Chapitre 18

Malchance constante

La prochaine sortie à Pré-au-lard eut lieu sur une belle journée ensoleillée qui ne donnait vraiment pas envie de rester enfermé. Drago montait la côte qui menait à la Cabane hurlante, la maison la plus hantée de toute la Grande-Bretagne, Crabbe et Goyle sur ses talons. La Cabane dominait le village, un peu à l'écart, et même en plein jour, elle n'était pas très rassurante, avec ses fenêtres obstruées par des planches et son sinistre jardin envahi d'herbes sauvages.
-Je devrais très vite recevoir un hibou de mon père, disait Drago d'un air entendu. Il est allé à l'audience pour parler de ma blessure au bras... et témoigner que je n'ai pas pu m'en servir pendant trois mois...
Crabbe et Goyle ricanèrent.
-J'aimerais bien être là pour entendre ce crétin barbu essayer de se défendre... Vous pouvez être sûrs que cet hippogriffe n'en a plus pour longtemps...
En arrivant sur place, Drago fut surpris d'y trouver Weasley, qui contemplait seul la baraque délabrée. Bien que Granger semblait passer moins de temps avec ses deux acolytes masculins en ce moment, il était pourtant rare de voir le rouquin sans la compagnie de son binoclard préféré. Un sourire malveillant se dessina sur le visage pâle de Drago.
-Qu'est-ce que tu fais là, Weasley ?
Drago regarda la cabane en ruine.
-J'imagine que tu serais ravi d'habiter là-dedans ? Au moins, tu aurais une chambre à toi. J'ai entendu dire que ta famille dormait dans une seule pièce... C'est vrai ?
Pour l'instant Weasley ne mordait pas à l'hameçon et n'eut pas la réaction emportée que Drago espérait. Il continua alors, le poussant un peu plus loin :
-On parlait justement de ton ami Hagrid, on essayait d'imaginer ce qu'il est en train de raconter à la Commission d'Examen des Créatures dangereuses. Tu crois qu'il va pleurer quand ils couperont la tête de son hippo...
SPLATCH !
De la boue s'écrasa sur la tête de Drago, ses cheveux blonds dégoulinaient de gadoue.
-Qu'est-ce que...
Weasley riait tellement qu'il se tenait à la clôture pour ne pas tomber. Drago, Crabbe et Goyle firent volte-face en regardant autour d'eux d'un air ahuri. Drago essaya de s'essuyer les cheveux, mais il ne parvint qu'à étaler davantage la boue sur le sommet de son crâne.
-Qu'est-ce que c'était ? Qui a fait ça ?
-Beaucoup de fantômes dans le coin, n'est-ce pas ? dit Weasley comme s'il parlait de la météo.
Crabbe et Goyle ne semblaient pas très rassurés. Leur tour de biceps ne leur était d'aucun secours contre des fantômes. Drago, lui, lançait des regards fébriles autour de lui, sans voir personne.
SPLAAOOOOSHHHH !
Cette fois, Crabbe et Goyle reçurent également leur part d'une boue verdâtre, particulièrement malodorante. Goyle sautilla frénétiquement sur place en essuyant ses petits yeux vitreux aveuglés par la boue.
-Ça venait de là-bas ! dit Drago qui s'essuyait le visage en fixant un point d'où il avait cru voir arriver la boue.
Crabbe s'avança d'un pas malhabile, ses longs bras tendus devant lui comme un zombie, mais fut soudain frappé dans le dos par un bâton. Il se retourna en sautant en l'air, scrutant les environs pour essayer de découvrir le coupable. Comme Weasley était la seule personne présente, Crabbe se dirigea vers lui, mais trébucha dans le vide, s'écrasant vers le sol. Soudain, la tête de Potter apparut de nulle part, flottant comme par magie, sans sembler pour le moindre rattachée à un corps. Pendant une fraction de seconde, Drago la contempla avec des yeux ronds.
-AAAARGHR ! hurla-t-il en montrant du doigt la tête de Potter.
Puis il fit volte-face et dévala la colline à toutes jambes, Crabbe et Goyle sur ses talons.
