Chapitre 25
A l'approche de Noël
Pour masquer l'émoi dans lequel il l'avait mis la première tâche, Drago continuait de citer à Potter des passages de l'article de Rita Skeeter chaque fois qu'il en avait l'occasion, mais malheureusement ceux-ci provoquaient de moins en moins de rires. Dans l'ensemble, Potter s'attirait beaucoup moins de réflexions désagréables lorsqu'il marchait dans les couloirs, nul doute que Diggory avait dit à ses camarades de Poufsouffle de le laisser tranquille, et les badges VIVE CEDRIC DIGGORY semblaient également moins nombreux.
Au cours de soins aux créatures magiques, il ne restait plus que dix Scroutts. Apparemment, les promenades sur la pelouse n'avaient en rien émoussé leur désir de s'entre-tuer. Chacun d'eux mesurait maintenant près d'un mètre quatre-vingts. Leurs épaisses carapaces grises, leurs pattes puissantes et mobiles, leurs extrémités explosives, leurs dards et leurs ventouses faisaient d'eux les plus répugnantes créatures que Drago ait jamais vues. Toute la classe contempla d'un air découragé les énormes boîtes que Hagrid avait apportées et dans lesquelles il avait disposé des oreillers et d'épaisses couvertures. -Voilà, vous n'avez qu'à les faire entrer là-dedans et mettre un couvercle par-dessus. On verra ce qui se passera. Mais il apparut que les Scroutts n'hibernaient pas et n'appréciaient guère d'être enfermés dans des boîtes garnies d'oreillers. -Allons, pas de panique ! Pas de panique ! s'écria bientôt Hagrid, tandis que les Scroutts ravageaient le potager aux citrouilles jonché de débris de boîtes calcinées et encore fumantes. La plupart des élèves - Drago, Crabbe et Goyle en tête - étaient allés se réfugier dans la cabane de Hagrid en passant par la porte de derrière et s'étaient barricadés à l'intérieur. En revanche, les toujours-nobles-Potter-Weasley-Granger et quelques autres étaient restés avec Hagrid pour l'aider. En conjuguant leurs efforts, ils avaient réussi à récupérer et attacher neuf des dix Scroutts, au prix de nombreuses brûlures et écorchures. Il n'en restait plus qu'un seul en liberté. -Ne lui faites pas peur ! cria Hagrid en voyant Weasley et Potter lancer sur la créature des jets d'étincelles à l'aide de leurs baguettes magiques. Ils avaient reculé contre le mur de la cabane, tenant toujours le Scroutt à distance à l'aide d'un jet continu d'étincelles. Le Scroutt s'avançait vers eux d'un air menaçant, son dard frémissant formant un arc sur son dos. -Essayez seulement de lui passer une corde autour du dard pour qu'il ne puisse pas blesser les autres ! -Oui, ce serait dommage ! s'exclama Weasley avec colère, et derrière sa vitre, Drago pouffa. Weasley avait beau être un miséreux, il savait être drôle. Dommage qu'après la première tâche, lui et Potter soient redevenus inséparables, se dit Drago avec amertume, n'ayant soudain plus aucune envie de rire. -Tiens, tiens, tiens... On a l'air de bien s'amuser, ici. Rita Skeeter était appuyée contre la clôture du jardin de Hagrid et regardait le désastre. Elle était vêtue d'une épaisse cape rose foncé avec un col de fourrure violette et portait son sac en peau de crocodile sur l'épaule. Alors que leur professeur immobilisait le dernier Scroutt de tout son poids, un jet de feu jaillit à son extrémité, carbonisant les citrouilles qui se trouvaient derrière lui. Comme si de rien n'était, il se lança dans une conversation avec la journaliste. Dans la cabane, Drago avait le nez collé contre les carreaux pour voir si tout danger était écarté. Quand la cloche sonna dans le château pour signaler la fin du cours et l'heure du déjeuner, il purent enfin s'éloigner autant que possible de ces ignobles créatures, tandis qu'Hagrid traînait le Scroutt légèrement écrasé en direction de ses congénères.
