid et le plus doux qu’elle avait à disposition. - Que dis-tu elfe ? Je suis la Main Noire, compagne et assassin personnel de Morzan. Personne ne me dit ce que je dois faire. Personne ne m’empêche de remettre les personnes qui le méritent à leur place. Il est étonnant que tu ne sache pas ceci. A moins que ton âge et ta sagesse ne soient feint. Tu veux un conseil ? Mesure tes propos et tu t’en sortiras bien. Mais ne dis plus jamais que je n’aurais pas fait ce que j’ai fait en la présence d’une autre personne. Et ce, quelle que soit la personne en question. Suis-je assez claire ? L’elfe ne répliqua pas, il se contenta de hocher la tête d’un geste forcé, presque saccadé. Tous les muscles de son corps étaient tendus prêts à agir au cas où elle décide de s’en prendre à lui. C’est avec un regard noir pour l’elfe que la jeune femme se ré intéressa à Nasuada. Les yeux de celle-ci brillaient étrangement. Elle semblait avoir pris une décision importante. Avec un léger sourire, elle l’invita à la suivre en direction d’une immense tente rouge |