Chapitre 11

Etranges événements à Poudlard

L'automne fut ponctuée de toutes sortes de phénomènes bizarres, même pour Poudlard.
Cela commença juste après le somptueux festin d'Halloween, alors que Drago suivait le mouvement de la foule hors de la Grande Salle, l'esprit embué par tout ce qu'il avait mangé lors du dîner. Le flot d'élèves ralentit soudainement, les conversations et les bruits de pas s'évanouirent peu à peu devant lui. Intrigué, Drago releva la tête et aperçut quelque chose d'inattendu sur le mur. Tracée en grosses lettres entre deux fenêtres, une inscription scintillait dans la lueur des torches qui éclairaient le passage :

LA CHAMBRE DES SECRETS A ÉTÉ OUVERTE. ENNEMIS DE L'HÉRITIER, PRENEZ GARDE.
Drago lut silencieusement le message, avant de se rendre compte qu'en dessous, Miss Teigne, la chatte du concierge, était pendue par la queue à une torchère. Elle était raide comme une planche, les yeux grands ouverts.
Le silence qui régnait à présent, et la foule se pressait pour contempler le sinistre spectacle.
Pris d'un accès de témérité, Drago se faufila jusqu'au premier rang et s'écria d'une voix forte :
-Ennemis de l'héritier, prenez garde ! Bientôt, ce sera le tour des Sang de Bourbe !
Son visage habituellement pâle s'était empourpré et ses yeux froids flamboyaient lorsqu'ils accrochèrent ceux de Granger. Son père lui aurait sans doute reproché son comportement irréfléchi qui avait autant attiré les regards, mais il ne put s'empêcher de sourire. Il découvrait justement qu'il adorait se trouver au centre de l'attention.
-Qu'est-ce qui se passe, ici ?
Attiré par les cris de Drago, Argus Rusard se fraya un chemin dans la foule des élèves. Lorsqu'il vit Miss Teigne, il recula, horrifié, en se couvrant le visage de ses mains.
-Ma chatte ! Ma chatte ! Qu'est-ce qui est arrivé à ma chatte ? hurla-t-il. Ses yeux exorbités se posèrent alors sur Potter.
-Vous ! cria-t-il d'une voix stridente. C'est vous qui avez assassiné ma chatte ! Vous l'avez tuée ! Et maintenant, c'est moi qui vais vous tuer ! Je vais...
-Argus ! Dumbledore venait d'arriver dans le couloir, suivi de plusieurs professeurs. Un instant plus tard, il avait détaché Miss Teigne de la torchère.
-Venez avec moi, Argus, dit-il à Rusard. Vous aussi, Mr Potter, Mr Weasley et Miss Granger. Lockhart s'avança d'un air empressé.
-Mon bureau est juste à côté. Monsieur le Directeur. Si vous souhaitez l'utiliser...
-Merci Gilderoy, dit Dumbledore.
Les élèves silencieux s'écartèrent pour les laisser passer. Lockhart emboîta le pas de Dumbledore, suivi par les professeurs McGonagall et Rogue. Drago avait beau être celui qui avait crié, il n'était nullement inquiété alors que Potter et ses amis semblaient bien partis pour avoir des ennuis. C'était vraiment une belle soirée d'Halloween.

