*** 19 – Une vengeance avortée. ***
Jeudi 15 septembre 1870
Isla était assise à une table de la bibliothèque du prestigieux collège Poudlard, inconsciente des regards que posait sur elle une personne appartenant comme elle à la maison du grand Salazar Serpentard. L’individu en question l’observait avec attention enregistrant le moindre de ses faits et gestes depuis déjà de longs mois. Isla avait changé depuis les dernières pâques. Elle était encore plus attirante, plus femme. Parfois lorsqu’elle pensait ne pas être vu son visage fier et altier devenait tendre et rêveur.
Isla rassembla ses notes et le livre qu’elle avait emprunté et se dirigea vers la sortie. Elle passa près de la table où Ursula et Edric Flint faisaient leurs devoirs. Ursula lui fit un sourire pincé. Les deux jeunes filles avaient autrefois été très proches autant qu’Isla l’était désormais de Susanna Malefoy, mais leurs chemins s’étaient séparés à l’adolescence. Une terrible dispute avait éclaté entre elles venant encore agrandir le fossé que leurs divergences d’opinion avaient déjà creusé. Depuis Ursula gardait de la rancœur envers celle qui fut presque comme une sœur. Elles conservaient cependant un intérêt poli l’une envers l’autre, leurs deux familles étant très soudées. Son frère Edric baissa les yeux, évitant comme à chaque fois le regard de la benjamine des Black.
Samedi 8 juillet 1871
Une personne logeant au 12 square Grimmaurd, était ravie de la tournure qu’avait pris sa vie ces derniers jours. Elle allait pouvoir enfin prendre sa revanche sur la belle Isla Black. Elle l’avait laissé dans un faux sentiment de sécurité et attendait le moment propice pour se servir de son arme secrète qui ferait que cette petite péronnelle qui avait osé la tancer vertement ; serait châtiée à sa juste mesure avant d’être rejeté telle une paria.
Isla écoutait Elladora décrire la robe qu’elle porterait pour le mariage de leur frère. La jeune femme n’en avait cure mais la bienséance l’obligeait à écouter sa sœur déblatérer. Phineas lisait le journal, assis à ses côtés tandis qu’Ella conversait avec Arcturus. Pour des observateurs extérieurs tels que Scorpius et Lily cela ressemblait à une banale journée en famille qui installée confortablement dans un petit salon passait le temps comme elle le pouvait. Pourtant il y avait un tel degré d’hypocrisie entre certains membres que tout n’était que simulacre. Cela représentait une corvée pour Phineas, une obligation pour Isla, un sentiment de jubilation pour Elladora qui savait qu’elle indisposait sa benjamine avec ses bavardages futiles, et une des dernières réunions de famille avec tous ses enfants en vie pour Ella.
Dans la chambre qui avait été attribuée à la fiancée de Phin’, les enfants Flint jouaient à la bataille explosive. Ursula avait prétexté une migraine pour échapper à l’ambiance du petit salon et Edric était censé être en train de rédiger une missive pour leurs parents. Le jeune homme était monté directement dans la chambre de son aînée et avait accepté sans enthousiasme la partie de cartes proposée par celle-ci. Il ne cessait en réalité de revivre en songe son humiliation.
Mercredi 21 septembre 1870
Edric déambulait dans le parc de Poudlard en rêvassant. L’héritier Flint avait d’après son père un tempérament trop romantique, trop chevaleresque et c’était d’après lui un miracle que ce jeune sot n’ait pas atterri chez les Gryffondor. Edric s’était bien gardé de lui dire que cela avait été le choix initial du choixpeau et qu’il s’y était opposé fermement de peur de subir les foudres de tous ses ancêtres. Le jeune homme avait peu d’amis et était particulièrement attaché aux moindres personnes qui lui témoignaient de l’affection. Son caractère romanesque et son imagination fertile avait tendance à lui jouer des tours en lui faisant interpréter différemment ce que les autres ressentaient ou lui communiquaient. Il s’était convaincu que la douce gentillesse dont l’entourait Isla Black était la preuve d’un tendre sentiment que la jeune fille réfrénait.
Quand le Serpentard arriva près des serres il aperçut l’objet de ses pensées adossé contre un arbre. La jeune fille avait les yeux fermés et semblait psalmodier quelque chose. En réalité, Isla récitait de mémoire les lignes que Bob Hitchens lui avait écrites dans sa dernière lettre.
Edric eut un sourire radieux. Il contempla quelques instants l’adolescente, admirant les reflets que faisaient naître les derniers rayons du soleil d’été dans sa chevelure de miel. Le jeune Flint s’avança silencieusement et vint déposer ses lèvres froides contre celles d’Isla. Celle-ci écarquilla ses yeux et le repoussa. En avisant Edric, sa colère s’atténua légèrement et ce fut d’une voix ferme mais douce qu’elle déclara :
« Edric, qui t’a permis de m’embrasser ? Ne sais-tu donc pas que ce simple geste pourrait causer la discorde entre nos deux familles ? - Mais Isla, tu… enfin pourtant tu en as autant envie que moi. Tues toujours si gentille avec moi. - Mais enfin Edric, ce n’est pas parce que je fais preuve de gentillesse à ton égard que j’ai des sentiments pour toi. Je te considère comme un ami, un petit frère à la limite mais il n’y aura jamais rien d’autre entre nous, s’emporta Isla fulminante de colère. Si tu t’avisais de refaire le moindre geste déplacé, je ne me priverais pas d’en informer Phineas. »
Et la jeune fille partit en direction du château.Samedi 8 juillet 1871
Ce souvenir était encore très vivace pour le jeune Flint. Il s’était senti humilié et n’avait jamais réussi à le pardonner à Isla. Edric savait que la maisonnée s’était rassemblée dans le petit salon et jugea qu’il était temps d’agir. Il s’excusa auprès d’Ursula et alla rejoindre les Black.
