Chapitre 43

Destination, Détermination, Décision

La perspective d'un Noël au Manoir n'avait plus rien de réjouissante, et disposer de Poudlard sans que les autres élèves ne puissent le perturber enchantait presque Drago. Seul le fait de ne toujours pas avoir revu son père depuis Noël dernier aurait pu le conduire à rentrer pour les vacances, mais Lucius était toujours à Azkaban et, pour le bien-être de sa mission, il valait mieux que Drago reste sur place. Il l'expliqua de manière dissimulée dans une lettre à sa mère, afin de ne pas donner au Seigneur des Ténèbres l'impression que Drago cherchait à l'éviter. Bien que ce soit également un peu le cas... Drago passa donc ses vacances de Noël entre la bibliothèque et la Salle sur Demande, mais il n'avait toujours pas obtenu de résultats concluants. Parfois, lorsqu'il se sentait submergé par le désespoir, il s'isolait dans les toilettes de filles du deuxième étage car il ne risquait pas d'y être surpris : elles étaient considérées comme inutilisables puisqu'elles étaient hantées. Il eut en effet parfois l'impression d'être observé lorsqu'il s'y trouvait, et il entendait parfois des gémissements dans l'une des cabines. Le soir de Noël, Drago prétexta être malade pour éviter le dîner dans la Grande Salle. Il voulait le moins possible se trouver en présence du directeur. Madame Rosmerta l'avait prévenu d'une commande qu'elle avait reçu de Slughorn pour Dumbledore, et comme les envois du Trois Balais au château étaient moins surveillés, Drago lui avait indiqué comment préparer le poison adéquat qu'elle devrait ajouter aux bouteilles d'hydromel que le professeur des potions souhaitait offrir à Dumbledore à Noël. Drago doutait de l'efficacité de ce nouveau stratagème, mais il ne pouvait plus se permettre de ne rien tenter d'autre en attendant que l'armoire fonctionne à nouveau. Cependant, dans le cas où le poison fonctionnerait, Drago n'avait pas particulièrement envie d'assister à ses effets, et préféra donc éviter la Grande Salle au cas où Slughorn ferait usage son cadeau lors du dîner. Mais dans les jours qui suivirent il fut clair que cette technique non plus n'avait pas porté ses fruit. Dumbledore avait peut-être reçu son cadeau sans y toucher pour l'instant, mais Drago supposait également qu'il n'était pas au dessus du gourmand professeur de potions de finalement garder un tel produit de qualité pour lui.

Les deux semaines de vacances passèrent à une vitesse phénoménale, et le nouveau trimestre commença avec une surprise pour les sixième année : un grand écriteau avait été placardé sur le tableau d'affichage de la salle commune.

LEÇONS DE TRANSPLANAGE
Si vous avez dix-sept ans ou si vous devez les avoir avant le 31 août prochain, vous pourrez suivre un stage de douze semaines consacré à des leçons de transplanage sous la direction d'un moniteur de transplanage du ministère de la Magie.
Si vous êtes intéressé(e), veuillez inscrire votre nom ci-dessous.
Coût : 12 Gallions.

Drago n'avait pas vraiment le temps pour cela, mais jugea que son absence à ces cours serait trop remarquée et choisit donc de s'y inscrire tout de même. Après tout, les leçons devaient débuter en février, peut-être aurait-il réussi à réparer l'Armoire à Disparaître d'ici là ? Récemment, il avait eu l'impression de faire quelques progrès : lorsqu'il prêtait une oreille attentive, il entendait des bribes de conversations sortir de l'armoire, et il avait bel et bien l'impression qu'il s'agissait de la voix mielleuse de Barjow. Mais c'était loin d'être assez, et un courrier empressée de sa mère qui lui demandait des nouvelles de ses projets eut tôt fait de le plonger dans une profonde crise d'angoisse. Le sous-entendu de cette lettre, pourtant habilement déguisé, était très clair : la punition du Seigneur des Ténèbres pour un tel échec était la mort. Drago sentit dans les quelques mots de Narcissa l'effroi d'une mère désemparée mais consciente qu'elle ne pouvait rien de plus pour son fils. Cette fois encore, il se réfugia aux toilettes du deuxième étage, laissant les larmes couler sur ses joues pâles et glacées. Le fantôme qui hantait les lieux, Mimi Geignarde, parut affectée par cette preuve de vulnérabilité et sortit de sa cabine pour la première fois, lui murmurant quelques paroles de réconfort, bien qu'il refusa catégoriquement de répondre à ses questions sur les raisons de sa tristesse. Après cela, il la voyait régulièrement, et même s'il ne se confiait pas à Mimi, sa présence le faisait se sentir un tout petit peu moins seul. 

