Chapitre 67 

Drago et Harry

DRAGO

Le lendemain, Drago se sentait très mal à l'aise de ce qu'il avait osé demander à Harry, et redoutait de croiser son regard maintenant que les effets de l'alcool étaient retombés. La maîtrise de soi qu'il luttait pour conserver en sa compagnie avait volé en éclat avec les verres de vin, mais surtout avec l'annonce du célibat de Harry. Cette information avait soudainement, brusquement, instantanément et irrémédiablement fait gonfler la bulle d'espoir en lui, sans doute au point de faire déborder les mots longuement réfléchis et ardûment retenus. Apparemment il n'avait plus eu assez de place en lui pour stocker espoir et sentiments, mais Drago n'avait pas suffisamment l'habitude de perdre le contrôle pour savoir comment en gérer les conséquences. Il évita le sujet de ses attentions dans la Grande Salle, et jusqu'au train, mais une fois à bord du Poudlard Express, cela commença à devenir impossible. Les septième année de sa promotion restés à la fête la veille se regroupèrent dans un compartiment et Drago fut invité à les rejoindre. Comme il en mourait d'envie et redoutait d'être impoli, il accepta, mais cela ne lui permettait plus d'esquiver Harry...
Pourtant, malgré l'audace de Drago et de ses exigences déplacées, le Gryffondor semblait d'une humeur très joyeuse et lui adressa à plusieurs reprises de grands sourires dès que leurs regards se croisaient. Cela s'avéra très rassurant pour le blond, mais Harry n'était probablement pas conscient qu'à chacune de ces occasions, le cœur de Drago faisait un saut périlleux dans sa poitrine. Quelques élèves semblaient souffrir des séquelles de leur ivresse de la veille, et Weasley plaisanta sur le fait que c'était bien pour cela qu'ils avaient pris le train, pour éviter le démantibulement par gueule de bois. Alors que les éclats de rire retentissaient, Drago se dit qu'ils avaient surtout voulu passer un dernier moment tous ensemble à se comporter comme des adolescents.
Une fois arrivés à a voie 9 ¾, Drago salua tout le monde, son regard s'attardant un peu plus sur Harry que sur les autres, puis fut ravi de retrouver sa mère sur le quai. Il lui fit part de ses excellents résultats aux ASPIC, et pour le féliciter Narcissa lui proposa de marquer le coup de manière spontanée avec un petit dîner dans un restaurant. Quelle ne fut pas la surprise de Drago lorsque sa mère le mena devant le Chaudron Baveur... mais du côté moldu de la rue ! Ils prirent place dans un minuscule restaurant végétarien, et Narcissa raconta à son fils les épatants changements qui avaient eu lieu dans sa vie depuis l'été. Elle rendait toujours régulièrement visite à Lucius, qui réfléchissait encore à ce qu'il pourrait faire lorsqu'il serait libéré. Elle loua au passage les mérites de l'idée d'Hermione Granger qui donnait un but aux prisonniers d'Azkaban. Pouvant se projeter dans l'avenir au-delà de leur emprisonnement, ils ne se laissaient pas forcément dépérir ou consumer par l'amertume. Comme son fils, elle avait étonnamment apprécié les cours sur les Moldus (« finalement ils sont presque un peu comme nous ! » s'était-elle exclamée avec ravissement), d'où leur présence dans ce restaurant ce soir. Cela lui avait également permis de renouer des liens avec sa sœur Andromeda avec qui elle prenait désormais le thé une fois par semaine. Cela n'ayant pas suffi à ne pas se sentir trop seule dans la demeure Malefoy, et inspirée par les récits de Drago sur ses potions post-traumatiques dans ses lettres, Narcissa avait proposé à Sainte Mangouste d'ouvrir une aile de repos pour quelques patients du service de Pathologie des Sortilèges dans les chambres vides du Manoir. Cela lui donnait de la compagnie et une occupation, et pour les malades qui ne nécessitaient de toute façon que peu de réels soins hospitaliers, c'était là un cadre de vie bien plus agréable. Surtout après tous les travaux que les Malefoy avaient fait l'été dernier. Drago était fier de sa mère et de cette nouvelle direction qu'elle donnait courageusement à sa vie. On la sentait enfin libérée et prête à explorer des possibilités qu'elle avait dû, jusque-là, penser inenvisageables.

