Chapitre 23

A BAS POTTER

Les rumeurs au sujet de la sélection de Potter comme quatrième champion étaient allées de grand train durant le weekend. Le lundi, le cours de soins aux créatures magiques était la première classe en commun des Serpentard et des Gryffondor depuis que le binoclard était devenu leur « champion ».

Drago arborait son habituel sourire narquois lorsqu'il arriva devant la cabane de Hagrid. Il remarqua que l'inséparable trio semblait avoir perdu un membre : le rouquin traînait avec d'autres garçons de Gryffondor en ignorant superbement son meilleur ami à lunettes.
-Regardez, c'est le champion, dit-il à Crabbe et à Goyle dès qu'il fut suffisamment près de Potter pour être sûr qu'il l'entende. Vous avez vos carnets d'autographes ? Il vaut mieux lui demander sa signature maintenant, parce que ça m'étonnerait qu'il soit encore là très longtemps... La moitié des champions du Tournoi des Trois Sorciers sont morts pendant les épreuves... Combien de temps croyez-vous que Potter va tenir ? Je suis prêt à parier qu'il ne dépassera pas les dix premières minutes de la première tâche.
Crabbe et Goyle éclatèrent d'un rire servile, mais Drago dut s'arrêter là, car Hagrid venait de sortir de sa cabane par la porte de derrière, tenant dans ses bras une pile de boîtes qui oscillait dangereusement. Chacune d'elles abritait un très grand Scroutt à pétard. Sous le regard horrifié de ses élèves, Hagrid expliqua que les malheureuses créatures ne se dépensaient pas assez et que leur excès d'énergie inemployée les avait conduites à s'entre-tuer. La solution, c'était que chaque élève promène un Scroutt au bout d'une laisse pour lui faire faire un peu d'exercice. Cette proposition eut un effet immédiat : Drago cessa complètement de s'intéresser à Potter.
-Emmener promener une de ces choses ? lança-t-il d'un air dégoûté en regardant une des boîtes. Et où est-ce qu'on est censé attacher la laisse ? Autour du dard, du pétard ou de la ventouse ?
-Au milieu, répondit Hagrid qui fit une démonstration. Heu... vous feriez peut-être bien de mettre vos gants en peau de dragon, c'est plus sûr. Harry, viens m'aider à attacher celui-là... En s'éloignant, entrainé par son Scroutt à pétard en laisse, Drago vit le garde-chasse se diriger droit vers le binoclard, comprenant ainsi que l'intention réelle de Hagrid était de parler à Potter sans que les autres l'entendent. Entraîné contre son gré par l'affreuse créature à ventouse, Drago eut soudain une idée parfaitement diabolique, qu'il avait hâte de mettre au point aussitôt que possible.