A la fin du repas, Drago surprit une étonnante conversation entre le trio Gryffondor : -Hermione, avec qui tu vas au bal ? demandait Weasley. -Je ne te le dirai pas, tu te moquerais de moi. -Tu plaisantes, Weasley ? dit Drago. Tu ne vas quand même pas me dire que quelqu'un a demandé à ça de l'accompagner au bal ? Une Sang-de-Bourbe aux dents de lapin ? Son commentaire avait fait mouche, Potter et Weasley firent brusquement volte-face, mais Granger, imprévisible comme toujours, agita la main en regardant par- dessus l'épaule de Drago et lança : -Bonjour, professeur Maugrey ! Drago devint livide. Il fit un bond en arrière, jetant des regards frénétiques autour de lui pour voir où était Maugrey, mais celui-ci se trouvait toujours à la table des professeurs, où il terminait son assiette de ragoût. -Tu m'as l'air d'une petite fouine très nerveuse, Malefoy ! dit Granger d'un ton cinglant. Tous trois éclatèrent d'un rire sonore en montant l'escalier de marbre. En s'éloignant Granger garda un sourire malicieux et Drago remarqua que c'était un sourire très différent de celui qu'il connaissait. Il allait peut-être désormais devoir renoncer à ses blagues sur ses dents...
Le soir du bal, le hall d'entrée était bondé. Les élèves piétinaient en attendant que les portes de la Grande Salle s'ouvrent à huit heures précises. Ceux qui venaient de maisons différentes et qui s'étaient donné rendez-vous là se faufilaient parmi la foule, essayant de trouver leur partenaire. Drago n'avait pas ce problème : il avait fait le choix logique, évident, et attendu de lui, d'inviter Pansy Parkinson pour être sa cavalière au bal. Ils se trouvaient en tête d'un groupe d'élèves de Serpentard qui montait du sous-sol où se trouvait leur salle commune. Drago était vêtu d'une robe de soirée en velours noir à col dur qui, selon sa mère, lui donnait l'air d'un aristocrate distingué. Pansy, dans une robe rose pâle surchargée de dentelles, lui tenait étroitement le bras. Crabbe et Goyle étaient tous deux vêtus de vert. On aurait dit deux rochers recouverts de mousse et Drago soupira une fois encore à l'idée que ni l'un ni l'autre n'ait réussi à se trouver une partenaire. Potter avait également trouvé une partenaire au sein de sa propre maison, remarqua Drago. L'une des jumelles Patil dont Pansy lui ferait sans nulle doute l'intégralité de la fiche ragot dès qu'ils se seraient éloignés d'eux. La robe de soirée de Potter ressemblait plus ou moins à celle de l'école, sauf qu'elle était vert bouteille au lieu d'être noire. Et cela mettait ses yeux très en valeur, pensa Drago, momentanément distrait de sa cavalière. Il trouva par contre Parvati ridicule dans sa robe rose vif, coiffée d'une longue natte noire entrelacée de fils d'or, des bracelets également en or étincelant à ses poignets. Sa sœur jumelle était vêtue à l'identique mais dans une robe turquoise, et Drago fut ravi de constater qu'elle n'avait pas l'air très enthousiaste d'avoir Weasley pour cavalier. Les grandes portes de chêne de l'entrée s'ouvrirent et tout le monde se retourna pour voir arriver les élèves de Durmstrang menés par le professeur Karkaroff. Krum était en tête du groupe, accompagné d'une ravissante jeune fille que Drago ne connaissait pas et qui était habillée d'une élégante robe bleue. Une partie de la pelouse avait été transformée en une espèce de grotte qu'éclairaient des guirlandes lumineuses formées par des centaines de fées vivantes, assises dans des massifs de roses ou voletant au-dessus de statues qui représentaient le père Noël et ses rennes. La voix du professeur McGonagall s'éleva alors dans le hall. -Les champions, par ici, s'il vous plaît. Les champions n'entreraient qu'en dernier dans la Grande Salle, lorsque leurs camarades seraient installés à leurs tables. Patil-rose, le visage rayonnant, rajusta ses bracelets, mais Potter n'avait pas l'air particulièrement réjoui de la suivre. En passant devant les champions et leurs invités, le regard de Drago se posa alors sur la fille qui accompagnait Krum et il resta bouche bée. C'était Granger. Mais elle ne ressemblait plus du tout à la Granger dont il avait l'habitude. Elle avait complètement changé de coiffure. Ses cheveux d'habitude touffus et emmêlés étaient lisses, soyeux et élégamment relevés sur la nuque. Elle portait une robe vaporeuse d'un bleu pervenche et son maintien était différent - peut-être était-ce dû à l'absence de la vingtaine de livres qu'elle portait d'ordinaire sur son dos. Elle souriait - avec une certaine nervosité, il est vrai - et cette fois, on voyait nettement que ses dents avaient bel et bien rétréci. C'était effectivement définitivement raté pour les blagues. Drago, se trouva bel et bien incapable de trouver une insulte à lui lancer et passa devant elle sans rien dire. Il pouvait admirer les efforts qu'elle avait dû faire pour parvenir à une telle transformation, mais Pansy toujours accrochée à son bras et plus lente à la détente, ouvrit la bouche de stupeur lorsqu'elle la reconnut. Drago soupira discrètement, sachant à quel point Pansy pouvait être jalouse, et se résigna à ne plus l'entendre parler que de Granger pour le reste de la soirée.
