Chapitre 6
Noël au Manoir
Tout le monde attendait les vacances avec impatience. Malgré les feux de cheminée qui chauffaient la Grande Salle, les couloirs étaient parcourus de courants d'air glacés et un vent polaire faisait trembler les fenêtres des salles de classe. La salle commune des Serpentard restait également glaciale malgré les longues flammes vertes qui léchaient les pierres de l'âtre de leur cheminée. Le pire, c'était les cours du professeur Rogue, dans le cachot glacial où les élèves se serraient contre les chaudrons pour essayer de se protéger du froid.
Fatigué par ce froid constant, Drago se réjouissait particulièrement à la perspective de bientôt retrouver sa chambre douillette au Manoir. -Je plains beaucoup les malheureux qui devront rester à Poudlard pendant les vacances parce que personne n'en veut à la maison, lança-t-il un jour pendant un cours de potions. Il avait dit cela en regardant Potter, espérant toucher une corde sensible car il savait que ce dernier n'avait pas de famille dans laquelle rentrer pour les vacances. Crabbe et Goyle pouffèrent de rire, mais Potter sembla n'y prêter aucune attention. Drago s'était en effet montré plus désagréable que jamais envers lui depuis le match de Quidditch. Dégoûté par la défaite des Serpentard, il avait essayé de mettre les rieurs de son côté en répétant partout que la prochaine fois, on pourrait remplacer Potter par un crocodile en train de bâiller. Malheureusement, sa plaisanterie n'amusait pas grand monde, car beaucoup avait été impressionné par la virtuosité avec laquelle Potter avait réussi à s'accrocher à son balai. C'est pourquoi, jaloux et furieux, Drago se consolait en saisissant toutes les occasions de rappeler que Potter n'avait pas de famille digne de ce nom.
Lorsqu'ils sortirent du cours de potions, un énorme sapin avançait dans le couloir en haletant, soufflant, ahanant. Les deux pieds immenses qu'on voyait dépasser trahissaient la présence du garde chasse derrière le sapin. Weasley s'arrêta au milieu du couloir pour lui parler, donnant l'impression d'entamer une discussion avec le conifère. -Vous pourriez dégager le chemin ? lança Drago d'une voix sèche. Tu essayes de te faire un peu d'argent de poche, Weasley ? Tu vises la place de garde-chasse quand tu sortiras de Poudlard ? C'est vrai que pour quelqu'un de ta famille, la cabane de Hagrid doit avoir l'air d'un palace. Weasley se rua sur lui au moment même où Rogue montait l'escalier. Pas de bol, Weasley. -WEASLEY ! hurla le professeur et il lâcha Drago. -Il a été provoqué, professeur, dit Hagrid en montrant sa grosse tête hirsute derrière le sapin. Malefoy a insulté sa famille. Qui l'avait sonné celui-là ?! -C'est possible, Hagrid, mais il est interdit de se battre, à Poudlard, répliqua Rogue d'un ton doucereux. Cinq points de moins pour Gryffondor, Weasley, et estimez-vous heureux que ce ne soit pas davantage. Allez, filez, maintenant. Être le chouchou de Rogue avait décidément vraiment du bon. Avec un ricanement, Drago, Crabbe et Goyle avancèrent dans le couloir en repoussant le sapin qui répandit des aiguilles sur le sol. Alors qu'ils se dirigeaient vers leur salle commune, Drago se dit à nouveau qu'il avait tout de même bien hâte de rentrer chez lui le lendemain. Cependant, après à peine une journée passée au Manoir, Poudlard commençait presque déjà à manquer à Drago. Avoir vécu dans ce château plein de vie où le quotidien était rythmé par des interactions avec les autres élèves, les professeurs, ou bien même encore les fantômes, lui faisait désormais prendre pleinement conscience du calme qui régnait au domicile Malefoy. Ses parents l'avaient pourtant accueilli avec bienveillance le premier soir, et lors du dîner ils l'avaient patiemment écouter se plaindre de Potter et Weasley, se vanter de ses résultats scolaires brillants, se plaindre de Potter, chanter les louanges du professeur Rogue, se