Chapitre 29
Les choses se mettent à changer lorsqu'on devient préfet
L'été ne vint finalement pas avec autant de chamboulements que Drago l'avait espéré. Lucius lui avait dit d'être patient, car pour l'instant le Seigneur des Ténèbres comptait bien rester discret et profiter du cadeau que lui faisait le ministère de la Magie en niant haut et fort son retour. -Ecoute Drago, le Seigneur des Ténèbres ne veut pas attirer l’attention sur lui, expliqua Lucius. Son retour ne s’est... pas déroulé exactement comme il l’avait prévu... Potter n’était pas censé en réchapper. Personne, en dehors de nous, ses fidèles Mangemorts, ne devait savoir qu’il était revenu, mais Potter a malheureusement survécu et témoigné. La personne qu’il fallait à tout prix tenir dans l’ignorance était justement Dumbledore, or il l'a aussitôt prévenu. Mais rien n'est perdu, au contraire ! Tant que le ministère répète qu’il n’y a rien à craindre, il est difficile pour Dumbledore et ses proches de convaincre les gens que le Seigneur des Ténèbres est bel et bien de retour, surtout qu’ils n’ont pas du tout envie de le croire. Et comme le ministère s’appuie largement sur La Gazette du sorcier, ces « fausses rumeurs de Dumbledore » ne seront jamais rendues publiques. Si bien que la plupart des lecteurs ne se doutent de rien, ce qui en fait des cibles faciles pour nous si nous souhaitons utiliser le sortilège de l’Imperium et les contrôler. C'est tout ce qu'il faut que tu saches pour l'instant, alors ne pose pas plus de questions, et ne t'en fais pas. Ton tour viendra aussi, et je suis sûr qu'à ta façon tu pourras également servir notre Maître et le rendre fier de ton appartenance à la famille Malefoy ! Pour l'instant, continue ton cursus à Poudlard, accumule du savoir et des compétences que tu pourras mettre à son service, et guette les opportunités de te rendre utile, tout en restant extrêmement discret. Lucius martela cette dernière phrase. Drago remarqua néanmoins que sa mère avait hoché la tête tant que son père parlait de son apprentissage à l'école, mais plus du tout lorsqu'il avait suggéré qu'il se mette au service du Lord. Peut-être avait-elle moins hâte que Lucius de le voir rejoindre ses rangs. Après tout, elle n'était pas une vraie Mangemort, et elle n'avait pas la marque... Leur discussion fut interrompue par l'arrivée du courrier. Lorsque Drago ouvrit la lettre de Poudlard qui lui était destinée, unobjet vert et argent tomba dans sa paume... Le silence se fit dans la cuisine, tous contemplaient l’insigne entre les doigts de Drago pendant un bon moment comme pour en confirmer son authenticité. Un grand P était inscrit sur le serpent de Serpentard. Drago avait été choisi pour être le préfet des Serpentard. Il y eut une sorte d'explosion de joie dans la cuisine des Malefoy - totalement contraire à leurs habitudes. Drago, surpris, vit sa mère cacher un grand sourire derrière ses mains qu'elle plaquait sur sa bouche, et ses yeux soudain vifs et rieurs étaient humides. Son père eut un éclat de fierté dans son regard et serra de sa main l'épaule de Drago en lui murmurant « Félicitations fils ! ». S'en était presque trop pour Drago qui se sentit tout à coup très ému. Les choses revinrent vite à la normale, et rapidement chacun retourna vaquer à ses occupations dans le Manoir, mais Drago savait qu'il retiendrai cette matinée dans la cuisine avec ses parents pour toujours.
Un peu plus tard durant les vacances, Lucius raconta à son fils qu'il avait croisé Potter au Ministère de la Magie lors d'une audience pour infraction à la Restriction de l’usage de la magie chez les sorciers de premier cycle. Sa scolarité à Poudlard avait été menacée, mais comme toujours l'Elu s'en était sorti. Drago n'osa pas lui dire que cette nouvelle le soulageait, car il n'envisageait pas de retrouver Poudlard sans Potter qui, aussi agaçant, ridicule, ou même Gryffondor soit-il, faisait désormais partie du quotidien de Drago à l'école. Or ce quotidien là était plutôt agréable, et Drago était assez impatient de le retrouver à la rentrée.
