Chapitre 19
La Coupe du Monde de Quidditch
Drago avait passé la première partie de son été dans l'attente fébrile de cet événement sportif si renommé. Il avait demandé comme cadeau d'anniversaire à ses parents des billets pour assister à la Coupe du Monde de Quidditch, et dès le 5 Juin, avant même que Drago ne soit de retour au Manoir, Lucius n'avait pas pu résister à l'envie de lui écrire pour l'informer qu'ils auraient bien des sièges... dans la tribune officielle ! A la lecture de la lettre de son père, Drago avait littéralement bondit de joie. Ses parents pouvaient parfois sembler froids ou peu expressifs, mais ce cadeau et leur empressement à le lui annoncer ne pouvaient être qu'une preuve d'amour qui l'émut autant qu'il se réjouissait d'assister à ce match Irlande-Bulgarie tant attendu. Par contre ses parents n'avaient consenti à l'y amener que sous certaines conditions. Il était hors de question pour Narcissa de dormir sur place, ils arriveraient donc dans l'après-midi et repartiraient au Manoir après la fin du match. Drago avait accepté, n'osant montrer sa déception de manquer l'ambiance qui aurait lieu autour du match dans les campings. Lucius s'était montré moins intransigeant que sa femme à ce sujet, et avait promis qu'en cas de victoire de l'Irlande, ils resteraient un peu pour les célébrations avant de rentrer passer la nuit au Manoir. Narcissa, n'aimait pas l'idée, mais voulant faire plaisir à son fils elle avait accepté, en annonçant que Drago pourrait rester un peu le soir avec son père et tous les supporters irlandais mais elle-même partirait immédiatement à la fin du match, quelle qu'en soit l'issue. Ses parents avaient également tenu à ce que cet événement reste familial : Drago devrait donc rester « en famille » avec eux et ne pourrait donc pas « rejoindre ses amis de Poudlard si l'envie lui en prenait ». Il fut facile pour Drago d'accepter cette requête, n'ayant pas d'ami digne de ce nom parmi les autres élèves. De toute manière, il avait envie de passer du temps avec ses parents après qu'ils lui aient fait un si beau cadeau. Il arrivèrent donc sur place dans l'après-midi, alors qu'une sorte de frénésie envahissait le camping tel un nuage palpable. Ils se promenèrent du côté irlandais, admirant un ensemble de tentes recouvertes d'un épais tapis de trèfle qui les faisait ressembler à d'étranges monticules surgis de terre. Sous les auvents relevés de certaines tentes, on voyait apparaître des visages souriants. Drago sentait la bonne humeur environnante le gagner progressivement. Au coucher du soleil, la tension faisait frémir la paisible atmosphère de l'été et, lorsque la nuit tomba comme un rideau sur les milliers de spectateurs qui attendaient le début du match, des signes évidents de magie se manifestaient un peu partout. Des vendeurs ambulants transplanaient à tout moment, portant des éventaires ou poussant des chariots remplis d'articles extraordinaires. Il y avait des rosettes lumineuses - vertes pour l'Irlande, rouges pour la Bulgarie - qui criaient d'une petite voix aiguë les noms des joueurs, des chapeaux pointus d'un vert étincelant ornés de trèfles dansants, des écharpes bulgares décorées de lions qui rugissaient véritablement, des drapeaux des deux pays qui jouaient les hymnes nationaux dès qu'on les agitait. On trouvait aussi des modèles miniatures d'Éclairs de feu (pouah, le balai de Potter, se dit Drago, n'ayant pas vraiment envie de songer au binoclard en cet instant) qui volaient et des figurines de collection représentant des joueurs célèbres. Un grand coup de gong retentit avec force quelque part au-delà du bois et, aussitôt, des lanternes vertes et rouges étincelèrent dans les arbres, éclairant le chemin qui menait au terrain de Quidditch. -C'est l'heure ! dit Lucius, qui avait l'air aussi impatient que son fils.
