Vendredi 21 juillet 2023

Lily, assise sur une vielle bergère reléguée dans les combles, caressait du bout des doigts le peigne ouvragé que Scorpius avait choisi avec la tabatière d’Isla et le foulard de Cedrella. Elle aurait souhaité visiter les souvenirs de celui-ci la veille mais sa tante Hermione et son oncle Ron avaient passé la journée au square Grimmaurd et Rose s’était bien sûr empressée d’accaparer Scorpius. Celui-ci avait d’ailleurs parut ravi. Lily grimaça ; si elle faisait abstraction de sa mauvaise foi, la Serdaigle devait reconnaitre que le jeune Malefoy avait simplement été heureux de passer la journée avec ses deux meilleurs amis, et qu’Albus ne les avaient jamais laissé seuls.

Scorpius observa la sœur cadette de son meilleur ami. Elle semblait perdue dans ses songes et ne l’entendit pas arriver avant qu’il ne s’asseye près d’elle.

« Bonjour Lily, fit le jeune homme en déposant un léger bisou sur sa joue. »

La rouquine sursauta puis lui sourit. Scorpius en fit autant puis lui demanda si elle était prête à visiter un nouveau souvenir. Lily sortit donc son améthyste et Scorpius lança le sort associé.

Mercredi 14 novembre 1973

Lily et Scorpius apparurent dans ce qui semblait être une cérémonie funéraire. Derrière une rangée d’arbres, ils apercevaient des pierres tombales. Quelques rangs au-dessus de leur position, deux cercueils attendaient d’être mis en terre. Un mage prononçait l’homélie funèbre. Pressés les uns contre les autres, la famille laissait son chagrin s’exprimer. Un couple se tenant par la taille attira le regard de Lily. Il s’agissait d’une petite rousse potelée et un jeune homme tout aussi roux à la mine fatigué. Accroché à la jupe de la femme un garçonnet d’environ trois ans semblait ne pas comprendre ce qui se passait. L’homme tout en serrant étroitement sa femme contre lui portait un autre garçon qui ne devait même pas avoir un an. Le bambin tenait contre sa joue une peluche en forme de dragon. A côté du couple, deux adolescents âgés de 13 et 15 ans tentaient de retenir leur larme. Derrière eux un autre couple plus vieux, les veillaient avec bienveillance et pitié même si la femme gardait une expression hautaine.

Scorpius voyant l’expression mêlée de stupeur et de joie de Lily l’interrogea. La Serdaigle lui répondit :

« Ce sont mes grand-parents Weasley. »

Scorpius se mit donc à détailler attentivement le couple de rouquin et ne put que constater que l’adolescente avait raison. Par déduction, et grâce aux nombreux récits qu’Albus lui avait faits de sa famille, le jeune homme reconnut Bill et Charlie dans les deux garçonnets. Lily lui indiqua alors que les deux adolescents étaient sûrement les frères de sa grand-mère : Gidéon et Fabian Prewett. Par contre ni l’un ni l’autre ne purent nommer ou situer l’autre couple. Ils apprirent par la suite qu’il s’agissait d’Ignatius et Lucrétia Prewett. 

Après la cérémonie, la famille se réunit dans ce qui deviendrait plus tard le Terrier. Lucrétia pénétra dans la demeure avec reluctance et fit mine d’épousseter son siège avec son mouchoir brodé avant de s’y asseoir. Scorpius constata en l’observant que c’était elle qui portait le peigne les ayant conduit ici Lily et lui.

Molly servit des boissons et alla coucher dans son berceau le petit Charlie tandis que Bill fut installé devant un jeu de construction sorcier. Avant de retourner s’asseoir avec son mari, son oncle et la femme de celui-ci, Molly prit une profonde inspiration. Son intuition lui soufflait que la conversation qui allait suivre n’allait pas lui plaire.

Ignatius tapotait la table nerveusement. Il sourit à sa nièce, regarda brièvement son épouse et se lança :

« Molly, je sais à quel point tu aimes tes frères et je suis certain que tu voudras le meilleur pour eux. »

La rouquine sachant ce qui allait suivre s’apprêtait à répliquer mais Arthur posa sa main sur la sienne la lui caressant brièvement la priant silencieusement d’écouter en entier ce qu’Ignatius avait à dire. Molly prit donc sur elle et attendit la suite.