Seul Phineas et Arcturus levèrent les yeux à son entrée et Edric eut un sourire mesquin. Il prit place dans un des confortables fauteuils qui entouraient la table basse, et riva son regard sur Isla qui se sentant immédiatement observée, leva à son tour son regard sur lui.
« Vous savez Arcturus, intervint Flint sans cesser de fixer la benjamine des Black, même si je trouve les moldus ignobles, même si ce ne sont que des moins que rien, il est cependant une de leurs expressions qui pourrait être associée à un membre de votre famille. - Comment osez-vous insinuer de telles choses Flint, le foudroya le maître des lieux en se relevant d’un bond, tandis qu’Ella, Phineas et Isla se crispaient instantanément. »
Sachant qu’il risquait de ne pas apprécier la suite, Phineas plongea sa main dans sa robe de sorcier, agrippant avec force sa baguette, prêt à dégainer au moindre problème. Isla tentait tant bien que mal de garder son calme. Après tout, il était impossible qu’Edric sache quoique ce soit, essayait de se rassurer la jeune femme.
« Avant de chevaucher un hippogriffe, cher Arcturus, écoutez-moi jusqu’au bout, je suis sûr que ce que je vais vous révéler va grandement vous intéresser. - Je vous écoute, grogna l’homme sans pour autant se montrer moins menaçant. - Savez-vous ce qu’est un boulanger ? Non ! Cela ne m’étonne guère. Un boulanger est un moldu qui fabrique et cuit au four de belles miches de pain biens dorées, commença Edric avec un air profondément dégoûté. - Allez-vous cesser avec vos enfantillages et en venir au fait, le coupa Arcturus en l’attrapant par le col de sa robe. - Ne vous fâchez pas. J’y viens. Comme je le disais donc plus tôt, ces stupides moldus utilisent une métaphore qui convient parfaitement à la situation plus qu’embarrassante d’une des personnes présentes, reprit Flint et qui est celle-ci : Non content d’avoir été brûler sa pelle dans un four tout chaud il y a fallu qu’il y laisse une miche. »
Avant même qu’Arcturus ait pu comprendre de quoi Edric parlait, Phineas après un bref regard allant d’Ella à Arcturus puis à Edric et après un discret signe d’acquiescement d’Ella sortit sa baguette qu’il pointa sur le frère de sa fiancée. La lumière se fit dans le cerveau du maître de céans et il lâcha brutalement Edric pour menacer Isla.
« Vous attendez un bâtard, tonna Arcturus en s’avançant vers la jeune femme. Sale petite traînée, je vais vous… »
Tout se passa ensuite très vite. Un rayon de lumière rouge atteignit simultanément Edric et Arcturus, lancés respectivement par Phineas et Ella, alors que s’échappait de la baguette de son époux un faisceau violet qu’Isla évita de justesse avant de s’écrouler sous le coup de l’émotion.
En voyant le sort d’Arcturus arrivait dans leur direction, Scorpius n’écouta que son instinct et plaqua Lily au sol. Et pendant que Phineas, s’assurait que sa benjamine n’avait rien sous les cris hystériques d’Elladora que sa mère finit par stupéfixer aussi, les deux visiteurs de souvenirs se retrouvaient allongés l’un sur l’autre sans arriver à se quitter des yeux. Plus rien n’existait autour d’eux. Lily finit tout de même par remuer car si Scorpius n’était pourtant pas gros, il pesait cependant son poids. La Serdaigle commenta avec un petit sourire :
« Tu sais que tu n’avais pas besoin de nous jeter à terre. Le sort ne nous aurait pas touché. - Euh… C'est-à-dire, grimaça le blond tout en se relevant et en aidant Lily à en faire de même, que je n’ai pas vraiment réfléchi. - Je vois ça. »
Scorpius rougit fortement et garda la main de la rouquine plus longtemps que nécessaire dans la sienne puis les deux adolescents se tournèrent vers scène qui se déroulait devant eux.
Isla avait repris conscience et assisse à la place qu’elle avait auparavant elle tremblait comme une feuille. Ella un air austère gravé sur le visage contemplait son époux, Edric et Elladora. Phineas était dans un état d’extrême agitation.
« Qu’allons-nous faire Phin’, l’implora sa mère. - Il faut commencer par leur jeter un sortilège d’amnésie. Je suis désolée Isla mais tu ne peux plus rester ici. Tu vas monter rassembler tes affaires. Mère, je vais fermer cette pièce mais il faudrait que vous vous assuriez qu’Ursula ne nous surprenne pas, trouvez n’importe quel prétexte mais tenait là éloignez de nous. - Que comptes-tu faire Phineas ? s’enquit Ella. - M’assurez qu’Isla puisse quitter notre demeure sans le moindre mal. Malgré tout le respect que je dois à mon oncle, il aurait torturer Isla sans se soucier du sang-mél… de l’enfant qu’elle attend. Puis j’effacerais et je modifierais la mémoire de tous les témoins, y compris ceux de ma fiancée. Il nous faut faire vite. Arcturus serait bien capable de repousser le sort de stupéfixion. - J’aurais tellement aimé, assister à ton mariage Phin’, souffla Isla des larmes pleins les yeux. »
Le visage sévère de l’aîné des Black, s’adoucit et il prit sa sœur dans ses bras en lui murmurant de paroles de réconfort. Ella, le cœur serrait à l’idée de ne plus jamais revoir sa fille eut soudain une illumination.
« Il y a peut-être une solution. » |