Sur la voie 9 ¾, le Poudlard Express était là, crachant des panaches de vapeur noire au-dessus de la foule des élèves et de leurs familles qui se pressaient dans l’attente du départ. Drago respira l’odeur familière du train et son humeur n'en fut qu'améliorée. Il retournait à Poudlard... Mais cette fois, le voyage allait se passer différemment pour Drago, qui était censé aller dans le wagon réservé aux préfets, au moins pour une partie du trajet. Toujours sur le quai, il expliquait pour la troisième fois à Crabbe et Goyle que, non il ne chercherait pas de compartiment avec eux comme d'habitude, mais qu'ils avaient intérêt à en choisir un convenable et à lui garder une place car il viendrait les rejoindre plus tard. Soudain, son attention fut attirée par une exclamation de Lee Jordan. -Il est beau, ton chien, Harry ! -Merci, Lee, répondit Potter avec un sourire tandis que devant lui un gros chien noir remuait frénétiquement la queue. Etrange... A ce qu'il sache Potter n'avait pas de chien... Une discussion de cheminée qu'il avait espionnée entre son père et l'horrible individu qui répondait au nom de Queudver lui revint alors en tête. Sirius Black était un Animagus qui pouvait prendre la forme d'un chien. Or Black était le parrain de Potter et l'attitude de Rogue à l'égard du binoclard en fin de troisième année avait laissé comprendre que ce dernier était impliqué dans l'évasion de Black à Poudlard... Et si... Non, ils ne seraient probablement pas suffisamment stupides pour laisser sortir Black sous cette forme alors que le camp adverse avait cette information au sujet de ses capacités de métamorphose... Un bref instant, vint renforcer son hypothèse : le gros chien noir se dressa sur ses pattes de derrière et posa celles de devant sur les épaules de Potter, avant qu'il ne soit prestement poussé vers le train par Mrs Weasley. Drago faillit se tourner vers son père pour lui confier ses réflexions mais en voyant le sourire de Potter qui n'avait toujours pas quitté son visage, il changea d'avis. Il allait plutôt prévenir Potter. Mais pour l'instant, il s'agissait avant tout d'embarquer et d'aller remplir son rôle de préfet ! Il était le premier à s'installer dans le compartiment qui leur était réservé, et il eut vite la bonne surprise d'être rejoint par Pansy, toute excitée. Anthony Goldstein et Padma Patil de Serdaigle les rejoignirent aussi, Drago apprécia qu'eux aussi soient venus en avance, puis Ernie Macmillan et Hannah Abbot de Poufsouffle virent compléter le compartiment. Bons derniers, les Gryffondor finirent par pointer leur nez, et comme prévu il s'agissait de Granger, mais au lieu de Potter elle était accompagné par... RONALD WEASLEY ?! En quel honneur Weasley était-il le meilleur choix pour être préfet ?! En plus, avec tout ce qui avait été publié au sujet de leur santé mentale cet été dans la presse, Dumbledore aurait mieux fait de désigner Potter, ne serait-ce que pour lui témoigner son soutien. Drago cacha sa surprise derrière un masque de mépris total envers le rouquin. Il le garda le reste du trajet alors que les deux préfets en chef leur expliquaient leurs rôles et leurs responsabilités. Il cachait très bien l'excitation qu'il ressentait à l'idée d'avoir un rang officiellement supérieur aux élèves de son année et à ceux des années inférieures. Encore plus jouissif et inattendu : supérieur à Potter !
Après qu'ils aient été libérés de la réunion et qu'il eut rejoint Crabbe et Goyle, Drago décida d'aller narguer son vieil ennemi qui n'avait pas reçu le titre prestigieux de préfet. Lorsqu'il ouvrit la porte de son compartiment, Drago fut immédiatement reçu avec un ton agressif avant même qu'il n'ait pu ouvrir la bouche. -Qu’est-ce que tu veux ? lança Potter -Poli, Potter, sinon je serai obligé de te donner une retenue, dit Drago de sa voix traînante. Tu vois, contrairement à toi, j’ai été nommé préfet, ce qui signifie que, contrairement à toi, j’ai le pouvoir de distribuer des punitions. -C’est ça, répliqua Potter, mais toi, contrairement à moi, tu es un crétin alors sors d’ici et fiche-nous la paix. Weasley, Granger, Weasley-femelle et Londubat éclatèrent de rire. Drago pinça les lèvres. -Dis-moi, Potter, quel effet ça fait de se retrouver deuxième derrière Weasley ? demanda-t-il. -Ferme-la, Malefoy, répondit Granger d’un ton sec. -Tiens, on dirait que j’ai touché un point sensible, commenta Drago avec un sourire narquois. En tout cas, fais attention à toi, Potter, parce que je vais te suivre à la trace, comme un chien, et si jamais tu fais un pas de travers... -Fiche le camp ! ordonna Granger en se levant. Toujours ricanant, Drago lança à Potter un dernier regard et s’en alla, suivi de Crabbe et de Goyle. Granger claqua la porte du compartiment derrière eux. Il espérait qu'après cela, Potter aurait bien reçu son avertissement.