Lorsque février arriva, les rumeurs de l'empoisonnement de Weasley dans le bureau du professeur de potions confirmèrent à Drago l'échec de son plan. Il avait surestimé la générosité de Slughorn et cela faisait une autre de ses tentatives qui terminait en défaite. De plus, Weasley s'en était sorti, donc il n'avait même pas le bénéfice imprévu d'avoir fait disparaître un traître à son sang. La météo reflétait bien la mauvaise humeur de Drago. La neige avait fondu autour de l'école, laissant place à une humidité morne et glaciale. Des nuages bas d'un gris violacé s'étendaient au-dessus du château et une pluie froide, ininterrompue, rendait les pelouses boueuses et glissantes. Le résultat fut que la leçon de transplanage des sixième année, prévue le samedi matin pour ne pas perturber les horaires de cours, n'eut pas lieu dans le parc mais dans la Grande Salle. La pluie fouettait les hautes fenêtres et le plafond enchanté tournoyait en volutes sombres au-dessus d'eux tandis qu'ils se rassemblaient devant les professeurs McGonagall, Rogue, Flitwick et Chourave - les directeurs des quatre maisons - accompagnés d'un petit sorcier qui devait être le moniteur de transplanage du ministère. Il était étrangement incolore, avec des cils transparents, des cheveux fins et un air immatériel, comme s'il aurait suffi d'une simple rafale de vent pour l'emporter. Drago se demanda si ses constantes disparitions et réapparitions n'avaient pas d'une certaine manière diminué sa substance ou s'il avait toujours eu cette frêle charpente, idéale pour quelqu'un qui souhaite se volatiliser.
-Bonjour, dit le sorcier du ministère lorsque tous les élèves furent arrivés et que les directeurs de maison les eurent incités au silence. Je m'appelle Wilkie Tycross et je suis envoyé par le ministère pour être votre moniteur de transplanage au cours des douze semaines qui viennent. J'espère pendant cette période vous préparer à passer votre permis de transplanage.
-Malefoy, taisez-vous et écoutez ! aboya soudain le professeur McGonagall.
Tout le monde se retourna vers Drago dont le visage avait pris une teinte rose vif. L'air furieux, il s'écarta de Crabbe avec lequel il venait de se disputer à voix basse. Celui-ci refusait d'assurer son tour de garde devant la Salle sur Demande après le cours de transplanage. Crabbe avait un peu changé d'attitude à l'égard de Drago depuis son retour des vacances, et ce dernier se demandait si son père, étant également un Mangemort, avait pu lui dire quoi que ce soit qui affectait sa crédibilité. Ou peut-être que Crabbe supportait juste mal qu'il ne lui donne pas d'explications sur ses agissements dans la Salle. Goyle, lui, acceptait plus facilement les demandes de Drago. Pas plus tard que la semaine dernière, alors qu'il faisait le guet au septième étage, camouflé sous l'apparence d'une toute petite fille de première année, il avait été terrifié en voyant approcher Potter, Weasley et Granger, avant de se souvenir qu'ils ne pouvaient pas le reconnaître. Il avait laissé tomber la lourde balance de cuivre qu'il tenait à la main car c'était le signal convenu avec Drago pour lui signaler la présence d'intrus dans le couloir. Plus tard, il avait raconté à Drago que Granger lui avait même réparé sa balance, ce qui n'était pas plus mal car Goyle avait encore du mal avec le sortilège « Reparo ».
Dans la Grande Salle, Rogue parut agacé par la réprimande de McGonagall à un élève de sa maison, mais Tycross poursuivit comme s'il n'y avait eu aucune interruption :
-Nombre d'entre vous pourront alors se présenter à l'examen. Comme vous le savez sans doute, il est généralement impossible de transplaner dans l'enceinte de Poudlard. Le directeur a toutefois suspendu cet enchantement pour une durée d'une heure et uniquement entre les murs de la Grande Salle afin de vous permettre de vous entraîner. Je dois insister sur le fait que vous ne pourrez pas transplaner au-delà de cette salle et qu'il serait très imprudent d'essayer. Drago sentit l'espoir qu'il avait ressenti pendant quelques secondes retomber : cela ne serait donc pas un moyen de faire pénétrer des Mangemorts dans l'enceinte de l'établissement.
-A présent je voudrais que vous vous placiez à une distance suffisante les uns des autres pour garder devant vous un espace libre d'un mètre cinquante.
Il y eut une grande agitation, des bruits de pas précipités, des bousculades, tandis que les élèves se séparaient, se heurtaient, se lançaient des ordres pour écarter les autres de leur chemin. Les directeurs des maisons passaient parmi eux, les aidaient à se placer et mettaient fin aux disputes. Drago profitait justement du remue-ménage pour continuer à argumenter avec Crabbe. Celui-ci, la mine rebelle, se tenait à un mètre cinquante de lui.
-Je ne sais pas combien de temps ça va encore prendre, d'accord ? C'est plus long que je ne le pensais.
Crabbe ouvrit la bouche mais Drago devina ce qu'il s'apprêtait à dire.
-Ecoute, Crabbe, ce que je prépare ne te regarde pas, Goyle et toi, vous devez simplement obéir et faire le guet !
-Moi, quand je demande à mes amis de faire le guet, je leur explique pourquoi, dit la voix de Potter, qui avait surgit de nulle part derrière Drago. Sa soudaine proximité perturba Drago qui pivota sur ses talons, la main sur sa baguette magique, mais à ce moment précis les quatre directeurs de maison s'écrièrent : « Taisez-vous » et le silence retomba. Drago se retourna lentement de l'autre côté.
