Chapitre 7
Conflits et créatures en tout genre
Le matin du match de Quidditch Gryffondor-Pouffsoufle, Drago s'impatientait de voir Rogue défavoriser largement la maison rouge et or puisqu'il arbitrait le jeu. Quelle ne fut pas sa déception en apercevant la barbe argentée de Dumbledore parmi les professeurs présents. Nom d'un chaudron ! Rogue n'oserait malheureusement jamais faire du tort à l'équipe de Potter sous les yeux du directeur. Agacé, il chercha du regard un potentiel défouloir, jusqu'à ce qu'une vive tâche de couleur orangée l'interpelle. Weasley, parfait ! Il s'approcha discrètement pour venir le frapper derrière la tête. -Aie ! -Désolé, Weasley, dit-il, je ne t'avais pas vu. Drago adressa un large sourire à Crabbe et à Goyle. -Je me demande combien de temps Potter va réussir à rester sur son balai, reprit-il. Quelqu'un veut parier ? A ton avis, Weasley ? Pour l'instant sa manœuvre ne prenait pas trop, Weasley ne lui répondait pas et Granger à côté de lui regardait fixement Potter qui tournoyait comme un faucon au-dessus du terrain, à la recherche du Vif d'or. -Vous savez comment ils choisissent leurs joueurs dans l'équipe de Gryffondor ? reprit Drago, alors que Rogue accordait aux Poufsouffle un second penalty injustifié. Ils vont chercher les gens qui leur font pitié. Par exemple, ils ont pris Potter parce qu'il n'a pas de parents, les Weasley parce qu'ils n'ont pas d'argent et ils vont sûrement prendre Neville Londubat parce qu'il n'a pas de cerveau. Ce dernier devint écarlate et se retourna pour faire face à Drago. -Je vaux douze fois mieux que toi, Malefoy, balbutia-t-il. Drago, Crabbe et Goyle éclatèrent d'un rire tonitruant. D'où cet éclat de courage lui venait-il tout d'un coup ?! -Bien dit, Neville, approuva Weasley, toujours sans quitter le match des yeux. -Si le cerveau était en or, tu serais encore plus pauvre que Weasley, ce qui n'est pas peu dire, lança Drago, vexé. -Je te préviens, Malefoy, dit Weasley, un mot de plus et... -Ron ! s'exclama Granger. Harry ! -Quoi ? Où ? Drago ne put s'en empêcher, levant les yeux vers l'attrapeur des Gryffondor, il le vit amorcer une spectaculaire descente en piqué qui provoqua des exclamations angoissées et des cris d'enthousiasme parmi la foule. Granger se leva en portant ses doigts croisés à sa bouche tandis que Potter fonçait vers le sol à la vitesse d'un boulet. Se détournant de cet acte suicidaire de cet abruti de Gryffondor qui cherchait toujours à faire son intéressant, Drago continua à tenter de pousser Weasley à bout de nerfs : -Tu as de la chance, Weasley. Potter a dû voir une pièce de monnaie par terre. Cette fois il avait touché juste, Weasley bondit comme un ressort. Avant que Drago ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, Weasley l'avait jeté à terre et le maintenait immobilisé. Du coin de l'œil, il vit Londubat hésiter un instant avant d'enjamber le dossier de son banc pour prêter main-forte au rouquin. -Vas-y, Harry ! hurla Granger en sautant sur place, sans même se rendre compte que Drago et Weasley avaient roulé sous son banc et que Neville était aux prises avec Crabbe et Goyle dans un tourbillon de poings et de pieds. Cette situation semblait totalement surréaliste aux yeux de Drago, qui ne savait pourtant pas comment s'en défaire. Pris dans la bagarre, Drago ne vit pas la fin de match, mais lorsqu'il entendit d'un coup la foule hurler d'enthousiasme, il pensa que c'était sûrement un record car personne n'avait jamais vu un joueur attraper le Vif d'or aussi rapidement. Il ressentit d'un coup une douleur vive au dessus de son œil droit, puis des bras le tirèrent en arrière, l'arrachant à Weasley. De ce qu'il réussit à voir de la situation, Londubat était dans les pommes lorsqu'une dizaine de Gryffondor avaient saisi Crabbe et Goyle pour leur faire lâcher prise. Son visage le faisait tant souffrir qu'il redoutait y voir apparaître un œil au beurre noir après ce combat. D'un geste, il fit comprendre à ses gros bras d'arrêter de se débattre et de quitter le terrain de Quidditch avec lui. Somme toute, ces deux premiers matchs n'avaient pas eu tendance à tourner en faveur de la maison Serpentard.