Dans le bois, le long du chemin éclairé par les lanternes, ils entendaient autour d'eux des cris, des rires, des bribes de chansons, qui s'élevaient de la foule. L'atmosphère enfiévrée était très contagieuse. Drago souriait sans cesse, ravi de pouvoir laisser un instant tomber son masque, car dans cette foule sa joie exubérante pouvait passer inaperçue. Lorsqu'ils émergèrent enfin d'entre les arbres, ils se trouvèrent dans l'ombre d'un stade gigantesque, entouré par des immenses murailles d'or. Lucius les mena jusqu'à l'entrée la plus proche, devant laquelle se pressait déjà une foule bruyante de sorcières et de sorciers. -Des places de choix ! s'exclama la sorcière du ministère qui contrôla leurs billets. Tribune officielle, tout en haut ! Montez les escaliers, quand il n'y aura plus de marches, vous serez arrivés. A l'intérieur du stade, les escaliers étaient recouverts d'épais tapis pourpres. Ils grimpèrent les marches au milieu des autres spectateurs qui se répartissaient lentement sur les gradins, à droite et à gauche. Le spectacle défiait l'imagination : cent mille sorcières et sorciers étaient en train de prendre place sur les sièges qui s'élevaient en gradins tout autour du terrain ovale. Une mystérieuse lumière d'or semblait émaner du stade lui-même et la surface du terrain, vue d'en haut, paraissait aussi lisse que le velours. A chaque extrémité se dressaient les trois cercles d'or situés à une hauteur de quinze mètres. Les Malefoy continuèrent de monter jusqu'au sommet de l'escalier où ils se retrouvèrent dans une petite loge qui dominait tout le stade et donnait sur le centre du terrain, à mi-chemin entre les deux lignes de but. Une vingtaine de chaises pourpre et or étaient disposées sur deux rangées. L'une des chaises était occupée par une minuscule créature assise à l'avant-dernier rang. La créature, dont les jambes étaient si petites qu'elles pointaient horizontalement devant elle, était vêtue d'un torchon à vaisselle drapé comme une toge et se cachait le visage dans les mains. Ses grandes oreilles, semblables à celles d'une chauve- souris, avaient quelque chose d'étrangement familier, et Drago retint un instant sa respiration... mais ce n'était pas Dobby. Presque peiné, Drago se détourna de l'elfe, et crut rêver lorsque son regard se posa sur Potter. Il était bien entendu comme à son habitude entouré de Granger et Weasley, mais ce dernier semblait entouré par la totalité de sa fratrie... et bien entendu par son père également. Drago se crispa, sachant que cette rencontre mettrait son père sous tension. Depuis la visite de la brigade magique au Manoir, Lucius redoutait Arthur Weasley autant qu'il le méprisait. Pour l'instant, l'Elu et sa bande de rouquins ne les avaient pas remarqués, en plein discussion avec le Ministre de la magie et ce qui semblait être des sorciers bulgares, mais lorsque Fudge aperçut la longue chevelure blonde de Mr Malefoy il s'écria : -Ah, voici Lucius ! Potter, Weasley-mâle-junior et Granger tournèrent vivement la tête. Lorsqu'ils regardèrent en direction des trois Malefoy, Drago vit sa mère prendre l'expression qui indiquait le mieux son mépris envers leurs interlocuteurs, comme si elle était incommodée par une odeur pestilentielle. -Ah, Fudge, dit Lucius en tendant la main au ministre de la Magie. Comment allez- vous ? Je crois que vous ne connaissez pas mon épouse, Narcissa ? Ni notre fils, Drago ? -Mes hommages, madame, dit Fudge avec un sourire, en s'inclinant devant Mrs Malefoy. Permettez-moi de vous présenter Mr Oblansk... Obalonsk... Mr... enfin bref, le ministre bulgare de la Magie. De toute façon, il est incapable de comprendre un traître mot de ce que je dis, alors peu importe. Et, voyons, qui y a-t-il encore ? Vous connaissez Arthur Weasley, j'imagine ? Il y eut un moment de