Chapitre 4
Premier vol, et premier duel
Contrairement à ce qu'il avait pu affirmer à Potter chez Madame Guipure, Drago n'avait pas pu obtenir de son père un balai volant dès sa première année. Lucius refusait catégoriquement le moindre agissement allant à l'encontre du règlement de l'école. Il attendait de Drago de se faire remarquer parmi ses pairs, mais ne voulait absolument pas que celui-ci s'attire la moindre attention négative de la part du corps enseignant. -Tu suivras bien le règlement à la lettre, avait-il insisté auprès de Drago à plusieurs reprises. Drago n'avait de toute façon pas vraiment l'habitude de ne pas respecter les instructions qui lui étaient données, et prévoyait bien au contraire de se faire bien voir de tous, élèves et professeurs y compris. A la limite seuls les Gryffondor pourraient faire exception, puisqu'il n'avait aucun respect pour cette maison de têtes brûlées, dont les valeurs les poussaient à l'action avant la réflexion. Drago était donc arrivé au château sans balai magique tel que le règlement le stipulait. Cela ne l’empêchait pas de ressentir comme les autres une impatience grandissante à l'approche de leur premier cours en cette matière. Non pas qu'il ait besoin d'apprendre à voler, son père ayant déjà fait passer les meilleurs tuteurs au Manoir dès ses sept ans pour qu'il maîtrise les fondamentaux au plus tôt. Il adorait toutefois la sensation de liberté que lui procurait le vol en balai magique, et espérait avoir le niveau nécessaire pour intégrer l’équipe de Quidditch de sa maison à partir de sa deuxième année. Il savait déjà qu'il volait très bien, mais n'avait finalement eu que peu d'occasions de pratiquer. Dès que ses tuteurs avaient jugé que les bases étaient bien acquises, Narcissa s’était montrée extrêmement réticente à l’idée de laisser « prendre des risques » à son fils unique et si précieux. Il espérait donc qu'ici à Poudlard, les occasions de voler se multiplieraient maintenant qu'il avait échappé à la surveillance sévère de sa mère. Cependant, encore une fois, il ne sentait pas le besoin de partager avec ses camarades de classe son impatience à la perspective de s'envoler et la rareté de ses expériences en balai, préférant leur narrer haut et forts les péripéties qu'il s’était inventées pour se divertir lorsqu'il se sentait trop seul dans le calme et le silence du manoir familial. Du coup, Drago parlait beaucoup de balais volants. Il racontait sans cesse des histoires dont il était le héros et qui se terminaient invariablement par une poursuite haletante à l'issue de laquelle il échappait de justesse à un hélicoptère piloté par des Moldus. Ce matin même lors du petit déjeuner dans la Grande Salle, il finissait à peine l'un de ces récits, lorsque le hibou grand duc de sa famille atterrit sur son épaule. Il lui apportait sans cesse des colis de bonbons qu'il ouvrait avec une jubilation ostensible à la table des Serpentard. Bien qu'il fut en effet ravi de recevoir ces friandises, son cœur se serrait un peu devant l'absence de lettre dans chacun de ces paquets. Seul le premier de l'année en avait contenu une, très brève, où son père avait simplement écrit :
« Les Malefoy devraient être enviés de tous, ces colis réguliers aideront à s'en assurer,
Lucius Malefoy, Narcissa »
Sa mère elle n'avait en effet que signé la missive sans y inscrire un mot, mais Drago tirait un faible réconfort de n'y voir que son prénom, il avait d'une certaine façon trouvé cela plus personnel. Drago savait que ses parents l'aimaient, cependant il était constamment en quête de preuves de cet amour, redoutant que celui-ci soit plus destiné à l'idée qu'ils se faisaient d'un héritier qu'au petit garçon qu'il était. D'ailleurs, n'avoir ni frère ni sœur avait quelques peu conforté cette crainte, ses parents n'ayant plus eu d'autre progéniture dès l'apparition d'un héritier mâle. Leur principale préoccupation était donc seulement de faire perdurer ce nom auquel ils accordaient tant d'importance ?