 Après le déjeuner, lorsque Potter et Granger arrivèrent enfin aux cachots pour le cours de Rogue, les Serpentard étaient déjà là, chacun exhibant un gros badge sur sa robe de sorcier. Ils portaient tous le même message, en lettres rouges et lumineuses qui brillaient dans la pénombre du sous-sol :
Vive CEDRIC DIGGORY le VRAI champion de Poudlard !
-Ça te plaît, Potter ? lança Drago d'une voix sonore en le voyant approcher. Et ce n'est pas tout, regarde !
Il appuya sur son badge et le message qu'il portait s'effaça, remplacé par un autre qui scintillait en lettres vertes :
A BAS POTTER
Hurlant de rire, les Serpentard appuyèrent tous sur leurs badges jusqu'à ce que le slogan A BAS POTTER étincelle tout autour de Potter dont les joues prirent une teinte rouge inhabituelle. Drago était ravi de son plan, et d'avoir si vite trouvé le bon sortilège pour le mettre à exécution. En général, l'école suivait docilement les sagas Potter et toutes leurs péripéties loufoques comme si tout cela était parfaitement normal, mais pour une fois, d'autres que Drago s'offusquaient de voir Potter s'en tirer avec tout et n'importe quoi. Il comptait bien utiliser ce mécontentement public au désavantage du balafré autant que possible. Cette fois, le Gryffondor ne pourrait pas compter sur le soutien des autres maisons, car aux yeux des Poufsouffle, Potter avait volé la gloire de leur propre champion. Ce sentiment était exacerbé par le fait que les Poufsouffle s'étaient rarement couverts de gloire et que Cédric était l'un des rares qui leur eût apporté un certain prestige en battant un jour l'équipe de Gryffondor au Quidditch. Les Serdaigle se rangeraient sans doute à leur côté, et les Serpentard ne perdaient de toute façon jamais une occasion de se moquer de leur maison rivale.
-Oh, mais c'est très drôle, ça, dit Granger d'un ton sarcastique à Pansy Parkinson et ses amies de Serpentard qui riaient plus fort encore que les autres. Vraiment très spirituel.
Weasley était adossé au mur avec d'autres Gryffondor. Il ne riait pas mais ne faisait rien non plus pour défendre Potter. Il y avait de l'eau dans le gaz pour le vieux couple d'amis, et Drago savourait particulièrement cet état de fait.
-Tu en veux un, Granger ? demanda Drago en tendant un badge à Granger. J'en ai plein. Mais ne me touche pas la main, je viens de la laver et je ne voudrais pas me salir au contact d'une Sang de Bourbe.
Sans prévenir, Potter sortit d'un coup sa baguette magique, l'air absolument hors de lui. Les élèves qui l'entouraient reculèrent en désordre vers le fond du couloir.
-Harry ! s'écria Granger en essayant de le retenir.
-Vas-y, Potter, dit tranquillement Drago qui avait saisi sa propre baguette. Maugrey n'est pas là pour te protéger, cette fois-ci. Alors, fais-le si tu as quelque chose dans le ventre...
Pendant une fraction de seconde, ils se regardèrent dans les yeux, puis tous deux attaquèrent exactement au même instant.
-Furunculus ! s'exclama Potter.
-Dentesaugmento ! s'écria Drago.
Des traits de lumière jaillirent des deux baguettes, se heurtèrent en plein vol et ricochèrent en déviant de leur trajectoire. Celui lancé par Potter toucha Goyle au visage et celui de Drago atteignit Granger. Goyle poussa un hurlement en plaquant ses mains sur son nez qui se couvrait d'horribles furoncles. Granger se tenait la bouche en laissant échapper des gémissements terrifiés.
-Hermione ! Weasley s'était précipité à son secours. Il écarta la main qu'elle serrait sur sa bouche, révélant un spectacle hilarant. Les dents de Granger - d'une taille déjà supérieure à la moyenne - grandissaient à une vitesse alarmante. Elle ressemblait de plus en plus à un castor à mesure que ses incisives s'allongeaient vers son menton. Lorsqu'elle prit conscience de ce qui lui arrivait, elle poussa un cri de panique.
-Qu'est-ce que c'est que tout ce bruit ? dit alors une voix doucereuse et menaçante. Rogue venait d'arriver.
Les Serpentard se mirent à parler tous en même temps pour donner leur version de l'incident. Rogue pointa vers Drago un long doigt jaunâtre.
-Expliquez-moi, dit-il.
-Potter m'a attaqué, monsieur...
-Nous nous sommes attaqués en même temps ! s'écria le binoclard.
-Et il a atteint Goyle... Regardez...
Rogue examina Goyle dont le visage ressemblait aux illustrations d'un livre sur les champignons vénéneux.
-A l'infirmerie, Goyle, dit Rogue d'un ton très calme.
-Malefoy a frappé Hermione, dit Weasley. Regardez !
Il força Granger à montrer ses dents à Rogue - elle faisait de son mieux pour les cacher avec ses mains, mais sans grand succès, car elles atteignaient à présent le col de sa robe. Pansy Parkinson et les autres filles de Serpentard, secouées d'un fou rire silencieux, montraient Granger du doigt derrière le dos de Rogue.
-Je ne vois pas grande différence, dit Rogue en jetant un regard glacial à Mademoiselle Je Sais Tout.
Les larmes aux yeux, elle laissa échapper un gémissement puis tourna les talons et courut à toutes jambes dans le couloir, disparaissant au loin.
Ce fut sans doute une chance pour eux que Potter et Weasley se mettent à hurler en même temps à l'adresse de Rogue. Une chance que les parois de pierre du couloir répercutent leurs voix dans un vacarme si confus qu'il lui fut impossible de comprendre exactement de quoi ils le traitaient. Il en perçut cependant l'essentiel.
-Voyons, dit-il de sa voix la plus veloutée. Cinquante points de moins pour Gryffondor et une retenue pour Potter et Weasley. Et maintenant, rentrez en classe ou je vous donne une semaine entière de retenue. Drago passait vraiment une journée merveilleuse.
Une fois installé de l'autre côté de la salle, Drago tourna le dos à Rogue et appuya sur son badge avec un sourire narquois. Les mots A BAS POTTER brillèrent à nouveau.
-Les antidotes ! dit Rogue en regardant tout le monde de ses yeux noirs et froids, animés d'une lueur inquiétante. Vous devriez tous avoir établi vos recettes, à présent. Je veux que vous les prépariez avec le plus grand soin. Ensuite, nous choisirons quelqu'un pour en essayer une...
Le regard de Rogue croisa celui de Potter, et Drago put lire dans cet échange chargé de haine que c'était lui que Rogue allait empoisonner. Mais des coups frappés à la porte interrompirent le cours.
C'était Colin Crivey. Il se glissa dans la classe, en adressant un grand sourire à Potter, et s'avança vers le bureau de Rogue.
-Oui ? dit sèchement celui-ci.
-Monsieur, s'il vous plaît, je dois emmener Harry Potter en haut.
Rogue baissa les yeux vers Colin dont le sourire disparut aussitôt.
-Potter a un cours de potions à suivre, répliqua Rogue avec froideur. Il ira là-haut à la fin de la classe.
Le teint de Colin devint rosé vif.
-Monsieur... heu... c'est Mr Verpey qui veut le voir, dit-il, mal à l'aise. Tous les champions doivent y aller, je crois qu'ils veulent prendre des photos...
-Très bien, très bien, dit Rogue d'un ton sec. Potter, laissez vos affaires ici, je veux que vous reveniez tout à l'heure pour tester votre antidote.
-Heu... Monsieur, s'il vous plaît, il faut qu'il prenne ses affaires, couina Colin. Tous les champions...
-Très bien, coupa Rogue. Potter, prenez votre sac et disparaissez de ma vue ! Potter mit son sac sur son épaule, se leva et se dirigea vers la porte. Les Serpentard firent briller de toutes parts le slogan A BAS POTTER sur son passage. 