Alors qu'ils courraient tous trois vers le château, Drago retrouvait progressivement son calme et ralentit un peu le pas. De toute évidence, contrairement à ce qu'il avait pu croire dans la confusion générale, surpris par la tête de Potter désolidarisée de son corps, tout ceci n'était pas le résultat d'une activité de « fantômes ». Si Weasley était ici, et que la tête de Potter était là également, le reste de sa personne devait également s'y trouver, bien qu'apparemment il avait trouvé un moyen de devenir invisible. Or Potter n'avait pas le droit d'être à Pré-au-lard, d'ailleurs aucun morceau du binoclard n'avait reçu l'autorisation de quitter le château. Un sourire mauvais sur le visage, Drago se remit à courir, suivi de près par ses gros bras, totalement chamboulés par les incompréhensibles péripéties qui venaient d'avoir lieu. Drago avait en ce moment le potentiel d'attirer de gros ennuis à Potter, pour peu qu'il arrive à trouver Rogue aussi vite que possible. Une fois qu'il eut informé Rogue de ce qu'il avait vu, ce dernier se précipita en effet à la recherche de Potter, sa longue robe noire virevoltant autour de lui. Drago n'était visiblement pas le seul à se réjouir autant à la perspective que Potter puisse enfin avoir des ennuis pour son irrespect constant du règlement.
Néanmoins, le soir même, Drago constata avec une vive déception que Potter était toujours là, et n'avait pas l'air outre mesure contrarié de sa discussion avec le Maître des Potions. Drago était peut-être arrivé trop tard au château... Mais c'était peut-être aussi juste une nouvelle démonstration de l'incroyable capacité de Potter à se sortir de n'importe quelle situation.

 Un matin, Drago reçut une lettre de son père, lui racontant que son discours devant la Commission s'était extrêmement bien passé et que c'était très bien parti pour que celle-ci lui obéisse au doigt et à l'oeil. Apparemment, il avait demandé l'exécution de l'hippogriffe. Drago avait vite tourné cette nouvelle en dérision, préférant en faire un sujet de plaisanterie que de se rappeler du regard profond de l'animal, dont le souvenir le mettait mal à l'aise. Il se dirigeait vers la porte du château, accompagné de Crabbe et Goyle quand ils tombèrent sur Potter et sa bande, terminant apparemment une conversation avec le garde-chasse.
Hagrid quittait les trois Gryffondor en se hâtant de regagner sa cabane, le visage enfoui dans son mouchoir.
-Regardez-le pleurnicher ! Jamais vu un type aussi lamentable, dit Drago. Et il est censé être professeur dans cette école ?!
Potter et Weasley s'avancèrent vers lui d'un air menaçant, mais Granger fut la plus rapide.
CLAC !
De toutes ses forces, elle gifla Drago qui vacilla sous le choc. Stupéfaits, Potter, Weasley, Crabbe et Goyle regardèrent Granger lever à nouveau la main.
-Ne t'avise plus jamais de traiter Hagrid de lamentable, espèce de sale petit bonhomme !
-Hermione ! dit Weasley à voix basse en essayant de lui attraper la main avant qu'elle ne gifle à nouveau Drago. Celui-ci, totalement sous le choc, ne savait plus comment réagir.
-Laisse-moi, Ron !
Granger sortit sa baguette magique et Drago recula d'un pas tandis que Crabbe et Goyle le regardaient d'un air décontenancé, attendant ses instructions.
-Venez, marmonna Drago en repartant vers les sous-sols du château. En s'éloignant il entendait encore la voix perçante de Granger qui semblait au bord de l'hystérie :
-Harry, tu as intérêt à le battre le jour de la finale ! Tu as vraiment intérêt parce que si Serpentard gagne, je ne le supporterai pas !
La joue de Drago le brûlait. Tandis qu'il retournait vers sa salle commune, dans un mélange d'humiliation et de confusion, il se remémorait le visage furieux de Granger, celui décontenancé de Weasley, mais également celui blessé de Potter lorsqu'il avait critiqué Hagrid. I sut que cette fois, il était allé trop loin, et regagna le dortoir sans un mot. Heureusement, Crabbe et Goyle ne firent aucun commentaire sur ce qui venait de se passer.