Quelques jours plus tard, Drago cherchait toujours comment se venger de Weasley après leur altercation du match. L'occasion lui fut donnée lorsqu'il aperçut la chouette blanche de Potter plonger vers l'inséparable trio un matin au petit déjeuner. Potter recevait rarement du courrier, cela attisa donc la curiosité du jeune Serpentard. Pendant que Potter lisait le message, Drago s'approcha de leur table à temps pour entendre Granger répondre à Weasley : -On a un cours, ce n'est pas le moment de nous attirer des ennuis. Et ce ne sera rien comparé à ceux qu'aura Hagrid quand quelqu'un finira par s'apercevoir de ce qu'il fait... -Tais-toi ! l'interrompit Potter. Il venait de remarquer que Drago s'était arrêté net pour écouter ce qu'ils disaient. En s'éloignant, Drago prit bien soin de plaquer une expression sournoise sur son visage qui renforcerait sans nulle doute le malaise de Potter. Ainsi, le garde-chasse faisait quelque chose qu'il n'était pas sensé faire... Drago comptait bien découvrir de quoi il s'agissait. Il hésita à impliquer ses deux acolytes habituels, avant de décider que non, il pouvait très bien se débrouiller seul sur ce coup là. De plus, ses deux balourds n'étaient pas les partenaires idéaux lorsqu'il s'agissait de ne pas se faire remarquer.
Le soir même, Drago sortit discrètement du château et se rendit dans le parc. Il en était arrivé à la conclusion que, si les trois Gryffondor n'avaient pas pu rendre visite à Hagrid ce jour là, ils iraient sans doute le voir ce soir. Potter et ses amis ne semblaient pas témoigner le plus grand respect envers le règlement de l'école, ni avoir le moindre scrupule à sortir se promener la nuit. Au pire s'ils n'y étaient pas, Drago rentrerait vite dans son dortoir, mais aurait au moins essayé de découvrir ce qu'ils mijotaient. Ses déductions s’avérèrent pourtant correctes, en approchant de la cabane du garde-chasse il entendit plusieurs éclats de voix, prouvant bien qu'Hagrid n'était pas seul chez lui. Dressé sur la pointe des pieds, Drago colla son nez pointu à la fenêtre crasseuse pour mieux voir ce qu'il se passait à l'intérieur. Le gardien des clés démesuré, le binoclard, le traître à son sang et la touffe de cheveux étaient tous les quatre penchés vers la table en bois, regardant intensément quelque chose qui était posé dessus. Se concentrant alors sur cet objet, Drago sentit ses cheveux, pourtant soigneusement plaqués en arrière, se dresser sur son crâne. UN OEUF DE DRAGON ?! Étaient-ils donc tous fous dans cette école ?! Pire que tout, l'oeuf remuait... Presque aussitôt, il y eut un craquement, la coquille s'ouvrit en deux et le bébé dragon s'avança sur la table d'une démarche pataude. Il n'était pas vraiment beau à voir. Ses ailes hérissées de pointes étaient énormes, comparées à son corps grêle d'un noir de jais. Il avait un long museau avec de grandes narines, des cornes naissantes et de gros yeux orange et globuleux. Le dragon éternua et de petites étincelles jaillirent de son museau. Horrifié, Drago entendit Hagrid murmurer quelque chose d'un air beaucoup trop ému pour quelqu'un qui se trouvait si proche d'une créature aussi hideuse. Drago le vit tendre la main (cet inconscient souhaitait-il le caresser ?!) mais le dragon claqua des mâchoires en montrant de petits crocs pointus. Alors qu'Hagrid poussait une exclamation joyeuse, Drago se dit qu'à sa place il serait déjà parti en courant depuis longtemps. D'ailleurs, il était sans doute temps de retourner au château, il en avait suffisamment vu pour tous leur attirer beaucoup d'ennuis, mais ses jambes ne semblaient plus lui répondre et il resta figé sur place derrière le carreau. Soudain, Hagrid se leva d'un bond et se précipita vers la fenêtre. Cela sortit enfin Drago de sa torpeur et il s'enfuit vers le château. Alors qu'il courait aussi vite que possible, il entendit la porte de la cabane s'ouvrir et comprit qu'il avait été repéré, et sans nul doute identifié. Ainsi Potter savait qu'il avait vu le dragon.