-Merci, dit Tycross. Bien... Maintenant...
Il agita sa baguette. Des cerceaux à l'ancienne mode apparurent aussitôt sur le sol, devant chaque élève.
-La chose importante dont il faut se souvenir pour trans-planer se résume à trois D ! expliqua Tycross. Destination, Détermination, Décision ! Première étape : fixez résolument votre esprit sur la destination souhaitée. Dans le cas présent, l'intérieur de votre cerceau. Veuillez dès maintenant vous concentrer sur cet objectif.
Drago observa le cercle poussiéreux délimité par son propre cerceau et s'efforça de ne penser à rien d'autre. Ce qui se révéla impossible car il n'avait pas vraiment eu l'esprit tranquille depuis quelques mois, et il trouvait cela encore plus difficile de se concentrer avec Potter aussi proche de lui. Cela faisait un moment qu'il ne s'était pas trouvé à un mètre cinquante seulement du binoclard.
-Deuxième étape, poursuivit Tycross, concentrez votre détermination sur l'espace à occuper ! Que votre désir d'y pénétrer se répande dans chaque atome de votre corps !
Drago jeta subrepticement un regard autour de lui. Un peu plus loin sur sa gauche, Macmillan fixait son cerceau avec une telle intensité que son visage était devenu tout rouge. On aurait dit qu'il s'apprêtait à pondre un œuf de la taille d'un Souafle. Il vit que Potter l'avait également remarqué et se mordait la lèvre pour ne pas éclater de rire. Drago sentit comme une sorte de bouffée de chaleur. L'hilarité qu'il avait ressentit en voyant le Poufsouffle se mélangeait avec le saut périlleux qui avait eu lieu dans sa poitrine devant cette lèvre mordue, et il contempla son cerceau pour essayer de se concentrer à nouveau.
-Troisième étape, reprit Tycross, et seulement quand je vous en donnerai le signal... Tournez sur place en essayant de trouver votre chemin dans le néant et en accomplissant votre mouvement avec décision ! A mon commandement, attention... un... deux...
Drago essayait de focaliser ses pensées sur le cerceau. Il avait déjà oublié à quoi correspondaient les trois D.
-...TROIS!
Potter pivota sur place, perdit l'équilibre et faillit tomber. Il n'était pas le seul. Dans toute la salle, on voyait soudain les gens tituber sur place. Neville était étendu sur le dos. Macmillan avait sauté dans son cerceau en exécutant une sorte de pirouette et parut momentanément fou de joie jusqu'à ce qu'il voie Dean Thomas le regarder en hurlant de rire. Drago n'avait pas vraiment essayé, ne tenant pas à se ridiculiser devant tout le monde. Après tout, il lui suffisait de trouver un bon ouvrage sur le sujet et il l'apprendrait de son côté, comme il le faisait pour tout. De toute façon, il n'aurait dix-sept ans qu'en Juin et ne passerait donc pas son permis dans l'immédiat.
-Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave, dit sèchement Tycross qui ne semblait pas s'attendre à mieux. Remettez vos cerceaux en place, s'il vous plaît, et reprenez votre position de départ...
La deuxième tentative ne fut pas plus heureuse que la première. La troisième se révéla aussi lamentable. Ce fut seulement à la quatrième qu'il se passa enfin quelque chose. Il y eut un horrible cri de douleur et tout le monde se retourna, terrifié, pour voir Susan Bones, de Poufsouffle, vaciller au milieu de son cerceau, sa jambe gauche restée à un mètre cinquante derrière elle, à l'endroit d'où elle était partie. Les directeurs de maison se précipitèrent. Il y eut un grand bang et un panache de fumée violette. Lorsque la fumée se dissipa, Susan avait retrouvé sa jambe mais elle sanglotait, l'air horrifié.
-Le désartibulement, ou séparation de certaines parties du corps, se produit quand l'esprit n'est pas suffisamment déterminé, expliqua Wilkie Tycross d'un ton calme. Vous devez vous concentrer continuellement sur votre destination et vous mettre en mouvement sans hâte mais avec décision... Comme ceci.
Tycross fit un pas en avant, tourna sur lui-même avec grâce, les bras tendus, et disparut dans le tournoiement de sa robe, réapparaissant au fond de la salle.
-Souvenez-vous des trois D, dit-il, et essayez à nouveau... Un... Deux... Trois...
Mais une heure plus tard, le désartibulement de Susan restait le seul événement notable qui se soit produit au cours de la séance. Tycross ne paraissait pas découragé pour autant. Attachant sa cape autour de son cou, il dit simplement :
-Au revoir, tout le monde, à samedi prochain, et n'oubliez pas : Destination, Détermination, Décision. Il donna alors un coup de baguette qui fit disparaître les cerceaux et sortit de la salle en compagnie du professeur McGonagall.
Drago savait qu'il ne se présenterait plus aux cours suivants. Il avait d'ailleurs déjà l'impression d'avoir déjà suffisamment perdu son temps, et aurait bien aimé se rendre illico dans la Salle sur Demande, mais la présence de Pansy, Zabini et Nott signifiait que sa soudaine disparition occasionnerait des questions qu'il préférait éviter. Il retourna donc avec eux, ainsi que Crabbe et Goyle, dans la salle commune des Serpentard et attendit que tout le monde aille se coucher pour se rendre auprès de l'armoire. Ce ne serait qu'une nuit sans sommeil de plus pour lui.