En arrivant à Poudlard, Drago prit immédiatement avantage de son nouveau titre, et avec Crabbe, Goyle et Pansy, ils écartèrent de leur chemin des deuxième année à l’air timide pour qu'ils puissent disposer d’une diligence à eux tout seuls. Il entendit vaguement Granger lui hurler dessus quelque chose du genre « à peine trois minutes que tu as ton insigne et tu en profites déjà pour brutaliser les autres encore plus que d’habitude ?! » mais il l'occulta vite pour s'installer confortablement dans leur diligence privée. Dans la Grande Salle, alors qu'il jetait un coup d'oeil au professeur Dumbledore, vêtu d’une robe pourpre parsemée d’étoiles argentées et coiffé d’un chapeau assorti, Drago vit une une sorcière aux mines de vieille tante célibataire assise à la table des professeurs. Elle était trapue, avec des cheveux courts et bouclés d’une teinte châtain clair dans lesquels elle avait glissé un horrible bandeau rose, assorti à son cardigan de laine pelucheuse, également rose, qu’elle portait par-dessus sa robe. Elle avait un peu une tête de crapaud blafard avec ses deux gros yeux soulignés de cernes. Drago reconnut Dolores Ombrage dont son père lui avait parlé, puisqu'elle travaillait avec le Ministre de la Magie, Cornélius Fudge. Comme d'ordinaire, la déchirure qui traversait l’étoffe du Choixpeau Magique, juste au-dessus du bord, s’ouvrit alors largement et il chanta sa chanson :
Aux temps anciens lorsque j’étais tout neuf Et que Poudlard sortait à pein’ de l’œuf Les fondateurs de notre noble école De l’unité avaient fait leur symbole Rassemblés par la même passion Ils avaient tous les quatre l’ambition De répandre leur savoir à la ronde Dans l’école la plus belle du monde « Ensemble bâtissons et instruisons ! » Décidèrent les quatre compagnons Sans jamais se douter qu’un jour viendrait Où la destinée les séparerait. Toujours amis à la vie à la mort Tels étaient Serpentard et Gryffondor Toujours amies jusqu’à leur dernier souffle Telles étaient aussi Serdaigle et Poufsouffle. Comment alors peut-on s’imaginer Que pareille amitié vienne à sombrer ? J’en fus témoin et je peux de mémoire Vous raconter la très pénible histoire. Serpentard disait : « Il faut enseigner Aux descendants des plus nobles lignées », Serdaigle disait : « Donnons la culture À ceux qui ont l’intelligence sûre », Gryffondor disait : « Tout apprentissage Ira d’abord aux enfants du courage », Poufsouffle disait : « Je veux l’équité Tous mes élèves sont à égalité. » Lorsqu’apparurent ces quelques divergences Elles n’eurent d’abord aucune conséquence Car chacun ayant sa propre maison Pouvait enseigner selon sa façon Et choisir des disciples à sa mesure. Ainsi Serpentard voulait un sang pur Chez les sorciers de son académie Et qu’ils aient comme lui ruse et rouerie. Seuls les esprits parmi les plus sagaces Pouvaient de Serdaigle entrer dans la classe Tandis que les plus braves des trompe-la-mort Allaient tous chez le hardi Gryffondor. La bonn’ Poufsouffl’ prenait ceux qui restaient Pour leur enseigner tout ce qu’ell’ savait. Ainsi les maisons et leurs fondateurs Connurent de l’amitié la valeur. Poudlard vécut alors en harmonie De longues années libres de soucis. Mais parmi nous la discorde grandit Nourrie de nos peurs et de nos folies. Les maisons qui comme quatre piliers Soutenaient notre école et ses alliés S’opposèrent bientôt à grand fracas Chacune voulant imposer sa loi. Il fut un temps où l’école parut Tout près de sa fin, à jamais perdue. Ce n’étaient partout que duels et conflits Les amis dressés contre les amis Si bien qu’un matin le vieux Serpentard Estima venue l’heur’ de son départ. Et bien que l’on vit cesser les combats Il laissait nos cœurs en grand désarroi. Et depuis que les quatre fondateurs Furent réduits à trois pour leur malheur Jamais plus les maisons ne fur’nt unies Comme ell’s l’étaient au début de leur vie. Maintenant le Choixpeau magique est là Et vous connaissez tous le résultat : Je vous répartis dans les quatr’ maisons Puisque l’on m’a confié cette mission. Mais cette année je vais en dir’ plus long Ouvrez bien vos oreilles à ma chanson : Bien que condamné à vous séparer Je ne peux pas m’empêcher de douter Il me faut accomplir ma destinée Qui est de vous répartir chaque année Mais je crains que ce devoir aujourd’hui N’entraîne cette fin qui m’horrifie Voyez les dangers, lisez les présages Que nous montrent l’histoire et ses ravages Car notre Poudlard est en grand péril Devant des forces puissantes et hostiles Et nous devons tous nous unir en elle Pour échapper à la chute mortelle Soyez avertis et prenez conscience La répartition maintenant commence.