Drago secoua la tête pour en chasser ses idées sombres et immédiatement le hibou grand duc s'envola. Reste ! se dit-il un instant, mais il savait qu'il entamait directement son périple pour retourner au Manoir. Ce hibou n'était qu'un outil qu'ils partageaient tous les trois, pas un animal de compagnie. Il aurait d'ailleurs bien aimé en posséder un à qui il aurait pu rendre visite à la volière, mais connaissant déjà l'avis de son père sur la question il n'avait même pas osé en demander un. Quelques jours plus tôt il avait vu Potter recevoir une missive d'une magnifique chouette aux plumes blanches comme la neige. Certes c'était la seule fois qu'il avait reçu du courrier depuis le début de l'année, mais il avait ensuite vu la chouette prendre la direction de la volière et en avait donc déduit qu'elle appartenait bien à Potter. Jaloux, il s'était consolé en se disant que même sans lettres ni nouvelles, il recevait régulièrement des paquets, alors que personne au dehors n'avait envie d'envoyer quoi que ce soit au célèbre Harry Potter. A force de penser au Gryffondor, il avait fini par le fixer à sa table, entouré de ses amis. Près de lui, Neville-le-joufflu venait lui aussi de recevoir un colis et tenait désormais dans ses mains une petite sphère reflétant la lumière. D'un signe de tête, Drago fit comprendre à Crabbe et Goyle qu'il était temps de passer faire un tour à la table de leur maison ennemie, histoire d'aller gâcher leur plaisir. Ils passèrent près de la table des Gryffondor et Drago prit le Rapeltout des mains de Neville. Potter et Weasley se levèrent d'un bond mais le professeur McGonagall accourut aussitôt. -Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle. -C'est Malefoy qui m'a pris mon Rapeltout, gémit Neville. Drago, tout en se disant que le joufflu se comportait vraiment comme un bébé, fit une grimace et laissa retomber la boule de verre sur la table. -C'était simplement pour jeter un coup d'œil, dit-il avant de s'éloigner en compagnie de Crabbe et de Goyle. Il venait cependant de se trouver une nouvelle distraction qu'il n'était pas prêt à laisser tomber.
A trois heures et quart, cet après-midi-là, les élèves de Serpentard sortirent dans le parc pour se rendre sur le lieu de leur première leçon de vol. Le ciel était clair et les vastes pelouses ondulaient sous une faible brise. Le terrain se trouvait du côté opposé à la Forêt interdite dont on voyait les arbres se balancer au loin. Une vingtaine de balais étaient soigneusement alignés sur le sol, et ils patientèrent encore un quart d'heure pour voir arriver les Gryffondor, puis Madame Bibine, le professeur de vol. Elle avait des cheveux courts et gris et des yeux jaunes comme ceux d'un faucon. -Alors, qu'est-ce que vous attendez ? aboya-t-elle. Mettez-vous chacun devant un balai. Allez, dépêchez-vous ! Les balais paraissait miteux aux yeux de Drago. Avec une appréhension bien dissimulée, il se dit qu'il pourrait toujours invoquer ce prétexte pour se justifier si jamais ses performances laissaient à désirer. -Tendez la main droite au-dessus du balai, ordonna Madame Bibine, et dites : « Debout ! » -Debout ! crièrent les élèves à l'unisson. Le balai de Potter lui sauta aussitôt dans la main, mais ce fut un des rares à le faire. Celui de Drago lui parvint à sa deuxième tentative mais de nombreux balais étaient encore au sol. De n'avoir pas réussi du premier coup comme le stupide-élévé-Moldu-Potter agaçait déjà Drago. Madame Bibine leur montra ensuite comment enfourcher le manche sans glisser. Elle passa devant chacun pour corriger la position et dit à Drago qu'il tenait très mal son balai. La moquerie qu'il vit passer dans l'échange de regard Potter-Weasley poussa son énervement à son comble. Drago grinça des dents et serra si fort le manche de son balais que ses jointures blanchirent. -Et maintenant, dit le professeur, à mon coup de sifflet, vous donnez un coup de pied par terre pour vous lancer. Frappez fort. Vous tiendrez vos balais bien droits, vous vous élèverez d'un ou deux mètres et vous reviendrez immédiatement au sol en vous penchant légèrement en avant. Attention au coup de