tension. Mr Weasley et Mr Malefoy échangèrent un regard. Les yeux gris et froids de Lucius se posèrent sur Mr Weasley puis balayèrent le premier rang. -Seigneur ! dit-il à voix basse. Qu'avez-vous donc vendu pour obtenir des places dans la tribune officielle ? Votre maison n'aurait certainement pas suffi à payer le prix des billets ? Drago rit intérieurement, bien envoyé ! Fudge, qui n'écoutait pas, reprit la parole : -Lucius vient d'apporter une contribution très généreuse à l'hôpital Ste Mangouste pour les maladies et blessures magiques, Arthur. Il est mon invité. Ah, c'était donc pour cela qu'ils se trouvaient tous les trois dans la tribune officielle, pensa Drago, ne sachant pas trop s'il devait être impressionné ou déçu. -Ah, bien... très bien..., dit Mr Weasley avec un sourire forcé. Lucius adressa un signe de tête dédaigneux à Mr Weasley et suivit la rangée de chaises jusqu'aux places qui lui étaient réservées, et Drago, suivant son exemple, lança au trio un regard méprisant, puis s'assit entre son père et sa mère. Il entendit cependant très nettement le Weasley qu'il aimait le moins marmonner : -Crétins visqueux. Avant que Drago n'ait pu réagit, Ludo Verpey entra en trombe dans la loge. -Tout le monde est prêt ? demanda-t-il, son visage rond luisant comme un gros fromage de Hollande. Monsieur le ministre, on peut y aller ? -Quand vous voudrez, Ludo, dit Fudge, très à son aise. Verpey sortit aussitôt sa baguette magique, la pointa sur sa gorge et s'exclama : -Sonorus ! Il parla alors par-dessus le tumulte qui emplissait à présent le stade plein à craquer et sa voix tonitruante résonna sur tous les gradins : -Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue ! Bienvenue à cette finale de la quatre cent deuxième Coupe du Monde de Quidditch ! Les spectateurs se mirent à hurler et à applaudir. Des milliers de drapeaux s'agitèrent, mêlant les hymnes nationaux des deux équipes dans une cacophonie qui s'ajouta au vacarme. Bien qu'il ait promis à ses parents de passer la soirée avec eux, et que ni Potter, si sa Sang de Bourbe, ni son rouquin, n'étaient ses amis, Drago ne pouvait s'empêcher de leur jeter un coup d'oeil de temps en temps, guettant leurs réactions aux péripéties du match. Ils assistaient là à un jeu extraordinaire, que Drago appréciait énormément en tant que véritable amateur de Quidditch, mais il n'avait personne de son âge avec qui partager ce moment. A sa droite, sa mère se tenait assise bien droite, suivant la partie avec attention mais n'affichant aucune réaction particulière aux actions incroyables qui avaient lieu. A sa gauche, son père lui tournait presque le dos, sifflant plusieurs Whiskys Pur Feu avec le Ministre en entretenant une conversation aux tonalités mielleuses. Drago ne put alors s'empêcher de penser que ni l'un ni l'autre n'était vraiment là pour le match, ce qui doucha quelque peu son enthousiasme. Au moins sa mère était venue passer du temps avec lui, se consola-t-il, bien qu'il se sentait délaissé par le manque d'attention de son père. Lors des passages des Vélanes, il apprécia grandement voir Weasley et Potter se couvrir de ridicule, le regard vide, bavant presque. Potter s'était même levé et avait commencé à enjamber la balustrade de la loge. A côté de lui, Weasley était figé dans l'attitude de quelqu'un qui s'apprête à s'élancer d'un plongeoir (dommage que les Vélanes se soient arrêtées si tôt, pensa Drago). Alors que des cris de fureur s'élevaient dans le stade lorsqu'elles cessèrent leur danse, Drago se demandait encore pourquoi il n'avait pas été particulièrement affecté par leurs charmes, alors que même son père et le Ministre avaient perdu le fil de leur conversation et semblaient à peine reprendre leurs esprits. Il nota bien que sa mère elle, paraissait soudain plus renfrognée.