Les badges de Drago eurent leur petit succès, et celui-ci s'était bien assuré qu'ils ne puissent être détournés. En effet, si on essayait de les modifier avec d'autres sortilèges, ils se bloquaient pour de bon sur A BAS L'AFFREUX POTTER. Drago était plutôt fier de son invention. 

Je pense que ma force me vient de mes parents. Je sais qu'ils seraient très fiers de moi s'ils pouvaient me voir maintenant... Oui, parfois, la nuit, il m'arrive encore de pleurer en pensant à eux, je n'ai aucune honte à l'avouer... Je sais que je ne risque rien au cours de ce tournoi, car ils veillent sur moi...
Drago pleurait de rire en lisant l'article de Rita Skeeter à voix haute dans la salle commune des Serpentard. Elle avait également interviewé d'autres personnes pour les faire parler de Potter. Harry a enfin trouvé l'amour à Poudlard, écrivait-elle. Colin Crivey, un de ses très proches amis, nous a confié qu'on voit rarement Harry sans Hermione Granger, une jeune fille d'une beauté éblouissante, d'origine moldue, qui, tout comme Harry, est une des meilleures élèves de l'école.

A compter du moment où le journal avait paru, Potter avait dû subir sur son passage les commentaires narquois des autres élèves - et surtout des Serpentard, vivement encouragés par Drago.
-Tu veux un mouchoir, Potter, au cas où tu aurais une petite crise de larmes pendant le cours de métamorphose ? ricanait Nott.
-Depuis quand est-ce que tu es devenu un des meilleurs élèves de l'école, Potter ? A moins qu'il s'agisse d'une autre école que tu as fondée avec Londubat ? le narguait Pansy.
Potter semblait être à bout de nerfs, et Drago n'aurait pas pu s'en réjouir plus. Cependant il s'interrogeait sur l'absence de Weasley à ses côtés ces derniers temps. Le rouquin en avait-il finalement assez d'être constamment éclipsé par l'Elu ? Quoi qu'il en soit, et malgré le soutien de Granger, Potter était plus seul que jamais face aux railleries des Serpentard. Potter et lui faisaient de formidables ennemis, mais en un sens, Drago ne pouvait s'empêcher de penser que, pour une fois, la place de meilleur ami de Potter était libre... Cette idée lui revenait souvent en tête. Il se l'expliqua en se justifiant qu'il n'avait sans doute pas encore dépassé la jalousie que lui inspirait la forte amitié qui les liait tous les trois. Ils avaient beau en être à leur leur quatrième année à Poudlard, Drago n'avait toujours aucune relation amicale aussi solide dans son entourage. Or cela commençait à lui peser un peu, même s'il ne se l'admettait que rarement. Weasley délaissait le lien qu'il avait avec Potter sans même se rendre compte de la chance qu'il avait de posséder une amitié pareille dans sa vie. En y pensant objectivement et sans vantardise, Drago savait qu'il était un jeune sorcier particulièrement intelligent et brillant. Il était souvent curieux de savoir comment son intellect, ou même seulement son niveau de conversation, aurait pu se développer s'il avait au quotidien de meilleurs interlocuteurs que Crabbe et Goyle. Amer, Drago porta un regard désabusé sur son dortoir où le silence régnait, chacun étant plongé dans ses propres lectures ou occupations. Non décidément, son quotidien à Poudlard n'était pas le même que celui de Potter, même en dehors des aventures extraordinaires qui lui arrivaient constamment. Justement, la première tâche aurait lieu le lendemain, et Drago se consola en imaginant l'humiliation imminente du balafré devant, non pas une, mais trois écoles. Il s'endormit en visualisant Potter en pleine première épreuve du Tournoi qui, d'une manière ou d'une autre, se retrouvait à chaque fois en sous-vêtements sous les yeux de tous. Devant cette image, Drago dormait profondément avec un léger sourire sur ses lèvres.