Chapitre 37
Un été bien trop rempli
Drago songeait à l'été qu'il venait de vivre, regrettant presque les vacances précédents, si vides et si ennuyeuses, mais bien moins chargées en émotions de toutes sortes.
A son arrivée sur le quai, sa mère l'avait attendu, se tenant très droite, les lèvres plus pincées que d'ordinaire. Elle annonça à Drago que des invités les attendaient au Manoir, et il vit sa main trembler légèrement lorsqu'elle lui saisit le bras pour transplaner. En effet, à peine eurent-ils passé la porte de la prestigieuse demeure des Malefoy que Drago fut interpellé par une voix glaciale : -Ah Drago, te voilà ! Quel plaisir de faire enfin ta connaissance, ton père m'a dit tellement de bien de toi ! Drago sentit comme du venin dans cette voix sur le mot « père ». Le Seigneur des Ténèbres devait vraiment être en colère contre Lucius. Drago observait l'homme squelettique dont il avait entendu parler toute son adolescence. Sa peau était plus livide qu'une tête de mort, ses yeux écarlates aux pupilles verticales comme celles d'un chat, le nez plat, avec deux fentes en guise de narines, à la manière des serpents... Lord Voldemort se tenait devant lui. Il posa ses mains, semblables à de grandes araignées blafardes sur les épaules de Drago, puis caressa de ses longs doigts blanchâtres les avant bras du jeune garçon. -D'après ce que j'ai compris je peux compter sur ton dévouement comme pour le reste de ta famille n'est-ce pas ? Drago récita alors ce que son père lui avait appris en prévision de ce jour : -Ma vie et mon âme appartiennent au Seigneur des Ténèbres. -Très bien, très bien, susurra le Lord. J'ai d'importants projets te concernant Drago. Des projets pour lesquels être juste sympathisant... (ses yeux dardèrent rapidement en direction de Narcissa) ne suffirait pas. Drago savait ce que cela voulait dire. Il ressentit à la fois deux émotions contraires se précipiter en lui. « Quel honneur, je vais être le plus jeune Mangemort de l'histoire ! » et « C'est trop tôt je ne suis pas encore prêt ! ». Il cacha bien le tumulte qui le chamboulait, et ne formula à voix haute que la première : -Quel honneur vous me faites... Maître... Le Seigneur des Ténèbres rayonnait devant cette forme de respect. Ce Malefoy comprenait vite, et sa jeunesse le rendait malléable, il pourrait en faire ce qu'il en voulait... -Merveilleux Drago, eh bien tout ce qu'il me faut désormais... c'est ton bras. Drago entendit un léger glapissement au fond de la pièce. Celui qui se faisait appeler Queudver et dont l'apparence approchait plus d'un rat géant que d'un être humain serrait une main argentée contre son torse en frissonnant. Drago l'ignora et tendit son bras gauche au Lord comme demandé. Il savait ce qui l'attendait. -Tu es un bon garçon obéissant Drago, et Lord Voldemort sait apprécier... et récompenser cela ! Ses longs doigts saisirent le bras que Drago lui tendait, puis ils remontèrent sa manche pour dévoiler son avant bras. La peau de Drago était si pâle qu'elle en était presque un peu transparente, et plusieurs de ses veines bleutés étaient bien visibles. De son autre main, le Seigneur des Ténèbres tenait fermement sa baguette magique qu'il vint appuyer contre la peau du jeune garçon. Ce contact glacé fit se dresser les cheveux dans la nuque de Drago. Lord Voldemort le regardait droit dans les yeux. Avec la nuit tombante, ses yeux rouges paraissaient encore plus brillants dans l'obscurité. Il suffisait d'un murmure du Lord pour qu'il n'y ait plus de retour en arrière possible pour Drago. « Morsmordre Marcam... » C'était comme si des milliers d'aiguilles en fusion s'étaient soudainement attaquées à la peau du bras de Drago qui se crispa, retenant de justesse un gémissement. Le Seigneur des Ténèbres parut apprécier sa maîtrise de soi, et porta son regard avide sur le bras de Drago. Une sorte de tatouage rouge, éclatant, qui représentait une tête de mort avec un serpent qui sortait de la bouche apparaissait doucement sur sa peau blanche. Dès que ses contours furent parfaitement définis, la douleur commença à s'estomper légèrement, mais Voldemort ne lui laissa aucun répit et appuya son long index blanchâtre sur la marque. La souffrance fut trois fois plus intense qu'avant et Drago dut momentanément fermer les yeux pour bloquer les larmes qui lui venaient derrière ses paupières. Lorsqu'il les rouvrit, la marque était devenue d'un noir de jais. Le Seigneur des Ténèbres lâcha enfin son bras et fit un pas un arrière pour regarder Drago. Tout cela n'avait duré que quelques instants à peine. -Mes fidèles Mangemorts, en ce grand jour nous accueillons un nouveau membre dévoué en la personne de Drago Malefoy. Faites-lui honneur ! Drago sentit une certaine révérence envers lui parmi les personnes présentes dans la pièce et cela lui fit oublier sa douleur. Du coin de l'oeil, il vit que sa mère s'était crispée, comme si elle désapprouvait discrètement la scène à laquelle elle venait d'assister et cela l'agaça. Il allait falloir qu'elle cesse d'être aussi protectrice envers lui, il était assez grand pour s'en passer maintenant. Soudainement, Drago appréciait plus le respect avec lequel le Seigneur des Ténèbres et les autres Mangemorts le dévisageaient que le regard de sa mère dans lequel il restait encore et toujours un petit garçon. Il venait à peine d'avoir seize ans quelques jours plus tôt et eux le considéraient déjà comme un adulte. Et il faisait enfin quelque chose d'important de sa vie.
