Chapitre 57

Drago et Harry

DRAGO

Drago avait quitté le château très tôt pour se rendre à Prés-au-Lard, espérant éviter de croiser d'autres élèves. Bien qu'il eut adoré passer du temps avec les Serdaigles le premier jour, il n'osait pour l'instant pas faire un premier pas vers eux et leur demander plus de temps en leur compagnie. Il avait en effet reçu la veille une lettre de sa mère qui l'avait inquiété. Narcissa y mentionnait à demi mot des attaques ayant eu lieu contre d'anciens partisans du mage noir, incitant son fils à la prudence tout en se réjouissant de le savoir en sécurité à Poudlard. Sauf que Drago ne pouvait pas en dire autant de sa mère, seule au Manoir. Lucius Malefoy avait peut-être une très longue liste de défauts, mais il aimait passionnément sa femme et aurait sans hésiter donné sa vie vie pour la sienne. Auparavant, Drago n'avait jamais eu à se préoccuper pour sa mère, la sachant avec une telle protection, et bien qu'elle n'ait jamais réellement été une Mangemort, il doutait que l'étroitesse d'esprit et la fureur des gens leur permette de faire la distinction avec une simple sympathisante. Il lui aurait bien proposé de rentrer par poudre de cheminette pour le week-end, mais il savait que sa mère n'aurait jamais accepté. De plus, et il s'en voulait de son égoïsme, Drago craignait également pour sa propre sécurité et était quelque peu rassuré d'être de retour au château. Il se dit avec tristesse qu'il n'avait jamais été bien courageux pour arriver à ce genre de réflexion... Potter n'aurait probablement jamais pensé à lui-même ainsi, faisant toujours passer les autres avant. Néanmoins, Potter n'était pas un Serpentard, et avait déjà failli mourir plusieurs fois de sa bravoure.

En pensant au Gryffondor, Drago se crispa brièvement. L'autre jour dans les couloirs, il avait vraiment cru arrivée l'heure des règlements de comptes après tout ce qu'il avait fait. Il s'était préparé à un lynchage public, et son ennemi de toujours était le mieux placé pour le lui infliger. Drago avait été tellement surpris par la boutade que Potter lui avait sortie qu'il avait bien failli ne pas réussir à lui répondre. Heureusement, sa fidèle répartie légendaire ne lui avait encore pas fait défaut, et il se détendit en repensant aux rires qu'il avait récolté. Drago s'attendait encore à ce que l'un de ses condisciples de Poudlard s'en prenne à lui tôt ou tard, mais après cet échange d'une étonnante banalité, Potter semblait avoir donné le ton collectif et personne n'était venu chercher des noises au Serpentard. Celui-ci n'arrivait pas à savoir ce qu'il devait lire là dans cette altercation avec le Gryffondor, une animosité dissimulée sous une blague au pire, ou bien une sorte d'acceptation voire de pardon au mieux... Secouant la tête, Drago reprit sa marche d'un pas plus vif, Potter ne l'avait pas pardonné, et ne lui pardonnerait jamais, et il aurait tout fait raison de ne pas le faire. Tout au plus, sa pique devait tenir du simple réflexe, et l'Elu avait peut-être ensuite regretté de ne pas avoir été plus sévère avec le Mangemort déchu. Serrant son exemplaire usé jusqu'à la corde de l'Histoire de Poudlard, Drago entra aussi discrètement que possible à la Tête de Sanglier. Il n'osait pas retourner dans l'établissement de Madame Rosmerta pour l'instant, et était bien trop poli pour retarder plus encore les remerciements qu'il devait à Abelforth. Encore une personne à laquelle il était redevable pour le restant de son existence...

HARRY

Alors qu'il se rendait avec Ron et Hermione à Pré-au-Lard, le vent frais du matin les incita à débuter la journée par une bonne Bièraubeurre. Bien entendu, Ron avait précipitamment retiré son écharpe pour l'enrouler grossièrement autour du cou, et de l'épaisse chevelure de sa petite amie qui en avait rougi de plaisir avant de lui saisir fermement la main. Le cœur de Harry se réchauffait de voir son meilleur ami aussi attentionné, mais pas le reste de son corps dans ce froid matinal. Il souffla sur ses doigts frigorifiés, puisque lui n'avait personne pour les lui réchauffer.