 Drago habitait désormais presque dans la Salle sur Demande. S'il n'était pas en cours, il y était forcément. Même si jusque là Crabbe, Goyle et lui avaient habituellement été inséparables, ils allaient désormais chacun de leur côté, ne se retrouvant que quand Drago avait besoin de guetteurs. Un autre jour de match de Quidditch, Drago avait à nouveau fait en sorte d'être remplacé par Harper pour profiter de la tranquillité du château car il voulait tester quelque chose. Il s'était procuré de la poudre d'Obscurité Instantanée du Pérou et voulait vérifier si sa Main de Gloire permettait effectivement de voir au travers. En effet, s'il faisait entrer les Mangemorts dans le château, il faudrait que ceux-ci puissent passer inaperçus le plus longtemps possible, ce qui l'avait donc conduit à élaborer cette stratégie. Cependant, il ne voulait rien laisser au hasard, et devait donc tester l'efficacité réelle de la Main de Gloire. Pour cela, il lui fallait Crabbe et Goyle, autant comme guetteurs que comme témoins. Mais ni l'un ni l'autre n'était très réjoui à l'idée de manquer le match de Quidditch pour se transformer en fille et attendre dans un couloir. Ainsi, quand Drago croisa Potter dans sa robe rouge qui se dirigeait vers le stade, ses acolytes « féminines » avaient l'air boudeuses et de mauvaise humeur. Lorsqu'il vit le balafré, Drago s'arrêta net, puis il eut un petit rire dénué d'humour et poursuivit son chemin.
-Où tu vas ? demanda Potter d'un ton impérieux.
-Ben voyons, je vais sûrement te le dire, puisque ça te regarde, Potter, répliqua Drago d'un ton narquois. Tu ferais mieux de te dépêcher, ils attendent tous le capitaine Elu - Celui-Qui-A-Marqué - ou je ne sais pas comment on t'appelle ces temps-ci.
Goyle laissa échapper un gloussement de rire involontaire et rougit sous le regard de Potter. Il avait sans doute l'habitude que ses ricanements sonnent plus virils, se dit Drago, comprenant que son acolyte soit dérouté par sa nouvelle voix fluette. Il passa devant Potter, suivi des deux Serpentard qui trottinaient derrière, puis ils tournèrent le coin et sortirent du champ de vision du Survivant. Toujours à fouiner celui-là, ne pouvait-il pas juste aller profiter du fait qu'il pouvait encore jouer au Quidditch, lui ?! Peu de temps après cette rencontre, Drago avait parfois l'impression d'être suivi, ou observé. Un soir, il eut même l'impression que deux paires de petits yeux globuleux le fixaient au fond d'un couloir. Il cligna des yeux mais ne vit rien, la fatigue devait lui jouer des tours...