Chapitre 38
La mission de Drago
Vers la fin de l'été, Drago fut convoqué par le Seigneur des Ténèbres en personne dans le grand salon. Ce dernier n'avait pas passé tout l'été au Manoir, bien que celui-ci ait sans cesse pullulé de Mangemorts divers, qui comptaient bien utiliser la vaste demeure bien plus confortable que leurs cellules d'Azkaban ces dernières années. Drago n'avait aperçu le Lord qu'à de rares occasions, mais ils n'avaient pas eu de nouvelles interactions depuis qu'il avait marqué le jeune Serpentard. -Ah te voilà mon cher Drago, siffla Lord Voldemort d'un air complaisant. Son énorme serpent, lové sur ses épaules, leva ses yeux jaunes-orangés vers Drago. La vision avait de quoi intimider. -Vous m'avez fait appeler Maître ? demanda Drago d'un ton aussi calme et respectueux que possible. -Si courtois, si bien élevé... Je te félicite de ton éducation Narcissa, complimenta le Lord, bien que ces mots sonnaient faux dans sa bouche. Je complimenterais également Lucius bien volontiers si celui-ci ne m'avait pas tant... déçu. Voyant que Drago ne prenait pas la défense de son père, le Seigneur des Ténèbres eut une moue satisfaite et poursuivit : -Je vois que cela ne te surprend pas Drago, ton père à échoué de manière lamentable à une tâche d'une facilité pourtant déroutante. Il m'a coûté toute une équipe de fidèles Mangemorts qui sont derrière les barreaux avec lui en ce moment même. Bien entendu, cela ne durera pas, mais quelle perte de temps... Or le temps, vois-tu, est une richesse cruciale, même pour quelqu'un d'éternel comme moi. Lucius me doit ce temps, dès lors, je considère que la famille Malefoy a une dette envers moi. Dis-moi Drago, voudrais-tu aider les tiens à éponger leur dette au plus vite ? Ce n'était pas une vraie question, quelle que soit la demande Drago n'aurait pas le choix. -Je ferai tout ce que vous attendrez de moi Maître, répondit-il docilement, redoutant déjà la suite. -Excellente réponse Drago, bravo ! Drago eut l'impression d'être un animal à qui on donnait une friandise pour le moindre accomplissement. Mais il se doutait que Lord Voldemort ne garderait pas le même ton plaisant avec lui s'il venait à faillir à ses exigences. Ce dernier reprit : -Il s'avère que Lucius n'est pas celui qui me fait perdre le plus de temps. Quelqu'un d'autre se dresse constamment contre moi, contrecarrant mes plans, me faisant encore et toujours perdre mon temps... Sa voix prenait désormais des accents colériques. -Est-ce que tu vois de qui je peux parler Drago ? -Non Maître... mais Drago craignait que si... Pas Potter, pas Potter, pas Potter... -Albus Dumbledore. Drago fut momentanément soulagé par la réponse du Seigneur des Ténèbres, différente de celle qu'il redoutait, jusqu'à ce qu'il l'assimile vraiment. La surprise lui fit ouvrir des yeux ronds. Lord Voldemort poursuivit : -Drago, en tant qu'élève à Poudlard, tu franchis d'office la première ligne de défense de ce vieux fou en étant déjà dans le château. Tu as donc un accès direct dont aucun autre de mes Mangemorts ne peut bénéficier. Dès lors, ta mission est la suivante : tu devras tuer Albus Dumbledore avant la fin de l'année. Un silence de mort régnait sur la pièce. Narcissa avait pâli. La plupart des Mangemorts présents regardaient Drago stupéfait. Comment un sorcier si jeune pouvait vaincre un mage si puissant ? Bellatrix regardait son maître avec adoration, comme si la tâche qu'il avait confié à Drago relevait d'un ultime honneur. Drago la voyait marmonner, lisant sur ses lèvres « si j'avais des fils, je serais moi aussi heureuse