Drago avait apprécié ce moment de considération, mais s'il avait su que celui-ci allait être de loin le meilleur de son été, il l'aurait savouré encore plus. Après qu'il ait reçu sa Marque des Ténèbres, sa tante Bellatrix s'était précipitée sur lui et l'avait serré dans ses bras avec force. Elle avait insisté pour qu'il soit assis à ses côtés lors du dîner car elle avait « tant de choses à rattraper avec son neveu préféré ». Bien que flatté, Drago se dit que ce n'était pas un titre difficile à obtenir puisqu'il était enfant unique et que Bellatrix avait renié son autre sœur Andromeda qui, de toute manière, n'avait eu qu'une fille au prénom ridicule. Il déchanta pourtant vite lors du repas, lorsque Bellatrix lui narra des histoires à lui glacer le sang. Plus le niveau du pichet de vin baissait, plus elle s’égosillait, entrant dans des détails de plus en plus crus de sa torture de Franck et Alice Londubat. Drago avait enfin compris la réaction de Neville lorsqu'il s'était moqué du service spécial de Sainte Mangouste... Sa tante avait tant soumis ses parents au sortilège Doloris que la douleur les avait rendus fous et qu'ils ne pourraient plus jamais quitter l'hôpital... Lorsque Bellatrix, les larmes aux yeux à force d'avoir trop ri, ajouta qu'elle avait même entendu dire que les Londubat n'étaient même plus capables de reconnaître leur propre fils, Drago était comme frappé d'horreur. Ses parents était pour lui les figures les plus importantes de sa vie, et il ne pouvait même pas imaginer ce qu'avait dû être la vie de Neville sans les siens. Repensant à la façon dont il avait traité Neville toutes ces années, Drago se sentir rougir de honte. Heureusement, puisqu'il avait plaqué un sourire mauvais sur son visage et ricanait de manière mécanique pour satisfaire Bellatrix, celle-ci dû mettre sa soudaine rougeur sur le compte de l'hilarité. Elle-même au bord du fou rire, elle mimait désormais son procès, criant presque ce qu'elle avait dit à l'époque : -Le Seigneur des Ténèbres reviendra, Croupton ! Envoie-nous à Azkaban, nous attendrons ! Il se dressera à nouveau, il viendra nous chercher et nous récompensera plus que tous ses autres partisans ! Nous seuls lui avons été fidèles ! Nous seuls avons tenté de le retrouver ! Elle fit une révérence au Lord à qui elle avait prêté allégeance, et Drago vit un éclat de fierté briller dans les yeux du Seigneur des Ténèbres, mais remarqua également que sa mère portait un regard farouche sur sa sœur. Les changements d'expressions étaient toujours extrêmement subtils chez Narcissa, et il fallait bien la connaître pour pouvoir les déchiffrer. Mais Drago, habitué au manque d’exubérance dans sa famille était depuis longtemps devenu un excellent observateur. Il savait qu'il partageait cette qualité avec sa mère, et lorsque leurs regards se croisèrent ils se comprirent sans un mot. Les yeux de Narcissa étaient chargés de tristesse, et ceux de Drago devaient déjà trahir son regret. Il frotta son avant bras gauche presque machinalement. Face à la folie de sa tante, il était moins aisé de ressentir la satisfaction de tout à l'heure, et Drago se demandait plutôt au contraire dans quoi il venait de s'embarquer... La soirée prit une tournure encore plus dramatique quand Bellatrix, toujours plus alcoolisée, se lança dans le récit de son combat avec son cousin, Sirius Black. Drago, qui évitait jusque là de trop écouter les cruels détails des histoires macabres de sa tante sur les tortures qu'elle aimait infliger à ses victimes, lui accorda alors toute son attention. Black était le parrain de Potter, or comme il n'avait reçu aucune lettre de ses parents depuis l'arrestation de son père, il n'avait eu aucune information sur ce qu'il s'était passé au ministère, et ne savait donc pas que Black y avait été présent. - Il s'était baissé pour éviter mon sort, racontait Bellatrix, éclatant de rire pour se moquer de moi, et lorsqu'il voulut me narguer en s'écriant : « Allons, tu peux faire mieux que ça ! », mon deuxième sortilège l'a frappé en pleine poitrine. Le rire ne s’était pas complètement effacé de ses lèvres mais ses yeux s’étaient agrandis sous le choc... Bellatrix partit dans une crise de ricanements avant de poursuivre : -Il a ensuite basculé lentement en arrière et est tombé à travers le voile déchiré suspendu à l’antique arcade, finit-elle dans un cri triomphant. Drago était perplexe puisqu'une telle chute n'aurait rien dû avoir de fatal, mais en voyant l'horreur dans les yeux de sa mère, il comprit que cette arcade n'avait pas dû être un simple object mais devait avoir des propriétés magiques particulières. En tout cas ce qui était clair, c'était que Sirius Black était mort.