Le lendemain, il décida tout de même de tourner cette situation à son avantage, bien qu'il essayait encore de décider à qui il souhaitait causer les plus gros ennuis, entre Potter et son garde-chasse favori. Dans les jours qui suivirent, le sourire narquois qui se dessinait sans cesse sur son visage avait pour seul but de mettre le trio très mal à l'aise. Peu après, en apprenant que Weasley avait été envoyé à l'infirmerie, il décida d'aller lui rendre une petite visite destinée à augmenter encore plus son malaise. Après tout, c'était en voulant se venger de son œil au beurre noir qu'il s'était retrouvé dans cette situation savoureuse. Prétextant à Madame Pomfresh vouloir lui emprunter un livre, il passa une excellente demie heure à se moquer de Weasley, menaçant de révéler à Madame Pomfresh ce qui l'avait réellement mordu. Apparemment Weasley lui avait dit qu'il s'agissait d'une morsure de chien, ce qui était aussi hilarant que peu crédible. Pour s'assurer que l'infirmière ne suspecterait pas les véritables motivations de sa visite, Drago saisit le premier livre à sa portée sur la table de chevet du rouquin, lui lançant en partant qu'il le lui rendrait peut-être à leur prochain cours commun. Une fois de retour au dortoir, il feuilleta ledit livre d'un air absent et eut la surprise d'y trouver une lettre. A sa lecture, le sourire de Drago s'élargissait de plus en plus, car son contenu était pour lui aussi réjouissant que si Noël était arrivé en avance.
Cher Ron, Comment vas-tu ? Merci pour ta lettre. Je serais ravi de m'occuper du Norvégien à crête, mais ce ne sera pas facile de l'amener jusqu'ici. Le mieux, c'est de le confier à des amis à moi qui doivent venir me voir la semaine prochaine. Mais il ne faut pas qu'ils se fassent prendre à transporter un dragon. Pourriez-vous amener le dragon au sommet de la plus haute tour du château samedi à minuit ? Mes amis vous retrouveront à cet endroit et profiteront de l'obscurité pour emporter le dragon. Envoie-moi ta réponse le plus vite possible. Bises, Charlie
Ainsi, ils essayaient de se débarrasser du dragon. Connaissant leur stratégie exacte pour y parvenir, Drago pouvait désormais s'assurer qu'ils soient bel et bien pris sur le fait dans leur tentative. Lors du dîner, il prévint juste Crabbe et Goyle qu'il allait coincer Potter le soir-même et que celui-ci avait un dragon, mais leur ordonna tout de même de rester en dehors de tout cela.
