Chapitre 31

Débordements chez les Gryffondor

Drago avait décidé de traiter cette fascination envers la colère de Potter comme une sorte de pêché mignon qu'il comptait bien s'accorder régulièrement. Toujours en quête de façons de le mettre en rogne, il avait désormais du mal à discerner les limites et à savoir quand s'arrêter. Un jour, l'une de ses piques ayant pour objectif d'énerver Potter prit une tournure qu'il n'aurait pas pu prévoir. Il attendait Potter et sa bande au pied de l’escalier, debout devant la porte de la classe de potions, brandissant le parchemin officiel qu'Ombrage avait donné sans hésiter aux Serpentard pour qu'ils puissent reconstituer leur équipe de Quidditch. Il parlait plus fort qu’il n’était nécessaire pour être sûr que tout le monde l’entende.
-Oui, Ombrage a tout de suite donné à l’équipe de Quidditch de Serpentard la permission de continuer à jouer. Je suis allé la lui demander dès ce matin et ça s’est fait d’une manière quasiment automatique. Elle connaît assez bien mon père, il va toujours faire un tour au ministère... Ce serait intéressant de savoir si Gryffondor a reçu l’autorisation de maintenir son équipe.
Il vit Potter et Weasley le fixer, le visage figé et les poings serrés alors que Granger leur marmonnait quelque chose d'un air implorant, les incitant sans doute à se calmer. Or quand les yeux verts de Potter, jetant des éclairs, se posèrent sur lui, Drago sentit progressivement qu'il perdait le contrôle de lui-même. Incapable de s'arrêter, il poursuivit, élevant un peu plus la voix :
-Je veux dire par là que c’est une question d’influence auprès du ministère. Je ne pense pas qu’ils aient une grande chance... D’après ce que m’a raconté mon père, il y a des années qu’ils cherchent un motif pour licencier Arthur Weasley... Quant à Potter... Mon père dit que ce n’est plus qu’une question de temps avant que le ministère l’expédie à Ste Mangouste... Il paraît qu’ils ont un service spécial pour les gens qui ont le cerveau ramolli par un excès de magie.
Drago fit une grimace grotesque, la mâchoire pendante, les yeux roulant dans leurs orbites. Crabbe et Goyle éclatèrent de leur rire habituel, semblable à un grognement, et Pansy hurla de joie.
Soudain, Drago ne vit plus les yeux verts car quelque chose avait heurté violemment l’épaule de Potter en le projetant sur le côté. Une fraction de seconde plus tard, il comprit que Londubat venait de bousculer le Survivant et fonçait droit sur lui.
-Neville, non !
Potter fit un bond en avant et attrapa un pan de la robe de Londubat qui se débattait avec frénésie. Ses poings décrivaient des moulinets en essayant désespérément d’atteindre Drago. Celui-ci était juste stupéfait.
-Aide-moi ! lança Potter à Weasley.
Potter avait réussi à tirer Londubat en arrière, à l’écart des Serpentard et avec l'aide de Weasley ils parvinrent à le ramener dans les rangs des Gryffondor. Crabbe et Goyle firent jouer leurs biceps en se postant devant Drago, prêts à la bagarre. Londubat avait le visage écarlate. La pression que le bras de Potter exerçait sur sa gorge rendait pratiquement incompréhensible ce qu’il essayait de dire mais quelques mots isolés parvinrent à franchir ses lèvres.
-Pas... drôle... ne jamais... Mangouste... lui... montrer...
Drago était toujours perplexe lorsque la porte du cachot s’ouvrit et Rogue apparut. Ses yeux noirs balayèrent la file des Gryffondor jusqu’à l’endroit où Potter et Weasley se débattaient avec Londubat.
-En pleine bagarre, Potter, Weasley, Londubat ? dit Rogue de sa voix froide et ironique. Dix points de moins pour Gryffondor. Lâchez Londubat, Potter, sinon c’est la retenue. Entrez, tout le monde.
Potter lâcha Londubat qui essaya de retrouver son souffle et lui lança un regard furieux. Drago alla rejoindre sa place en se sentant un peu perdu. Il n'avait que peu d’interactions directes avec Neville et, à part une fois en première année, le Gryffondor joufflu ne lui tenait jamais tête. Sa réaction d'aujourd'hui relevait donc de l'incompréhensible. Mémorisant les quelques mots que Londubat avait baragouiné, il se promit d'éclaircir cela à l'occasion. 

