Chapitre 35

La grande évasion Weasley

Un jour, Drago, Crabbe et Goyle, entendirent d'étranges coups martelés dans les toilettes. Surpris, et légèrement effrayé, Drago ordonna à ses acolytes d'ouvrir la cabine d'où semblait venir le bruit. Ils se trouvèrent alors nez à nez avec Montague, leur capitaine de Quidditch, qui paraissait coincé dans les toilettes. Tiens, se dit Drago interloqué à cette vision improbable, c'était vrai que cela faisait quelques semaines qu'on ne l'avait pas vu ! En les apercevant, il se mit à beugler :
-AU SECOUUURS, SORTEZ-MOI DE LAAAA !
Drago confia aux gros bras la mission peu ragoûtante d'extraire Montague du cabinet et s'en fut vite prévenir Ombrage, puis Rogue. Après tout il était le directeur des Serpentard et cette affaire le concernait tout autant que la directrice de l'école.
Dans sa précipitation, il ouvrit à la volée la porte du bureau du Maître des Potions et se précipita dans la pièce. Il s'interrompit net à la vision inattendue de Rogue et Potter, debout face à face la baguette en main de part et d'autre du bureau.
-Professeur Rogue, oh... pardon...
Surpris, Drago regarda successivement Rogue puis Harry.
-Ce n’est pas grave, Drago, dit Rogue en abaissant sa baguette magique. Potter est venu prendre un petit cours de rattrapage en potions.
-Je ne savais pas, dit Drago, extrêmement réjoui à l'idée que Potter soit suffisamment mauvais en potions pour avoir besoin de cours particuliers. Il lança un regard mauvais à Potter et se sentit encore mieux après avoir vu ses joues s’empourprer. Il eut d'un coup l'impression que la température était montée d'un cran dans la pièce, et pendant un instant il perdit le fil de ses pensées.
-Eh bien, Drago, de quoi s’agit-il ? demanda Rogue.
-C’est le professeur Ombrage, monsieur... Elle a besoin de votre aide. Ils ont trouvé Montague coincé dans des toilettes au quatrième étage.
-Comment est-il arrivé là ? interrogea Rogue.
-Je l’ignore, monsieur. Ses explications sont un peu confuses. En effet, des bribes de paroles sans queue ni tête que Montague avait balancé pêle-mêle depuis qu'ils l'avaient trouvé, Drago n'avait pu discerner que quelques mots : « brigade », « point », « jumeaux », « Weasley » et « armoire ». Drago en avait déduit que lorsque Montague avait voulu utiliser ses nouveaux privilèges de membre de la brigade inquisitoriale contre les jumeaux Weasley, ceux-ci l'avaient forcé à entrer tête la première dans l’Armoire à Disparaître du premier étage. Si Montague parvenait à raconter son histoire de manière cohérente, les deux rouquins allaient au devant de gros ennuis...
-Très bien, très bien, Potter, dit Rogue, nous reprendrons cette leçon demain soir. Il fit volte-face et sortit à grands pas de son bureau.
Drago se tourna vers Potter et forma sur ses lèvres, sans les prononcer, les mots : « Rattrapage en potions. » Puis il suivit Rogue dans le couloir. Dès que cette histoire avec Montague serait terminée, Drago allait s’empresser de raconter partout que Potter avait besoin de cours de rattrapage en potions !

Néanmoins, lors du prochain cours en cette matière, Drago perçut une certaine tension entre Rogue et Potter, d'autant plus que l'enseignant semblait faire comme si ce dernier n’existait pas. Potter paraissait pour une fois capable de préparer sans trop de difficulté la potion d'aujourd'hui, soit un philtre Revigorant. Peut-être que les cours particuliers qu'il recevait s'étaient avérés très efficaces ? À la fin du cours, Drago vit Potter remplir un petit flacon de potion, le boucher avec soin et l’apporter au bureau de Rogue pour qu’il lui donne une note. La potion ne semblait pas trop mal réussie... mais à peine Potter s’était-il éloigné du bureau qu’on entendit un bruit de verre brisé. Drago éclata de rire et Potter fit aussitôt volte-face. Le flacon qui contenait son échantillon s’était fracassé par terre et Rogue le regardait avec une jubilation méchante.