Embusqué en bas de l'escalier de la tour d'astronomie, Drago était prêt à attraper Potter et tous ceux qui l'accompagneraient, comptant bien utiliser le maléfice du Bloque-jambes qu'il avait pratiqué sur Londubat. Malheureusement pour lui, avec ses cheveux blonds tellement clairs, sa cachette était moins discrète qu'il l'aurait espéré. Lorsqu'il vit le professeur McGonagall, vêtue d'une robe de chambre écossaise, les cheveux dans un filet, se figer au bout du couloir, regardant droit dans sa direction, il sut immédiatement qu'il allait avoir des ennuis. La directrice des Gryffondor fut sur lui en quelques grands pas et l'attrapa par l'oreille. -Vous aurez une retenue ! s'écria-t-elle. Et j'enlève vingt points à Serpentard. Se promener dans le château au milieu de la nuit, comment osez-vous ? -Vous ne comprenez pas, professeur. Harry Potter va arriver avec un dragon ! se défendit Drago. -Qu'est-ce que c'est que ces bêtises ? Comment pouvez-vous avoir l'audace de proférer de tels mensonges ? Venez, il va falloir que je parle de vous au professeur Rogue, Malefoy ! Effectivement, les répercutions de son escapade n'étaient pas moindres. Le professeur McGonagall retira cinquante points à la maison Serpentard et lui donna une retenue. Bien qu'elle semblait croire que Potter lui avait effectivement raconté une histoire à dormir debout au sujet d'un prétendu dragon pour l'attirer hors de son lit et lui créer des ennuis, cela n'atténua nullement la sévérité de sa punition, ni le malaise qui s'empara de Drago devant l'air déçu de son propre directeur de maison quand McGonagall convoqua Rogue pour tout lui expliquer. Le fait que Potter, Granger et Londubat (même si Drago ne voyait pas trop ce que le joufflu venait faire dans cette histoire) se soient fait prendre et aient reçu la même sanction que lui ne l'avait même pas réconforté. Seul le niveau de rubis extrêmement bas dans les sabliers géants qui comptabilisaient les points de chaque maison put lui redonner un peu de baume au cœur en vue de la retenue qui l'attendait le soir même.
Lorsque les trois Gryffondor arrivèrent enfin dans le hall d'entrée, Drago était déjà là depuis presque un quart d'heure avec Rusard. Cette petite quinzaine de minutes avait semblé interminable à Drago, car la compagnie du concierge marmonnant tous les sévices qu'il aurait préféré leur faire dans sa barbe n'avait rien de plaisant. Il allait vraiment falloir qu'il cesse d'arriver autant en avance partout. -Suivez-moi, dit Rusard en les conduisant au-dehors, une lampe à la main. Alors, vous y repenserez à deux fois, maintenant, avant de violer les règlements de l'école ? lança-t-il d'un ton narquois. Travailler dur et souffrir, c'est comme ça qu'on apprend le mieux, vous pouvez me croire. C'est dommage que les anciennes punitions n'aient plus cours, En ce temps-là, on vous suspendait au plafond par les poignets pendant quelques jours, j'ai toujours les chaînes dans mon bureau. Je les entretiens soigneusement au cas où on s'en servirait à nouveau. Allez, on y va. Rusard leur fit traverser le parc. La lune brillait, mais les nuages qui la masquaient par moments les plongeaient dans l'obscurité. Plus loin, on apercevait les fenêtres allumées de la cabane de Hagrid. Ils entendirent alors une voix crier: -C'est vous Rusard ? Dépêchez-vous, j'ai hâte de commencer ! En entendant la voix du garde-chasse, Drago se crispa, alors qu'au contraire Potter affichait clairement son soulagement sur son visage, mais Rusard s'empressa de le décevoir. -Vous vous imaginez peut-être que vous allez passer un peu de bon temps avec ce fainéant ? Détrompez-vous, jeunes gens. C'est dans la Forêt interdite que vous allez et ça m'étonnerait que vous soyez encore entiers quand vous en ressortirez. Neville émit un gémissement et Drago s'arrêta net. -La forêt ? dit-il d'un ton qui avait perdu sa morgue habituelle. On ne va quand même pas y aller en pleine nuit ! Il y a des tas de bestioles, là-dedans, même des loups-garous d'après ce qu'on m'a dit. -Il fallait penser aux loups-garous avant de faire des bêtises, lui répondit ce sadique de Rusard. Hagrid surgit de l'obscurité, un grand chien noir sur ses talons. Il avait à la main une grande arbalète et un carquois rempli de flèches en bandoulière. -C'est pas trop tôt, dit-il. Ça fait une demi-heure que j'attends. Ça va, Harry, Hermione ? Drago se vexa d'être traité comme invisible: que Londubat passe inaperçu, soit, mais pas lui ! -A votre place, je ne serais pas trop aimable avec eux, dit Rusard avec froideur. Ils sont ici pour être punis. -C'est pour ça que vous êtes en retard ? répliqua Hagrid en regardant Rusard d'un air mauvais. Vous leur avez fait la leçon, hein ? C'est pas dans vos attributions. Vous avez fait votre part, à partir d'ici, c'est moi qui m'en occupe. -Je reviendrai à l'aube, dit Rusard, pour récupérer ce qui restera d'eux. Et il retourna vers le château, éclairé par sa lampe qui se balançait dans l'obscurité. Drago se tourna vers Hagrid. -Je refuse d'aller dans cette forêt, dit-il, n'arrivant malheureusement pas à contrôler le tremblement de sa voix qui trahissait sa panique. -Il faudra bien y aller si tu veux rester à Poudlard, répliqua Hagrid d'un ton féroce. Tu as fait des idioties, il faut payer, maintenant. Drago se demanda cette soudaine férocité lui était personnellement destinée. Après tout, il avait joué un rôle dans le retrait du dragon des soins d'Hagrid, or celui-ci avait eu l'air tellement heureux lors de son éclosion... Néanmoins cela n'était plus le problème de Drago maintenant, et il comptait bien refuser tout net de se voir confier les mêmes tâches qu'un inférieur tel que ce garde chasse. -Il n'y a que les domestiques qui vont dans la forêt, pas les élèves, protesta-t-il. Je croyais qu'on allait nous faire copier des lignes, ou quelque chose dans ce goût-là. Si mon père apprenait qu'on m'oblige à... -C'est comme ça que ça se passe, à Poudlard, coupa Hagrid. Copier des lignes, et puis quoi encore ? A quoi c'est bon ? Ou bien tu fais quelque chose d'utile, ou bien tu es renvoyé. Si tu penses que ton père préfère que tu t'en ailles, tu n'as qu'à retourner au château et préparer ta valise. Allez, vas-y ! Drago ne bougea pas. Bien entendu il était coincé, il n'avait jamais réellement eut l'intention de se plaindre à son père, préférant que celui-ci évite d'apprendre qu'il avait enfreint le règlement. Il lança à Hagrid un regard furieux, puis il baissa les yeux. -Très bien, dit Hagrid, et maintenant écoutez-moi bien, tous les quatre, parce que c'est dangereux ce que nous allons faire cette nuit. Je ne veux pas que vous preniez des risques. Suivez-moi par là.
Il les amena à la lisière de la forêt, leva sa lampe et montra un étroit sentier qui serpentait parmi les gros arbres noirs. Une petite brise agitait leurs cheveux tandis qu'ils contemplaient la forêt. -Regardez, dit Hagrid, vous voyez cette chose argentée qui brille par terre ? C'est du sang de licorne. Il y a dans les environs une licorne qui a été gravement blessée par je ne sais quoi. C'est la deuxième fois cette semaine. J'en ai trouvé une morte mercredi dernier. On va essayer de retrouver cette malheureuse bestiole. Il faudra peut-être mettre fin à ses souffrances. -Et qu'est-ce qui se passe si le je-ne-sais-quoi qui a blessé la licorne nous trouve avant ? demanda Drago, encore une fois sans parvenir à dissimuler la terreur qui altérait sa voix. -Tant que tu seras avec moi et Crockdur, rien de ce qui vit dans cette forêt ne pourra te faire de mal, assura Hagrid. Ne vous écartez pas du chemin. Nous allons tout de suite nous séparer en deux groupes et suivre les traces dans des directions différentes. Il y a du sang partout, elle a dû errer dans tous les sens depuis la nuit dernière. -Je veux Crockdur avec moi, dit précipitamment Drago en regardant les longues dents du chien. Il avait étonnamment plus confiance en cette bestiole qu'en leur garde-chasse. Au moins, le chien lui ne se permettrait jamais de lui faire la morale comme venait de le faire Hagrid. -D'accord, mais je te préviens, c'est un trouillard, dit Hagrid. Alors, Harry, Hermione et moi, on va d'un côté, Drago, Neville et Crockdur de l'autre. Si l'un de nous trouve la licorne, il envoie des étincelles vertes, d'accord ? Sortez vos baguettes magiques et entraînez-vous dès maintenant. Voilà, très bien. Et si quelqu'un a des ennuis, il envoie des étincelles rouges pour que les autres viennent à son secours. Allons-y, maintenant, et faites bien attention. La forêt était noire et silencieuse. Un peu plus loin, ils atteignirent une bifurcation. Hagrid, Potter et Granger prirent le chemin de gauche, Drago, Londubat et Crockdur celui de droite.
