Chapitre 33
Bonne et mauvaise presse
Le mois de janvier passa bien vite tant Drago était concentré sur son travail scolaire. Il croulait de toute façon sous les devoirs dans toutes les matières, mais il avait surtout découvert que se plonger corps et âme dans ses études lui évitait de réfléchir à d'autres sujets. Au Seigneur des Ténèbres et au rôle que son père jouait à ses côtés, à la place qu'il devrait lui-aussi occuper tôt ou tard... A Potter dont la vie avait toujours été plus ou moins menacée dans toutes ses péripéties mais qui était véritablement en danger constant depuis l'été dernier... A l'impact que ce brun aux yeux verts pouvait parfois avoir sur lui, le faisant sentir plus vivant que jamais durant leurs échanges... Drago ne voulait vraiment pas penser à cette partie là. Potter était non seulement dans le camp ennemi mais c'était aussi un Sang Mêlé... et un garçon. Il aurait mieux valu que quelqu'un comme Pansy ait ce genre d'effet sur lui. Drago avait l'impression de se noyer dans toutes ces questions, et s'accrochait à ses devoirs comme à une bouée de sauvetage. Ses études lui importaient plus que jamais maintenant qu'il n'était pas sûr de pouvoir les suivre jusqu'au bout. Qui savait à quelle vitesse les choses allaient évoluer par la suite ? Être un élève brillant avait toujours été important à ses yeux, et il comptait bien garder les meilleurs résultats possibles tant qu'il pourrait. Il voulait au moins sept, si ce n'était dix « Optimal » à ses BUSE. Février finit par arriver, apportant avec lui une lettre de son père pour le moins mystérieuse.
Drago, Tu seras ravi d'apprendre que l'un de nos projets à été mené à bien, je t'invite à consulter la presse de demain pour t'en informer. Ta mère, ta tante et moi-même t'embrassons, Lucius Malefoy.
Sa tante ? Drago restait perplexe devant ce mot, à la fois impatient et nerveux à la perspective de lire la Gazette du sorcier du lendemain.
ÉVASION MASSIVE D’AZKABAN LE MINISTÈRE CRAINT QUE BLACK SOIT LE « POINT DE RALLIEMENT » D’ANCIENS MANGEMORTS Le ministère de la Magie a annoncé tard dans la nuit qu’une évasion massive avait eu lieu à Azkaban. Recevant les reporters dans son bureau privé, Cornélius Fudge, ministre de la Magie, a confirmé que dix prisonniers sous haute surveillance s’étaient évadés hier en début de soirée et qu’il avait déjà informé le Premier Ministre moldu du caractère dangereux de ces individus. « Nous nous trouvons malheureusement dans la même situation qu’il y a deux ans et demi, au moment de l’évasion de Sirius Black, l’assassin bien connu, nous a déclaré Fudge. Nous pensons d’ailleurs que ces deux affaires ne sont pas sans rapport. Une évasion de cette ampleur laisse supposer l’existence d’un concours extérieur et il faut savoir que Black, qui est la première personne à s’être jamais échappée d’Azkaban, serait idéalement placé pour aider d’autres détenus à suivre ses traces. Il nous semble très probable que ces individus, parmi lesquels figure Bellatrix Lestrange, une cousine de Black, se sont rassemblés autour de Black lui-même qu’ils considèrent comme leur chef. Nous faisons cependant tout ce qui est en notre pouvoir pour retrouver les criminels et nous demandons instamment à l’ensemble de la communauté magique de rester prudente et de manifester la plus grande vigilance. En aucun cas ces individus ne doivent être approchés. »
Dix photographies en noir et blanc accompagnaient l'article. Neuf d’entre elles représentaient des sorciers, la dixième une sorcière. Certains avaient une expression narquoise, d’autres pianotaient d’un air insolent sur le bord de la photo. Chaque portrait s’accompagnait d’une légende précisant le nom du sorcier et le crime pour lequel il avait été envoyé à Azkaban. « Antonin Dolohov », disait la légende sous la photo d’un sorcier au long visage pâle et tordu « condamné pour les meurtres particulièrement brutaux de Gideon et Fabian Prewett. » « Augustus Rookwood », indiquait la légende sous la photo d’un sorcier au visage grêlé, les cheveux graisseux, qui avait l’air de s’ennuyer ferme, appuyé contre le bord de son cadre, « condamné pour avoir communiqué des secrets du ministère de la Magie à Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le- Nom.» Mais le regard de Drago fut surtout attiré par la photo de la sorcière. Son visage lui avait sauté aux yeux dès l’instant où il avait vu le journal. Elle avait de longs cheveux bruns qui paraissaient négligés et décoiffés sur la photo mais qu’il avait vus lisses, épais et brillants. La femme lançait des regards noirs sous de lourdes paupières et ses lèvres minces esquissaient un sourire plein d’arrogance et de dédain. Sa tante Bellatrix avait donc bien été libérée. Drago ne l'avait jamais rencontrée, mais un grand portrait de Narcissa et de ses deux sœurs était affiché au Manoir dans un salon qui n'était que très rarement utilisé. Drago connaissait donc bien ce visage même s'il n'avait entendu que quelques histoires à son sujet. Il lut alors la légende qui accompagnait la photographie : « Bellatrix Lestrange, condamnée pour tortures ayant entraîné une incapacité permanente sur les personnes de Frank et Alice Londubat. » Londubat ?! Il savait que sa tante avait été envoyée à Azkaban pour avoir torturé des membres de l'Ordre, mais il n'avait jusqu'à présent jamais su leur nom. Il jeta un coup d'oeil à Neville à la table des Gryffondor et décida de réserver son jugement jusqu'à ce qu'il en sache plus sur ce qui c'était passé. Après tout le couple Londubat était peut-être aussi coupable d'actes atroces envers le camp de sa tante... son camp, se reprit-il rapidement.