Drago savait que Potter ne se laissait plus vraiment affecter par les remarques concernant le Quidditch à l'approche d'un match. L'autre jour, quand Pansy lui avait balancé :
-Hé, petit pote Potter, on m’a dit que Warrington a juré de te faire tomber de ton balai samedi.
Il avait répondu du tac au tac :
-Warrington est incapable de tirer juste, je serais beaucoup plus inquiet s’il visait le joueur à côté de moi - ce qui avait immédiatement effacé le sourire narquois du visage de Pansy.
Drago cherchait donc un nouveau moyen d'énerver son rival au poste d'attrapeur lorsque l'idée lui vint. Weasley était nouveau dans l'équipe et n’avait donc jamais eu à affronter une campagne inlassable d’insultes, de sarcasmes et d’intimidation. Drago avait déjà vu que lorsque des Serpentard murmuraient sur son passage : « tu as réservé ton lit à l’infirmerie, Weasley ? » ce dernier ne riait pas du tout et son teint se colorait d’une délicate nuance verdâtre. Et quand Drago l'imitait laissant tomber le Souafle (ce qu'il ne se privait pas de le faire chaque fois qu’il le croisait), les oreilles de Weasley devenaient rouge vif et il tremblait si fort que ses mains auraient lâché tout ce qu’elles tenaient à ce moment-là. Potter était sur la défensive dès qu'il s'agissait de ses amis, peut-être que Drago tenait là une bonne piste pour pouvoir savourer à nouveau le délicieux spectacle d'Harry Potter furieux... Il se saisit prestement d'une plume et d'un parchemin et commença à mettre son idée sur papier, la mélodie lui venant tout naturellement...

Octobre s’éloigna sous la pluie battante et les rugissements du vent et Novembre s’installa, avec sa froideur d’acier, ses matins de givre et ses courants d’air glacés qui mordaient les mains et le visage. Le ciel et le plafond de la Grande Salle avaient pris une teinte gris perle, le sommet des montagnes qui entouraient Poudlard s’était couvert de neige et la température dans le château était tombée si bas que nombre d’élèves mettaient leurs gants en peau de dragon pour parcourir les couloirs entre deux classes.