Ils avancèrent sans bruit, les yeux rivés au sol. De temps à autre, un rayon de lune traversait les feuillages et faisait briller une tache de sang argenté sur les feuilles mortes. Drago tremblait comme une feuille sous sa cape. Pourtant il ne faisait pas si froid... Il remarqua du coin de l'oeil que Londubat aussi semblait terrifié. Il ne comprenait toujours pas ce que cet abruti faisait à Gryffondor. Lui-même avait peur, mais au moins il ne prétendait pas faire partie d'une maison qui rabâchait le mot « courage » à la moindre occasion. Il tendait l'oreille, à l'affût du moindre bruit, mais la forêt semblait regorger de sons en tout genres, il devenait donc difficile d'entendre s'il y avait effectivement dans cette forêt quelque chose qui ne devrait pas y être. Parfois, Drago avait l'impression que quelque chose rampait sur des feuilles mortes, comme un bruit de cape qui traînait sur le sol. Pour se distraire de sa terreur grandissant, Drago décida alors de faire une farce à Londubat, s’approchant sans bruit de lui pour le saisir par-derrière. Malheureusement, Neville avait immédiatement paniqué et envoyé des étincelles rouges. Ils furent très vite rejoint par le garde-chasse qui rentra dans une grande colère en comprenant ce qu'il s'était passé. Hagrid fulminait : -On aura de la chance si on attrape quelque chose, avec tout le raffut que vous avez fait. On va changer les groupes. Neville, tu restes avec moi et Hermione. Toi, Harry, tu vas avec Crockdur et cet imbécile. Drago l'entendit ensuite souffler à Potter : -Je suis désolé, mais toi, au moins, il n'arrivera pas à te faire peur. Drago partit donc en compagnie de Potter et de Crockdur. Ils marchèrent pendant plus d'une demi-heure. La forêt était de plus en plus épaisse à mesure qu'ils avançaient et le sentier devint presque impraticable. Les taches de sang étaient plus abondantes, il y en avait sur les racines d'un arbre, comme si la malheureuse créature s'était débattue, folle de douleur. Ils arrivèrent à proximité d'une clairière et Potter fit signe à Drago de s'arrêter. Il y avait quelque chose d'un blanc brillant sur le sol. Ils s'approchèrent prudemment. C'était bien la licorne. Elle était morte. Drago n'avait jamais rien vu d'aussi beau et d'aussi triste. Ses longues jambes minces s'étaient repliées dans sa chute et sa crinière étalée formait une tache gris perle sur les feuilles sombres. Potter, complètement inconscient, continua à s'avancer vers elle lorsqu'un bruissement le figea enfin sur place. Au bord de la clairière, un buisson frémit. Puis une silhouette encapuchonnée sortit de l'ombre et rampa sur le sol, comme une bête traquant un gibier. Drago, Potter et Crockdur étaient pétrifiés. La silhouette s'arrêta devant le cadavre de la licorne, pencha la tête sur le flanc déchiré de l'animal et commença à boire son sang. -AAAAAAAAAAAAAAAAARGH ! Drago laissa échapper un terrible hurlement et prit aussitôt la fuite, suivi de Crockdur. Il courait dans une direction au hasard, espérant s'éloigner le plus possible de l'horrible créature encapuchonnée qu'ils avaient croisé. Le vent sifflait dans ses oreilles et les branchages lui giflaient le visage. Essoufflé, il entendait les halètements rauques de Crockdur quelque part à