Le chapeau redevint immobile et la salle éclata en applaudissements. Mais pour la première fois, autant que Drago pouvait s’en souvenir, ils furent accompagnés de murmures et de marmonnements divers.
A la fin du repas, alors que Dumbledore s'était lancé dans son habituel discours de début d'année, il s’interrompit soudain en lançant un regard interrogateur au professeur Ombrage. Comme celle-ci n’était pas beaucoup plus grande debout qu’assise, il y eut un moment d’incertitude au cours duquel personne ne comprit pourquoi Dumbledore s’était tu. Le professeur Ombrage s’éclaircit alors la gorge - Hum, hum - et il devint manifeste qu’elle s’était levée avec l’intention de faire un discours. Pendant un bref instant, Dumbledore parut pris au dépourvu, puis il se rassit avec élégance et regarda le professeur Ombrage d’un air intéressé comme si rien ne pouvait lui procurer plus grand plaisir que de l’écouter parler. D’autres membres du corps enseignant ne se montrèrent pas aussi habiles à cacher leur surprise. Les sourcils du professeur Chourave se levèrent si haut qu’ils disparurent derrière ses mèches rebelles et les lèvres du professeur McGonagall se pincèrent. Jusqu’à présent, aucun nouvel enseignant ne s’était jamais permis d’interrompre Dumbledore. De nombreux élèves affichaient un sourire narquois ; de toute évidence, cette femme ignorait les traditions de Poudlard. Avec sa voix de petite fille, haut perchée et un peu voilée, elle se lança dans un discours minaudant, s'adressant aux élèves comme s'ils étaient des enfants de cinq ans. Drago s’aperçut que l'attention collective avait tendance à faiblir, le silence qui accompagnait habituellement les discours de Dumbledore était à présent rompu par les chuchotements et les rires étouffés des élèves penchés les uns vers les autres, mais le professeur Ombrage ne semblait pas remarquer l’agitation de la salle. Une émeute aurait pu éclater sous son nez sans qu’elle renonce pour autant à ânonner son discours jusqu’à la fin. Les autres professeurs, en revanche, l’écoutaient très attentivement et seule Granger avait l’air de boire chacune de ses paroles même si, à en juger par son expression, elles n’étaient pas du tout de son goût. Drago lui aussi suivait tout ce qu'elle leur disait, et lorsqu'elle eut enfin fini, il n'en retenait qu'une chose : le ministère avait décidé d’intervenir dans les affaires de Poudlard. Il comptait donc bien observer attentivement cette nouvelle enseignante et tout ce qu'elle apporterai avec elle.
Dès ce début d'année, Drago remarqua vite un changement dans le comportement des élèves à l'égard de Potter. Beaucoup semblaient croire la Gazette du sorcier (ou peut-être juste leurs parents) à son sujet et au sujet de Dumbledore, et le traitaient comme fou, voire dangereux. Si Drago était ravi d'avoir posé les bases de ces rumeurs dans les articles sur lesquels il avait assisté Rita Skeeter, le comportement collectif de l'école l'agaçait un peu. Non seulement étaient-ils particulièrement naïfs à croire ainsi mot pour mot la presse sans se poser de questions, mais surtout il y avait déjà assez eu de changements dans l'opinion publique au sujet de Potter, et Drago était fatigué de ces switch incessants. Aimez ou détestez Potter mais choisissez ! Depuis leur première année, le reste des élèves de l'école avaient déjà changé d'avis à son sujet une bonne quinzaine de fois. Si Drago avait souvent été agacé de voir Potter au centre de l'attention de tous, il le plaignait désormais presque : face à tous ces revirement d'opinions, il y avait de quoi devenir fou. |