de les mettre à votre service, Seigneur des Ténèbres... ». Il comprit deux choses : bien qu'il s'agissait de toute évidence d'une vengeance pour punir l'erreur de Lucius, elle était ingénieusement camouflée sous la forme d'un privilège que le Lord semblait accorder à Drago. Il ne devait en aucun cas chercher à se dérober à son devoir, mais devait donner l'impression d'être content d'avoir cette chance de faire ses preuves, et d'être même enthousiasmé par cette perspective. Il était intelligent, il trouverait en temps et en heure une solution, pour l'instant il devait laisser son cerveau et son masque gérer la situation en faisant taire ses émotions. Se concentrant, il gela tout ce qu'il ressentait à l'intérieur de lui pour l'appréhender plus tard, et se concentra sur son jeu d'acteur. Il fit apparaître un sourire qu'il espérait juvénile et transi sur son visage, et répondit avec ferveur :
-Je serai honoré de vous prouver mon engagement Maître, merci pour cette opportunité je ne vous décevrai pas ! Voldemort sembla presque un peu déçu que Drago accepte aussi facilement, mais sembla se résigner vite au fait qu'après tout, il avait face à lui un adolescent emporté et servile. Il le félicita de sa réaction et ajouta également : -Ce sera là ta mission principale, mais si tu y parviens, j'aimerais également que tu aides mes fidèles Mangemorts à pénétrer dans le château pour bénéficier du même angle d'attaque privilégié que toi sur Poudlard. Je te laisserai réfléchir à ce problème et trouver comment me satisfaire... Lord Voldemort ne supporterait pas une nouvelle déception de la part des Malefoy qui pourrait s'avérer extrêmement... douloureuse pour toi et pour ta famille. Me suis-je bien fait comprendre ? Drago hocha simplement la tête. La menace était tout à fait claire. Voldemort les congédia tous, et ils quittèrent la pièce. Drago chercha sa mère du regard mais celle-ci s'était précipitée hors de la pièce la première, suivie de près par Bellatrix qui criait : « Attends ! Cissy, attends ! »
Drago remonta dans sa chambre aussi calmement que possible même si la panique montait en lui. Voldemort était-il au courant de toutes ses interactions privées avec Dumbledore ? Etait-ce pour cela qu'il l'avait choisi pour cette mission ? Après tout, même si leurs discussions se comptaient sur les doigts d'une main, Drago était certain que rares étaient les élèves à avoir eu autant de tête-à-têtes avec le directeur. Il considérait en quelque sorte leur relation presque comme privilégiée, et quoi qu'il en dise, il éprouvait un grand respect pour le directeur. Le Seigneur des Ténèbres avait-il eu vent de tous leurs échanges et était-ce là un moyen encore plus poussé de le punir ? Sans doute que non, mais la tâche paraissait d'autant plus impossible qu'il n'avait pas du tout envie de tuer Albus Dumbledore... Il ne se sentait pas réellement l'âme d'un tueur tout court... Mais il n'avait pas le choix... Je peux toujours fuir, se dit-il avec désespoir, mais il pensa vite aux conséquences que cela aurait pour ses parents et oublia vite l'idée. Une petite voix désagréable dans sa tête ajouta « et Harry Potter alors ? Tu ne le verrais plus si tu t’enfuyais, tu ne pourrais même pas savoir s'il lui arrivait quelque chose... » mais il la fit vite taire, l'enfermant à double tour dans la boîte à pensées secrètes de son esprit. Son éducation prit progressivement le pas sur ses craintes. Son père avait fait une erreur et comptait sans doute sur lui pour la corriger. Maintenant que opportunité lui était donnée de faire cela, Drago