sa droite, mais au bout de quelques instants il s'étonna de ne pas entendre également la respiration de Potter. Il jeta un coup d'oeil derrière son épaule et la surprise le stoppa net : le binoclard n'était pas derrière lui. Il s'est forcément enfui dans l'autre sens, se rassura Drago, il n'est tout de même pas assez stupide pour être resté face à cette horreur. Les quelques instants où il l'avait aperçue avaient suffit à Drago pour sentir que la silhouette était hautement maléfique. Quoi qu'il en soit, le Gryffondor n'était nulle part aux alentours, mais heureusement la créature non plus. Drago s'empressa donc d'envoyer des étincelles rouges en espérant que le garde-chasse les verrait au plus vite. Il attendit, serré contre Crockdur en frissonnant, sursautant au moindre bruit. Très peu de temps après, des éclats de voix lui signalèrent l'arrivée de Hagrid suivi de près par Granger et Londubat, et il se détacha hâtivement du grand chien, ne voulant pas qu'ils voient qu'il avait eu besoin de sa proximité réconfortante. Hagrid portait une expression fâchée sur son visage, croyant sans doute à une autre blague, qui fut vite place à de la stupeur lorsqu'il découvrit Drago, plus pâle que jamais, seul avec Crockdur. Il ouvrit la bouche pour l'interroger mais au même moment, des bruits de sabots se firent entendre un peu plus loin et Granger fonça bille en tête dans leur direction. Hagrid la suivit de près et Drago, Londubat et Crockdur leur coururent après tant bien que mal. -Harry ! Harry ! Tu n'es pas blessé ? criait la jeune sorcière. Hagrid la rejoignit en soufflant comme un buffle. -Ça va très bien, répondit Potter. Drago cligna plusieurs fois des yeux pour s'assurer que la frayeur qu'il venait d'avoir ne lui faisait pas avoir une hallucination. Potter chevauchait un centaure. UN CENTAURE ! Drago regarda alternativement le visage des autres sorciers, mais personne ne semblait se formaliser outre mesure de cet état de fait. Apparemment, il leur échappait à tous qu'il soit extrêmement rare - voire unique - qu'un centaure laisse un humain monter sur son dos, mais Drago avait suffisamment de connaissances sur les mœurs des créatures magiques pour savoir que cela n'avait vraiment rien d'habituel. Mais bon, soit, puisqu'il s'agissait de Potter, tout cela était parfaitement normal. Potter aurait pu donner naissance à une foutue licorne par son orifice nasal que tout le monde trouverait ça ordinaire. -La licorne est morte, Hagrid, dit Potter d'une voix triste. Elle est dans la clairière, là-bas. Le cœur de Drago se serra à nouveau tandis qu'il se remémorait l'image du corps brisé de cette sublime créature. -C'est ici que je te quitte, dit le centaure à Potter, tandis que Hagrid se précipitait vers la clairière. Tu es en sécurité, à présent. Potter se laissa glisser à terre. -Bonne chance, Harry Potter. Il arrive qu'on se trompe en lisant le destin dans les planètes. Même les centaures. J'espère que c'est le cas aujourd'hui. Il fit demi-tour et s'en alla dans les profondeurs de la forêt. Drago fixait Potter qui regardait le centaure s'éloigner en frissonnant.
Aussi ridicule soit-il la plupart du temps, ce binoclard se révélait parfois plutôt épatant... Ce qui était particulièrement agaçant. |