-Oups ! dit-il à mi-voix. Eh bien, ça nous fera un nouveau zéro, Potter. Décidément, la mauvaise foi de son enseignant favori était sans limite, pensa Drago, amusé. Il faillit partir d'un nouveau rire en voyant que Potter, une fois retourné auprès de son chaudron pour chercher un nouvel échantillon s'était figé avec une expression d'horreur.
-Je suis désolée ! lui dit Granger, la main sur sa bouche. Je suis vraiment désolée, Harry, je croyais que tu avais fini, alors j’ai fait le ménage ! 
Drago se dit que Rogue avait sans doute dû assister au nettoyage de Granger lorsqu'il avait décidé de détruire l'échantillon de Potter. Lorsque la cloche sonna, Potter se précipita hors du cachot sans un regard en arrière. 

Quelques jours plus tard, un grand tumulte montait du hall d’entrée. En dévalant l’escalier de marbre, Drago vit une foule qui devait rassembler la quasi- totalité des élèves de l’école. Les élèves formaient un grand cercle le long des murs et certains d’entre eux étaient couverts d’une substance immonde. Les enseignants et les fantômes étaient également présents. Bien visibles dans la foule, on reconnaissait certains membres de la brigade inquisitoriale qui affichaient un air satisfait. Drago s'empressa de les rejoindre. Peeves voletait au-dessus des têtes en regardant fixement Fred et George, qui, debout au milieu du cercle, avaient l’expression caractéristique de quelqu’un qu’on vient de prendre la main dans le sac.
-Bien ! dit Ombrage d’un air triomphant.
Drago s’aperçut qu’elle se tenait devant lui, quelques marches plus bas. Elle contemplait ses proies avec délectation.
-Alors, vous trouvez amusant de transformer un couloir de l’école en marécage, n’est-ce pas ?
-Très amusant, oui, répondit Fred qui leva le regard vers elle sans manifester le moindre signe de frayeur.
Rusard joua des coudes pour s’approcher d’Ombrage. Il pleurait presque de bonheur.
-J’ai le formulaire, madame la directrice, dit-il d’une voix rauque en brandissant un morceau de parchemin. J’ai le formulaire et les fouets sont prêts... Oh, s’il vous plaît, donnez-moi l’autorisation de le faire tout de suite...
-Très bien, Argus, dit Ombrage. Vous deux, ajouta-t-elle en regardant Fred et George, vous allez voir ce qui arrive dans mon école aux canailles de votre espèce.
-Eh bien, moi, je crois qu’on ne va rien voir du tout, répliqua Fred.
Il se tourna vers son frère jumeau.
-George, dit-il, je pense que nous n’avons plus l’âge de faire des études à plein temps.
-Oui, c’est bien ce qu’il me semblait, répondit George d’un ton léger.
-Le moment est venu d’exercer nos talents dans le monde réel, tu ne crois pas ? reprit Fred.
-Sans aucun doute, approuva son frère.
Et avant que le professeur Ombrage ait pu dire un mot, ils levèrent leurs baguettes et s’écrièrent d’une même voix :
-Accio balais !
Drago entendit un grand bruit quelque part dans le château. Il jeta un coup d’œil sur sa gauche et eut tout juste le temps de se baisser. Les balais de Fred et de George, l’un traînant toujours derrière lui la lourde chaîne et le piton de fer auquel Ombrage les avait attachés, fonçaient dans le couloir en direction de leurs propriétaires légitimes. Ils virèrent sur leur gauche, plongèrent le long de l’escalier et s’arrêtèrent net devant les jumeaux, la chaîne cliquetant bruyamment sur les dalles du sol.
-Au plaisir de ne plus vous revoir, dit Fred au professeur Ombrage en passant une jambe par- dessus le manche de son balai.
-Oui, ne vous donnez pas la peine de prendre de nos nouvelles, ajouta George qui enfourcha également le sien.
Fred jeta un regard circulaire aux élèves rassemblés en une foule attentive et silencieuse.