Lorsqu'il remonta dans sa chambre, Drago se sentait désoeuvré, perdu dans toutes les informations et les émotions de la soirée. C'était trop, et trop vite. Et Potter qui avait perdu son parrain... Drago ne connaissait pas la relation qu'ils avaient, mais cela expliquait le vide qu'il avait senti chez Potter durant leur dernière interaction au château. Il avait dû être dévasté, et détester Drago encore plus qu'avant puisque sa famille était généralement liée de près ou de loin à ses souffrances... Drago se sentit soudain submergé par ses émotions et avait besoin d'extérioriser ce trop-plein qu'il ressentait. Or comme c'était impossible de vocaliser quoi que ce soit dans cette maison pleine de partisans du Seigneur des Ténèbres, Drago s'empara d'une plume et d'un parchemin et commença à écrire.
Potter,
Il resta longtemps au dessus de la page, ne sachant plus trop comment commencer, mais une fois lancé il n'arrivait plus à s'arrêter.
Je ne savais pas pour ton parrain. J'ose espérer qu'en l'ayant su j'aurais agis différemment envers toi la semaine dernière, mais en général je ne me contrôle pas tant que cela en ta présence. Pourtant le self-contrôle est quelque chose que j'ai pratiqué toute ma vie, contrairement à d'autres idiots qui portent fièrement leur cœur en bandoulière... Malgré la tournure de ces premières phrases, ma lettre n'a pas pour but de t'insulter, mais simplement de t'exprimer mon soutien en cette heure que j'imagine sombre pour toi. Tu douteras peut-être de la sincérité, ou même juste de l'honnêteté de ma démarche, mais crois moi je n'ai rien à gagner en t'envoyant cette lettre, et beaucoup à perdre au contraire. Nous sommes dans des camps opposés, et cela s'est véritablement officialisé aujourd'hui, bien plus tôt que je ne l'aurais pensé. Quoi qu'il en soit, et en ayant pourtant essayé de te haïr de toutes mes forces, je ne parviens pas à être indifférent à ta personne, et en un sens tu m'affectes que je le veuille ou non. Je préfèrerais que ce ne soit pas le cas, mais t'imaginer seul dans ton deuil en ce moment m'emplit de tristesse, et je tenais à faire un geste vers toi. Cela ne changerait rien, plus rien ne peut être changé de toute façon, mais il est de plus en plus difficile pour moi de faire comme si tout cela n'avait aucune importance, comme si tu n'avais aucune importance... Je sens que mes mots commencent à tourner en rond, et que je t'en ai déjà bien plus dit que nécessaire, alors je vais achever cette lettre sans plus tarder, en te souhaitant mes plus sincères condoléances. Drago Malefoy PS : Je t'en veux tout de même toujours d'avoir envoyé mon père en prison.
Drago relut sa lettre une bonne dizaine de fois. C'était à la fois trop et pas assez... Pourquoi finissait-il toujours par plus ou moins insulter Potter quand il s'adressait à lui ?! Par contre l'animosité dans son discours restait tout de même largement plus faible que dans leurs échanges à l'oral. Il n'y en avait presque pas assez, Potter n'allait jamais croire que c'était réellement Drago qui lui avait écrit. En plus, hors contexte certaines phrases pouvaient passer, mais au yeux de quelqu'un de plus informé, certains passages laissaient entendre une forme de regret de son engagement envers Voldemort, or une telle trahison pouvait lui coûter la vie. D'un coup, Drago n'arrivait plus à voir l'intérêt de sa lettre à Potter, et fut pris d'effroi à l'idée des autres conséquences néfastes qu'elle pouvait avoir. Il a déchira en deux, puis en quatre puis en huit, et jeta précipitamment les morceaux dans sa corbeille. Il se leva prestement et se dirigea vers son nécessaire à potions. Vingt minutes plus tard, il s'était concocté une potion d'endormissement et plongea tête la première dans un sommeil sans rêve.