Le jour du premier match de Quidditch de Drago, peu avant onze heures, toute l'école prit la direction du stade. Au-dehors, l'atmosphère était lourde et il y avait de l'orage dans l'air.
Une immense clameur monta des tribunes lorsqu'ils pénétrèrent sur le terrain. Les Gryffondor furent encore plus acclamés, car les supporters de Serdaigle et de Poufsouffle souhaitaient eux aussi la défaite des Serpentard, mais ces derniers comptaient suffisamment de partisans pour qu'on entende également des sifflets et des huées. Ce constat des trois maisons unies contre la sienne noua l'estomac de Drago, vraiment très nerveux de jouer son premier match en tant qu'attrapeur. C'était la seule position vacante dans l'équipe lorsqu'il avait postulé, et il avait tiré une certaine satisfaction d'occuper la même place que Potter. Être en compétition avec le binoclard le stimulait, et il serait d'autant plus savoureux de lui arracher le Vif d'or qu'à n'importe quel autre adversaire. Enfin... S'il y parvenait...
Madame Bibine, demanda à Flint et à Dubois de se serrer la main, ce qu'ils firent en échangeant des regards menaçants et en s'écrasant mutuellement les doigts.
-Attention, à mon coup de sifflet, dit Madame Bibine. Trois... deux... un...
Accompagnés par les hurlements de la foule, les quatorze joueurs s'élevèrent alors dans les airs sous un ciel de plomb. A peine eut-il quitté le sol que Drago se sentit plus léger. Il décida de faire taire les derniers soupçons de nervosité qui lui remuaient le ventre en s'en prenant à Potter. Se moquer de lui apaisait toujours ses nerfs.
-Ça va, le balafré ? lança Drago en filant comme une fusée juste au-dessous de lui pour faire une démonstration de la vitesse de son balai.
Mais Potter n'eut pas le temps de répliquer car un gros Cognard noir fonça sur lui et il l'évita de si peu que ses cheveux furent - encore plus - décoiffés au passage.
Un grand sourire sur le visage, Drago se focalisa désormais sur le match, laissant de côté le binoclard pour l'instant.
Il fut à nouveau déconcentré lorsque l'un des jumeaux parvint à envoyer le Cognard vers lui, mais cette fois encore, le Cognard changea de direction et revint vers Potter comme un boomerang.
Etrange, se dit Drago. Il cherchait toujours le Vif d'or du regard, mais ne put s'empêcher de remarquer que ce même Cognard revenait sans cesse vers Potter. Tant mieux pour lui si l'autre attrapeur était hors jeu, mais les Cognards n'étaient pourtant pas sensés s'acharner sur un seul joueur pour plutôt chercher à désarçonner le plus de joueurs possible en les attaquant au hasard.
Il avait commencé à pleuvoir et Drago sentait de grosses gouttes s'écraser sur son visage. Comment Potter y voyait-il encore quoi que ce soit sous cette pluie avec ses lunettes, il n'en savait rien. Lui-même ne distinguait pas grand chose et devait se fier au commentaire de Jordan pour suivre le déroulement du match.
-Serpentard mène par soixante points à zéro.
Les balais des Serpentard montraient bel et bien leur supériorité, pensa Drago avec fierté. Pendant ce temps-là, le Cognard fou faisait tout ce qu'il pouvait pour essayer d'abattre Potter, qui était du coup suivi de si près par les jumeaux batteurs qu'il n'avait plus aucune chance d'apercevoir le Vif d'or, encore moins de l'attraper. Drago essayait d'en profiter pour le trouver avant lui, mais la pluie gênait énormément sa visibilité.
Un coup de sifflet annonça la mi-temps. La pluie tombait dru à présent. Au second coup de sifflet de Madame Bibine, le match reprit, et Drago regarda Potter monter de plus en plus haut, dans une suite de cercles, de tonneaux, de zigzags, de piqués et de remontées en chandelle pour éviter le Cognard. Les spectateurs riaient sur les gradins et Potter avait effectivement l'air ridicule en exécutant toutes ces figures mais elles étaient efficaces, car le Cognard était lourd et ne pouvait pas changer de direction aussi facilement que lui. Il était temps d'aller à nouveau de moquer de lui, se réjouit Drago.
-Tu prépares un ballet aérien, Potter ? cria-t-il.
Après avoir évité une nouvelle attaque, Potter se retourna vers lui avec un regard de haine puis resta figé sur place, fixant le visage de Drago d'un air étonné. Celui-ci, soudainement mal à l'aise, ne trouvait plus de blague à lui balancer, son cerveau était d'un coup très vide et sa gorge était sèche. C'est pourquoi il ne parvint pas à prévenir Potter lorsqu'il aperçut le Cognard, une fraction de seconde avant que...
VLAM !
Le Cognard venait d'atteindre Potter de plein fouet en lui cassant probablement le bras. Il glissa alors de côté sur le manche de son balai ruisselant de pluie, son bras droit inerte le long de son flanc. Le Cognard lança alors une deuxième attaque en essayant cette fois de frapper au visage. Tout cela ne dura qu'un instant mais Drago ne savait plus quoi faire, jusqu'à ce qu'il se rende compte que Potter était maintenant en train de carrément lui foncer dessus. Il écarquilla soudain les yeux d'un air terrorisé, le choc avait-il rendu Potter fou au point qu'il aille jusqu'à l'attaquer ?
-Qu'est-ce que... s'exclama-t-il en s'enfuyant de toute la vitesse de son balai.
Drago ne se retourna qu'en entendant un bruit sourd vers le sol. Potter était tombé dans la boue qui recouvrait le terrain et roulait par terre, son bras tordu formant un angle inquiétant. Drago distingua pourtant le Vif d'or qu'il serrait dans sa main valide. Mais... Il... MAIS IL EST COMPLETEMENT MALADE CE TYPE ?! S'était-il vraiment laisser tomber de son balai pour gagner le match après s'être déjà fait mutiler par un Cognard au comportement plus qu'anormal ?! Apparemment oui... Drago restait en vol stationnaire, loin au dessus de Potter, totalement bouche bée, essayant de décider si cette forme de courage « à la Gryffondor » relevait plus du masochisme ou de la stupidité.
Il vit les lèvres de Potter remuer faiblement, avant que celui-ci ne s'évanouisse. Ce dernier ne reprit connaissance qu'une fois que le professeur Lockhart fut penché sur lui. Drago assistait à la scène de loin, trouvant ce déroulement d'événements totalement surréaliste. D'un côté, les jumeaux Weasley s'efforçaient à grand-peine d'enfermer dans sa boîte le Cognard fou toujours acharné à en découdre, et de l'autre, Lockhart balançait des sourires à la ronde comme si tout allait au mieux. Potter, les dents serrées, gémissait de douleur dans la boue en essayant faiblement de repousser le professeur de Défense contre les Forces du Mal alors que son capitaine d'équipe le félicitait en même temps tant bien que mal. Cerise sur le gâteau, Crivey bombardait tout ce beau monde de flashs, dans le cliquetis frénétique de son appareil photo. Ce spectacle était tout bonnement déroutant à regarder, mais bon, soupira Drago, quand il s'agissait de Potter rien n'était généralement vraiment normal.
Lockhart retroussa soudain les manches de sa robe d'un vert de jade avant de faire des moulinets avec sa baguette magique qu'il pointa soudain sur le bras de Potter. Les yeux ronds, Drago, et tous les autres, regardèrent le bras de Potter... se dégonfler comme un vieux pneu.
-Oui, en effet, dit Lockhart d'une voix forte, c'est une chose qui peut se produire de temps en temps. Mais l'essentiel, c'est que les os ne sont plus cassés. C'est surtout ça qu'il faut avoir à l'esprit. Eh bien, voilà, Harry, il ne te reste plus qu'à aller à l'infirmerie, Mr Weasley, Miss Granger, pouvez-vous l'accompagner là-bas, s'il vous plaît ? Madame Pomfresh n'aura qu'à... arranger ça.
Potter se releva enfin, puis regarda en direction de son bras et pâlit à vue d'oeil. Ce qui dépassait alors de sa manche ressemblait à un gros gant en caoutchouc, couleur chair et parfaitement immobile. Lockhart n'avait pas ressoudé les os. Il les avait fait disparaître.
Drago atterrit enfin sur la pelouse trempée dans un gros « splash ». Il regardait encore Potter et son bras désossé se faire emporter vers l'infirmerie, lorsque Flint lui tomba dessus. Le visage rouge de colère, il lui passa un savon en hurlant qu'il avait le Vif d'or juste au-dessus de sa tête et ne l'avait même pas vu. Ses nombreux postillons se mêlaient à la pluie ruisselant sur le visage déjà trempé de Drago, qui n'en menait vraiment pas large.