Afin d'éviter l'agitation habituelle des Trois Balais, et voulant saluer Abelforth, ils se rendirent à la Tête de Sanglier. Une fois qu'ils eurent échangé quelques mots avec le barman, et dans le cas d'Abelforth quelques grognements, ils se mirent à chercher une place, et furent très surpris de tomber sur Malefoy, seul à une table dans le pub. Il ne les avait pas encore vu, et Harry et Ron se jetèrent un regard mal à l'aise sans trop savoir quoi faire. Hermione n'était pas dans ce cas, et saisissant sa choppe, elle se dirigea droit vers la table du garçon blond, ne laissant pas d'autre choix à Harry et Ron que de la suivre.
-Bonjour Drago, est-ce qu'on peut s'asseoir avec toi ?
Malefoy releva les yeux de sa lecture (l'Histoire de Poudlard) et ouvrit des yeux stupéfaits en les voyant tous les trois devant lui. Il marmonna son accord, et Hermione s'installa avec un enthousiasme qu'elle n'avait jamais témoigné en sa présence auparavant. Elle lui posa une question sur ce qu'il était en train de lire, et ils furent tous surpris de découvrir que Malefoy avait parcouru cet ouvrage presque autant de fois qu'elle. Ce qui expliquait l'état dans lequel se trouvait le livre, alors que ceux d'Harry et Ron paraissaient encore presque neufs. Harry pensa avec embarras aux cours de l'Histoire de la Magie auxquels McGonagall l'avait inscrit, et se promit de relire cet ouvrage. Qu'Hermione soit folle d'un livre était normal, elle l'était pour chaque bouquin sur lequel elle posait ses mains, mais Drago qui avait des passions plus 'normales' comme le Quidditch semblait pourtant s'être aussi grandement intéressé à cette lecture. Peut-être valait-elle un second coup d'oeil et Harry se promit de lui redonner une chance.
-Décidément, il y a plein de choses que l'on ignore à ton sujet n'est-ce pas ? demanda Hermione avec malice.
Malefoy eut un air plutôt gêné et ne répondit pas, mais ne parut pas s'offusquer lorsque Hermione continuait à lui faire la conversation, pendant que Ron se lançait dans un débat sur le Quidditch avec Harry. Ce dernier eut du mal à rester concentré sur ce que son meilleur ami lui disait, jetant de temps en temps une oreille à la conversation qu'Hermione entretenait avec un Malefoy de moins en moins mal à l'aise. Cet air détendu allait bien au Serpentard, et Harry se fit la réflexion qu'il ne l'avait probablement jamais vu sourire ainsi par le passé. Ses sourires restaient légers et timides ce qui donnait à Harry une étonnante envie de les voir s'élargir plus. Mais l'intelligence et la culture d'Hermione avaient plus de chance d'y parvenir que lui, le Gryffondor n'étant pas sûr d'arriver à garder un aussi long échange avec Malefoy sans animosité. Harry était pourtant fatigué de cette rivalité longtemps entretenue, et commençait à s'apercevoir que le blond semblait plus intéressant qu'il n'en avait eu l'air à leur première rencontre. Cependant dès qu'il s'agissait de lui, Malefoy semblait se fermer et passer sur la défensive. Ne voyant pas de solution évidente, Harry se savait de toute façon bien trop maladroit en relations humaines pour tenter quoi que ce soit en dehors de sa zone de confort. Il était pourtant reconnaissant qu'Hermione fasse ainsi un premier pas de réconciliation, même s'il lui enviait sa facilité à discuter avec le vert et argent.

Heureusement Ron ne remarquait pas que son ami était aussi distrait puisqu'il s'était lancé dans un ardent commentaire du dernier match des Canons de Chudley, la saison de Quidditch ayant repris quelques semaines auparavant. Harry commençait enfin à se détendre un peu lorsqu'il entendit Hermione prononcer le nom de Dobby d'un ton ému. Il tourna son attention vers Malefoy qui affichait un air peiné, son visage encore plus pâle que d'ordinaire. Hermione venait de lui faire part du décès de son ancien elfe de maison, et lui décrivait désormais la jolie tombe au bord de la falaise qu'Harry avait faite en son honneur. Malefoy se leva très soudainement, les remercia avec politesse pour leur conversation et quitta le pub à la hâte. Harry le regardait partir sans comprendre quelle mouche l'avait soudainement piqué, car il l'avait toujours connu relativement indifférent au sort de son elfe de maison. Hermione le stupéfia tout bonnement en leur expliquant qu'ils étaient arrivés sur ce sujet uniquement parce que Malefoy avait exprimé une grande curiosité envers la S.A.L.E. Ron plaisanta sur le fait qu'il était tout bonnement impossible de s'intéresser à sa sale association, vexant Hermione et lançant l'une de leurs habituelles disputes.
Harry n'écoutait plus que d'une oreille. Il ne comprenait plus ce nouveau Malefoy, et avait perdu tous ses repères lorsqu'il s'agissait du jeune garçon blond qu'il avait si longtemps cru connaître.