Le prochain et dernier match de l'année opposerait Serpentard à Gryffondor, et déterminerait le vainqueur de la Coupe des quatre maisons. Jamais on n'avait attendu un match dans une atmosphère aussi pesante. A la fin des vacances de Pâques, la tension entre les deux équipes et entre les deux maisons était à son comble. Des incidents éclataient parfois dans les couloirs et, un jour, un élève de Gryffondor et un autre de Serpentard se retrouvèrent à l'hôpital avec des poireaux qui leur sortaient des oreilles.
Mal à l'aise vis-à-vis de Potter et de ses amis après la gifle de Granger, Drago n'avait eut aucun nouvel échange avec eux depuis ce jour-là. De toute façon, il aurait lui été bien difficile de s'approcher du binoclard en ce moment. En effet, Potter ne pouvait pas se rendre d'une classe à l'autre sans qu'un Serpentard essaye de lui faire un croche-pied, du coup Dubois avait donné des instructions pour que Potter soit toujours accompagné. Les élèves de Gryffondor assuraient cette mission avec enthousiasme, devenant vite une foule bruyante et bavarde qui entourait « l'Elu » en permanence.

Le matin du match, lorsque Potter et les autres joueurs de Gryffondor entrèrent dans la Grande Salle, ils furent accueillis par des acclamations. Les élèves de Serdaigle et de Poufsouffle les applaudissaient aussi, mais les Serpentard, en revanche, sifflèrent bruyamment sur leur passage. Drago était encore plus pâle que d'habitude et se sentait de plus en plus nerveux à l'approche du match.
L'entrée sur le terrain des Gryffondor déclencha à nouveau une véritable tempête sonore. Les trois quarts de la foule arboraient des rosettes écarlates et agitaient des drapeaux de même couleur, ornés du lion de Gryffondor. ALLEZ GRYFFONDOR ! LA COUPE AUX LIONS ! lisait-on sur les banderoles. Derrière les buts de Serpentard, en revanche, deux cents élèves étaient habillés de vert, et le serpent argenté de leur équipe scintillait sur leurs drapeaux. Le professeur Rogue, assis au premier rang, était également vêtu de vert et souriait d'un air féroce. Drago avait jusque là été un peu dépité de l'union des trois maison contre la sienne, mais fut réconforté en voyant son directeur de maison aussi investi et enthousiaste. Les Serpentard se retrouvaient peut-être seuls contre tous, mais au moins ils étaient tous très soudés.
-Voici l'équipe de Gryffondor ! s'écria Lee Jordan qui assurait le commentaire du match, comme à l'accoutumée. Potter, Bell, Johnson, Spinnet, Weasley et Weasley, et Dubois. Reconnue comme la meilleure équipe que Poudlard ait jamais eue depuis un bon nombre d'années...
Son commentaire fut accueilli par les huées des supporters de Serpentard.
-Voici maintenant l'équipe de Serpentard, menée par le capitaine Flint. Il a effectué quelques changements parmi ses joueurs et il semble qu'il ait privilégié la taille par rapport à l'intelligence...
Nouvelles huées sur les gradins des Serpentard. En un sens, Jordan n'avait pas tort. Drago était de très loin le joueur le moins grand de son équipe, tous les autres étaient des colosses.
-Les deux capitaines, vous vous serrez la main, dit Madame Bibine.
Flint et Dubois s'approchèrent l'un de l'autre et se serrèrent la main comme si chacun essayait de briser les phalanges de l'autre.
-Enfourchez vos balais, dit Madame Bibine. Trois... deux... un...
Son coup de sifflet fut noyé par les cris de la foule qui saluèrent l'envolée des quatorze joueurs. Drago sentit le vent s'engouffrer dans ses cheveux et le plaisir qu'il éprouvait à voler dissipa son trac. Il trouva vite Potter et se mit à le suivre de près en quête du Vif d'or.
-Gryffondor à l'attaque, annonça Lee Jordan. Alicia Spinnet, en possession du Souafle, descend vers les buts de Serpentard. Bravo, Alicia ! Argh, non... Le Souafle est intercepté par Warrington de l'équipe de Serpentard... Et VLAN ! George Weasley dévie un Cognard sur Warrington qui lâche le Souafle, récupéré par... Johnson. Gryffondor de nouveau à l'attaque. Vas-y, Angelina... Attention, Angelina, un Cognard ! ET ELLE MARQUE ! DIX À ZÉRO EN FAVEUR DE GRYFFONDOR !