La fin du match prit une tournure totalement inattendue. Le grand panneau afficha en lettres lumineuses : BULGARIE : CENT SOIXANTE, IRLANDE : CENT SOIXANTE-DIX. Dans les gradins, la foule semblait ne pas avoir encore réalisé ce qui venait de se passer. Puis, peu à peu, comme les réacteurs d'un énorme avion s'apprêtant à décoller, le grondement des supporters irlandais augmenta d'intensité et explosa tout à coup en hurlements d'allégresse. -L'IRLANDE A GAGNE ! s'écria Verpey qui, comme les Irlandais, semblait avoir été pris de court par la soudaine issue du match. KRUM A ATTRAPÉ LE VIF D'OR, MAIS C'EST L'IRLANDE QUI GAGNE ! Seigneur, qui donc pouvait s'attendre à ça ? Fidèle à ce qu'elle avait annoncé, Narcissa se leva de son siège avant même que Verpey n'ait pu dire« Sourdinam ». Elle interrogea son mari d'un regard, mais malgré son état d'ébriété, il hocha la tête par l'affirmative : oui il resterait bien un peu plus tard célébrer cette victoire de l'Irlande avec Drago. Narcissa se tourna vers Drago, le regarda un instant avec grande attention, et jugeant sans doute qu'il était peut-être en effet désormais assez grand pour ce type d'événements, elle lui souhaita bonne nuit avant de transplaner. En effet, elle serait couchée depuis longtemps d'ici à ce qu'ils rentrent au Manoir. Sur le chemin du retour, l'air de la nuit leur apportait l'écho de chansons hurlées à tue-tête et les farfadets filaient au-dessus d'eux, en poussant des cris et en agitant leurs lanternes. Des supporters chantaient de l'autre côté du camping et on entendait retentir de temps à autre la détonation d'une baguette magique. Si Drago avait espéré passer du temps avec son père ce soir là, il fut vite déçu. Lucius retrouva rapidement de vieux amis et passa toute la soirée à discuter avec eux, commémorant leurs « heures de gloire ». Drago se retrouvait en marge de leur groupe, et bien qu'il écouta d'abord leurs conversations avec intérêt, il finit par s'en désintéresser en entendant les voix devenir pâteuses et en voyant les regards devenir hagards avec l'alcool.
Drago espérait maintenant qu'ils rentreraient bientôt chez eux, et finit par perdre le fil des événements tant il se sentait fatigué. Soudain, son père le secoua, et Drago vit immédiatement que Lucius n'était plus tout à fait dans son état normal. Il tenait une sorte de cagoule à la main, et ordonnait à Drago de s'éloigner du camping et de l'attendre à la lisière de la forêt. -Je viendrais te chercher, susurra Lucius en butant sur les mots. Je dois juste faire quelque chose mais après on rentre c'est promis. Va m'attendre ! A plus tard. Et il s'éloigna aussitôt. Peu habitué à désobéir aux ordres de son père, Drago se dirigea vers les bois, avec la vague impression qu'il se passait quelque chose d'anormal. Les bruits qui provenaient du terrain de camping avaient changé de nature. On n'entendait plus de chansons, mais des hurlements et des pas précipités. Peu après, à la lueur des quelques feux qui continuaient de brûler, il vit des gens courir vers le bois, fuyant quelque chose qui traversait le pré dans leur direction, quelque chose qui émettait d'étranges éclats de lumière et lançait des détonations semblables à des coups de feu. Des exclamations moqueuses, des explosions de rire, des vociférations d'ivrogne leurs parvenaient. Enfin, une puissante lumière verte illumina la scène. Une foule serrée de sorciers, avançant d'un même pas, la baguette magique pointée en l'air, traversait lentement le pré, leurs têtes recouvertes de cagoules. Loin au-dessus d'eux, flottant dans l'air, quatre silhouettes se débattaient, ballottées en tous sens dans des positions grotesques. On aurait dit que les sorciers masqués étaient des marionnettistes et les deux silhouettes suspendues au-dessus de leurs têtes de simples pantins animés par des fils invisibles qu'actionnaient les baguettes magiques. Deux des silhouettes étaient