Chapitre 68
Drago et Harry
DRAGO
Troublé par la direction que prenait leur conversation, Drago ne savait pas comment enchaîner. Heureusement pour lui, Harry allégea l'atmosphère en réclamant de voir son autre cicatrice, celle causée par sa « terrible attaque d’hippogriffe » sur son bras. Ils savaient autant l'un que l'autre que Drago avait joué la comédie, mais ce dernier s'exécuta quand même de bonne grâce, en surjouant : -Tu veux dire la plus grande souffrance de mon existence ? La pire épreuve de ma vie ? L'incommensurable douleur que tu ne pourrais imaginer dans tes pires cauchemars ? La voici ! -Ouais ouais, celle-là même. Dis donc elle fait au moins... Deux centimètres et demie ta fine cicatrice blanche, ça a dû être une sacrée plaie ! -Mmh-hhm, terrible. Au fait, à l'un de mes cours d'études des Moldus, j'ai appris ce qu'étaient les Oscars. -Quoi vraiment ? Vous étudiez ce genre de choses ? -Ne m'interrompt pas ! Et, oui. Bref, je pense que mon jeu d'acteur en troisième année m'en aurait bien valu un ! Il faudra peut-être que j'écrive à la commission... Drago sourit devant l'éclat de rire de Harry, mais continua avec un peu plus de sérieux : -A vrai dire rétrospectivement, je suis soulagé de savoir que l'hippogriffe s'en est tiré. Malgré mes moqueries j'aurais eu mauvaise conscience qu'il perde réellement la vie à cause de moi. -Oh tu sais, de l'eau a coulé sous les ponts, et puis oui heureusement il s'en est bien tiré, ce qui rend le pardon de gamineries de treize ans d'autant plus facile. -... Quels ponts ?! -... Euh en fait... -Non je plaisante, j'ai appris cette expression dans mes cours, je voulais juste tester ta réaction, si tu t'étais moqué de moi tu aurais fini avec le contenu d'une théière versé sur la tête !
HARRY
Malgré les confessions de plus en plus intimes, les occasions de rire ne manquaient pas à cette conversation, et Harry passait un excellent moment avec Drago. Ils se racontèrent toutes sortes d'anecdotes, basculant doucement vers leurs enfances respectives. Tous deux furent surpris de découvrir le fait qu'ils avaient en commun de cacher des choses secrètes sous une latte du plancher de leurs chambres. Harry commençait à se sentir assez en confiance pour s'ouvrir sur un sujet dont il n'avait pourtant pas l'habitude de parler. -Chez les Dursley c'était... je ne sais pas comment dire, c'était sensé être ma famille, tante Pétunia est bien la sœur de ma mère mais... je ne me suis jamais senti en famille... Ni en confiance, ni vraiment en sécurité d'ailleurs. Bon, ma vie n'était pas non plus en danger hein, mais mon cousin... il pouvait avoir tendance à me faire mal, assez régulièrement. Je n'ai heureusement pas compté les fois où ma tête a fini dans les toilettes par ses soins, ni les coups reçus au fil des années. Et puis les humiliations aussi... Et mon oncle et ma tante y contribuait beaucoup alors que naïvement je pensais que les adultes ne se comportaient normalement pas comme ça avec les enfants... Donc c'était difficile de croire que je valais quoi que ce soit en sortant de là... Il releva la tête et vit que Drago s'était largement rembrunit. -Pardon je plombe la conversation avec mes trucs, je n'avais jamais trop mis de mots dessus et ce ne sont sans doute pas les bons, c'est vraiment démoralisant ce que je te raconte désolé ! -Ce n'est pas ça... -Pourquoi tu fais la tronche alors ? Dans un grand soupir, Drago lâcha le morceau : -Parce que je ne vaux vraiment pas mieux que ton cousin... Dans ce que tu racontes je me revois, à t'infliger autant, voir plus mauvais traitements que lui ! -Mais euh... non... -Arrête, il se défoulait sur toi comme je le faisais... Surtout en cinquième année, je tirais tant de satisfaction de te pousser à bout ! Des fois je me demande comment tu fais pour discuter avec moi aussi calmement au lieu de m'envoyer un coup de poing bien mérité en pleine figure... Je... je sais que cela arrive tard mais... je suis désolé, pour tout ce que je t'ai fait subir ces années... Perplexe, Harry cherchait comment détendre l'atmosphère : -Euh, merci Drago... Mais, si ça peut te rassurer, la seule chose que mon cousin et toi ayez en commun c'est des cheveux blonds ! Fort heureusement la ressemblance s'arrête là, d'ailleurs je disais souvent qu'il avait l'air d'un cochon avec une perruque. -Et moi, de quoi j'ai l'air ? demanda Drago d'un ton aguicheur. Harry avait la chance de s'être saisi de sa tasse de thé à peine un instant plus tôt ce qui lui fournissait une excuse parfaite pour ne pas répondre à cette question qui commençait à le faire rougir. Il ne put cependant s'empêcher de marmonner « pas à un cochon en tout cas » faisant sourire son vis-à-vis qui avait quand même dû l'entendre.
