Chapitre 8
Une première année si vite terminée
Le reste du trimestre fut bien plus tranquille pour Drago. Après cette mésaventure, il appliquait le règlement à la lettre et s'était même presque totalement désintéressé des agissements de Potter et sa bande. Il les voyait parfois échanger des messes basses en affichant des airs dramatiques, mais les ennuis qu'il avait récolté la dernière fois l'avaient refroidi, et il préférait rester concentré et studieux pour optimiser ses résultats scolaires. Crabbe et Goyle râlaient parfois de cette inactivité, chahuter les Gryffondor leur manquait. Drago les apaisait en prétendant avoir quelque chose de machiavélique en tête pour lequel il attendait juste le bon moment. Rassurés, les deux costauds restaient tranquilles et Drago conservait sans effort sa place de leader à leurs yeux. Il profitait également de ces moments de calme pour tisser quelques liens avec les autres Serpentard de sa promotion. Il avait fini par découvrir que le nom de Blaise était en réalité Zabini, même si le garçon restait finalement assez inaccessible, n'échangeant que peu de mots avec Drago. Théodore et Pansy étaient parfaitement inintéressants, mais faisaient un bon public pour ses blagues. Il leur avait d'ailleurs raconté sa propre version de la retenue dans la forêt interdite, où il n'avait malencontreusement pas pu sauver de justesse la licorne, bien qu'il ait fait fuir sans problème la créature l'ayant attaqué. Il avait tiré une immense satisfaction de l'admiration qu'il avait alors lu dans le regard de Pansy, et se concentrait là dessus avant de s'endormir afin d'éviter que ses cauchemars de la silhouette encapuchonnée ne reviennent... Il n'aurait su dire pourquoi cette rencontre l'avait tant affectée, mais elle était restée gravée dans son esprit comme une ombre menaçante qui semblait vouloir l'absorber tout entier. Il la chassait autant que possible de ses pensées, car de toute façon il n'avait personne à qui se confier à ce sujet.
La fin des examens arrivait enfin, et très vite il ne restait plus que quelques jours avant que chacun ne rentre chez soi. Ayant enfin trouvé une routine lui convenant, Drago ne se réjouissait finalement plus tant que cela de son retour imminent au Manoir. Il passait sa mauvaise humeur sur tous les exutoires qu'il pouvait trouver, pestant de ne pas pouvoir mettre la main sur son défouloir préféré à lunettes. D'ailleurs, où était Potter ? Cela faisait bien trois jours que Drago ne l'avait vu nulle part... Des rumeurs improbables à son sujet avaient commencé à courir les couloirs. Apparemment dans les sous-sols du château, il aurait déjoué des charmes de protection avancés de tous les enseignants pour empêcher de justesse le professeur Quirrell de voler un objet semblant sortir tout droit d'un conte de fée, la pierre philosophale. Et dire que Drago pensait avoir beaucoup d'imagination avec ses histoires, il n'aurait pourtant pas osé en sortir une aussi farfelue. En plus, si soi-disant tout cela relevait d'un secret absolu, comment se faisait-il que toute l'école soit au courant ?! N'empêche que Quirrell n'apparaissait effectivement plus nulle part, et Potter non plus. A la fin du troisième jour, Drago décida d'aller rôder du côté de l'infirmerie, bien décidé à mettre un terme à toutes ces rumeurs ridicules. Après tout, si Potter avait véritablement relevé tous ces dangers, il ne pouvait tout de même pas s'en être sorti sans une égratignure. Au bout d'un moment à guetter la porte d'entrée, il vit une grande silhouette en sortir, et se tendit en reconnaissant la figure d'Albus Dumbledore. Il ne l'avait pas revu depuis la nuit devant le Miroir du Riséd et avait presque fini par catégoriser ce souvenir comme un rêve. Dumbledore leva les yeux et son regard se fit pétillant lorsqu’il l'aperçut. Il fit un geste de main pour saluer Drago et s'approcha de lui, apparemment disposé à entamer la conversation. -Tu te rendais à l'infirmerie Drago, tu ne te sens pas bien ? demanda-t-il avec malice. Drago hésita une fraction de seconde sur l'attitude à adopter, mais finalement les mots franchirent ses lèvres sans qu'il ait pu les retenir. -Est-ce vrai que Potter est là dedans après avoir arraché une pierre philosophale des mains du professeur Quirrell ?!... monsieur ? Sa question sonnait presque comme un ordre, où l'ironie se mêlait à la curiosité. Drago rougit un peu et baissa les yeux, n'en revenant pas de faire preuve d'autant de familiarité. Narcissa n'y aurait pas reconnu son éducation, et serait morte de honte en le voyant si peu respectueux de l'étiquette avec le directeur de l'école. Si Dumbledore était offusqué, il n'en montra toutefois rien, et fixa Drago de son regard perçant. -Eh bien Drago, tu es un garçon difficile à impressionner on dirait ! J'imagine que les histoires qui entourent régulièrement Harry Potter doivent te paraître pour le moins étonnantes... Mais oui, comme celle du troll, celle-ci est également vraie. Ainsi le directeur lui confirmait les ragots surréalistes de cette année au sujet du « Survivant ». Pas seulement celui-ci, mais également ce qu'il s'était passé le soir d'Halloween où, aidé de seulement deux autres sorciers de première année il avait assommé un troll adulte... Drago avait toujours du mal à y croire, bien qu'il ne voyait pas pourquoi le directeur mentirait à ce sujet, en se demandant tout de même à nouveau si ce dernier n'était pas tout simplement fou. Comme s'il lisait dans son esprit, Dumbledore pouffa, puis s'éloigna et souhaitant à Drago un bel été.