Devant la tournure entièrement différente qu'avait pris son quotidien en quelques mois, Drago était bien content de s'être accroché et de ne pas avoir baissé les bras. Maintenant sa vie commençait vraiment.

HARRY

Le matin de Noël chez les Weasley, en plus de l'habituelle pile de cadeaux, Harry eut le plaisir de trouver une lettre scellée à la cire verte sur le tas de paquets. Il l'ouvrit en premier.

Harry,
Avant toute chose je te souhaite un Joyeux Noël.
Cependant pas la peine de chercher un cadeau de ma part dans ce que j'imagine être un monstrueux amas de présents de tes très nombreux fans, je n'ai pas pris le temps de t'en acheter un. Je ne sais pas si Weasley t'as parlé du projet de ma mère d'héberger des patients long-terme de Sainte Mangouste au Manoir, mais leur ##### charmante présence ne m'a pas permis de passer des vacances de tout repos.

Harry éclata de rire en voyant qu'un mot avait été raturé, démontrant la frustration de Drago d'avoir un peu trop de monde autour de lui, même s'il se doutait que ce dernier était en réalité ravi de l'évolution de Narcissa. Le connaissant, Harry devinait également que le Serpentard préférait largement cela à la solitude de ses jeunes années, mais qu'il ne se priverait pas pour autant d'une occasion de ronchonner.

Le professeur Slughorn (bien que je trouve ridicule de l'appeler encore « professeur » alors qu'il est à la retraite, mais « Slughorn » seul me paraît irrespectueux, et je ne me vois pas pour autant le nommer « Horace ») m'a informé des modalités de mes modules d'études de potions. Il a prévu que j'aille passer un mois chez chacun des sept meilleurs potionnistes du pays, avec une semaine entre chaque déplacement pour rédiger les connaissances que j'aurais acquises chez eux. Je pars dès le 2 Janvier. Je peux dès lors te proposer de se retrouver dans le salon de thé du Chemin de Traverse le 1er Janvier à quinze heures.
Sans confirmation écrite de ta part, je ne viendrai pas me geler à poireauter inutilement, alors j'attends ta réponse.
A bientôt,
Drago Malefoy

Harry trouva ce premier courrier parfait, avec ce qu'il fallait d'humour, de piques et d'arrogance. Du pur Drago Malefoy ! Il lui répondit aussitôt :

Cher Drago,
Merci pour cette missive pleine d'esprit qui m'a fait démarrer la journée de Noël avec un large sourire. N'étant pas déçu par ce premier pas, je serai bien au salon de thé le 1er Janvier à l'heure prévue (je n'oserais de toute façon pas déclencher la colère Malefoy notoirement connue en n'arrivant pas à l'heure).
A très bientôt,
Harry
PS : ma pile de cadeaux est de taille parfaitement raisonnable, mais dans ce cas, moi non plus je ne te ferai pas de présent !

La réponse via Coquecigrue ne tarda pas à lui parvenir, le petit hibou fit irruption dans la cuisine lors du petit déjeuner, les plumes toutes ébouriffées par le vent hivernal :

Ce hibou est parfaitement ridicule,
A la semaine prochaine !
Drago

Harry eut un nouvelle éclat de rire, mais se retint de répondre, Coq ayant l'air un peu trop secoué par la tempête qui se levait. De toute façon, il n'avait plus qu'une semaine à attendre...