« Il faut maintenant décider du sort des garçons. Je sais à quel point tu les aimes et ils te le rendent bien cependant… »

Ignatius s’arrêta cherchant ses mots. Molly n’y tenant plus rétorqua d’un ton tranchant :

« Fabian et Gidéon seront très bien chez nous. Je ne vois pas ce qu’il y a à discuter. »

Ignatius soupira. Il avait toujours su que la tâche serait ardue. Il ôta ses lunettes se frotta les yeux et reprit :

« Molly. Je sais que tu leur apporterais tout l’affection et les soins nécessaires cependant tu ne peux nier que Lucrétia et moi-même serons plus à même de bien les introduire dans la bonne société sorcière sans parler du côté financier. Votre jeune ménage à Arthur et toi n’est même pas encore bien installé et vous avez déjà deux charmants enfants à charge.
- Mon oncle, répondit calmement mais avec une pointe de dédain Molly cependant que ses yeux les auraient foudroyés sur place, j’ai bien conscience que nous sommes socialement mal placé dans la bourgeoisie sorcière mais voyez-vous j’espère d’autres principes pour mes frères, comme la tolérance et l’humilité. »

Lucrétia ne put réprimer un petit rictus à mi-chemin entre amusement et exaspération. Elle se pencha légèrement en avant et intervint pour la première fois :

« Molly, j’entends bien ce que vous voulez nous faire entendre et je pense contrairement à ce que vous semblez croire que les moldus ne nous sont pas inférieurs. J’ai beau être une Black de naissance je n’approuve pas tous leurs idéaux. Pourtant vous devez admettre que si vous voulez les meilleurs chances pour vos frères notre influence à Ignatius et moi ne serait que bénéfique.
- Ce sont mes frères, répliqua Molly excédée, j’estime donc que leur place est près de moi. Vous ne vous êtes jamais intéressés à eux ces dernières années et à présent vous arrivez la bouche en cœur et voulez les emmener loin de moi. »

Ignatius cernant un peu mieux les craintes de Molly décida de forcer un peu sa décision avant de la rassurer.

« Molly si j’invoque la loi sorcière, étant le sorcier le plus âgé de la famille Prewett je suis en droit d’exiger d’avoir la garde de Fabian et Gidéon et j’ai le pouvoir de t’empêcher de les voir. Cependant, ce n’est pas notre intention, même si je suis conscient que nous ne pouvons te recevoir chez nous sans se mettre à dos la famille de Lucretia, nous trouverons un arrangement pour que tu les vois. Je n’ai pas l’intention de séparer une fratrie, je veux juste prendre soin des enfants de mon défunt frère. »

Après encore quelques cris et bien des larmes de la part de Molly, il fut convenu que Fabian et Gidéon passeraient quelques jours au Terrier avant que leur Oncle ne vienne les chercher.

Vendredi 11 juillet 1975

Fabian descendit dans le salon où il savait que sa tante Lucrétia se trouverait. Le jeune homme avait fêté sa majorité trois mois plus tôt et depuis qu’il avait obtenu ses Aspic, il partageait son temps entre son oncle et sa tante, Molly et sa fiancée : la douce Ophélia.*

Fabian prit place dans le large fauteuil en face de Lucrétia et attendit. La réaction de celle-ci ne se fit pas attendre :

« Tu y es toujours décidé ? demanda t’elle, faisant référence à une discussion qu’Ignatius et elle avait eu avec le jeune homme et ayant abouti par le départ furieux de son époux. »

Fabian se pencha légèrement et observa sa tante qu’il avait tant détestée deux ans plus tôt. Au fils du temps, ils avaient appris à s’apprécier et Fabian savait que la froideur de sa tante n’était qu’un masque.

« Oui ma tante. Je ne changerais pas d’avis. J’ai signé les papiers pour l’appartement hier et quand Gidéon sera majeur, une chambre l’y attend.
- Tu sais que ce n’est pas forcément à ce choix que je pensais.
- Hum, grogna Fabian avec un sourire malicieux. Pour le reste également je ne changerais pas d’avis. J’épouserai Ophélia d’ici deux ou trois ans et je combattrai Voldemort quoiqu’Oncle Ignatius et toi pensiez, termina t-il d’une voix plus dure. »

Lucrétia frissonna en entendant le nom honni du mage noir. Elle ne répondit pas de suite se remémorant la dispute de l’oncle et du neveu à ce sujet. Dans la fougue de sa jeunesse, Fabian avait eu des mots très durs à l’encontre d’Ignatius qu’il avait traité de couard et de partisan du Seigneur des ténèbres. Rien n’était moins vrai, Ignatius était neutre dans ce conflit et Lucrétia, bien que dédaignant le mode de vie des moldus n’approuvait guère leur massacre. 

Lucrétia soupira en songeant au moyen de faire entendre à son neveu borné que la réaction disproportionnée d’Ignatius était due à la peur de le voir se faire tuer. Avant qu’elle n’ait pu même essayer, Fabian avait pris congé et transplané au Terrier.

Le jeune homme avait à peine franchit les barrières protectrices entourant la maison de sa sœur que celle-ci se jetait à son cou suivit de près par Bill et Charlie. Fabian se laissa aller à cette étreinte puis ébouriffa les cheveux de ses neveux. Alors qu’ils se dirigeaient tous vers la maison, l’ancien Gryffondor écoutait d’une oreille distraite les babillages de sa sœur. Il savait que ce qu’il allait lui annoncer ne lui plairait guère et il réfléchissait encore à la meilleure façon de lui présenter les choses.