Le mois de Février se poursuivit et ce fut vite (pouah !) la Saint Valentin. Les deux semaines qui avaient précédé la fête, Pansy s'était montrée insupportable, minaudant à chaque fois que Drago se trouvait à proximité que « cela tombait à pic, il y avait justement une sortie à Pré-au-lard ce jour là » mais il l'ignora superbement. Il comptait bien profiter de l'absence des autres élèves pour étudier au calme dans la bibliothèque ce jour là. Au matin du 14, lors du petit déjeuner dans la Grande Salle, Drago remarqua cependant le comportement particulier de Potter qui semblait s'être habillé avec un soin tout particulier et qui tentait vainement de se lisser les cheveux en se regardant sur le dos d’une cuillère. Mais qu'est-ce qui lui prenait tout à coup, se demandait Drago, étonné. De toute façon, livrer combat contre des cheveux aussi ébouriffés était peine perdue, et tant mieux car les cheveux en bataille lui allaient bien. En se dirigeant vers la bibliothèque, Drago fit un détour pour passer devant les grandes fenêtres du premier étage qui lui permettaient d'observer la cour à la sortie du château. Il vit avec horreur Potter se diriger nerveusement vers l'attrapeuse des Serdaigle qui l’attendait un peu à l’écart des portes de chêne, elle aussi soigneusement apprêtée avec ses cheveux ramenés en arrière et noués en une longue queue-de-cheval. Drago les regarda échanger quelques mots, se sentant furieux sans trop savoir pourquoi. Heureusement, on pouvait toujours compter sur Pansy, qui, menant sa bande de filles de Serpentard les dépassa en s'écriant d’une voix suraiguë suffisamment forte pour que même depuis le château Drago l'entende : -Potter et Chang ! Beurk, Chang, je ne te félicite pas pour ton goût... Au moins, Diggory était un beau garçon ! Le concert de ricanements qui s'en suivit sembla plonger le couple dans un profond malaise, et Drago en tira une immense satisfaction. Se promettant d'être plus agréable avec Pansy le soir, Drago reprit le chemin de la bibliothèque, tentant tant bien que mal de chasser le rendez-vous galant de Potter hors de son esprit.
Une fois à la bibliothèque, Drago ne se plongea pas dans son travail scolaire comme il l'avait prévu. Ses pensées s'égaraient du côté de Potter de manière embarrassante, or il n'assumait pas cet état de fait. Drago n'arrivait peut-être pas à contrôler le vagabondage de son esprit, mais il était absolument mortifié à l'idée que qui que ce soit sache un jour qu'il avait eu ces réflexions. De même, les doutes et craintes qu'il ressentait parfois en pensant à sa future allégeance au Seigneur des Ténèbres étaient également des pensées qui devaient impérativement rester secrètes. Il abandonna donc son essai de botanique et se mit à chercher des ouvrages au sujet du fonctionnement de l'esprit chez les sorciers. Il tomba sur des écrits concernant la legilimancie qui confirmaient ses peurs : il était effectivement possible de lire dans les pensées d'autrui ! Ses sentiments les plus secrets couraient donc le risque potentiel d'être un jour exposés au grand jour. Heureusement, il apprit également l'existence de l'occlumancie qui lui apportait justement la solution dont il avait besoin. Plongé dans ses lectures, il loupa l'heure du déjeuner, et ne quitta la bibliothèque que tard le soir lorsque Madame Pince l'en chassa. Il avait emprunté le meilleur ouvrage qu'il avait trouvé sur les techniques d'apprentissage de l'occlumancie et se promit de les mettre en pratique chaque soir avant de se coucher, jusqu'à ce qu'il sache fermer son esprit hermétiquement.