Le jour convenu, Harry retrouva Drago devant ce salon de thé. Il était arrivé cinq minutes en avance pour être sûr, mais Drago n'apparut que pile à l'heure dans un « pop » sonore, avec un air surpris de trouver Harry déjà sur place. Ils s'installèrent sur une petite table cosy au fond de la boutique en commandant une grande théière de thé vert.
Ils se lancèrent dans d'intarissables discussions, parlant autant du passé que de l'avenir. Certains sujets plus aisés que d'autres furent amenés, et Drago se retrouva à parler de ses manigances de la sixième année. En expliquant sa réparation de l'Armoire à Disparaître, il sortit de son sac son Manuel avancé de préparation des potions du Prince de Sang Mêlé :
-...et je n'aurais jamais trouvé la solution sans le brillant potionniste derrière ces gribouillages ! A vrai dire je n'arrive plus à me séparer de cet ouvrage, celui qui l'a écrit est un génie !
Il fut coupé par un éclat de rire de son vis-à-vis qui expliqua devant son air interloqué :
-Je ne sais pas comment tu l'as eu mais... je connais ce bouquin et les idées du Prince ! Enfin, je me doute de là où tu l'as trouvé, surtout vu le temps que tu as passé dans la Salle sur Demande cette année-là, mais je n'aurais jamais cru que l'on partagerai cela. C'est Rogue qui l'a écrit d'ailleurs, tu le savais ? Bref, je me suis retrouvé avec en début de sixième année, je pensais que mes résultats, pourtant moins minables que d'ordinaire et largement satisfaisants -arrête de ricaner!- ne me permettraient plus de suivre le cours de potions donc je n'avais pas ramené de matériel et Ron non plus. Slughorn me l'a donné sans y prêter attention et...
-Et c'est comme ça que tu t'en sortais tellement étonnamment bien cette année-là ! Enfin un peu de compréhension, je ne me suis toujours pas remis que tu remportes le Félix félicis !
-Oui, euh... pardon, mais bon ça m'a été bien utile en ma défense !
Harry adressa un clin d'oeil à Drago avant de sentir sa propre humeur se dégrader très brusquement, et de continuer sur un ton plus grave :
-D'ailleurs j'ai largement pire à me faire pardonner... C'est justement dans ce livre que j'avais trouvé le fameux sort de Sectumsempra tu sais... Il y avait marqué « contre les ennemis » Et je suis vraiment, tellement terriblement désolé de l'avoir utilisé contre toi...
-Oui mais j'allais me servir du Doloris... interrompit maladroitement Drago.
-Ça ne change rien, je n'aurais vraiment pas dû te faire ça, d'autant plus que je n'avais aucune idée des effets de ce sort au moment où je l'ai lancé ! C'est déjà vraiment affreux ce que je t'ai fait, mais de penser que ça aurait pu être pire...
Harry s'interrompit un instant, effaré de son inconscience de l'époque. Certes, Drago avait été son ennemi, mais de lancer un sort sur une autre personne sans se demander avant quel impact celui-ci aurait lui semblait maintenant relever d'une bêtise profonde. D'une voix piteuse, il ajouta encore :
-Vraiment désolé...
Drago resta songeur un moment avant de lui répondre :
-Je sais que ce n'est plus d'actualité, et que je suis ridicule de m'en formaliser, mais cela vient de me faire mal au cœur de t'entendre me qualifier d'ennemi. Bien sûr mon attitude à cette période-là justifie totalement cela... Bref je réfléchis un peu à voix haute, mais je me dis juste que je suis bien content qu'on en soit plus là, je préfère où nous en sommes maintenant. Et je suis aussi satisfait de ces excuses, je les ai attendues un bon moment !
La réaction de Drago allégea un peu l'ambiance, jusqu'à ce que celui-ci continue d'une voix un peu plus hésitante :
-Tu sais, la cicatrice sur mon visage a presque totalement disparu, mais... une autre sur ma poitrine n'a pas l'air de s'estomper, et elle me rappelle à chaque fois cet instant... terrifiant.
La culpabilité remuait les entrailles de Harry, qui lâcha sans réfléchir :
-Est-ce je peux la voir ?
Drago rougit brusquement, faisant prendre compte à Harry de l'absurdité de sa question, mais avant qu'il n'ait pu revenir en arrière et s'excuser de ce voyeurisme, il aperçu la main de Drago qui se dirigeait doucement vers le bouton de son col, tremblant à peine lorsqu'elle le défit.
Sous la clavicule de Drago, une croix légèrement violacée aux bordures rougeâtres marquait la peau juste au dessus de son cœur. La trace n'était pas tant marquée en tant que telle, mais sur une chair aussi pâle elle en devenait particulièrement voyante.
Sans un mot, Harry passa très légèrement le bout de son index dessus. Il eut s'impression que son doigt le brûlait légèrement au le contact de cette peau si froide... Il releva les yeux, et croisant le regard gris, il lui murmura à nouveau : « Je suis vraiment désolé... ».