toutes petites. D'autre sorciers se joignaient à la troupe masquée, montrant du doigt avec de grands éclats de rire les quatre corps qui flottaient dans les airs. Des tentes s'effondraient sur le chemin de la foule en marche qui ne cessait de grossir à mesure qu'elle avançait. Une ou deux fois, Drago vit un sorcier encagoulé détruire d'un coup de baguette magique une tente qui se trouvait sur son passage. Plusieurs d'entre elles prirent feu et les hurlements augmentèrent d'intensité. Les quatre malheureux qui flottaient en l'air furent soudain éclairés par une tente en flammes, Drago ne les reconnut pas, mais vu leurs accoutrements il devait s'agir de Moldus. Drago détacha son regard des quatre silhouettes pour scruter la foule, y cherchant une tignasse brune familière et une paire de lunettes rondes... Puis il entendit une voix qu'il ne connaissait que trop bien lancer un cri de douleur. Il devait forcément s'agir de Weasley. Peu après, la voix inquiète de Granger vint confirmer son hypothèse : -Qu'est-ce qui se passe ? Ron, où es-tu ? Oh, c'est idiot... Lumos ! Elle fit jaillir de sa baguette un rayon lumineux et éclaira le chemin. Drago vit que Weasley était étendu de tout son long par terre. -J'ai trébuché sur une racine, dit-il avec colère en se relevant. -Avec des pieds de cette taille, c'est difficile de faire autrement, dit Drago de sa voix traînante caractéristique pour leur signaler sa présence derrière eux. Lorsque le trio se retourna vers lui, il avait pris une pose appuyé contre un arbre, les bras croisés, se donnant un air parfaitement détendu qu'il était loin de ressentir en réalité. Ronald conseilla à Drago de faire quelque chose qu'il n'aurait sûrement pas osé répéter devant Mrs Weasley. -Surveille un peu ton langage, Weasley, dit Drago. Vous feriez peut-être mieux de vous dépêcher. J'imagine que vous n'avez pas envie qu'elle se fasse repérer. Il fit un signe de tête en direction de Granger. Au même moment, une détonation aussi puissante que celle d'une bombe retentit dans le camping et un éclair de lumière verte illumina brièvement les arbres qui les entouraient. Drago était de plus en plus mal à l'aise et espérait que son père viendrait bientôt le chercher. Il avait bien entendu lu des histoires sur les rassemblements des Mangemorts durant le règne du Seigneur des Ténèbres, et un sang pur comme le sien ne craignait rien dans cette situation, mais la réalité lui paraissait bien plus effrayante que dans ces lectures, ou que dans les rares récits qu'en faisait son père. -Qu'est-ce que tu veux dire ? lança Granger d'un air de défi. Etait-elle plus stupide que ses performances scolaires ne le laissaient croire ? Drago lui ne courait aucun risque en étant là mais elle si, et elle ne semblait pas se rendre compte qu'il la mettait justement en garde. -Granger, je te signale qu'ils sont décidés à s'en prendre aux Moldus, répondit Drago. Tu as envie de montrer ta culotte en te promenant dans les airs ? Si c'est ça que tu veux, tu n'as qu'à rester où tu es... Ils viennent par ici et je suis sûr que ça nous ferait tous bien rire. -Hermione est une sorcière, répliqua Potter avec colère. -Pense ce que tu voudras, Potter, dit Drago avec un sourire qu'il espérait mauvais. Certes il voulait les prévenir, mais il ne voulait surtout pas avoir l'air de leur venir en aide. Si tu crois qu'ils ne sont pas capables de repérer une Sang de Bourbe, restez donc ici, tous les trois. -Fais attention à ce que tu dis ! s'exclama Weasley. -Laisse tomber, Ron, dit précipitamment Granger en le retenant par le bras alors qu'il faisait un pas vers Drago. Mais elle ne regardait pas le rouquin, elle fixait les yeux gris de Drago comme si elle essayait d'y lire quelque chose. Fuyezfuyezfuyezfuyez... pensait le blond. Une nouvelle explosion, encore plus forte, retentit de l'autre côté des arbres, provoquant des hurlements autour d'eux. Granger eut l'air