DRAGO
-Tu as discuté combien de fois avec Dumbledore ?!!! Drago se réjouissait de l'air absolument stupéfait du Gryffondor alors qu'il venait de lui raconter ses nombreuses interactions avec feu le directeur. De toute évidence, celles-ci étaient bien plus régulières que Harry n'avait dû imaginer. -Mais enfin, reprenait ce dernier, j'aurais pensé que les occasions de discuter avec lui étaint plus rares que ça, Dumbledore ne passait tout de même pas son temps à se promener dans l'école pour aller bavarder avec des élèves ! -Jaloux de ne pas être son seul chouchou Potter ?! lança Drago d'une voix traînante et faussement moqueuse. -Bah franchement... oui un peu ! -Figure toi que parmi ces nombreux(en insistant sur le mot « nombreux ») échanges, une occasion m'a particulièrement marquée. -Ah oui ? Laquelle ? -Je sais que tu l'as vu aussi donc tu comprendras... Lorsque j'ai discuté avec lui du miroir du Riséd. La mâchoire de Harry se décrocha quelques instants avant qu'il ne reprenne ses esprits et ne demande précipitamment : -Tu y as vu quoi ? -Eh bien j'y voyais deux choses différentes, mon reflet y était flou et changeant. Dans tous les cas, j'étais entouré d'une foule, jamais seul. J'étais soit traité avec déférence et admiration, soit avec amitié et... tendresse. Drago hésitait à parler à Harry des doigts entrelacés avec les siens dans ces scènes où il était entouré d'amour. Il y avait récemment repensé et était désormais assez convaincu qu'il s'agissait bien du Gryffondor. Dans un autre contexte, Drago se serait sans doute dégonflé, mais dans le cadre chaleureux et intimes de ce salon de thé, il avait envie de jouer la carte de la franchise. D'autant plus après les confessions difficiles de son interlocuteur sur sa jeunesse. -Dans ces scènes là, je pense que tu y étais aussi, bien que je ne l'avais pas compris à l'époque. -Moi ? -Oui, enfin disons, bon attention cela va te sembler bizarre, que dans ces reflets là je tenais une main dans la mienne, bien que je n'arrivais pas à distinguer la personne à laquelle cette main se rattachait. Je pense que malgré nos différences et notre animosité mutuelle, tu prenais déjà beaucoup de place dans ma vie à onze ans. Après réflexion, j'ai compris que je jalousais beaucoup Weasley d'avoir eu le rôle de ton meilleur ami. J'ai souvent repensé à nos premières interactions, et regretté leur issue. D'ailleurs en parlant du miroir, j'avais questionné Dumbledore ce soir là, sur ce que toi tu voyais dans ce miroir, mais il ne m'avait rien dit, si ce n'est que ton reflet à toi était net, et pas trouble comme le mien. -J'y voyais ma famille. Tous ceux que j'aurais eu près de moi si Voldemort... -Ah... Oui je comprends... Drago laissa planer un silence quelques instants avant de continuer : -En tout cas je pense qu'aujourd'hui mon reflet serait net, et le choix me paraît évident. Il ajouta toutefois avec amertume : -Néanmoins j'imagine que si je l'avais regardé en sixième année le résultat aurait été tout autre, et les rêves de gloire l'auraient emporté sur les rêves d'amitiés... -Ce qui compte c'est ce que tu veux maintenant. C'est ça l'important Drago, tout est encore possible pour toi.