Vider son esprit lui apporta un grand calme, et plus il s'améliorait, plus il retrouvait sa sérénité, ayant moins l'impression de lutter contre la tempête de questions qui lui avait chamboulé la tête ces dernières semaines. Malheureusement, une publication dans une revue inattendue vint à nouveau perturber le semblant de quiétude qu'il venait de retrouver. Au petit déjeuner du lundi matin, Drago vit un hibou s'arrêter devant Potter. Comme celui-ci n’avait reçu qu’une seule lettre depuis le début de l’année, Drago fut intrigué. Soudainement, trois, quatre, cinq autres hiboux avaient atterri devant Potter et se bousculaient, marchant dans le beurre, renversant la salière, pour essayer d’être les premiers à distribuer leur courrier. Weasley paraissait stupéfait alors que sept autres hiboux se posaient parmi les autres, criant, hululant, battant des ailes. Granger plongea la main dans ce tourbillon de plumes et en retira un hibou moyen duc qui portait dans son bec un long paquet cylindrique. Elle semblait surexcitée en le tendant à Potter, qui le déballa pour en sortir un magazine très coloré. Drago ne pouvait voir le titre de la revue, mais elle sembla causer un certain émoi à la table des Gryffondor. Il se leva pour passer à côté d'eux et aperçut qu'il s'agissait d'un exemplaire du Chicaneur ayant pour gros titre :
HARRY POTTER PARLE ENFIN : LA VÉRITÉ SUR CELUI-DONT-ON- NE-DOIT-PAS-PRONONCER-LE-NOM ET LE RÉCIT DE LA NUIT OÙ JE L’AI VU REVENIR Drago se sentit tout à coup inquiet. Il fallait absolument qu'il mette la main sur un exemplaire du magazine. Son père était probablement incriminé dans le témoignage de Potter, et il fallait vite qu'il mesure l'étendue des dégâts. Alors qu'il s’apprêtait à quitter la Grande Salle, il vit de loin Ombrage s'approcher Potter avec un air faussement aimable qui laissa vite la place à une grande colère, son visage habituellement terreux et blafard, prenant alors une horrible teinte violacée. L'annonce ne tarda pas, vers le milieu de la matinée, d’énormes écriteaux avaient été placardés partout dans l’école, pas seulement sur les tableaux d’affichage mais également dans les couloirs et les salles de classe.
PAR ORDRE DE LA GRANDE INQUISITRICE DE POUDLARD TOUT ÉLÈVE SURPRIS EN POSSESSION DU MAGAZINE LE CHICANEUR SERA RENVOYÉ. CONFORMÉMENT AU DÉCRET D’ÉDUCATION NUMÉRO VINGT-SEPT. SIGNÉ : DOLORES JANE OMBRAGE, GRANDE INQUISITRICE
Chaque fois que Drago passait devant l’un de ces écriteaux, il se sentait exaspéré. La meilleure chose qu'Ombrage pouvait faire pour que tout le monde lise l'interview de Potter, c’était de l’interdire ! Il avait apparemment raison : à la fin de la journée, bien que Drago n’ait vu nulle part la moindre trace du Chicaneur, tous les élèves ne parlaient plus que de l’interview, citations à l’appui. Il les entendait en discuter à voix basse dans les files d’attente, avant le début des cours, dans la Grande Salle pendant le déjeuner et au fond des classes. Lui-même l'avait également lu, bien qu'il l'aurait farouchement nié auprès de la Grande Inquisitrice. Pendant ce temps, le professeur Ombrage rôdait dans les couloirs, arrêtant les élèves au hasard pour exiger qu’ils retournent leurs poches et leurs sacs. Mais les élèves de Poudlard avaient pris de l’avance sur elle. Ils ensorcelaient les pages de l’interview qui se transformaient en innocentes pages de manuel lorsque quiconque d’autre y posait les yeux, ou devenaient blanches dès qu’ils en interrompaient eux-mêmes la lecture. Bientôt, il sembla que tout le monde dans l’école avait lu l’article bien que le décret d’éducation numéro vingt-six interdisait d’en parler. L'après-midi à la bibliothèque, tête contre tête autour d’une table, Drago, Crabbe et Goyle en compagnie de Theodore discutaient ensemble de l'interview et de ce qu'elle impliquait au sujet de leurs pères, cité comme étant des Mangemorts. Lorsque Potter passa à proximité, ils se tournèrent vers lui et Goyle fit craquer ses jointures d’un air menaçant tandis que Drago murmurait à l’oreille de Crabbe quelque chose de très malveillant à son égard. Malheureusement, ils ne pouvaient pas le contredire publiquement, sans admettre qu’ils avaient lu l’article... |