plaindre de Potter... -Non mais vous ne réalisez pas à quel point il était ridicule, à fixer le professeur Rogue de son regard vide derrière ses lunettes abîmées, ne sachant même pas répondre aux questions de potions les plus élémentaires, s'enflammait Drago. Une lueur amusée traversa l'oeil de son père qui l'écoutait, les mains croisées sous son menton, les coudes confortablement appuyés sur leur belle nappe en soie verte émeraude. Sa mère elle regardait droit vers son assiette, finissant son pudding à la citrouille. Ils en étaient déjà au dessert ?! s'étonna presque Drago qui n'avait pas vu passer le dîner, pris dans son récit de ce premier trimestre à Poudlard. Il ouvrit la bouche, s’apprêtant à partir sur une nouvelle histoire critiquant Potter et Weasley cette fois, mais son père l'interrompit avant même qu'il ait pu émettre un son. -C'est très bien tout cela Drago, fit Lucius, je suis ravi d'entendre que tu occupes une si belle place au sein de notre noble maison Serpentard et que tu as su éviter la racaille dans tes fréquentations. Tu penseras bien à transmettre nos salutations au professeur Rogue lors de ton prochain cours de potions, il s'agit de l'un de nos vieux... amis. Drago referma la bouche et hocha la tête d'un air entendu. Son père approuvait son comportement de ses premiers mois à Poudlard, c'était tout ce qui importait. -Sais-tu si tes résultats te mettent en bonne voie pour obtenir le titre de major de promotion ? la voix de Narcissa n'était jamais bien forte mais il était impossible de ne pas comprendre le moindre mot de ses phrases, toujours formulées avec tant de distinction et de clarté. Drago tourna la tête vers sa mère qui le regarda droit dans les yeux. Il était perplexe qu'elle ait deviné que c'était là l'un des buts qu'il s'était fixé. Narcissa s'exprimait rarement mais semblait souvent lire en son fils comme dans un livre ouvert. Dérouté par la question, et ne pouvant malheureusement pas donner la réponse qu'il aurait souhaité, il bredouilla: -Ah... euh... mère... c'est effectivement en très bonne voie ! Son enthousiasme feint sur cette fin de phrase ne trompa pas Narcissa, peu satisfaite de ce manque de précision, elle fixait toujours Drago avec autant d'intensité. Cet échange avait éveillé l'intérêt de Lucius qui reprit vivement : -Eh bien alors Drago ! Ne fait pas durer le suspense, tu es bien déjà le premier de ta classe n'est-ce pas ?! -Oui effectivement, au sein des Serpentard mes excellentes notes m'ont largement placé en tête de classe. -Et sur le classement général des première année ? Décidément, Narcissa ne comptait pas lâcher le morceau. -Hum... Je ne pourrais pas dire avec certitude mon classement global, bien que je sois certain d'être dans le bloc de tête, peut-être suis-je encore deuxième pour l'instant mais rien n'est sûr et si c'est le cas, cela ne saurait durer. Pourtant, Drago savait très bien qu'il occupait effectivement la place de second au classement de sa promotion. Il avait beau étudier énormément et rendre des devoirs de haute qualité, Granger restait malheureusement indétrônable à la première place. Cela lui rappelait justement une conversation qu'il avait eu quelques jours plus tôt avec Crabbe et Goyle. Après avoir vérifié le classement des première année comme à son habitude quotidienne, Drago s'était emporté en y voyant toujours le nom « Granger » au dessus du sien. Il avait pourtant rendu un excellent parchemin en cours de métamorphose qui aurait dû lui permettre de la dépasser, car l'écart entre leurs notes était relativement serré. De frustration, il avait ronchonné toute la matinée du samedi auprès de ses deux acolytes, confortablement installés dans les fauteuils adjacents à la cheminée de leur salle commune. -Ouais c'est... nul ! avait répondu Crabbe, un homme de peu de mots. -En plus, bah elle a tout découvert ici quoi, c'est pas ses Moldus qui lui ont appris des