ne pouvait pas se permettre de le décevoir. De toute façon, il n'avait pas le choix, il savait que ses parents étaient prêts à tout pour lui, il n'acceptait pas d'être à l'origine de la moindre souffrance pour eux. Le Seigneur des Ténèbres voulait d'ailleurs simplement rétablir une société sorcière plus juste pour ceux qui possèdent le pouvoir le plus puissant, les Sang Purs, et ceux qui s'y opposaient comme Dumbledore n'y avaient plus leur place. Le vieux sorcier appartenait à un autre temps, ses façons de faire et ses valeurs avaient assez duré. Le geste de Drago serait un premier pas vers le futur du monde sorcier dans lequel quelqu'un de son statut et son sang aurait forcément une place d'honneur. Oui, il trouverait enfin son rôle et ses certitudes dans ce futur là. Il ne pouvait plus seulement être spectateur, l'heure était venue pour lui d'agir. On lui avait fait un honneur avec cette Marque sur son bras, nulle autre Mangemort ne pouvait se vanter d'avoir rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres à seize ans seulement. Drago avait toujours fait ce qu'on attendait de lui et cette tâche là n'y ferait pas exception. Il suffisait de la traiter avec objectivité et de refuser que l'émotionnel ne s'en mêle. S'étant ainsi réconforté et persuadé, à l'aide de ses compétences d'occlumans Drago appliqua le même traitement à ses émotions que celui qu'il avait infligé aux pensées qu'il voulait garder pour lui. Tout fut soigneusement enfermé afin que l'affect ne viennent plus perturber l'intellect. Lorsqu'il se mit à réfléchir au problème Dumbledore, seules des réflexions rationnelles furent autorisée à naître dans son esprit, les émotions se retrouvant alors bloquées dès lorsqu'elles surgissaient. Très vite, Drago eut une première idée, et sans le savoir c'était son capitaine de Quidditch qui la lui avait donnée...
Lorsque Montague avait raconté à Drago son séjour dans l'Armoire à Disparaître, des choses étranges semblaient lui être arrivées. Montague s'était senti prisonnier d'une sorte de vide, entendant parfois ce qui se passait dans l'école, et parfois ce qui se passait dans une boutique qui lui était inconnue, comme si l'armoire voyageait entre les deux. Après son récit, Drago était allé voir la grande armoire noire en question au premier étage et, même endommagée comme si elle avait fait une chute d'une certaine hauteur, celle-ci lui avait paru étrangement familière, comme s'il l'avait déjà vue quelque part... Ce n'était que ce soir là alors qu'il réfléchissait à un moyen de faire rentrer d'autres Mangemorts dans l'école qu'il se rappela enfin d'où il connaissait ce meuble. Barjow et Beurk ! Il s'était approché de la même armoire dans leur boutique l'été avant sa deuxième année. Elles devaient être jumelles et un passage devait donc être possible entre les deux. Sauf que celle de Poudlard était cassée... Il devait donc trouver un moyen de la réparer. Drago préférait se concentrer sur la deuxième partie de sa mission, car si d'autres Mangemorts pénétraient grâce à lui dans le château, peut-être pourraient-ils commettre le meurtre dont il avait été chargé à sa place. Il avait une année entière devant lui, et si cette stratégie ne portait pas ses fruits ou que le temps venait à manquer, il pourrait toujours trouver d'autres angles d'attaque à ce moment-là. Il allait donc devoir rendre une petite visite à la boutique de l'Allée des Embrumes, et pour cela il devait encore attendre une semaine jusqu'à la date où Narcissa avait prévu qu'ils fassent ses achats scolaires pour sa sixième année.