Le cours commun de potions avait lieu le jeudi après-midi dans un des plus grands cachots du château. Le cours commença de la façon habituelle. Une vingtaine de chaudrons bouillonnaient entre les tables sur lesquelles étaient disposés des balances et des bocaux d'ingrédients. Rogue circulait parmi les vapeurs fétides en faisant des remarques acerbes aux élèves de Gryffondor sous les ricanements des Serpentard. Drago bombardait Weasley et Potter avec des yeux de poissons qu'il prenait dans un bocal, en sachant qu'ils écoperaient d'une retenue si jamais ils s'avisaient d'en faire autant. Soudain, la potion de Goyle explosa en aspergeant toute la classe. Les élèves atteints par des projections de potion d'Enflure se mirent à hurler. Drago en reçut en plein visage et son nez commença à enfler comme un ballon. Goyle tourna sur lui même, les mains sur ses yeux qui avaient maintenant la taille d'une assiette. Rogue, qui n'avait pas compris ce qui s'était passé, essayait sans succès de ramener l'ordre, mais la confusion régnait à présent dans la salle. Derrière son nez énorme et douloureux, Drago eut l'impression de ne plus voir Granger nulle part parmi les élèves aux alentours, mais il pouvait se tromper, la douleur ayant amené des larmes dans ses yeux, et la taille actuelle de son nez réduisant fortement son champ de vision.
-Silence ! SILENCE ! rugit Rogue. Ceux qui ont reçu de la potion, venez tout de suite prendre un antidote. Et quand je saurai qui a fait ça...
Drago s'avança vers Rogue en penchant la tête sous le poids de son nez qui avait maintenant la grosseur d'un melon. La moitié des élèves de la classe alla prendre une gorgée d'antidote pour faire revenir bras, jambes ou oreilles à leur taille antérieure, et tout le monde retrouva vite son aspect habituel. Rogue examinait le chaudron de Goyle et en retira des débris noircis de pétard.
-Si jamais je découvre qui a lancé ce pétard, dit Rogue dans un murmure, vous pouvez être absolument sûrs que cette personne sera renvoyée de l'école.
Drago nota que Rogue fixait particulièrement Potter, qui affichait un air presque trop stupéfait pour être crédible. Dix minutes plus tard, la cloche sonna, annonçant la fin du cours.
En général, personne n'osait perturber ainsi le cours d'un professeur aussi intimidant que Rogue, et la scène à laquelle ils venaient d'assister sortait vraiment de l'ordinaire... Entre cela, le Cognard fou, et une première attaque de l'héritier de Serpentard sur le minuscule Sang de Bourbe photographe, l'année ne démarrait pas particulièrement calmement, songea Drago.