Le matin du match, le ciel était clair et froid. Quand Potter entra dans la Grande Salle en guidant un Weasley au regard vide vers leur table, Drago ne put s’empêcher de repenser au jour où celui-ci s’était accidentellement jeté à lui-même un sort de Crache-Limaces. En cet instant, il avait la même pâleur et le même visage luisant de sueur.
La Grande Salle se remplissait rapidement après leur arrivée. Les conversations étaient plus bruyantes et l’humeur plus exubérante qu’à l’ordinaire. A la table des Serpentard, il régnait un véritable vacarme. En plus de leurs habituels écharpes et chapeaux vert et argent, Drago avait distribué à chaque élève de Serpentard un badge argenté en forme de couronne (entre ceux-ci et les « A BAS POTTER » Drago se targuait d'être la source officielle de badges à Poudlard ces dernières années). Il avait lui-même accroché sa couronne sur laquelle était écrit « Weasley est notre roi » juste au dessus de son insigne de préfet sur sa robe. De nombreux Serpentard n'arrivaient pas à cacher leur excitation devant l'idée qu'avait eu Drago, et ne se retenaient pas d'adresser à Weasley des signes de la main en riant aux éclats. Celui-ci, l’air perdu et désespéré, ne sembla même pas les voir.
Au-dehors, la rumeur des voix s’intensifiait régulièrement à mesure que la foule déferlait du château pour se rendre dans les tribunes. Drago tremblait presque d'excitation à l'anticipation de ce match. Comme les batteurs de l’année dernière, Derrick et Bole, étaient partis, Drago avait réussi à convaincre leur nouveau capitaine Montague de les remplacer par Crabbe et Goyle. Ces deux-là, ne croyant pas à leur bonheur de faire partie de l'équipe, balançaient leurs battes toutes neuves en clignant stupidement des yeux. Drago entendait les pas des spectateurs qui montaient à présent les gradins par centaines pour aller s’asseoir sur les bancs. Certains avaient déjà commencé à entonner sa chanson... Parfait !
L’équipe vert et argent se leva, le balai sur l’épaule, et sortit des vestiaires en file indienne sous le soleil qui perçait maintenant les nuages. Tous arboraient les badges argentés en forme de couronnes. Des hurlements divers les accueillirent et Drago entendit à nouveau sa chanson, encore un peu étouffée par les acclamations et les sifflets, mais qui montait déjà en volume. Pour l'instant tout se déroulait comme prévu.
L'équipe des Gryffondor les rejoignit, et en voyant Potter arriver, Drago afficha un sourire ironique et s'assura de croiser son regard tandis qu'il tapotait le badge en forme de couronne épinglé sur sa poitrine.
-Les capitaines, vous vous serrez la main, ordonna l’arbitre, Madame Bibine.
Johnson et Montague se tendirent la main. Drago vit nettement que Montague essayait d’écraser les doigts de son opposante, mais elle resta impassible
-Enfourchez vos balais... Madame Bibine porta le sifflet à ses lèvres et souffla.
Les balles furent lâchées et les quatorze joueurs s’élevèrent dans les airs. Drago prit de l’altitude, évita un Cognard et entreprit de décrire un large cercle autour du terrain, scrutant l’espace à la recherche d’un reflet d’or. À l’autre extrémité du stade, Potter faisait exactement la même chose.
-Et c’est maintenant Johnson qui prend le Souafle, quelle joueuse extraordinaire, cette fille, ça fait des années que je le dis mais elle refuse toujours de sortir avec moi...
-JORDAN ! s’écria le professeur McGonagall.
-C’était pour rire, professeur, juste pour ajouter un peu de piquant. Elle évite Warrington, passe devant Montague, houlà ! elle est frappée dans le dos par un Cognard de Crabbe... Montague reprend le Souafle, il remonte le terrain et... excellent Cognard expédié par George Weasley, en plein sur la tête de Montague qui lâche le Souafle rattrapé par Katie Bell, Katie Bell de Gryffondor fait une passe de revers à Alicia Spinnet qui s’élance...
Le commentaire de Lee Jordan résonnait dans tout le stade.
-... elle contourne Warrington, évite un Cognard, c’était tout juste, Alicia ! et les spectateurs sont ravis, écoutez-les, qu’est-ce qu’ils chantent ?
Lorsque Lee s’interrompit en tendant l’oreille, la chanson s’éleva, forte et claire, de la marée vert et argent qui s’étalait dans les tribunes des Serpentard :

Weasley est un grand maladroit
Il rate son coup à chaque fois
Voilà pourquoi
Les Serpentard chantent avec joie
Weasley est notre roi.
Weasley est né dans un trou à rats
Il laisse le Souafle entrer tout droit
Voilà pourquoi
Grâce à lui, c’est sûr, on gagnera,
Weasley est notre roi.

Les Serpentard exécutaient le plan de Drago et chantaient sa chanson avec tant d'enthousiasme que cela lui fit un immense plaisir. Le dos tourné au terrain, Pansy conduisait le chœur des Serpentard, comme il le lui avait demandé.
-... Et Alicia repasse à Angelina ! s’écria Lee.
Drago vit Potter prendre un virage serré et à sa grande satisfaction, il constata que celui-ci avait l'air de bouillir de rage.
-Vas-y, Angelina ! On dirait qu’elle n’a plus que le gardien devant elle ! ELLE TIRE... ELLE aaargh...
Bletchley, le gardien de Serpentard, avait bloqué le Souafle. Il le renvoya à Warrington qui fonça en zigzaguant entre les poursuiveuses de Gryffondor. Au-dessous, la chanson résonnait avec de plus en plus de force à mesure qu’il se rapprochait de Weasley.

Weasley est notre roi
Weasley est notre roi
Il laisse le Souafle entrer tout droit
Weasley est notre roi

-... Warrington en possession du Souafle, Warrington qui s’avance vers les buts, hors de portée des Cognards, seul le gardien lui fait face...
Dans les tribunes des Serpentard, la chanson résonna de plus belle :

Weasley est un grand maladroit
Il rate son coup à chaque fois...

-... Voici donc le premier test pour le nouveau gardien de Gryffondor, Weasley, frère des batteurs Fred et George, et un nouveau talent prometteur de cette équipe... Vas-y, Ron !