de le comprendre, alors Drago se permit un petit rire, reprenant sa comédie à voix haute. -Ils ont vite peur, dit-il d'un ton nonchalant. J'imagine que votre père vous a dit de vous cacher ? Qu'est-ce qu'il fabrique ? Il essaye d'aider les Moldus ? -Et tes parents, où sont-ils ? lança Potter. Là-bas, avec une cagoule sur la tête, probablement ? Drago, gardant son masque souriant assurément fixé sur son visage, se tourna vers lui. Va t'en Potter. Va t'en si tu ne veux pas te mettre en danger ou voir ton amie souffrir. -Si c'était vrai, tu penses bien que je ne te le dirais pas, Potter, tu t'en doutes ? -Bon, ça suffit, dit Granger en lançant à Drago un dernier regard Allons rejoindre les autres. -Tu ferais mieux d'aller te cacher, avec ta grosse tête mal coiffée, lança Drago d'un ton méprisant. Il avait daigné l'aider mais ce n'était pas pour autant qu'il se priverait d'un occasion de se moquer d'elle. -Venez, répéta Granger, en entraînant Potter et Weasley. Le rouquin la suivit illico, mais il y eut un moment de flottement où Potter continua de fixer Drago d'un air mi-songeur, mi-dégoûté. Va t'en Potter, se dit à nouveau Drago. Je ne peux rien faire pour vous. Potter finit par détourner les yeux et à se hâter de suivre Granger et Weasley.
Drago ne sut combien de temps il passa à attendre le retour de son père. Il n'avait pas pris sa belle montre sablier avec lui de peur de l'abîmer, et les craintes qu'il avait ressenties jusque là laissaient peu à peu place à l'ennui. Soudain, il entendit au loin une voix s'élever dans les bois, déchirant le silence : -MORSMORDRE ! Drago connaissait cette formule, il avait beaucoup lu à son sujet, il leva donc les yeux vers le ciel, et comme il s'y attendait, il y découvrit une gigantesque tête de mort, composée de petites lumières semblables à des étoiles d'émeraude, avec un serpent qui sortait de la bouche, comme une langue, étincelant dans un halo de fumée verdâtre, se découpant sur le ciel noir comme une nouvelle constellation. Soudain, une explosion de cris retentit dans le bois alentour. La brusque apparition de la tête de mort avait déclenché tous ces hurlements. La forme verte s'était élevée suffisamment haut à présent pour illuminer le bois tout entier, telle une sinistre enseigne au néon. A peine eut-il le temps de réaliser qu'il contemplait la Marque des Ténèbres pour la première fois de ses propres yeux, qu'un « pop » sonore retentit à côté de lui, et son père apparut, arrachant à la hâte sa cagoule en attrapant le bras de Drago. -Vite ! On rentre chez nous ! s'écria Lucius, qui semblait particulièrement agité mais également plus sobre qu'auparavant. Lucius resserra son étreinte sur le bras de son fils, et tout devint alors complètement noir, pour Drago. C'était comme si une très forte pression s'exerça sur toute la surface de son corps, il n'arrivait plus à respirer, on aurait dit que des cercles d'acier lui enserraient la poitrine, ses yeux s'enfonçaient dans leurs orbites et ses tympans semblaient s'étirer de plus en plus profondément à l'intérieur de son crâne. Puis, soudain... Il respira à pleins poumons de longues bouffées d'air frais. L'odeur était familière : ils étaient rentrés au Manoir. En passant leur impressionnant portail de fer forgé, Drago se dit que décidément, aussi magique soit la capacité de transplaner, le faire en escorte était toujours particulièrement désagréable... Ils passèrent la porte d'entrée en silence, mais alors que Drago s'apprêtait à prendre la direction de sa chambre, son père lui fit signe de le suivre dans le petit salon, puis referma soigneusement la porte derrière eux sans un bruit. Il se tourna alors vers Drago, l'air grave. Il lui parut soudain si fatigué, et agité par une nervosité si loin de la bonne humeur qu'il avait affichée plus tôt ce soir là. -Assieds-toi Drago, ordonna son père, et Drago lui obéit en silence. Cela il savait faire. -Tu dois