Lorsque tout le monde fut installé dans la Grande Salle, les champions par couples passèrent devant le reste de l'école en suivant McGonagall. Tout le monde applaudit leur entrée et ils se dirigèrent vers une grande table ronde au bout de la salle, à laquelle les juges étaient déjà assis. Les murs de la Grande Salle avaient été recouverts d'un givre argenté étincelant, et des centaines de guirlandes de gui et de lierre s'entrecroisaient sous le plafond parsemé d'étoiles. Les tables des différentes maisons avaient disparu, remplacées par une centaine de tables plus petites, éclairées par des lanternes, autour desquelles pouvaient s'asseoir une douzaine de convives. Potter avait juste l'air de se concentrer pour ne pas trébucher, alors que Patil-rose avait l'air de bien s'amuser. Elle adressait à tout le monde des sourires rayonnants et menait Potter avec une telle poigne qu'il donnait l'impression d'être un chien savant à qui on faisait faire un numéro. Drago se tourna vers la table des professeurs où Dumbledore adressait aux champions un sourire joyeux, et s'aperçut alors que Mr Croupton n'était pas là : la cinquième place était occupée par Percy Weasley. Les Weasley étaient vraiment ,vraiment partout, constata Drago avec horreur. Bien entendu, Potter semblait attiré par ces rouquins comme par un aimant puisqu'il s'empressa de prendre la place à côté de l'ancien préfet. Les assiettes d'or étaient encore vides, mais un menu était posé devant chacune d'elles. Drago prit le sien d'un geste hésitant et jeta un coup d'œil dans la salle. Dumbledore, lui, examina attentivement le menu puis, s'adressant à son assiette, dit à haute voix : « Côtes de porc ! » Des côtes de porc apparurent aussitôt. Suivant son exemple, les autres convives passèrent également commande à leurs assiettes.
Lorsque tout le monde eut fini de dîner, Dumbledore se leva et demanda aux élèves d'en faire autant. Puis, répondant à un geste de sa main, les tables allèrent d'elles-mêmes s'aligner le long des murs, dégageant un vaste espace au milieu de la salle. Dumbledore fit alors apparaître contre le mur de droite une estrade sur laquelle étaient disposés une batterie, plusieurs guitares, un luth, un violoncelle et quelques cornemuses. Les Bizarr' Sisters se précipitèrent sur la scène, accueillies par une salve d'applaudissements frénétiques. Elles avaient toutes des cheveux très longs et étaient vêtues de robes noires qui avaient été savamment déchirées en divers endroits. Elles prirent leurs instruments et les lanternes s’éteignirent, pour que les champions puissent ouvrir le bal. Fidèle à sa maladresse, Potter se prit les pieds dans sa robe lorsqu'il se leva à son tour, et Drago ricana. Les Bizarr' Sisters commencèrent à jouer un air lent et mélancolique, et Patil-rose prit les mains de Potter, en glissa une autour de sa taille et serra l'autre fermement entre ses doigts. Cette vision eut le don d'agacer Drago au plus haut point, sans qu'il ne puisse logiquement s'expliquer pourquoi. Les couples de champions tournoyaient lentement sur place mais, bientôt, d'autres élèves vinrent les rejoindre sur la piste de danse et ils cessèrent d'être le centre de l'attention générale. Drago focalisa toute son attention sur Pansy et les excellentes raisons pour lesquelles elle constituait une bonne partenaire pour cette soirée. Elle incarnait à la perfection le futur qu'il était sensé avoir. |