-Si quelqu’un a envie d’acheter un Marécage Portable semblable à celui dont nous avons fait la démonstration là-haut, rendez-vous au 93, Chemin de Traverse, chez Weasley, Farces pour sorciers facétieux, dit-il d’une voix sonore. Nos nouveaux locaux !
-Réduction spéciale pour les élèves de Poudlard qui jurent d’utiliser nos produits pour se débarrasser de cette vieille grenouille, ajouta George en montrant du doigt le professeur Ombrage.
-ARRÊTEZ-LES ! hurla Ombrage d’une voix suraiguë.
Mais il était trop tard. Tandis que Drago et le reste de la brigade inquisitoriale s’avançaient vers eux, Fred et George décollèrent d’un coup de pied et firent un bond de cinq mètres dans les airs, le piton de fer se balançant dangereusement sous leurs balais. Fred se retourna vers l’esprit frappeur qui voletait à sa hauteur au-dessus de la foule.
-Rends-lui la vie infernale à cette vieille folle, Peeves, lança-t-il.
Et Peeves, que Drago n’avait encore jamais vu obéir à l’ordre d’un élève, ôta de sa tête son chapeau en forme de cloche et se mit au garde-à-vous devant Fred et George qui firent demi-tour sous les applaudissements nourris de la foule avant de s’élancer au-dehors dans le ciel étincelant du crépuscule.
« Wow !» fut la première pensée qui traversa l'esprit de Drago, avant qu'il ne se ressaisisse pour afficher un air contrarié pile à temps. Ombrage venait de poser ses gros yeux de batracien sur lui et n'aurait sans doute pas apprécié détecter la moindre expression admirative sur son visage. D'autant plus que dans les jours qui suivirent, Drago n'eut plus aucune raison de penser du bien des jumeaux Weasley, et se mit au contraire à les maudire.

Stimulés par l’exemple de Fred et de George, bon nombre d’élèves étaient entrés en compétition pour occuper les postes désormais vacants de chahuteurs-en-chef. En dépit de la nouvelle porte, quelqu’un avait réussi à glisser dans le bureau d’Ombrage un Niffleur au museau velu. La créature avait très vite saccagé l’endroit, à la recherche d’objets brillants, et avait sauté sur Ombrage dès son retour dans le bureau pour essayer de lui arracher à coups de dents les bagues qui ornaient ses doigts boudinés. Des Bombabouses et des boules puantes étaient si fréquemment jetées dans les couloirs que la nouvelle mode consistait à s’appliquer un sortilège de Têtenbulle avant de quitter chaque classe, ce qui donnait l’apparence bizarre de porter sur la tête un bocal à poissons rouges renversé mais permettait au moins de respirer. Rusard rôdait dans les couloirs, une cravache à la main, dans l’espoir de surprendre les coupables mais ils étaient à présent si nombreux qu’il ne savait plus où donner de la tête. La brigade inquisitoriale s’efforçait de l’aider mais ses membres étaient victimes d’étranges phénomènes. Warrington, de l’équipe de Quidditch de Serpentard, se présenta un jour à l’infirmerie en se plaignant d’une horrible affection de la peau qui lui donnait l’air d’être recouvert de cornflakes. Le lendemain, Pansy dut renoncer à se rendre en classe en raison des cornes de cerf qui lui avaient poussé sur la tête. Drago traversait désormais les couloirs la peur au ventre. Personne n'avait encore osé s'attaquer à lui, mais en voyant les fauteurs de trouble devenir de plus en plus audacieux, il n'était pas sûr d'être suffisamment intimidant pour rester indéfiniment intouchable. 