sifflet. Trois, deux... Mais sans prévenir, Neville se lança avant que Madame Bibine ait eu le temps de porter le sifflet à ses lèvres. -Redescends, mon garçon ! Ordonna-t-elle, alors qu'il s'élevait dans les airs comme un bouchon de champagne. Il monta jusqu'à six mètres et il eut un haut-le-corps, glissa du balai et... BAM ! Il y eut un bruit sourd, puis un horrible craquement et Neville se retrouva face contre terre, le nez dans le gazon. Ah, voilà donc la fameuse bravoure des Gryffondor, se dit Drago, ravi de voir que les agissements des têtes brûlées avaient tout de même des conséquences. Et ce gros lard les avait bien cherchées en ne respectant les instructions de l'enseignante. Madame Bibine était penchée sur Neville, le teint aussi pâle que lui. -Poignet cassé, murmura-t-elle. Allez, viens mon garçon, lève-toi, ce n'est pas grave. Elle se tourna alors vers les autres élèves. -Personne ne bouge pendant que j'emmène ce garçon à l'infirmerie, dit-elle. Et vous laissez les balais par terre, sinon, je vous garantis que vous ne resterez pas longtemps à Poudlard. Neville, le visage ruisselant de larmes, la main crispée sur son poignet, clopina à côté de Madame Bibine qui le tenait par l'épaule. Dès qu'ils se furent suffisamment éloignés, Drago éclata de rire. -Vous avez vu sa tête, à ce mollasson ? s'exclama-t-il. Les Serpentard éclatèrent de rire à leur tour. Bingo, il avait touché juste. -Tais-toi, Malefoy, lança sèchement une fille de Gryffondor. Pour qui elle se prenait celle-là ? Heureusement, Pansy en fidèle toutou, bondissait déjà à sa défense. -Tu prends la défense de Londubat, Parvati ? s'exclama-t-elle. Je ne savais pas que tu aimais les gros pleurnichards. Plutôt bien envoyé, se dit Drago. Crabbe et Goyle ne lui seraient pas d'une grande utilité lors de joutes verbales, il fut alors bien content de s'être trouvé une nouvelle alliée en Pansy. Du coin de l'oeil, il aperçut un reflet lumineux dans l'herbe. -Regardez ! s'écria-t-il. Il se précipita soudain à l'endroit où Londubat était tombé et ramassa la sphère en verre dans l'herbe. -C'est ce truc idiot que sa grand-mère lui a envoyé, dit-il en montrant le Rapeltout qui étincelait dans sa main. -Donne-moi ça, Malefoy, lança Potter d'une voix très calme. Tout le monde cessa de parler pour regarder la suite des événements. Drago eut un sourire mauvais. Il était ravi de la tournure que prenait son nouveau jeu, surtout que Potter faisait un adversaire bien plus intéressant que Londubat. -Je vais le laisser quelque part pour que ce pauvre Neville puisse le retrouver. Au sommet d'un arbre, par exemple. -Donne ça ! s'écria Potter. Mais Drago avait déjà enfourché son balai et décolla aussitôt. Il avait eu beau raconter des histoires inventées de toute pièce, mais il n'avait pas menti en disant qu'il savait voler. -Si tu y tiens tellement, viens le chercher, Potter, cria-t-il en volant autour de la cime d'un chêne. Il le vit empoigner son balai. -Non ! cria Granger. Madame Bibine nous a dit de ne pas bouger. Tu vas nous attirer des ennuis. Mais heureusement, Potter ne fit pas attention à elle. Il enfourcha le balai, donna un grand coup de pied par terre et s'éleva à toute vitesse. En arrivant à sa hauteur, Potter prit alors un virage serré pour faire face à Drago qui était stupéfait. Comment avait-il appris à voler avec tant d'aisance s'il avait grandit chez les Moldus ? Drago avait eu les meilleurs professeurs mais doutait fortement d'avoir l'air aussi naturellement à l'aise que lui dans les airs… -Donne-moi ça, s'écria Potter, ou je te fais tomber de ton balai ! -Vraiment ? répliqua Drago qui essayait de garder son air méprisant même s'il se sentait plutôt inquiet. Potter se pencha en avant et son balai fonça sur Drago comme un javelot. Drago parvint de justesse à l'éviter mais Potter prit un virage en épingle à cheveux et fondit à nouveau sur son adversaire. En bas, des élèves applaudirent,mais heureusement seulement parmi les Gryffondor, Drago n'aurait pas aimé être ainsi humilié par des élèves de sa propre maison. -Alors, Malefoy ! Crabbe et Goyle ne sont plus là pour te sauver la mise ? lança Potter alors