Angelina leva le poing en signe de victoire sous les cris enthousiastes des supporters de Gryffondor.
-AÏE !
Angelina faillit être jetée à bas de son balai par Marcus Flint qui venait de la heurter de plein fouet.
-Désolé, dit Flint, tandis que des huées montaient de la foule. Désolé, je ne l'ai pas vue !
Un instant plus tard, Fred Weasley donna un coup de batte à l'arrière du crâne de Flint qui s'écrasa le nez contre le manche de son balai et se mit à saigner.
-Ça suffit comme ça ! s'écria Madame Bibine qui vint se placer entre eux sur son balai. Un penalty en faveur de Gryffondor pour attaque injustifiée envers un de leurs Poursuiveurs ! Et un penalty en faveur de Serpentard pour coup de batte délibéré à l'un de leurs Poursuiveurs !
-Arrêtez, madame ! s'exclama Fred.
Mais Madame Bibine avait déjà donné son coup de sifflet et ce fut Alicia qui tira le penalty.
-Vas-y, Alicia ! hurla Lee dans le silence qui s'était soudain abattu sur le stade.
-BRAVO, ELLE A MARQUÉ ! VINGT À ZÉRO EN FAVEUR DE GRYFFONDOR !
Flint, qui saignait toujours, tira le penalty en faveur de Serpentard. Dubois, les mâchoires serrées, défendait ses buts.
-Dubois est un excellent Gardien, commenta Lee Jordan tandis que Flint attendait le coup de sifflet de Madame Bibine.
-Vraiment excellent, poursuivit Jordan. Très difficile de marquer avec lui... très difficile... OUI ! INCROYABLE ! IL A RÉUSSI À BLOQUER !
Pendant ce temps, Drago cherchait désespérément le Vif d'or. Les Gryffondor avaient besoin d'atteindre plus de cinquante points d'avance pour remporter le jeu, il fallait donc qu'il attrape la petite sphère dorée avant qu'ils parviennent à ce score.
-Gryffondor à l'attaque, non, Serpentard à l'attaque... Non, Gryffondor, avec Katie Bell en possession du Souafle, elle file vers les buts... OH ! ILS L'ONT FAIT EXPRÈS !
Montague, un Poursuiveur de Serpentard, avait coupé la trajectoire de Katie mais, au lieu de s'emparer du Souafle, il lui avait attrapé la tête et Katie avait fait un tonneau en parvenant d'extrême justesse à rester sur son balai. Mais elle avait perdu le Souafle.
Madame Bibine donna un nouveau coup de sifflet et se précipita sur Montague en hurlant. Une minute plus tard, Katie avait marqué un nouveau penalty contre Serpentard.
-TRENTE À ZÉRO ! BIEN FAIT POUR VOUS, BANDE DE SALES TRICHEURS...
-Jordan, soyez moins partial dans vos commentaires !
-Je dis les choses telles qu'elles sont, professeur !
Drago se sentit soudain comme électrisé. Potter venait de voir quelque chose qui lui avait échappé car, soudainement concentré, le Gryffondor vira sur place et fonça vers les buts de Serpentard. Drago se lança à sa poursuite jusqu'à ce que :
SWOOOOOOSHHHHHHH !
Un Cognard venait de siffler aux oreilles de Potter, lancé par Derrick, le gigantesque Batteur de Serpentard. Un instant plus tard...
SWOOOOOOSHHHHHHH !
Le second Cognard frôla le coude de Potter. Bole, l'autre Batteur de Serpentard, s'approchait à toute vitesse.
Drago vit Bole et Derrick foncer en même temps vers Potter, leurs battes levées... Leurs batteurs étaient vraiment des malades, se dit Drago, moitié terrifié, moitié amusé.
Au tout dernier moment, Potter tira sur le manche de son balai qui monta tout à coup en chandelle tandis que Bole et Derrick s'écrasaient l'un contre l'autre dans un craquement sinistre. Même en appartenant à l'équipe adverse, Drago dut admettre que c'était bien joué comme esquive. Bien que les capacités du balai y soient sans doute aussi pour beaucoup.