Ce jour-là, une fois sur le Chemin de Traverse, Drago remarqua que la plupart des gens qu'ils croisaient avaient une expression tourmentée, anxieuse, et que plus personne ne s'arrêtait dans la rue pour bavarder ; les clients des magasins restaient étroitement rassemblés en petits groupes, uniquement occupés par leurs achats. Personne ne paraissait faire ses courses tout seul. Drago tâcha de se montrer particulièrement désagréable envers sa mère, jouant l'enfant gâté capricieux dans l'espoir qu'elle se lasse de sa compagnie et le laisse libre de ses mouvements un moment. Mais l'instinct protecteur de sa mère n'était pas facile à déjouer. En essayant une élégante robe de sorcier vert foncé, chez Madame Guipure, il tentait en vain de la convaincre. -Je ne suis plus un enfant, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, maman. Je suis parfaitement capable de faire mes achats seul. Madame Guipure eut une sorte de gloussement et, prenant le parti de sa mère qui avait déjà formulé à deux reprises son refus à Drago, elle déclara : -Votre mère a tout à fait raison, mon petit, personne ne doit plus se promener seul, qu'on soit un enfant ou pas n'a rien à voir avec ça... -Faites attention où vous mettez cette épingle, s'il vous plaît ! La sorcière, distraite, l'avait piqué pour la troisième fois déjà ! Tout à coup, la porte de l'échoppe s'ouvrit et une apparition à laquelle il ne s'était plus attendue depuis longtemps dans cette boutique interrompit le fil de ses pensées. Potter venait d'entrer, comme lorsqu'ils étaient en première année et qu'il l'avait vu pour la première fois... Malheureusement il n'était pas seul, Weasley et Granger étaient collés à ses basques comme d'ordinaire. -Si tu te demandes quelle est cette odeur, maman, je te signale qu'une Sang-de-Bourbe vient d'entrer ici, dit Drago espérant vexer Granger et la faire partir. Et tant mieux si elle embarquait Weasley avec elle... -Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tenir ce genre de propos ! protesta Madame Guipure un mètre ruban et une baguette magique à la main. Et je ne veux pas non plus qu'on se batte dans ma boutique ! se hâta-t-elle d'ajouter après avoir vu Potter et Weasley pointer leurs propres baguettes sur Drago. Granger, qui se tenait légèrement en retrait, murmura : -Arrêtez, franchement, ça n'en vaut pas la peine... -Ouais, comme si vous alliez oser vous servir de vos baguettes en dehors de l'école, ricana Drago. Remarqua soudain l'oeil blessé de Granger il l'interpella. Qui est-ce qui t'a collé un œil au beurre noir, Granger, que je lui envoie des fleurs ? -Ça suffit ! s'exclama Madame Guipure, qui regardait par-dessus son épaule en quête d'un soutien. Madame, s'il vous plaît... -Rangez ça, lança Narcissa d'un ton glacial à Potter et à Weasley. Si vous recommencez à attaquer mon fils, vous pouvez être sûrs que ce sera la dernière chose que vous aurez jamais faite dans votre vie. -Vraiment ? répliqua Potter. Vous avez l'intention d'aller chercher quelques-uns de vos amis Mangemorts pour en finir avec nous ? Madame Guipure poussa un cri perçant et porta la main à son cœur. -Voyons, il ne faut pas accuser... c'est très dangereux de dire ça... rangez vos baguettes, s'il vous plaît ! Mais Potter continua de brandir la sienne. Narcissa eut un sourire déplaisant que Drago trouva très intimidant. -Je constate qu'être le chouchou de Dumbledore vous a donné l'illusion que vous étiez invincible, Harry Potter. Mais Dumbledore ne sera pas toujours là pour vous protéger. Potter jeta un regard moqueur autour de la boutique. -Tiens... vous avez vu... il n'est pas là pour l'instant! C'est le moment de tenter votre chance, non ? Peut-être qu'à Azkaban, ils vous trouveront une cellule double à partager avec votre mari vaincu ! Drago, furieux, s'élança vers lui, mais il se prit