trucs, avait surenchérit Goyle. Ce nouvel éclat de génie chez Goyle avait autant stupéfait Drago qu'il l'avait énervé. Il n'avait pas besoin qu'on lui chante les louanges de cette Miss Je Sais Tout. En y réfléchissant plus tard, il trouvait effectivement assez impressionnant qu'elle arrive à de tels résultats sans l'éducation sorcière qu'il avait lui-même reçu toutes ces années. Il éprouvait même une légère admiration pour cet intellect, qu'il aurait aimé avoir dans son entourage. Plutôt que de se contenter de conversations banales avec les Serpentard un peu limités qu'il connaissait, s'il avait eu parmi ses proches l'équivalent de Granger pour le challenger constamment dans des échanges cultivés, qui savait à quel point il aurait pu progresser. Cependant réfléchir à la magnitude des accomplissements de Granger en quelques mois seulement le poussait également au comble de l'agacement et il ne s'en montrait que plus désagréable envers elle. Elle n'était de toute façon pas dans la bonne maison pour que la moindre amitié soit envisageable. Sa phrase floue et peu assurée au dîner familial n'avait malheureusement trompé personne, et quand Lucius appris que la première place était « potentiellement » occupée par quelqu'un d'autre, il voulut avoir plus d'informations. -Granger ? dit Lucius. Je ne connais pas cette famille, et ce prénom Hermione n'est pas classique non plus, es-tu sûr qu'il est d’ascendance sorcière ? -Elle en fait, et non c'est une... Mais Lucius l'interrompit : -QUOI ?! Une fille a de meilleurs résultats qu'un Malefoy ?! Focalisé sur la réponse de Drago, Lucius ne vit pas l'éclat dur qui traversa le regard de Narcissa à ce moment là. -Hum... Oui c'est une fille et elle est, euh, comment dire, née Moldu. Il y eut alors un silence terriblement pesant, puis Lucius entra dans une rage noire, son visage pâle rougi par la colère alors qu'il hurlait qu'il était inacceptable qu'un Sang Pur montre la moindre infériorité face à un Sang de Bourbe, de sexe féminin qui plus est ! Ce mot « Sang de Bourbe » fut d'ailleurs tant de fois répétés à grand cris, qu'il résonnait toujours dans les oreilles de Drago lorsqu'on le renvoya enfin dans sa chambre, alors que Lucius continuait de tempêter dans la salle à manger. Drago eut beaucoup de mal à s'endormir ce soir là, pris dans un mélange d'émotions où honte, haine et peur se mêlaient au point de lui serrer l'estomac. A ce moment là, il avait du mal à se rappeler des raisons qui l'avaient rendu si impatient de rentrer au Manoir.
Le reste de son séjour fut plus calme, mais à aucun moment il n'eut à nouveau un aussi grand temps de parole que celui dont il avait bénéficié le premier soir. Il s'enferma donc progressivement dans un silence dont il ne sortait que pour approuver avec véhémence les propos de Lucius lorsque c'était attendu de lui, ou pour s'emporter sur leurs domestiques ou leur elfe de maison lorsqu'il se sentait à bout de nerfs. Le soir de Noël, dans le salon merveilleusement décoré pour l'occasion, les trois Malefoy échangèrent leurs présents dans un calme et un silence qui n'était interrompu que par les chants de Noël sorciers émanant du phonographe. Drago avait reçu une tapisserie retraçant la généalogie de la très noble et très ancienne famille Malefoy à afficher dans sa chambre, ainsi qu'un bracelet sur lequel un élégant sablier ensorcelé en verre affichait l'écoulement du temps durant la journée. A l'image du sablier des points de Serpentard, celui-ci contenait également des émeraudes. Drago promit de le porter tous les jours par la suite. La soirée se termina tôt, et une fois de retour dans sa chambre, Drago contempla sa nouvelle tapisserie fraîchement accrochée au mur, se demandant s'il deviendrait lui-même un jour suffisamment connu pour que les prochaines générations Malefoy lisent son nom et commémorent ses accomplissements. Drago s'endormit avec ces rêves de gloire.