-Ha ! Ha ! Ha ! s'écria Lee Jordan qui regardait les Batteurs de Serpentard zigzaguer en se tenant la tête. Pas de chance, les gars ! Il faudra vous lever plus tôt que ça pour battre un Éclair de Feu ! Gryffondor de nouveau à l'attaque, Johnson s'empare du Souafle, suivie par Flint... Mets-lui un doigt dans l'oeil, Angelina ! Non, non, professeur, c'était une simple plaisanterie. Aïe ! Flint a repris le Souafle, Flint fonce vers les buts de Gryffondor. Vas-y, Dubois, bloque !
Mais Flint marqua un but. Il y eut une explosion de cris enthousiastes sur les gradins de Serpentard et Lee poussa de tels jurons que le professeur McGonagall essaya de lui arracher des mains le porte-voix magique.
-Désolé, professeur ! dit-il. Désolé, ça ne se reproduira plus ! Donc, Gryffondor mène par trente points à dix et c'est Gryffondor qui est à l'attaque...

Ce match était en train de devenir le plus déloyal que Drago ait jamais joué. Fous de rage que Gryffondor ait si vite pris de l'avance, les joueurs de Serpentard ne reculaient devant aucun moyen pour s'emparer du Souafle. Bole frappa Alicia avec sa batte en assurant qu'il l'avait prise pour un Cognard. George Weasley lui donna un coup de coude dans la figure à titre de représailles. Madame Bibine accorda un penalty à chaque équipe et Dubois, dans un bond spectaculaire, parvint à bloquer le Souafle. Le score était à présent de quarante à dix en faveur de Gryffondor.
Drago continuait de suivre Potter qui restait en altitude, scrutant les alentours... Il aimait bien le garder dans son champ de vision... pour le match bien sûr !
Katie marqua. Cinquante à dix. Fred et George l'escortèrent, leurs battes levées au cas où des joueurs de Serpentard auraient voulu se venger d'elle. Bole et Derrick profitèrent de l'absence de Fred et de George pour lancer les Cognards en direction de Dubois qui les reçut en plein dans le ventre et fit un tonneau dans les airs en se cramponnant à son balai, la respiration coupée.
Madame Bibine était furieuse.
-On n'attaque pas le Gardien tant que le Souafle ne se trouve pas dans la zone de tir ! hurla-t-elle à l'adresse de Bole et de Derrick. Un penalty en faveur de Gryffondor !
Et Angelina marqua. Soixante à dix. Quelques instants plus tard, Fred Weasley envoya un Cognard à Warrington en lui faisant sauter le Souafle des mains. Alicia s'en empara et marqua un autre but. Soixante-dix à dix pour Gryffondor.
Sur les gradins, les supporters de Gryffondor hurlaient à s'en casser la voix. Leur équipe avait soixante points d'avance et si Potter attrapait le Vif d'or maintenant, ils gagnaient la coupe. Tous les regards étaient braqués sur lui tandis qu'il faisait le tour du terrain, loin au-dessus des autres joueurs, suivi de près par Drago...
Soudain, Potter donna une puissante accélération à son balai, tendant la main mais, tout à coup, l'Éclair de Feu ralentit... Horrifié, le balafré regarda autour de lui avant d'apercevoir Drago qui, dans un acte désespéré, s'était jeté en avant et avait saisi l'extrémité du balai qu'il tirait vers lui.
-Espèce de...
Potter était si furieux que Drago pouvait lire dans ses yeux son envie de le frapper, mais il était heureusement hors de portée. Drago, haletant, se cramponnait à l'Éclair de Feu, les yeux brillant d'une lueur narquoise. Il avait obtenu ce qu'il voulait: le Vif d'or avait à nouveau disparu.
-Penalty ! Penalty en faveur de Gryffondor ! Je n'ai jamais vu une telle façon de jouer ! hurla Madame Bibine.
-ESPÈCE DE SALE TRICHEUR ! cria Lee Jordan dans le mégaphone en se tenant à distance du professeur McGonagall. ESPÈCE D'ABOMINABLE PETIT...
Mais le professeur McGonagall ne s'offusqua même pas du terme qu'il venait d'employer. Elle était trop occupée à brandir le poing en direction de Drago. Son chapeau était tombé et elle aussi hurlait avec colère. C'était à la fois déroutant et stimulant d'être à l'origine d'autant de fureur, se dit Drago.