que Drago se disait justement la même chose, pestant intérieurement contre leur inutilité. Il fallait mettre fin à cette situation avant qu'il ne se ridiculise. -Attrape, si tu en es capable, cria-t-il. Et il lança la boule de verre le plus haut possible, puis se dirigea à toute vitesse vers le sol pour atterrir et se mettre hors de portée de Potter. Comme dans un film au ralenti, il vit Potter se pencher en avant, abaisser le manche à balai et poursuivre la boule en fonçant vers le sol, fendant l'air à une vitesse vertigineuse. Soudain, Potter tendit la main et réussit à attraper la boule à une cinquantaine de centimètres du sol, juste à temps pour pouvoir redresser le manche de son balai et atterrir en douceur sur la pelouse, en tenant le Rapeltout au creux de son poing.Drago n'eut pas le temps de méditer sur l'action incroyable dont il venait d'être témoin, qu'un cri retentit. -HARRY POTTER ! Le professeur McGonagall courait vers eux. Potter se releva, les jambes tremblantes.Drago était bien content d'avoir atterrit quelques instants avant lui, la directrice des Gryffondor ne l'avait donc pas vu dans les airs. -Jamais depuis que je suis à Poudlard... Elle était dans un tel état de choc qu'elle n'arrivait presque plus à parler, et ses lunettes lançaient des éclairs furieux. -Comment avez-vous pu oser... ? Vous auriez pu vous rompre le cou... -Ce n'est pas sa faute, professeur, intervint Weasley, c'est Malefoy qui... -Taisez-vous, Weasley. Venez avec moi, Potter. Crabbe et Goyle arboraient un air triomphant en le regardant partir sur les talons du professeur McGonagall.Drago les imita au mieux qu'il pu, tout en se disant que lui aussi n'était pas passé loin de s'attirer des ennuis en ne respectant pas la consigne de Madame Bibine. Il était bien trop tôt dans l'année pour déjà désobéir aux instructions de son père au sujet du respect du règlement à la lettre.
Toute l'après-midi, des rumeurs circulaient sur la possible expulsion de Potter dès la première semaine de cours. Bien entendu, Drago était à l'origine de ces ragots et les alimentait énergiquement. Au dîner, il fut pourtant étonné de l'apercevoir à la table rouge et or. Il attendait que les jumeaux Weasley, à qui Potter faisait la conversation, s'en aillent pour aller lui parler,accompagné de Crabbe et Goyle. -Alors, c'est ton dernier repas, Potter ? Quand est-ce que tu retournes chez les Moldus ? -Tu faisais moins le fier quand tu n'avais pas tes petits copains avec toi, répliqua Potter avec froideur. Drago se dit que le qualificatif de « petit » ne convenait guère à Crabbe et à Goyle. Ses gros bras avaient cette fois compris qu'ils se faisaient insulter, mais les professeurs étaient nombreux autour de la Grande Table et ni l'un ni l'autre ne put faire grand-chose à part froncer les sourcils. -Je te prends quand tu veux, dit Drago, vexé. Cette nuit si ça te convient. Duel de sorciers. Baguettes magiques uniquement, pas de contact physique. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu ne sais pas ce que c'est qu'un duel de sorciers ? Drago n'avait jamais participé à un duel de sorcier mais avait suffisamment lu sur le sujet pour en maîtriser les fondamentaux. -Bien sûr que si, intervint Weasley. Et je veux bien être son second. Et toi, qui tu prends comme second ? Drago se tourna vers Crabbe et Goyle et les évalua du regard. -Crabbe, dit-il. A minuit, d'accord ? On se retrouve dans la salle des trophées, elle n'est jamais fermée. En s'éloignant, Drago vit Potter et Weasley se tourner l'un vers l'autre. -Alors on va se battre Drago ? demanda Crabbe de sa voix lente. -Bien sûr que non, lui répondit Drago. Tu sais dans quel genre d'ennuis on se mettrait en sortant de nos dortoirs la nuit ?! J'ai une meilleure idée... Drago avait un sourire cruel sur le visage en se dirigeant vers le bureau d'Argus Rusard. L'épisode en balai n'avait peut-être pas suffit à faire exclure Potter, mais être pris sur le fait hors des dortoirs la nuit devrait y parvenir.
Le lendemain, Drago n'en crut pas ses yeux lorsqu'il vit que Potter et Weasley étaient toujours à Poudlard, l'air fatigué, mais la mine joyeuse. |