Ce soir là, la Grande Salle était décorée aux couleurs vert et argent des Serpentard pour célébrer leur septième victoire consécutive. Une immense bannière déployée sur le mur, derrière la Grande Table, montrait un serpent, symbole de leur maison. Lorsque Potter fit son entrée, il y eut un soudain silence, puis les conversations reprirent toutes en même temps. Drago le vit s'assoir à la table des Gryffondor, entre Weasley et Granger, et fut écoeuré de remarquer que tout le monde se levait pour mieux voir Potter. Heureusement, Dumbledore arriva à son tour et la rumeur des conversations s'évanouit. -Une autre année se termine, dit joyeusement Dumbledore, et je vais encore vous importuner avec des bavardages de vieillard avant que nous entamions enfin ce délicieux festin. Quelle année ! Fort heureusement, vos têtes sont un peu plus remplies qu'auparavant... et vous avez tout l'été pour les vider à nouveau en attendant le début de l'année prochaine... Le moment est maintenant venu de décerner la coupe des Quatre Maisons. Le décompte des points nous donne le résultat suivant: en quatrième place, Gryffondor avec trois cent douze points. En troisième, Poufsouffle avec trois cent cinquante-deux points. Serdaigle a obtenu quatre cent vingt-six points et Serpentard quatre cent soixante-douze. Un tonnerre d'applaudissements, d'acclamations et de trépignements explosa à la table des Serpentard. Drago était fou de joie et frappait la table avec son gobelet. A sa façon, il avait participé à cette victoire collective, se sentant pour la première fois appartenir à quelque chose de bien plus grand que lui-même. -Oui, oui, très bien, Serpentard, reprit Dumbledore. Il convient cependant de prendre en compte des événements récents. Il y eut alors un grand silence et les sourires des Serpentard devinrent moins triomphants. Drago se figea, sentant venir le drame. Les événements récents ne concernaient à priori que les Gryffondor... -J'ai quelques points de dernière minute à distribuer, poursuivit Dumbledore. Voyons... Oui, c'est ça... Je commencerai par Mr Ronald Weasley... Weasley devint écarlate, il avait soudain l'air d'un radis qui aurait pris un coup de soleil. -Pour la plus belle partie d'échecs qu'on ait jouée à Poudlard depuis de nombreuses années, je donne à Gryffondor cinquante points. Les acclamations des Gryffondor atteignirent presque le plafond enchanté. Les étoiles parurent même frémir. Le silence revint. -J'en viens maintenant à Miss Hermione Granger... Pour la froide logique dont elle a fait preuve face à des flammes redoutables, j'accorde à Gryffondor cinquante points. Drago sentit son estomac sombrer dans ses talons. Même Granger contribuait dans l'humiliation de sa maison verte et argent... Foutue Sang de Bourbe ! se dit-il, répétant le mots qu'il avaient maintes fois entendu son père employer. Les Gryffondor, eux, ne se tenaient plus de joie. -Enfin, parlons de Mr Harry Potter, reprit Dumbledore. Un grand silence se fit dans la salle. Bien entendu, Saint Potter avaient encore son rôle à jouer, pensa amèrement Drago. -Pour le sang-froid et le courage exceptionnels qu'il a manifestés, je donne à Gryffondor soixante points. Le vacarme qui s'ensuivit fut assourdissant mais Drago était mortifié : Gryffondor avait à présent quatre cent soixante-douze points - exactement le même nombre que Serpentard. Ils étaient ex aequo. Si seulement Dumbledore avait pu donner à Potter un seul point de moins ! Dumbledore leva la main et le silence revint peu à peu. -Le courage peut prendre de nombreuses formes, dit-il avec un sourire. Il faut beaucoup de bravoure pour faire face à ses ennemis mais il n'en faut pas moins pour affronter ses amis. Et par conséquent, j'accorde dix points à Mr Neville Londubat. … QUOI ?! Que venait faire ce balourd incapable dans tout ça ?! Drago eut à peine le temps de formuler cette pensée qu'une terrible explosion sonore se produisit, le vacarme qui s'éleva de la table des Gryffondor était assourdissant. Tous s'étaient levés pour acclamer Neville qui, le teint livide, disparut bientôt sous les embrassades. Abasourdi et horrifié, Drago se sentait figé sur place comme s'il avait subi le maléfice du Saucisson lorsqu'il se rendit compte que Potter et Weasley le regardaient avec un sourire triomphant presque moqueur. -Ce qui signifie, poursuivit Dumbledore en essayant de couvrir le tonnerre d'applaudissements - car ces traîtres de Serdaigle et Poufsouffle semblaient ravis de la chute des Serpentard - ce qui signifie que nous allons devoir changer la décoration de cette salle. Il frappa dans ses mains et en un instant, le vert et argent se transforma en rouge et or, et le grand serpent disparut, remplacé par le lion altier des Gryffondor. Drago vit Rogue serrer la main du professeur McGonagall avec un horrible sourire qui n'avait rien de naturel.
Le reste de la soirée ainsi que le trajet retour en Poudlard Express lui semblèrent passer en un éclair. Même lorsque, de retour dans sa chambre au Manoir, Drago se laissa enfin tomber sur son immense lit moelleux, il ressentait toujours une profonde amertume en repensant à cette coupe des quatre maisons. Fort heureusement, Lucius semblait préoccupé par l'une de ses affaires et ne l'avait pour l'instant pas questionné sur quelle maison l'avait emporté. Déçu et furieux, Drago ressassait en boucle dans sa tête l'expression victorieuse de Potter qui lui avait donné des envies de meurtre. Il n'avait décidément pas achevé son année avec autant de gloire qu'il avait espéré... |