Le jour de l'an, les Malefoy recevaient de la compagnie, mais puisque personne d'autre n'était âgé de onze ans, Drago fut bien vite envoyé au lit, après qu'il eut salué les invités et démontré les politesses nécessaires. De sa chambre, il entendait la rumeur des conversations au rez-de-chaussée, mais se sentait plus seul qu'il ne l'avait été depuis Septembre. Plus que deux jours avant de retourner à Poudlard.
Après avoir quitté ses parents dans la dignité propre aux Malefoy, Drago remonta dans le Poudlard Express avec une fébrilité bien dissimulée. Le trajet passa dans un brouhaha flou où il n'écoutait que d'une oreille Crabbe et Goyle lister leurs cadeaux de Noël. Il ressentit un grand soulagement lorsqu'il aperçut au loin la silhouette du château. Pourtant, une fois dans les dortoirs, impossible de s'endormir. S'étant à nouveau habitué au silence du Manoir, les ronflements sourds de Crabbe et les marmonnements de Goyle lui paraissaient bien trop bruyants. Frustré du sommeil qui ne venait pas et de ses deux semaines d'inactivité, Drago se sentit soudain téméraire et décida d'aller se promener dans le château de nuit. Il pourrait toujours prétendre souffrir d'un somnamagebulisme auquel aucune potion de sommeil ne pouvait venir à bout.
Drago n'avait encore jamais fait de telle entorse au règlement, et sa nervosité était palpable. Cependant, il finit par se relaxer au bout d'un moment, cette promenade nocturne ayant quelque chose d'étrangement apaisant. Sans croiser personne dans les couloirs vides, ses déambulations le menèrent à une salle de classe désaffectée. Il voyait la forme sombre de pupitres et de chaises entassées contre les murs. Il y avait également une corbeille à papiers retournée. Il remarqua aussi, appuyé contre le mur d'en face, quelque chose qui ne semblait pas appartenir au mobilier habituel d'une salle de classe, quelque chose que quelqu'un avait dû ranger là pour s'en débarrasser. C'était un miroir magnifique qui montait jusqu'au plafond avec un cadre d'or sculpté, posé sur deux pieds pourvus de griffes, comme des pattes d'animal. Une inscription était gravée au-dessus du miroir. Drago déchiffra: « riséd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej. »
Drago s’avança vers le miroir, et plus il s'en approchait, plus il y voyait de silhouettes s'y refléter. Il se retourna pour vérifier, mais la pièce était bien vide, ces individus n'existait donc que dans ce miroir. Il s'arrêta pile en face et tenta d'y discerner plus clairement ce qu'il y voyait, mais l'image dans le miroir semblait floue et changeante. La seule chose nette étant le reflet de Drago se dévisageant avec des yeux ronds. Il remarqua cependant que dans toutes les variations, il était constamment entouré d'une foule, jamais seul. Dans certains cas, tout ces gens semblaient lui témoigner de l'amitié (ou était-ce de l'amour ?) , mais dans d'autres son entourage faisant plutôt preuve de déférence, le traitant avec respect et admiration (ou était-ce de la crainte ?). Il se concentrait sur les passages où il semblait faire partie d'un grand groupe d'amis, cherchant à y distinguer des visages. A y réfléchir, cela donnait même l'impression d'une grande famille, pleine d'éclats de rire et de joie. Il crut même voir les silhouettes de ses parents au fond de la foule, tête haute dans une attitude fière mais... qui n'était plus si froide. Il remarqua également qu'il semblait tenir la main de la silhouette la plus proche de lui, sans pour autant pouvoir discerner le visage ou quoi que ce soit d'autre concernant cet individu. D'autres figures plus petites semblaient courir avec énergie entre les jambes de tout ces gens... des enfants ? Drago n'arrivait pas à faire sens de ce qu'il voyait, et dès qu'il se concentrait sur l'image elle changeait à nouveau. Dans les autres scènes, les personnes autour de lui le traitaient avec révérence, certains allant même jusqu'à se prosterner à ses pieds pour embrasser le bas de sa robe de sorcier. Drago s'assit devant le miroir afin de mieux pouvoir