les pieds dans sa robe trop longue et trébucha. Weasley éclata d'un rire sonore. -Ne t'avise pas de parler à ma mère comme ça, Potter ! gronda Drago. -Ça n'a pas d'importance, Drago, dit Narcissa qui le retenait en posant ses doigts pâles et fins sur son épaule. Je pense que Potter ira rejoindre le cher Sirius avant que je ne retrouve Lucius. Aouch, cela avait dû faire mal ! En effet, Potter leva sa baguette un peu plus haut. -Harry, non ! gémit Granger. Il ne faut pas... Tu aurais trop d'ennuis... Elle l'attrapa par le poignet en essayant de lui faire baisser le bras. Pendant un moment, Madame Guipure parut désemparée puis elle décida de se comporter comme si de rien n'était dans l'espoir que tout allait s'arranger. Elle se pencha vers Drago qui regardait toujours Potter d'un air furieux, même si en posant les yeux sur le binoclard il pensait plutôt à à quel point leurs disputes lui avaient manqué... -Je crois qu'on pourrait encore raccourcir un peu la manche gauche, ne bougez pas, mon petit, je vais... AÏE ! Celle-ci l'avait piqué en plein sur sa Marque des Ténèbres qui, même au bout de plusieurs semaines, était encore à vif et douloureuse. -Faites attention où vous mettez vos aiguilles, femme ! s'écria Drago en lui écartant la main d'une tape. Maman... je crois que je ne veux pas de cette robe, finalement... Il l'enleva en la passant par-dessus sa tête et la jeta par terre, aux pieds de Madame Guipure. -Tu as raison, Drago, approuva Narcissa qui lança à Granger un regard méprisant. Maintenant que je vois quel genre de racaille vient se fournir ici... On trouvera mieux chez Tissard et Brodette. La mère et le fils sortirent alors de la boutique, Drago bousculant brutalement Weasley au passage.
Drago finit par fausser compagnie à sa mère chez Fleury et Bott. Sa passion pour les livres ne sortait pas de nulle part, Narcissa était un vrai rat de bibliothèque et fut vite distraite au milieu des grandes étagères surchargées d'ouvrages. Drago lui avait confié sa liste de manuels scolaires et une fois qu'il la vit profondément plongée dedans, il sortit discrètement de la boutique, espérant avoir le temps de revenir avant qu'elle ne remarque son absence. Au pire, il y avait désormais d'autres choses dans sa vie plus terrifiantes que de se faire gronder par sa mère. Marchant aussi vite que possible, il passa devant un magasin ridicule, qui, niché entre les façades ternes attirait l'œil comme un feu d'artifice. La vitrine de gauche offrait une éblouissante variété d'objets qui tournaient, éclataient, clignotaient, bondissaient, hurlaient, mais la vitrine de droite était recouverte d'une immense affiche violette sur laquelle scintillait en lettres jaunes : Vous avez peur de Vous-Savez-Qui ? Craignez plutôt POUSSE-RIKIKI le constipateur magique qui vous prend aux tripes !
L'idée horrifia Drago autant qu'elle l'amusa, et il en déduisit que c'était là le nouveau plan de carrière des jumeaux Weasley après leur spectaculaire évasion de Poudlard l'année passée. Leur style était facilement reconnaissable. Il remonta la rue d'un pas vif et une fois qu'il eut dépassé les Farces pour sorciers facétieux, il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant de s'engager dans l'Allée des Embrumes. Celle-ci paraissait complètement déserte. Aucune des boutiques ne semblait avoir de clients. Drago supposa qu'en cette période de danger et de soupçons, il était trop compromettant d'acheter des objets liés aux forces du Mal - ou en tout cas d'être vu en train de les acheter. Il fallait vraiment qu'il fasse vite... Il entra chez Barjow et Beurk, et après avoir confirmé d'un coup d'oeil que l'armoire était bien la bonne, il s'adressa au propriétaire de la boutique, un homme aux épaules voûtées et aux cheveux huileux, dont le visage exprimait un curieux mélange de crainte et de