C'était le moment où l'efficacité de la chanson de Drago était testée, et en effet, ce furent les supporters de Serpentard qui poussèrent les hurlements de joie : Weasley avait plongé de toutes ses forces mais le Souafle était passé entre ses bras écartés et avait traversé l’anneau central.
-Serpentard marque ! annonça la voix de Lee parmi les acclamations et les huées de la foule, le score est donc de dix à zéro en faveur de Serpentard... Pas de chance, Ron.
Les Serpentard chantèrent de plus en plus fort :

WEASLEY EST NÉ DANS UN TROU À RATS
IL LAISSE LE SOUAFLE ENTRER TOUT DROIT...

-Gryffondor reprend le Souafle et c’est Katie Bell qui remonte le terrain..., s’écria vaillamment Lee, malgré la chanson qui retentissait avec tant de force qu’il avait du mal à se faire entendre.

GRÂCE À LUI, C’EST SÛR, ON GAGNERA,
WEASLEY EST NOTRE ROI...

Sous le choc, Potter était resté en vol stationnaire pendant plus d’une minute à regarder l’évolution du match sans chercher le Vif d’or. Drago avait champ libre pour le rechercher, mais ses yeux ne cessaient de revenir sur le visage de Potter qui semblait à la fois perdu et furieux.

WEASLEY EST NOTRE ROI WEASLEY EST NOTRE ROI...

Nulle part il n’avait vu trace du Vif d’or. Comme lui, Potter décrivait à nouveau des cercles autour du terrain, dans la direction opposée. Pour l'agacer plus encore, Drago se mit lui aussi à chanter à pleins poumons :

WEASLEY EST NÉ DANS UN TROU À RATS...

-... Warrington reprend le Souafle, s’écria Lee, il passe à Pucey, Pucey évite Spinnet, vas-y, Angelina, tu peux l’arrêter ! Non, finalement, tu ne peux pas. Mais voilà un très beau Cognard de Fred Weasley, non, c’est George, oh, peu importe, un des deux en tout cas, et Warrington lâche le Souafle repris par Katie Bell... heu... qui le lâche aussi... Et c’est Montague qui le récupère, le capitaine des Serpentard en possession du Souafle remonte le terrain, allez, Gryffondor, il faut le bloquer !
Même le gardien de Serpentard chantait avec la foule :

WEASLEY EST UN GRAND MALADROIT

-Et Pucey évite une nouvelle fois Alicia, il fonce droit vers les buts, arrête-le, Ron !
Drago n’eut pas besoin de regarder pour savoir ce qui s’était produit : il entendit du côté des Gryffondor une terrible plainte qui se mêla aux cris et aux applaudissements des Serpentard.

VOILÀ POURQUOI
LES SERPENTARD CHANTENT AVEC JOIE WEASLEY EST NOTRE ROI

Weasley encaissa encore deux autres buts.
-Katie Bell de Gryffondor évite Pucey, contourne Montague, beau virage, Katie, et passe à Johnson qui file vers les buts, vas-y Angelina ! GRYFFONDOR MARQUE ! Quarante-dix, quarante-dix en faveur de Serpentard et c’est Pucey qui reprend le Souafle...
Drago entendit le lion ridicule que l'étrange Serdaigle blonde portait sur la tête rugir parmi les acclamations de Gryffondor.
-Pucey passe à Warrington qui passe à Montague, Montague repasse à Pucey, Johnson intercepte, Johnson prend le Souafle, passe à Bell, tout ça se présente très bien... non, très mal... Bell est frappée par un Cognard envoyé par Goyle, de Serpentard, et c’est Pucey qui reprend possession du Souafle...

WEASLEY EST NÉ DANS UN TROU À RATS
IL LAISSE LE SOUAFLE ENTRER TOUT DROIT
GRÂCE À LUI, C’EST SÛR, ON GAGNERA...