l'observer. Sans pouvoir détailler tous les éléments des différents tableaux, Drago put quand même y trouver certains points communs. Dans tous les cas il était vêtu d'une longue robe de sorcier noire sur laquelle scintillait l'écusson Serpentard, et il tenait dans sa main droite une baguette magique. Il aurait d'ailleurs presque pu jurer que c'était toujours la même que celle qu'il possédait actuellement. Donc quelle que soit la situation, son appartenance au monde de la magie, et même à la maison Serpentard ne changeait jamais, très bien. Si sa main droite était constamment occupée quelle que soit l'image, sa main gauche ne l'était que dans les tableaux « amicaux ». Dans ces cas là, ses doigts étaient enlacés à ceux d'une autre personne. Cela le dérangeait quelque peu de n'avoir que peu d'information sur ladite personne, il n'arrivait même pas à voir s'il s'agissait d'une fille ou d'un garçon. Bon, cela pouvait aussi bien représenter de l'amour qu'une amitié forte, se dit-il passant à autre chose. Il nota également que dans tous les cas, il n'était jamais seul dans le reflet du miroir. Pour quelqu'un qui souffrait autant que lui de sa solitude actuelle, cette constatation avait quelque chose de rassurant. -Ah tu es encore là, Harry ? Drago sentit son sang se glacer. Il regarda derrière lui. Une grande et mince silhouette entrait dans la pièce, et il était trop tard pour qu'il puisse se cacher. Figé sur place, il fixa le nouveau venu qui n'était qu'autre que... Albus Dumbledore ! -Oh pardon Drago, je m'excuse je t'avais pris pour un autre élève ! reprit le directeur d'une voix amicale. Il... s'excusait ? Drago était pris sur le fait en train d'enfreindre le règlement de l'école, et le directeur de cette même école lui présentait des excuses ? Pourquoi diable ? Enfin en même temps, s'il l'avait confondu avec le balafré, il y avait en effet de quoi être désolé ! Mais après tout, peut-être juste que leur directeur devenait un peu myope, ou gâteux. -On dirait que je t'ai rendu muet, dit Dumbledore et Drago fut soulagé de voir qu'il souriait. Albus Dumbledore vint s'asseoir par terre, à côté de lui. -Comme des centaines de personnes avant toi, tu as découvert le bonheur de contempler le Miroir du Riséd. Drago resta silencieux quelques instants, ne sachant pas quel comportement adopter. Il avait devant lui une opportunité en or de se faire bien voir du directeur et de marquer des points auprès de lui, il lui suffisait juste de dire tout ce que ce dernier pourrait avoir envie d'entendre pour se donner une image optimale à ses yeux. Pourtant ce soir, après avoir déambulé seul dans le château et avoir contemplé ce miroir, Drago n'avait pas envie de mentir ou de charmer, mais ressentait au contraire le besoin de se confier. Assis ainsi par terre à côté de lui, son directeur lui inspirait une présence plus amicale que professorale. Son silence inspira Dumbledore à continuer : -Tu es un jeune homme très intelligent Drago, j'imagine que tu as compris ce qu'il fait ? -Je crois... Je crois qu'il sait mettre en images nos envies ou... nos souhaits ? Tout d'un coup Drago eut envie de se renfermer, Dumbledore pouvait-il également voir ce que distinguait Drago dans ce Miroir du Riséd ?! Tout cela lui semblait tout à coup affreusement personnel, et il n'avait nulle envie de partager ses rêves d'un entourage qui mettrait enfin un terme à cette étouffante sensation de solitude avec quiconque. Comme s'il sentait ses craintes, Dumbledore reprit : -Rassure toi, les reflets de ce miroir sont personnels à chacun, je n'aurais jamais accès au tien de même que tu ne pourrais pas y voir ce qui s'y présente pour moi. Rassuré, Drago se demanda un instant si Dumbledore avait dit « ce » ou « ceux », puis il écouta la suite des explications du directeur : - Tu y étais presque, mais je vais t'expliquer exactement. Pour l'homme le plus heureux de la Terre, le Miroir du Riséd ne serait qu'un miroir ordinaire, il n'y verrait que son reflet. Ce miroir ne peut nous apporter ni la connaissance, ni