L'occasion de se défouler un peu lui fut donnée lors du prochain match de Quidditch où Gryffondor affrontait Serdaigle. Lorsque Chang arriva sur le terrain, ses cheveux noirs et brillants ondulant dans une légère brise, la gorge de Drago se serra (de jalousie ?) mais du coin de l'oeil il vit que Potter n'avait aucune réaction particulière en la voyant. A vrai dire, depuis la Saint Valentin, il ne les avait vu passer que peu de temps ensemble, peut-être que cette histoire de rendez-vous galant n'était plus d'actualité ? Rassuré, Drago se détourna d'elle pour vérifier qu'autour de lui les Serpentard étaient prêts à chanter. Ils comptaient bien se servir du pouvoir de déstabilisation de sa chanson à nouveau. Lors du dernier match de l'équipe en robe rouge, leur performance avait été si désastreuse qu'ils n'avaient presque pas eu besoin des Serpentard pour être déconcentrés. Le match n’avait pas duré longtemps, n'infligeant que vingt-deux minutes de supplice aux supporters de Gryffondor. Weasley avait encaissé quatorze buts, QUATORZE ! Il faisait vraiment un merveilleux roi Ouistiti ! Malgré tout, Gryffondor n’avait perdu que de dix points : la Weasley-femelle qui remplaçait Potter à son poste d'attrapeur avait réussi à ravir le Vif d’or sous le nez de Summerby, l’attrapeur de Poufsouffle, ce qui donnait un score final de deux cent quarante à deux cent trente. Mais aujourd'hui les rouges n'affrontaient plus les jaunes, mais les bleus.
-Et les voilà partis ! annonça Lee. Davies prend immédiatement le Souafle, Davies, le capitaine de Serdaigle, en possession du Souafle, il évite Johnson, il évite Bell, il évite Spinnet... Il fonce droit vers les buts ! Il va tirer et... et... - Lee poussa un juron sonore - et il marque.
Drago vit Potter et Granger gémir en même temps que les autres supporters de Gryffondor. C'était le moment de se mettre à chanter :
Weasley est un grand maladroit, il rate son coup à chaque fois...
Drago, jouait le chef d'orchestre à grands gestes tant et si bien qu'il faillit louper le départ de Potter et Granger suivant Hagrid discrètement hors du terrain. Mais qu'est-ce qu'ils fichaient ?
Weasley est notre roi
Weasley est notre roi
Déconcentré, Drago ne battait plus très bien la mesure. Malheureusement son rôle de chef d'orchestre ne lui permettait pas de les suivre sans se faire remarquer, et il enragea à l'idée que Potter loupe une nouvelle humiliation de Weasley dont Drago serait à l'origine. A partir de là, les choses ne firent qu'empirer : à un moment Bradley fonça sur Weasley, et malgré sa feinte, le gardien des Gryffondor parvint à bloquer son tir. Cette réussite provoqua une véritable explosion de joie dans les trois quart du stade, et la chanson des Serpentard fut étouffée sous les encouragements. Pire encore, les supporters des Gryffondor détournèrent la chanson de Drago qui, à son grand désarroi, prit une direction opposée :
Avec lui, le Souafle ne passe pas
Weasley est notre roi
Weasley est vraiment très adroit
Il réussit à chaque fois
Voilà pourquoi
Les Gryffondor chantent avec joie
Weasley est notre roi
La chanson modifiée sembla redonner confiance à Weasley qui se montra d'une efficacité redoutable, tant et si bien que les Gryffondor finirent par l'emporter, gagnant du même coup la Coupe ! Effaré, Drago vit une masse rouge et or s'éloigner du stade, se dirigeant lentement vers le château, portant en triomphe la silhouette solitaire de Ronald Weasley. Malgré son appartenance à une famille de traîtres à leur sang et son évident manque de classe, ce dernier était préfet, gardien de l'équipe de sa maison, et désormais vainqueur de la Coupe de Quidditch de Poudlard. Drago se considérait comme quelqu'un de dix fois supérieur à Weasley et pourtant lui-même ne pouvait pas compter autant d'accomplissements à ce jour. Toutes ses certitudes semblaient voler en éclats. Crabbe et Goyle durent le tirer de son ébahissement et ils retournèrent tous les trois au château sans échanger un mot. Au loin, la chanson résonnait toujours, comme pour narguer Drago.
Weasley est notre roi
Weasley est notre roi
Avec lui, le Souafle ne passe pas Weasley est notre roi
Drago s'enfonça dans les profondeurs des cachots jusqu’à ce que les derniers échos de Weasley est notre roi s’évanouissent.