Alicia tira le penalty, mais elle était si furieuse qu'elle rata le but d'un bon mètre. L'équipe de Gryffondor perdait sa concentration tandis que les Serpentard, ravis du mauvais coup de Drago, se sentaient stimulés.
-Serpentard à l'attaque. Serpentard devant les buts, Montague marque... grogna Lee. Soixante-dix à vingt en faveur de Gryffondor...
Drago à présent volait si près de Potter que leurs genoux ne cessaient de se heurter. Cette proximité ne le dérangeait pas, et il était bien décidé à ne pas laisser Potter s'approcher du Vif d'or.
-Dégage, Potter ! lança Drago, agacé, alors que Potter se détachait de lui pour lui barrer le chemin.
-Angelina Johnson s'empare du Souafle, commenta Lee Jordan. Vas-y, Angelina, VAS-Y !
La scène avait quelque chose de surréaliste : à part Drago, tous les autres joueurs de Serpentard, y compris le Gardien de but se précipitaient vers Angelina pour lui bloquer la route...
Potter aussi se mit alors à agir de façon incompréhensible, il changea d'un coup de cap, se pencha en avant, allongé sur le manche de son Éclair de Feu, et le lança à fond, fonçant comme un boulet de canon sur les Serpentard.
-AAAAAAARRRG !
En voyant l'Éclair de Feu fondre sur eux, les Serpentard se dispersèrent comme une volée de moineaux. La voie était libre pour Angelina.
-ELLE MARQUE ! ELLE MARQUE ! Gryffondor mène par quatre-vingts points à vingt !
Potter faillit s'écraser contre les gradins, parvenant à s'arrêter de justesse dans les airs, puis fit demi-tour et fila à nouveau vers le milieu du terrain.
Mais sa manœuvre avait pendant ce temps laissé champ libre à Drago pour chercher le Vif d'or... et le trouver ! Drago fonçait déjà en piqué d'un air triomphant, vers le minuscule point doré qui brillait à un peu plus d'un mètre au-dessus du sol.
Concentré sur sa victoire imminente, Drago n'entendit pas tout de suite le sifflement du vent qui se faisait de plus en plus fort quelque part sur sa droite. Le bruit se trouvait juste derrière Drago, à présent... Puis il parvint à sa hauteur... Potter avait dû libérer toute la puissance de l'Éclair de Feu pour le rattraper, mais il était là, à côté de Drago alors que cela avait paru impossible vu la distance qui les séparait. Stupéfait, Drago vit Potter se jeter en avant, lâcher son balai des deux mains, repousser le bras tendu de Drago, et...
-OUAAAAAAIIIIIIS !
Le poing en l'air, Potter remonta en chandelle. Un tonnerre d'acclamations explosa dans le stade. Dubois se précipita sur lui, ruisselant de larmes, le prit par le cou et sanglota contre son épaule, vite rejoint par les jumeaux Weasley. Leurs poursuiveuses criaient: « On a gagné la coupe ! On a gagné la coupe ! » Les bras enchevêtrés dans leurs étreintes, les joueurs de Gryffondor se laissèrent descendre vers le sol en hurlant à perdre haleine. Toujours perché sur son balai, Drago avait l'impression d'être dans un état second. Il sentait une sorte de chaleur sur son bras à l'endroit où Potter l'avait poussé, et fixait bouche bée des vagues successives de supporters vêtus de robes écarlates submergeaient les barrières et envahissaient le terrain. Puis tous les joueurs de l'équipe furent hissés sur les épaules de la foule. Oubliant toute dignité, le professeur McGonagall pleurait à chaudes larmes, s'essuyant les yeux avec un grand drapeau de Gryffondor, alors que Rogue, lui, semblait prêt à commettre un meurtre. Il vit Potter, l'air plus heureux que jamais, se faire emporter vers les gradins où Dumbledore attendait l'équipe avec la gigantesque coupe de Quidditch.
Entre la boue, la gifle et maintenant cette défaite, le mois qui venait de passer n'avait pas vraiment réussi à Drago, qui n'avait désormais qu'une seule hâte : se terrer en boule au fond de son lit.