Le lendemain, il avait presque entièrement oublié cette histoire de lettre, mais se figea tout à coup en y repensant pendant le déjeuner. Les morceaux dans sa corbeille ! Ils constituaient une preuve de son ressenti ambigu envers Potter et de ses doutes en tant que Mangemort ! Il fallait absolument qu'il s'en débarrasse pour de bon. Le déjeuner lui parut interminable, et à l'issu du repas il se précipita dans sa chambre, mais la corbeille était déjà vide. Priant pour que les domestiques l'aient jeté sans un regard, Drago passa la journée qui suivit dans un état de tension extrême. Cependant, comme au bout de quelques temps il n'y eut aucune retombée, Drago finit par se détendre un peu et par chasser cette histoire de sa tête pour de bon. Il était d'ailleurs ravi de son initiative d'avoir appris l'occlumancie, car cela lui permit de détecter à quelques reprises diverses tentatives d'intrusions dans son esprit. Une ou plusieurs personnes dans le Manoir devaient vouloir faire usage de legilimancie contre lui, sans doute pour sonder la sincérité de sa dévotion au Seigneur des Ténèbres. Drago prit bien soin de verrouiller toutes les pensées auxquelles il refusait que quiconque ait accès dans une petite boîte mentale dissimulée au fin fond de son esprit, et mettait en avant ses meilleurs intentions de Mangemort en libre accès à qui voudrait lire en lui. Au bout de quelques temps, les intrusions cessèrent, ceux à leurs origines ayant sans doute été rassurés par ce qu'ils avaient pu lire dans son esprit. Drago se réjouit alors que sa jeunesse fasse de lui quelqu'un de si facile à sous-estimer, et se flatta de ses talents d'occlumans. Bien entendu, Potter avait quelque chose à voir là dedans, puisque c'était initialement ses émotions confuses à son égard que Drago avait voulu apprendre à cacher... Comme toujours, Potter se trouvait lié de près ou de loin à ce qui lui arrivait.
Vers la mi-juillet, Drago fut réveillé par un hibou qui tambourinait avec son bec contre la vitre de sa chambre. Comment l'émissaire de Poudlard avait-il su qu'il valait mieux pour lui venir directement ici que dans le reste de la maison qui grouillait de Mangemorts, Drago ne le savait pas mais fut à nouveau épaté par les étonnantes capacités de leur voie postale à plumes. Une fois son courrier déposé, l'oiseau reprit immédiatement son vol retour vers Poudlard. En le regardant s'éloigner, Drago regretta une fois encore de ne pas avoir son propre hibou de compagnie.
BREVET UNIVERSEL DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE Le candidat est admis s'il obtient l'une des notes suivantes : Optimal (O) Effort exceptionnel (E) Acceptable (A) Le candidat est recalé s'il obtient l'une des notes suivantes Piètre (P) Désolant (D) Troll (T) DRAGO LUCIUS MALEFOY A OBTENU : Astronomie : O Soins aux créatures magiques : E Sortilèges : E Défense contre les forces du Mal : O Arithmancie : O Etude des Runes : O Botanique : O Histoire de la magie : O Potions : O Métamorphose : O
L'objectif qu'il s'était fixé de sept « Optimal » était non seulement atteint mais même légèrement dépassé ! Les deux seules notes qui différaient restaient des Efforts Exceptionnels ce qui constituait de très bonnes notes! Il avait obtenu l'excellent score de dix BUSE sur dix matières passées, et ce avec une quantité impressionnante d'« Optimal » dont peu d'élèves pouvaient se vanter. Bon, sauf Granger peut-être, mais même cette pensée amère ne gâcha pas son bonheur face à de tels résultats. Il avait travaillé dur et ses efforts avaient porté leurs fruits. Il mourait d'envie de partager ce moment avec quelqu'un, mais peu des invités actuels du Manoir n'accordaient la moindre importance aux résultats scolaires... Il regrettait l'été dernier, lorsqu'il avait pu brièvement célébrer son titre de préfet dans la cuisine avec ses parents. Il aurait beaucoup aimé voir si ces notes lui permettaient d'obtenir l'une des rares marques de fierté de son père... En passant devant la chambre de sa mère, il glissa sa lettre de résultats sous sa porte, en espérant que cela lui ferait plaisir.
En effet, lors du déjeuner, Narcissa affichait pour la première fois depuis le début de l'été un grand sourire, et son regard brillait à chaque fois qu'il croisait celui de son fils. Cela ne lui était que peu arrivé ces derniers temps, mais ce jour-là, Drago se sentit merveilleusement bien. |