Drago plongea son regard dans ces yeux verts si rassurant et le crut. Encore une fois, le sauveur lui monde sorcier lui insufflait à lui aussi de l'espoir.
HARRY
Ils parlèrent tant et si bien qu'ils ne virent pas l'heure tourner et la propriétaire du salon de thé dut les chasser pour pouvoir fermer. Après avoir terminé en quelques gorgées leurs thés désormais froids, ils se dirent au revoir devant l'entrée. Harry serait bien resté plus, mais il était déjà vingt-et-une heure passée, et Drago n'avait pas fini de préparer ses affaires pour son départ du lendemain. Se promettant qu'ils remettraient cela dès le prochain retour de Drago dans un mois, Harry quitta son ami de Serpentard, avec un sourire qu'il ne parvenait pas à décrocher de ses lèvres.
Le mois qui suivit fut assez chargé. Harry s'était installé au 12 square Grimmaurd pour être sur place à Londres pour son année de formation à la carrière d'Auror, mais il n'aimait vraiment pas cette immense maison. Hermione l'y avait rejoint puisque c'était également pratique pour elle pour se rendre au ministère, et donc forcément Ron était également venu vivre avec eux. Harry avait rappelé Kreatur dans la demeure, et ce dernier avait été aux anges de les retrouver sains et saufs. Harry lui avait bien expliqué qu'il était libre de retourner aux cuisines de Poudlard dès qu'il le souhaitait, mais Kreatur passait la majeure partie de son temps avec eux à leur préparer de délicieux repas pour le plus grand bonheur de Ron.
Au bout de deux semaines seulement, Harry reçut du courrier d'un hibou grand duc qu'il ne connaissait que trop bien.
Cher Harry, Puisqu'à mon âge il est ridicule que j'emprunte encore le hibou familial pour pouvoir écrire à qui que ce soit, à mon prochain passage sur le Chemin de Traverse, je compte ENFIN acheter mon propre rapace de compagnie, dont je rêve depuis des années. Je te propose de m'y accompagner à mon retour, le 3 Février si tu veux bien. J'attends ta réponse pour cette date et nous pourrons convenir d'une heure ensemble. A part cela, mes cours de potions se passent extrêmement bien, et cette première enseignante est déjà passionnante ! Je te raconterai tout cela volontiers, mais tu n'y comprendrais rien, à moins qu'Hermione ne soit à proximité pour t'expliquer ? Affectueusement, Drago.
Les yeux de Harry restaient fixés sur le dernier mot avant la signature de Drago, sentant une chaleur lui brûler les joues... Alors comme ça il avait toujours rêvé d'avoir un hibou de compagnie ? Harry jeta un coup d'oeil précipité à sa montre, il n'avait presque plus de temps avant la fermeture de l'animalerie. Il sprinta illico vers la porte d'entrée sans même prendre de veste, ses baskets dérapant sur le carrelage dans un crissement alors qu'il criait à l'intention de Ron et Hermione : -JE DOIS FAIRE UNE COURSE, JE REVIENS, A PLUS TARD ! Il entendit à peine leurs exclamations étonnées alors qu'il transplanait sur le perron. Harry étant parvenu à arriver à la boutique pile à temps avant sa fermeture, il en ressortit avec une magnifique chouette grise posée sur son épaule droit, ainsi qu'un hibou de taille moyenne au pelage extrêmement touffu qu'il avait décidé d'appeler Lunard.
A peine rentré, il écrivit immédiatement sa réponse à Drago, l'envoyant avec la nouvelle chouette grise. Il la regarda s'éloigner dans le ciel nocturne, caressant d'un geste distrait le plumage de Lunard. Jusque là, il ne s'était pas senti prêt à reprendre un animal depuis la mort d'Hedwidge, mais l’enthousiasme de Drago à l'idée d'enfin posséder son premier animal de compagnie l'avait contaminé. Harry espérait que son correspondant préféré apprécierait son cadeau. |