Mais Drago venait enfin de le voir : le minuscule Vif d’or voletait à quelques dizaines de centimètres du sol, du côté des Serpentard.
Il plongea aussitôt... mais un peu trop tard, Potter l'avait vu avant lui et se dirigeait déjà droit dessus, avec une avance considérable. Le Vif d’or contourna le pied d’un des buts et fila de l’autre côté des tribunes. Son changement de direction arrangeait Drago qui se trouvait maintenant plus près. Potter vira sur son Éclair de feu, Drago et lui étaient maintenant côte à côte...
Arrivé tout près du sol, Potter tendit sa main droite vers le Vif d’or... À sa droite, le bras de Drago se tendit également, sa main cherchant à tâtons... Tout fut terminé en deux secondes, deux secondes haletantes, éperdues, tourbillonnantes... Les doigts de Potter se refermèrent sur la minuscule balle qui se débattait... Les ongles de Drago lui griffèrent la main, mais c’était sans espoir... Les supporters de Gryffondor hurlèrent leur joie...
BANG ! Un Cognard frappa Potter au creux des reins et l’éjecta de son balai. Il se trouvait à moins de deux mètres du sol après son plongeon vers le Vif d’or, mais le choc avait tout de même dû bien lui couper le souffle lorsqu’il atterrit en plein sur le dos, à la surface du sol gelé. Un coup de sifflet aigu de Madame Bibine annonça qu'elle n'avait pas loupé cette faute, elle fonçait en ce moment même sur Crabbe qui lui avait envoyé le Cognard au moment où il avait vu qu'il avait le Vif d’or.

Drago atterrit près de Potter qui venait de se relever. La déception de l'échec de sa stratégie pour favoriser la victoire des Serpentard laissait désormais place à une colère noire.
-Tu as réussi à sauver la peau de Weasley, hein ? dit-il à Potter. Je n’ai jamais vu un gardien aussi mauvais... Mais après tout, il est né dans un trou à rats... Ma chanson t’a plu, Potter ?
Potter ne répondit pas et se détourna pour aller à la rencontre des autres joueurs de Gryffondor qui atterrissaient un par un autour de lui, hurlant de joie et donnant des coups de poing dans le vide en signe de victoire. Ils étaient tous là, sauf Weasley qui était descendu de son balai au pied des buts et rentrait seul au vestiaire d’un pas accablé.
-On voulait écrire un autre couplet ! lança Drago tandis que les poursuiveuses serraient Potter dans leurs bras. Jaloux de leur accolade, de leur victoire, de leur amitié, Drago voyait de plus en plus rouge. Mais on n’a pas trouvé de rimes à « grosse et laide »... On aurait aimé chanter quelque chose sur sa mère, tu comprends ?
-Typique des mauvais joueurs, dit Johnson en le regardant d’un air dégoûté.
-On a également eu du mal à caser « pauvre type » dans les paroles... à propos de son père...
Les jumeaux Weasley venaient de réaliser de quoi parlait Drago. Au moment où ils s’apprêtaient à serrer la main de Potter, ils s’immobilisèrent soudain et regardèrent le blond.

-Laissez tomber, dit aussitôt Johnson en prenant Fred par le bras. Laisse, Fred, laisse-le s’égosiller, il est simplement hargneux parce qu’il a perdu, cette espèce de petit parvenu à la...