Malheureusement, les semaines qui suivirent ne furent guère plus réjouissantes pour Drago. Il s'était montré étonnamment réservé depuis le triomphe de Gryffondor lors de la finale de Quidditch, mais avait repris ses airs bravaches à l'approche de l'appel de Buck. Il se permettait désormais des commentaires narquois, exprimant sa certitude que Buck serait mis à mort et disant à qui voulait l'entendre qu'il était enchanté d'en être la cause. En réalité, il avait surtout envie de faire l'intéressant à tout prix pour faire oublier au plus vite à tous à quel point il avait été près d'attraper le Vif d'or et de rapporter une spectaculaire victoire à sa maison. Il culpabilisait d'avoir sous-estimé l'Éclair de Feu et Potter. Cette anecdote d'hippogriffe était la première qu'il avait trouvé dans l'espoir de faire changer les sujets de conversations en sa faveur, mais lorsqu'il reçu la lettre de Lucius confirmant bien qu'il avait réussi à convaincre les membres de la Commission et que l'animal serait bel et bien exécuté, il ne parvenait pas à s'en réjouir réellement. Mais comme à son habitude, il savait très bien faire semblant.
Préoccupé et stressé, il n'attaqua pas sa semaine d'épreuves du bon pied, et faillit presque échouer à l'avant-dernier examen qui avait lieu le jeudi matin. C'était celui de Défense contre les forces du Mal. Le professeur Lupin leur avait préparé l'épreuve la plus originale qu'ils aient jamais eue à passer: une sorte de course d'obstacles en plein air au cours de laquelle ils durent traverser une mare profonde où se cachaient des strangulots, parcourir des ornières pleines de Chaporouges, se frayer un chemin dans un marécage sans prêter attention aux indications trompeuses des Pitiponks, puis pénétrer dans une vieille malle où les attendait un nouvel épouvantard. Tout le début de l'épreuve ne lui causa pas particulièrement de difficulté, mais une fois dans la malle face à l'épouvantard, celui-ci disparut, laissant Drago seul dans une pièce vide. Il entendait des murmures mais ne voyait personne, et la sensation de solitude qui montait en lui l'étouffait, l'empêchant presque de se souvenir de la formule...
-Riddikulus !
Il avait tant hâte de sortir de cette malle qu'il en bondit presque au-dehors, et se pressa de rejoindre Crabbe et Goyle malgré ses jambes tremblantes, recherchant désespérément la compagnie d'autrui, quelle qu'elle soit.

L'année arriva enfin à son terme avec le petit déjeuner le plus étrange que Drago ait vécu jusque là. Rogue se dirigeait d'un pas furieux vers la table des Serpentard, et leur raconta avec preuves à l'appui que le professeur Lupin était un loup-garou, puis s'en fut aussi vite qu'il était arrivé dans les tournoiements de sa cape noire. Les rumeurs allèrent ensuite de bon train et au déjeuner, pas un élève de Poudlard n'était pas au courant de la véritable nature du professeur de Défense contre les forces du Mal. D'autres histoires avaient également circulé au courant de la matinée, au sujet de l'arrestation puis la nouvelle évasion de Black ou encore de celle de l'hippogriffe juste avant que le bourreau n'ait pu accomplir son œuvre. D'autres encore racontaient que Potter avait été capable de produire un Patronus si puissant qu'il aurait fait fuir une centaine de Détraqueurs. Drago ne savait plus où donner de la tête dans tous ces récits plus invraisemblables les uns que les autres. Malgré tout, il se doutait que celui au sujet de Potter, aussi farfelu soit-il, avait sans doute au moins une part de vrai comme d'ordinaire dès qu'il s'agissait une histoire à dormir debout au sujet du binoclard. Drago réserva donc son opinion et ne parla que peu durant le trajet retour du Poudlard Express. Ces dernières semaines n'avaient pas été pour le moindre agréables, mais au moins il terminait l'année avec une grande quantité de sujets de réflexion qui devraient l'occuper au moins un peu cet été. De plus, il pouvait déjà se réjouir d'une chose : il savait qu'il y aurait cette fois au moins un événement monumental qui viendrait briser l'habituelle monotonie de ses vacances estivales...