avoir des questions suite aux événements de ce soir mais je vais te demander des les retenir, et probablement de les oublier, car je vais te donner toutes les informations que je juge nécessaires à ta compréhension. Je n'ai pas besoin de rentrer dans certains détails, mais il y a treize ans, le plus grand sorcier de tous les temps a été vaincu par le misérable bébé qu'était Harry Potter, peu importe comment, ou quelle magie a été mise à l'oeuvre pour cela, le résultat était que le Seigneur des Ténèbres semblait avoir disparu. Or récemment, dans mes sphères de connaissances, des rumeurs de plus en plus fiables annoncent l'imminence du retour du Seigneur des Ténèbres. J'ai personnellement des raisons de croire que cela aura effectivement lieu prochainement... Drago remarqua que la main droite de son père s'était légèrement crispée sur son bras gauche. Si les lectures qu'il était parvenu à dénicher au sujet du mage noir et de ses fidèles étaient correctes, cela expliquait alors pourquoi il n'avait jamais vu son père porter autre chose que des manches longues. Lucius reprit : -Bien que les croyances portées par le Seigneur des Ténèbres ne soient désormais plus très populaires, elles sont fondamentales au bon fonctionnement et à la durabilité de la magie. C'est pourquoi je me suis toujours assuré que tu recevrais l'éducation nécessaire sur la pureté du sang avant même ton entrée à Poudlard où tu serais exposé à des opinions... divergentes. A l'heure de gloire du Seigneur des Ténèbres, les Malefoy l'ont servi fidèlement, afin de s'assurer que ces valeurs puissent prendre la place qu'elle méritent dans la société sorcière. Après sa disparition, nous avons dû survivre au mieux à la prise de contrôle des opposants à ces croyances, mais contrairement aux apparences nous n'avons jamais cessé d'y croire, attendant juste le moment opportun pour les remettre en avant. Lucius parlait avec une intensité presque fanatique qui exalta Drago, bien qu'il ne put également s'empêcher de frissonner. Il sentait bien qu'il s'agissait là d'un moment important et qu'il allait enfin prendre la voie qu'on avait attendue de lui depuis son enfance. Son père continua, la voix presque tremblante d'excitation : -Si comme je le crois le Seigneur des Ténèbres venait effectivement à renaître, les Malefoy se rangeraient à nouveau à ses côtés, et notre nom retrouverait enfin sa gloire passée. Il sembla reprendre un peu ses esprits et, un peu plus calmement, finit sa tirade en regardant Drago dans les yeux. -Je ne te demande pas pour l'instant de faire quoi que ce soit de cette information, je t'annoncerai en temps et en heure le rôle que tu devras jouer et j'attends de toi d'appliquer mes instructions à la lettre. Pour l'instant, je veux juste m'assurer que les événements de ce soir puissent te paraître plus clairs, mais également que tu resteras bien muet à leur sujet. J'aurais une discussion demain avec ta mère pour lui fournir également les informations dont elle aura besoin, mais tu n'en parleras pas directement avec elle, ni avec qui que ce soit d'autre. Je sais que tu auras envie de te vanter de ta présence aux premières loges de ce soir, mais cela ne t'est pas autorisé. Nous ne devons pas amener d'attention intempestive sur les événements qui ont eu lieu après le match tant que notre Maître ne sera pas réellement revenu. Dès lors, si le sujet de conversation se présente à toi, tu resteras vague et changera prestement la discussion pour ne pas montrer ce que tu sais, me suis-je bien fait comprendre ? Drago hocha docilement la tête, sachant que son père n'attendait pas plus. En effet, celui-ci prit alors un air approbateur avant de congédier son fils d'un geste de la main.
Drago monta enfin se coucher, la tête bourdonnant de toutes ces informations et de tout ce à quoi il avait assisté durant la soirée. La victoire de l'Irlande lui semblait désormais bien lointaine. |