ressentiment. Après avoir exigé qu'il ne vende à personne l'Armoire à Disparaître, il lui expliqua en deux mots l'état dans laquelle se trouvait l'autre armoire, prétendant juste qu'elle était en sa possession - il ne voulait pas que Barjow devine qu'elle était réellement à Poudlard - avant d'attaquer ensuite la véritable raison de sa demande : -Vous savez comment la réparer ? -Peut-être, répondit Barjow sur un ton qui laissait deviner une certaine réticence à s'engager. Il faudra que je voie ça. Pourquoi ne l'apportez-vous pas au magasin ? -Je ne peux pas, répondit Drago. Elle doit rester là où elle est. Je veux simplement que vous m'expliquiez comment faire. Barjow se passa la langue sur les lèvres d'un air préoccupé. -Si je ne la vois pas, je dois dire que ce sera très difficile, peut-être même impossible. Je ne peux rien vous garantir. -Non ? répliqua Drago avec mépris. Dans ce cas, peut-être que ceci vous rendra plus sûr de vous. Il s'avança vers Barjow et souleva sa manche gauche jusqu'au coude pour lui montrer sa Marque des Ténèbres. Barjow sembla terrorisé. -Si vous le dites à qui que ce soit, menaça Drago, il y aura des représailles.Vous connaissez Fenrir Greyback ? C'est un ami de ma famille, il viendra vous rendre visite de temps en temps pour vérifier que vous consacrez à la question toute l'attention qu'elle mérite. En vérité ce cinglé de loup garou n'était que depuis quelques jours au Manoir et Drago le méprisait et le trouvait répugnant, mais c'était un personnage particulièrement intimidant ce qui convenait bien à ses besoins du moment. -Il est inutile de... -J'en jugerai moi-même, coupa Drago. Bon, il faut que j'y aille, maintenant. Et n'oubliez pas de mettre celle-ci de côté, j'en aurai besoin. -Vous voulez peut-être l'emporter maintenant ? -Certainement pas, petit homme stupide, de quoi aurais-je l'air si je portais ça dans la rue? Ne la vendez pas, c'est tout. -Bien sûr que non... monsieur. Barjow le salua en se penchant aussi bas que le jour où Drago l'avait vu s'incliner devant son père. -Pas un mot à quiconque, Barjow, y compris à ma mère, d'accord ? -Naturellement, naturellement, murmura Barjow en s'inclinant à nouveau. Un instant plus tard, la clochette au-dessus de la porte tinta avec force tandis que Drago sortait de la boutique, plutôt content de lui. Malheureusement, son escapade avait trop duré pour ne pas être remarquée par Narcissa. Elle ne lui posa cependant aucune question, et ne lui adressa d'ailleurs pas la parole jusqu'à ce qu'ils soient retournés au Manoir. Sa mère le connaissait bien, pensa Drago avec amertume, elle savait qu'il souffrirait de ce silence plus que de quelconque remontrance. L'été touchait presque à sa fin, et bientôt il lui faudrait à nouveau dire au revoir à sa mère. Or au vu des circonstances actuelles, il n'y avait désormais plus moyen de savoir pour combien de temps il la quitterait. En arrivant sur le palier du Manoir, Drago lui murmura « Pardon ». Elle serra un peu plus fort son bras droit qu'elle avait tenu lors du transplanage en hochant la tête, et Drago espérait qu'elle avait bien accepté ses excuses. Le lendemain, pour son dernier jour au Manoir, il y eut une sorte d'écoeurant buffet d'au revoir pour Drago où les Mangemorts, tous plus saouls les uns que les autres, lui souhaitaient un joyeux premier meurtre.
Drago ne parvint pas à dormir cette nuit là. La seule perspective réconfortante était de retrouver ses camarades de Serpentard le lendemain. Nul doute que son nouveau statut de Mangemort confirmerait pour de bon son rang largement supérieur auprès d'eux, et qu'ils ne pourraient que l'admirer plus encore. Rasséréné par cette pensée, Drago utilisa son insomnie pour préparer son annonce du lendemain, choisissant finalement une approche nonchalante qui devrait produire son petit effet... |