la vérité, et ne nous montre donc rien d'autre que le désir le plus profond, le plus cher, que nous ayons au fond de notre cœur. Cette précision perturba Drago, qui crut nécessaire d'ajouter : -Pourtant, l'image que j'y vois est trouble et change sans cesse, cela ne me semble pas correspondre à un seul désir profond et cher ? -Ah Drago, tu mets là le doigt sur un problème plus... humain. Il serait aisé de croire que nous portons tous en nous un seul rêve qui restera notre priorité toute notre vie. En réalité, le cœur humain et ses désirs sont changeants et affectés par de nombreuses choses : nos émotions, notre situation, nos connaissances... Certaines personnes désirent si ardemment quelque chose qu'aucun autre rêve ne pourrait exister avec tant d'intensité pour eux, et pour ceux-ci, le reflet restera toujours constant. Mais pour la plupart des autres, il est tout à fait possible que le contenu du Riséd évolue, accompagnant ainsi les transformations personnelles de celui qui le regarde. -Êtes-vous dans ce cas professeur ? demanda Drago timidement ? -Malheureusement non Drago, je n'ai jamais vu mon reflet changer. -Et Potter ? Est-ce que son reflet à lui aussi est net ? Dumbledore marqua un arrêt avant de lui répondre. -Oui, Harry possède un souhait précis qu'il peut visualiser dans le miroir avec clarté sans que celui-ci semble pouvoir changer un jour. Un détail revint soudain à l'esprit de Drago, et la curiosité lui brûla les lèvres : -Vous m'avez confondu avec lui car il vient souvent le contempler n'est-ce pas ? Que désire-t-il ?... professeur ? Il s'était rattrapé juste temps, sa demande avait presque eut l'air d'un ordre, et le regard perçant de Dumbledore l'avait vite convaincu de revenir en arrière. Pas de caprice possible avec ce directeur. -Nous avons déjà assez parlé de Harry et je ne révèlerai rien d'autre à son égard, mais je suis néanmoins ravi de cette occasion de pouvoir parler un peu de toi, lui répondit Dumbledore d'un ton d'abord intransigeant puis malicieux. En fixant son regard désormais pétillant, Drago sut qu'il n'obtiendrait rien de plus et qu'il valait mieux aborder un autre sujet. -Est-ce que mon désir le plus cher se clarifiera un jour ? demanda-t-il, espérant arriver à masquer toute trace d'espoir de sa voix. -Sans nul doute Drago. Tu es encore très jeune et tu as amplement le temps de déterminer quelles seront tes attentes dans la vie. Si tu dois seulement retenir une seule chose ce soir, sache que le plus important, ce sera les choix que tu feras dans ton parcours, car ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. Drago médita quelque peu sur cette phrase. Cette soirée étonnante lui avait beaucoup donné matière à réfléchir. -Drago, reprit Dumbledore, ce miroir n'était là que pour un temps, et je doute que tu pourras un jour reposer tes yeux dessus. De toute manière, ça ne fait pas grand bien de s'installer dans les rêves en oubliant de vivre, souviens-toi de ça. Je pense que ton escapade nocturne a désormais assez duré, et qu'il est temps pour toi de retourner te coucher. Comprenant qu'il était ainsi congédié, et toujours aussi stupéfait de s'en sortir à si bon compte, Drago se releva. Il eut envie de demander à Dumbledore l'inchangeable vision qu'il avait lorsqu'il regardait le miroir, mais le directeur ne lui avait pas posé la question, respectant l'intimité de Drago. Et après tout, c'était peut-être une question un peu trop personnelle. Drago retrouva rapidement le chemin de son lit, et s'endormit promptement, quelque peu apaisé par cette rencontre inattendue.
Le lendemain, tout cet épisode lui paraissait plus digne d'un rêve que de la réalité, et dans le doute il se garda bien d'en parler à quiconque. Cette aventure n'avait d'ailleurs pas affecté son comportement pour le moindre, et il ne se priva pas de s'entraîner à lancer le maléfice du Bloque-jambes à Londubat dès qu'il le croisa devant la bibliothèque, lui précisant bien qu'à son avis il n'était de toute façon pas assez courageux pour être à Gryffondor. |