-Mais toi, tu aimes bien les Weasley, Potter ? reprit Drago d’un ton railleur. Tu passes même tes vacances avec eux, je crois ? Je me demande comment tu fais pour supporter l’odeur mais enfin, j’imagine que quand on a été élevé - si on peut employer ce mot-là - chez les Moldus, même le taudis des Weasley ne sent pas trop mauvais...
Potter ceintura George. Dans le même temps, il fallut les efforts combinés des trois poursuiveuses pour empêcher Fred de bondir sur Drago qui riait ouvertement. Il avait bien vérifié que Madame Bibine soit toujours occupée à sermonner Crabbe pour avoir jeté un Cognard après la fin du match. Mais sa manœuvre ne prenait pas, Potter n'avait pas encore perdu le contrôle... Il décida de tenter une dernière chose en s'éloignant et ajouta :
-Ou peut-être que tu te souviens de l’odeur que dégageait la maison de ta mère, Potter, et que la porcherie des Weasley te la rappelle.
Cette fois c'était la bonne. Potter lâcha George, et un instant plus tard, tous deux s’étaient précipités sur Drago. L'Elu semblait avoir complètement oublié que les professeurs les regardaient. Sans prendre le temps de sortir sa baguette magique, il frappa violemment Drago au ventre. Drago ouvrit des yeux ronds alors que le poing de Potter qui tenait encore le Vif d’or s’enfonça dans son estomac.
-Harry ! HARRY ! GEORGE ! NON !
Des voix de filles criaient, Drago hurlait de douleur, George lançait des jurons, des coups de sifflet retentissaient, la foule vociférait. Drago était perdu dans ce chaos environnant, dérouté par la douleur qu'il ressentait de toutes parts. Potter martelait de coups de poing chaque partie de son corps qu’il pouvait atteindre. Il n'avait jamais poussé Potter aussi loin dans son énervement et cela ne pourrait être sans conséquences... Ce fut seulement lorsque quelqu’un s’écria : « Impedimenta ! » que les assaillants de Drago furent projetés à terre loin de lui.
-Qu’est-ce qui vous prend ? s’exclama Madame Bibine tandis que Potter se relevait d’un bond et Drago se recroquevillait sur le sol, gémissant et pleurnichant, le nez en sang.
Apparemment, c’était elle qui lui avait jeté un maléfice d’Entrave. Elle tenait son sifflet d’une main et une baguette magique de l’autre, son balai abandonné par terre à quelques mètres de là. George avait une lèvre enflée, Fred était toujours retenu de force par les trois poursuiveuses de Gryffondor et Crabbe, resté un peu plus loin, caquetait comme un poulet.
-Je n’ai jamais vu un tel comportement, poursuivit Madame Bibine. Rentrez immédiatement au château, dans le bureau de votre directrice de maison ! Allez ! Dépêchez-vous !
Potter et George quittèrent le terrain à grandes enjambées sans dire un mot. Les hurlements et les quolibets de la foule les suivirent jusqu’à ce qu’ils atteignent le château. Aidé par Goyle, Drago se releva pour les regarder s'éloigner.

Le lendemain, lorsque la nouvelle de l'interdiction définitive de rejouer au Quidditch qu'Ombrage avait infligé à Potter et aux jumeaux Weasley tomba, Drago se donna un air à la fois fier et nonchalant, mais en réalité il n'en menait pas large. Son pêché mignon de voir Potter hors de lui était allé trop loin, et c'était sans nul doute ses tentatives d'énervement répétées qui l'avaient à force suffisamment poussé à bout pour qu'il en vienne à la violence physique. Drago avait senti qu'ils avaient véritablement atteint un point de non-retour à ce moment-là. Potter ne l'appréciait pas, et c'était un euphémisme, mais là il avait démontré une haine envers lui que Drago ne lui soupçonnait pas. L'envie de lui aire du mal qu'il avait lue dans les yeux verts avait marqué Drago. Mais il y avait autre chose qui le troublait. Bien que de nombreux points de son corps le faisaient désormais souffrir après que Potter l'ait fait roué de coups, il ne pouvait pas dire que leur proximité l'avait réellement dérangé. Comme quand à quelques occasions ils avaient volé côte à côte, Drago s'était senti électrisé à son contact, comme si une énergie s'insufflait en lui lorsqu'il était proche de Potter. Il n'aimait pas beaucoup cette idée, or il commençait à en arriver à un point où il lui devenait difficile de nier que Potter avait un certain effet sur lui... Leur haine mutuelle devait probablement jouer un grand rôle là dedans, mais Drago avait désormais quelques doutes sur le fait qu'il n'y ait que ça. Aussi, imaginer ce qu'avait dû ressentir Potter lorsqu'Ombrage avait posé sa sentence le minait. Potter devait être dévasté, en tout cas Drago le serait à sa place si on lui retirait définitivement la sensation de liberté que procurait le Quidditch, et il ne doutait pas que Potter soit encore plus passionné que lui pour ce sport... Drago redoutait un peu la réaction du Gryffondor la prochaine fois qu'ils seraient face-à-face, car après tout, en un sens il était responsable de cette sanction... Il eut beaucoup de mal à s'endormir ce soir là, ressentant une tristesse sourde qui lui serrait le cœur, bien qu'il n'acceptait pas trop l'idée que cette émotion puisse lui venir d'une quelconque empathie envers Potter. Il était certainement juste attristé à l'idée de ne plus pouvoir s'amuser à le torturer pendant les matchs de Quidditch comme avant, voilà tout.